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06/03/2024 | FRANCE | N°23/05562

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 06 mars 2024, 23/05562


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître Vincent LOIR


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Laurence GUEGAN-GELINET

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/05562 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2IDI

N° MINUTE :
4/2024






ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 06 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [X] [P] épouse [K]
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Laurence GUEGAN-GELINET,avocat au barreau de PARIS,ve

stiaire B748

DÉFENDEURS
Monsieur [U] [D]
demeurant [Adresse 1]

Madame [I] [F] épouse [D]
demeurant [Adresse 1]

représentés par Maître Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître Vincent LOIR

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Laurence GUEGAN-GELINET

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/05562 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2IDI

N° MINUTE :
4/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 06 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [X] [P] épouse [K]
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Laurence GUEGAN-GELINET,avocat au barreau de PARIS,vestiaire B748

DÉFENDEURS
Monsieur [U] [D]
demeurant [Adresse 1]

Madame [I] [F] épouse [D]
demeurant [Adresse 1]

représentés par Maître Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS,vestiaire E 874

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Fairouz HAMMAOUI, Vice-présidente, juge des contentieux de la protectionassistée de Christopher LEPAGE, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 19 décembre 2023

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 06 mars 2024 par Fairouz HAMMAOUI, Vice-présidente, assistée de Christopher LEPAGE, Greffier

Décision du 06 mars 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/05562 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2IDI

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 23 mai 2007, Madame [X] [P] épouse [K] a consenti un bail d’habitation à Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] sur des locaux situés au [Adresse 1]), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 3250 euros et d’une provision pour charges de 250 euros.

Par actes de commissaire de justice du 31 août 2022, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 28261,11 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] le 2 septembre 2022.

Par assignations du 9 juin 2023, Madame [X] [P] épouse [K] a ensuite saisi en référé le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] et obtenir leur condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,56 625,53 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 1er mars 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer pour la somme de 28 261,11 euros et de l’assignation pour le surplus,1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 12 juin 2023, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l’audience, à laquelle il en a été donné lecture.

A l’audience du 06 octobre 2023, l’examen de l’affaire a été renvoyé, afin de permettre aux parties de se mettre en état.

À l'audience du 19 décembre 2023, Madame [X] [P] épouse [K] maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 1er décembre 2023, s'élève désormais à 94 297,16 euros. Madame [X] [P] épouse [K] considère enfin qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. S’agissant des arguments opposés en défense à propos des charges locatives, la bailleresse soutient que ces dernières sont exigibles et en justifie par la production des décomptes de charges pour les années 2020, 2021 et 2022, ainsi que par la production des avis de taxes foncières pour les années 2021, 2022 et 2023.

Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] exposent qu’ils se trouvent en difficulté financière par suite du ralentissement de l’activité professionnelle de Monsieur [D] depuis 2022.

Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] sollicitent la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] ont indiqué ne pas faire l’objet d’une telle procédure.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

Motifs de la décision

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

Sur la recevabilité de la demande
Madame [X] [P] épouse [K] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de deux mois avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié aux locataires le 31 août 2022. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 28 261,11 euros n’a pas été réglée par ces derniers dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire dont les conditions sont réunies depuis le 1er novembre 2022.

Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience et du diagnostic social et financier réalisé dans les conditions de l’article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, que les revenus du foyer de Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] leur permettent raisonnablement d’assumer le paiement d’une somme de 150 euros par mois en plus du loyer courant afin de régler leur dette.

Dans ces conditions, il convient de leur accorder des délais de paiement pour s’acquitter des sommes dues, selon les modalités prévues ci-après.

En revanche, Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] n’ont pas repris le paiement intégral du paiement du loyer avant l’audience.

Ces délais de paiement, nécessairement fondés sur les dispositions de l'article 1343-5 du code civil et non sur celles de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, ne pourront donc pas excéder deux ans ni avoir pour effet de suspendre la résiliation du bail.

Sur la dette locative

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, Madame [X] [P] épouse [K] verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 1er décembre 2023, Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] lui devaient la somme de 93 893,64 euros, soustraction faite des frais de procédure (94 297,16 –(145+258,52)).

S’agissant des charges locatives contestées par les époux [D], elles sont justifiées par les décomptes de charges pour les années 2020, 2021 et 2022, ainsi que par les avis de taxes foncières pour les années 2021, 2022 et 2023.

Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ces justificatifs et ce montant, ils seront solidairement condamnés, à titre provisoire, à payer la somme de 93 893,64 euros à la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2022 sur la somme de 28 261,11 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 28 364,42 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.

Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de cette somme en autorisant Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.

Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux des locataires ou de toute personne de leur chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Son montant sera provisoirement fixé au montant actuel du loyer et des charges,.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 1er novembre 2022, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à Madame [X] [P] épouse [K] ou à son mandataire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D], qui succombent à la cause, seront solidairement condamnés aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

En revanche, compte tenu de leur situation économique, il n'y a pas lieu de les condamner à une quelconque indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 31 août 2022 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 23 mai 2007 entre Madame [X] [P] épouse [K], d’une part, et Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1]) est résilié depuis le 1er novembre 2022,

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] au paiement à titre de provision à Madame [X] [P] épouse [K] d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 1er novembre 2022, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] à payer à Madame [X] [P] épouse [K] la somme de 93 893,64 euros (quatre-vingt-treize mille huit cent quatre-vingt-treize euros et soixante-quatre centimes) à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 1er décembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2022 sur la somme de 28261,11 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 28364,42 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,

AUTORISE Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] à se libérer de leur dette en réglant chaque mois pendant 24 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 150 euros (cent cinquante euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,

RAPPELLE qu’en cas d’impayé d’une mensualité, quinze jours après l’envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

ORDONNE à Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] de libérer de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, les lieux situés au [Adresse 1]) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

PROROGE de trois mois le délai prévu à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

DIT, en conséquence, que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de cinq mois suivant le commandement d’avoir à libérer les lieux,

RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,

DÉBOUTE Madame [X] [P] épouse [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [D] et Madame [I] [F] épouse [D] aux dépens comprenant notamment le coût des commandements de payer du 31 août 2022 et celui des assignations du 9 juin 2023.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024, et signé par la juge et le greffier susnommés.

Le Greffier La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/05562
Date de la décision : 06/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-06;23.05562 ?
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