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06/03/2024 | FRANCE | N°21/09699

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 06 mars 2024, 21/09699


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre



N° RG 21/09699
N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

N° MINUTE :




Assignation du :
21 Juillet 2021







JUGEMENT
rendu le 06 Mars 2024






DEMANDERESSE

La société SCI DU PALAIS
[Adresse 7]
[Localité 6]

Représentée par Maître Sandrine MAIRESSE, avocat plaidant, et par Maître Virginie FRENKIAN

SAMPIC de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0693

DÉFENDERESSE

La société BASTILLE 1789
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Maître Clément BELL...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 21/09699
N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

N° MINUTE :

Assignation du :
21 Juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 06 Mars 2024

DEMANDERESSE

La société SCI DU PALAIS
[Adresse 7]
[Localité 6]

Représentée par Maître Sandrine MAIRESSE, avocat plaidant, et par Maître Virginie FRENKIAN SAMPIC de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0693

DÉFENDERESSE

La société BASTILLE 1789
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Maître Clément BELLIN, avocat plaidant et par Maître Thibaud VIDAL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0056

Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 21/09699 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Sarah KLINOWSKI, Juge, statuant en juge unique.

assistée de Adélie LERESTIF, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 24 Janvier 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE

La société BASTILLE 1789, dont Monsieur [F] [X] est le gérant, est propriétaire d’un double box composé par les lots 2145 et 2146, situés au deuxième sous-sol de l’ensemble immobilier constituant une copropriété sise [Adresse 3], et a donné mandat à l’agence immobilier Century 21 de présenter ces deux lots de copropriété à la vente pour un prix de 132 500 euros.

Le 26 août 2020, Monsieur [H] [V], gérant de la SCI DU PALAIS, a visité le double box, en présence de Monsieur [F] [X] et de Madame [C] [T], conseillère immobilière de l’agence Century 21.

Par courriel du même jour, adressé à Madame [C] [T] et à Maître [F] [E], son notaire, il a confirmé son intérêt pour l’acquisition de ce double box moyennant le prix de 130 000 euros sous condition d’obtention d’un prêt d’un montant de 120 000 euros avant le 15 octobre 2020 en vue d’une réalisation de la vente avant le 31 décembre 2020.

Par courriel du 27 août 2020, Madame [C] [T] a transmis à Monsieur [F] [X] ainsi qu’à son notaire, Maître [L] [J], l’offre de Monsieur [H] [V] avec les coordonnées de son notaire, le mandat de vente, le Kbis de la SCI DU PALAIS et les documents d’identité de Monsieur [H] [V].

Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 21/09699 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

Des échanges sont intervenus entre l’agence Century 21, Monsieur [V], Maître [J] et Maître [E], si bien que par courriel du 5 octobre 2020, Maître [E] a adressé à Maître [J] le projet de promesse, sollicitant de sa part des pièces complémentaires.

Par courriel du 19 octobre 2020, Maître [J] a informé Maître [E] de ce que la société BASTILLE 1789 ne souhaitait plus vendre son double box.

Par courrier recommandé du 12 novembre 2020 retourné avec la mention « pli avisé et non retourné », la SCI DU PALAIS a, par le biais de son conseil, mis en demeure la société BASTILLE 1789 de signer la promesse de vente et de communiquer le procès-verbal d’assemblée générale donnant pouvoir à Monsieur [X] pour ce faire.

Par courrier officiel du 23 novembre 2020, le conseil de la société BASTILLE 1789 a indiqué que si Monsieur [X] « avait dans un premier temps envisagé d’accepter l’offre de Monsieur [V], cela n’a pas été le cas en définitive ».

En réponse, par courrier officiel du 24 novembre 2020, la SCI DU PALAIS, estimant que l’accord sur la chose et le prix était incontestable depuis le 26 août 2020 et conforté par l’échange de pièces entre les notaires, a proposé de verser la somme de 132 500 euros correspondant au prix du mandat de vente en cours sans condition suspensive relative à l’emprunt, offre d’achat que Monsieur [X] a remis en main propre le lendemain à l’agence Century 21.

En l’absence de retour de la société BASTILLE 1789, par courrier recommandé du 6 janvier 2021, la SCI DU PALAIS a mis en demeure l’agence Century 21 de répondre de ses obligations vis-à-vis de l’offre d’achat déposée.

En réponse, par courriel du 21 janvier 2021, Madame [T] a fait valoir que l’agence ne pouvait être tenue responsable de la rétractation du vendeur, ayant retiré son mandat de vente le 26 novembre 2020.

Soutenant qu’un accord était intervenu entre elle et la société BASTILLE 1789, représentée par Monsieur [X], portant sur la vente du double box susvisé, par l’intermédiaire de l’agence immobilière Century 21, à laquelle un mandat de vente avait été confié, la SCI DU PALAIS a fait assigner la société BASTILLE 1789 par exploit introductif d’instance du 21 juillet 2021 devant la présente juridiction aux fins essentielles de voir juger parfaite la vente à son profit.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, la SCI DU PALAIS sollicite du tribunal, au visa des articles 1112, 1583 et suivants et 1984 et suivants du code civil, de :
Débouter la société BASTILLE 1789 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;À titre principal,
Juger que la vente du double box composé par les lots 2145 et 2146, situés au deuxième sous-sol de l’ensemble immobilier constituant une copropriété sise [Adresse 3], cadastré section AS numéro [Cadastre 5], est parfaite au prix de 130.000,00 € par suite de l’accord intervenu entre la société SCI DU PALAIS et la société BASTILLE 1789 ;Juger que le jugement à intervenir entraînera vente au profit de la société SCI DU PALAIS concernant les droits et biens immobiliers consistant dans les lots n° 2145 et 2146, lesdits lots étant situés sur la commune de PARIS (4ème arrondissement) sis [Adresse 3], dans un ensemble immobilier à usage d'habitation résidentielle, figurant au cadastre de ladite commune sous les références section AS numéro [Cadastre 5] ;Désigner Monsieur le Président de la Chambre départementale des Notaires de [Localité 9] ou son délégataire pour dresser l'acte de vente au vu du jugement à intervenir ;Juger que le prix de cent trente mille euros (130.000 €) sera versé par la société SCI DU PALAIS en la comptabilité du notaire, chargé de dresser l'acte de vente ;Condamner sous astreinte de 100,00 € par jour et par document la société BASTILLE 1789 à communiquer à la société SCI DU PALAIS les documents suivants :La copie des plans des lots objet de la promesse,Le règlement de copropriété signé,L’état descriptif de division du lot volume 2,Les statuts de l’ASL,La déclaration d’achèvement des travaux et l’attestation de non-contestation,L’attestation d’assurance dommages-ouvrage ;À titre subsidiaire, si par extraordinaire, le Tribunal judiciaire considère que les éléments versés au débat ne permettent pas de conclure que la vente est parfaite au prix de 130.000,00 €, il convient de tirer toutes les conséquences de l’offre ferme d’achat de la société SCI DU PALAIS du prix de 132.500,00 € en date du 25 novembre 2020,
Juger que la vente du double box composé par les lots 2145 et 2146, situés au deuxième sous-sol de l’ensemble immobilier constituant une copropriété sis [Adresse 3], cadastré section AS numéro [Cadastre 5], est parfaite au prix de 132.500,00 € par suite de l’offre ferme d’achat pour le double box moyennant un prix de 132.500,00 € sans condition suspensive de la société SCI DU PALAIS du 25 novembre 2020 ;Juger que le jugement à intervenir entraînera vente au profit de la société SCI DU PALAIS concernant les droits et biens immobiliers consistant dans les lots n° 2145 et 2146, lesdits lots étant situés sur la commune de PARIS (4ème arrondissement) sis [Adresse 3], dans un ensemble immobilier à usage d'habitation résidentielle, figurant au cadastre de ladite commune sous les références section AS numéro [Cadastre 5] ;Désigner Monsieur le Président de la Chambre départementale des Notaires de [Localité 9] ou son délégataire pour dresser l'acte de vente au vu du jugement à intervenir ;Juger que le prix de cent trente-deux mille cinq cents euros (132.500 €) sera versé par la société SCI DU PALAIS en la comptabilité du notaire, chargé de dresser l'acte de vente ;Condamner sous astreinte de 100,00 € par jour et par document la société BASTILLE 1789 à communiquer à la société SCI DU PALAIS les documents suivants :La copie des plans des lots objet de la promesse,Le règlement de copropriété signé,L’état descriptif de division du lot volume 2,Les statuts de l’ASL,La déclaration d’achèvement des travaux et l’attestation de non-contestation,L’attestation d’assurance dommages-ouvrage ;Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 21/09699 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, le Tribunal judiciaire considère que les éléments versés au débat ne permettent pas de conclure à la vente du double box,
Juger que la rupture des pourparlers par Monsieur [X], gérant de la société BASTILLE 1789, est abusive et doit donner lieu à une réparation du préjudice subi par la société SCI DU PALAIS ;Condamner la société BASTILLE 1789 à payer à la société SCI DU PALAIS la somme de 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive en réparation de la perte de chance subie et les pertes de loyer générées ;En tout état de cause,
Condamner la société BASTILLE 1789 à payer à la société SCI DU PALAIS la somme mensuelle de 500,00 € du mois d’octobre 2020 jusqu’au jour où l’acte authentique translatif de propriété sera régularisé, soit la somme de 5.000,00 € arrêtée au mois de juillet 2021 sauf à parfaire ;Condamner la société BASTILLE 1789 à payer à la société SCI DU PALAIS la somme de 5.000,00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner la société BASTILLE 1789 en tous les dépens, en ce compris les frais de publicité de l’assignation, avec bénéfice de distraction au profit de Maître Virginie FRENKIAN, Avocat constitué, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;Prononcer l’exécution provisoire du présent jugement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 décembre 2022, la société BASTILLE 1789, au visa des articles 9, 15, 16 et 135 du code de procédure civile et des articles 1113, 1114, 1118, 1120, 1583, 1984 et 1988 du code civil, demande au tribunal de :
A titre principal,
Débouter la SCI DU PALAIS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; A titre subsidiaire, si tant est que le Tribunal de céans doive faire droit, même partiellement, aux demandes de la SCI DU PALAIS, il conviendra alors de :
Dire et juger que l’exécution provisoire est incompatible avec la nature de l’affaire et écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;En tout état de cause,
Condamner la SCI DU PALAIS à verser à la société BASTILLE 1789 la somme de 6.000 € au visa de l’article 700 du Code de procédure civile ; Condamner la SCI DU PALAIS aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître Thibaud VIDAL, Avocat au Barreau de PARIS, sous sa due affirmation de droit.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé plus ample des moyens de fait et de droit développés au soutien de leurs prétentions, lesquels sont présentés succinctement dans les motifs.

La SCI DU PALAIS a par ailleurs fait signifier par voie électronique le 5 avril 2023, jour de la clôture annoncée par le Juge de la mise en état, ses conclusions récapitulatives ainsi que deux pièces supplémentaires numérotées 45 et 46.

Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 21/09699 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 24 janvier 2024.

Le 17 août 2023, la société BASTILLE 1789 a fait signifier par voie électronique au tribunal des conclusions récapitulatives dans lesquelles elle sollicite le rejet des conclusions de la SCI DU PALAIS du 5 avril 2023 et des pièces n°45 et 46, ou à défaut, le rabat de l’ordonnance de clôture pour pouvoir répliquer.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est rappelé que les demandes des parties de « dire et juger » ou « constater », tendant à constater tel ou tel fait ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur le respect du principe de la contradiction

A titre liminaire, la société BASTILLE 1789 sollicite le rejet des dernières conclusions de la SCI DU PALAIS et les pièces supplémentaires n°45 et 46, notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, soit le jour de la clôture, alors que le juge de la mise en état avait ordonné le 19 décembre 2022 un ultime renvoi à la mise en état du 5 avril 2023 pour clôture avec dernière réplique du demandeur avant le 17 février 2023 et dernières conclusions éventuelles du défendeur avant le 30 mars 2023.

Sur ce,

L’article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elle invoquent, afin que chacun soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du même code vient préciser que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l’espèce, il résulte de la procédure que le 19 décembre 2022, le juge de la mise en état a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 5 avril 2023 pour clôture avec :
Dernière réplique du demandeur pour le 17 février 2023,Dernières conclusions éventuelles du défendeur pour le 30 mars 2023.
Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
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Or la SCI DU PALAIS n’a pas fait signifier de nouvelles conclusions dans le temps qui lui était imparti par le juge de la mise en état, à savoir avant le 17 février 2023, de manière à laisser à son contradicteur le temps d’y répondre. Elle a au contraire notifié de nouvelles conclusions le 5 avril 2023, soit le jour de la clôture annoncée par le juge de la mise en état le 19 décembre 2022, de sorte que ces conclusions, qui ne respectent ni le calendrier fixé par le juge de la mise en état, ni le principe de la contradiction, doivent être écartés des débats, ainsi que les pièces supplémentaires n°45 et n°46 qui ont été produites à cette occasion. Il ne sera donc statué que sur les prétentions des conclusions de la SCI DU PALAIS du 21 septembre 2022. Cette demande principale à titre liminaire de la société BASTILLE 1789 étant accueillie, il n’y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire de rabat de l’ordonnance de clôture du 5 avril 2023.

Sur le caractère parfait de la vente au prix de 130 000 euros

A titre principal, sur le fondement de l’article 1583 du code civil, la SCI DU PALAIS soutient que la vente des lots 2145 et 2146 s’est réalisée à son profit et demande au tribunal de dire que son jugement vaut vente, dès lors qu’un accord verbal est intervenu entre elle et la SCI BASTILLE le 26 août 2020 sur la chose vendue et le prix, à savoir la vente des deux lots au prix de 130 000 euros. Elle ajoute que les échanges entre les parties ont dépassé le stade de simples pourparlers puisque les notaires sont intervenus, que tous les documents nécessaires à la rédaction de la promesse de vente, à l’exception de quelques documents qui pouvaient être transmis ultérieurement, ont été transmis à Maître [E], son notaire, par Maître [J], notaire de la venderesse, et que la promesse de vente était prête pour signature dès le 6 octobre, l’attitude coopérative de la société BASTILLE 1789 lors du processus de rédaction de la promesse de vente témoignant au surplus de sa volonté à s’engager, de même que sa proposition d’utiliser gracieusement son double box pour une durée de six mois.

En défense, la société BASTILLE 1789, soutient au contraire, sur le fondement des articles 1113 et 1118 du code civil, qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties dès lors que :
la SCI DU PALAIS reconnaît ne pas avoir formulé d’offre d’achat directement auprès d’elle ou de Monsieur [X] mais seulement auprès de l’agence Century 21, qui n’avait pas le pouvoir de l’engager dans une vente même en cas d’offre au prix, le mandat de vente n’étant en réalité qu’un simple mandat de recherche d’acquéreur ne répondant pas aux exigences des articles 1984 et 1988 du code civil pour valoir mandat de vente ;le courriel du 26 août 2020 ne constitue pas une offre ferme et inconditionnelle d’achat mais seulement la manifestation d’un « intérêt » pour les biens litigieux, ce qui démontre que les parties étaient encore en pourparlers ;les parties ont soumis la rencontre de leurs volontés respectives de vendre et d’acquérir à la conclusion d’un avant-contrat dont certaines informations, bien qu’essentielles, faisaient défaut dans le projet de promesse de vente telles que la date d’expiration de la promesse ou encore le taux du crédit, outre qu’elle n’a jamais donné son accord quant au montant de l’indemnité d’immobilisation déposée entre les mains du notaire ; Décision du 06 Mars 2024
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ni la signature d’un projet d’acte authentique par l’une des parties, ni le paiement d’une provision pour frais entre les mains du notaire ne suffisent à démontrer la rencontre des volontés des parties ni l’existence de la vente ; en négociant le prix et en exigeant une condition suspensive, la SCI DU PALAIS a formulé une contre-proposition qui s’interprète comme une nouvelle offre, émise cette fois par l’acquéreur, dont elle ne prouve pas qu’elle l’ait acceptée par le biais d’un écrit, conformément aux dispositions de l’article 1359 du code civil ;de sorte que les parties en sont restées au stade des pourparlers et que la vente ne peut être considérée comme parfaite.

Sur ce,

Selon l’article 1172 du code civil, les contrats sont par principe consensuels, ce qui signifie que la preuve de la rencontre de volonté peut se faire par tout moyen.

Aux termes de l'article 1583 du même code, la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. En application de l’article 1114 du code civil, l'offre de vente se définit comme l'acte par lequel une personne se déclare prête à vendre un bien à des conditions déterminées ; elle doit donc être suffisamment précise et fixer les éléments essentiels du contrat projeté, pour la différencier de la simple invitation à entrer en pourparlers et le contrat ne peut se former que si le destinataire de l'offre l'accepte purement et simplement, sans formuler de réserves ou une contre-proposition.

En l’espèce, il ressort des pièces produites par les parties que :
le 26 août 2020, Monsieur [H] [V], gérant de la SCI DU PALAIS, a adressé un courriel à Madame [C] [T], conseillère immobilière de l’agence Century 21, ayant pour objet « offre box double [Adresse 3] », rédigé ainsi : « Chère Madame, Je confirme mon intérêt concernant l’acquisition du box visité ce matin moyennant le prix de 130 000 euros. Acquéreur : SCI DU PALAIS [Adresse 7], représenté par son gérant [H] [V] (Kbis Joint). Les coordonnées de mon notaire : Maître [E] [Adresse 2]. Conditions : obtention d’un prêt d’un montant de 120 000 euros avant le 15 octobre 2020, date de réalisation avant le 31 décembre 2020, Maître [E] nous lit en copie » ;le 27 août 2020, Madame [C] [T] a adressé à Monsieur [F] [X] et à son notaire, Maître [J], l’offre de Monsieur [V] accompagnée du mandat de vente, du Kbis de la SCI DU PALAIS et de la carte d’identité de Monsieur [V] ; le 3 septembre 2020, Monsieur [V] a déposé une demande de financement auprès de la banque LCL ; le 4 septembre 2020, Monsieur [V] s’est plaint à Madame [T] de ce que son notaire restait sans nouvelles de sa part, ce à quoi celle-ci à répondu le même jour « j’ai simplement appelé mais j’ai adressé un mail au notaire de Mr [X] et lui ai donné les éléments en ma possession et les coordonnées de Me [E]. Je relance le dossier lundi matin » ;Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
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le 7 septembre 2020, Madame [T] a adressé un courriel à Monsieur [V] pour lui dire : « J’ai repris contact ce jour avec votre notaire, Me [E] et notaire de Mr [X] Société BASTILLE 1789, Me [J] à [Localité 8], les deux sont en copie de ce mail, afin d’activer la promesse de vente et que vous puissiez lancer les obligations médicales demandées » ; le 22 septembre 2020, l’étude de Maître [J] a sollicité par courriel Madame [T] pour obtenir les diagnostics du bien et le nom du syndic gérant la propriété, documents qu’elle lui a fait parvenir ainsi qu’à Maître [E] par courriel du 29 septembre 2020 ; le 5 octobre 2020, Madame [T] a adressé un courriel aux deux notaires et aux parties ainsi rédigé : « merci de bien vouloir préciser où en est le dossier quant à la promesse de vente » ;le 6 octobre 2020, l’étude de Maître [E] a partagé par courriel avec Monsieur [V] notamment les diagnostics techniques des box et le projet de promesse de vente ; le 7 octobre 2020, la SCI DU PALAIS a procédé au virement de la somme de 13 000 euros sur le compte séquestre de l’office notarial de Maître [E] ; le 20 octobre 2020, Monsieur [V] a informé Madame [T] du souhait de Monsieur [X] de ne plus vendre son bien ; le 12 novembre 2020, le conseil de la SCI DU PALAIS a mis en demeure la société BASTILLE 1789 de signer la promesse de vente et de communiquer le procès-verbal d’assemblée générale donnant pouvoir à Monsieur [X] pour ce faire ; le 15 novembre 2020, Monsieur [V] a confirmé décliner la proposition de Monsieur [X] d’utilisation gracieuse de son double box pendant 6 mois ; le 23 novembre 2020, par fax et courriel, le conseil de la société BASTILLE 1789 a fait savoir au conseil de la SCI DU PALAIS que si son client avait « dans un premier temps envisagé d’accepter l’offre de Monsieur [V], cela n’a pas été le cas en définitive. La SCI n’a jamais signé de promesse de vente avec Monsieur [V] portant sur ce bien et ne souhaite plus proposer à cette cession » ;le 24 novembre 2020, Maître [E] a adressé à Monsieur [V] un récapitulatif des échanges qu’il avait pu avoir avec Maître [J], précisant que l’office notarial de ce dernier lui avait fait parvenir le 11 septembre 2020 le titre de propriété du double box, les statuts et l’extrait Kbis de la société cédante, qu’il avait adressé à son confrère le 5 octobre 2020 ledit projet de promesse de vente, sollicitant des pièces complémentaires, que ce dernier lui avait transmis lesdites pièces le 9 octobre 2020, pour finalement lui indiquer le 19 octobre 2020 que ce dernier ne souhaitait vendre son bien.

La lecture des échanges ci-dessus rapportés montre que si Monsieur [V] a manifesté son intention d’acquérir, au nom de la SCI DU PALAIS, le double box situé au [Adresse 3] le 26 août 2020, Monsieur [X], représentant la société BASTILLE 1789, venderesse, n’a jamais accepté de façon claire et nette l’offre de Monsieur [V] du 26 août 2020, qui s’apparente d’ailleurs plus à une contre-proposition qu’à une offre, Monsieur [V] n’ayant pas accepté purement et simplement l’offre de vente mais proposé un nouveau prix et ajouté une condition suspensive relative à l’obtention d’un prêt. En effet, la société BASTILLE 1789 n’a jamais contresigné le courriel du 26 août 2020, ni même n’y a répondu, et n’a jamais signé le projet de promesse de vente établi le 6 octobre 2020 en fonction de l’offre de Monsieur [V] du 26 août 2020.

Aucun accord complet, clair et précis sur la chose et le prix n’étant intervenu entre les parties, la vente ne s’est pas formée. Les relances de Monsieur [V] et de Madame [T] en vue de l’obtention des documents nécessaires à la rédaction de la promesse de vente, rappelées ci-avant, ne font que confirmer l’absence d’accord sans équivoque de la société BASTILLE 1789 sur la vente de son double box, cette dernière étant absente de l’ensemble des échanges versés aux débats et ne s’étant pas particulièrement illustrée par une attitude coopérative tout au long des pourparlers, contrairement à ce que la demanderesse prétend.

Le fait que le notaire de Monsieur [V] ait préparé un acte de vente, que les diagnostics techniques aient été réalisés, que Monsieur [V] ait déposé une demande de financement et qu’un certain nombre de documents aient été transmis par le notaire de la venderesse n’est pas de nature à caractériser un accord sur la chose et sur le prix. Ces échanges démontrent plutôt que les parties se sont mises d’accord pour enclencher une phase de pourparlers devant aboutir à la signature d’une promesse de vente, dont certaines clauses devaient manifestement être négociées, comme la date d’obtention du prêt, le taux du crédit, la date d’expiration de la promesse ou le montant de l’indemnité d’immobilisation. En toute hypothèse, il est manifeste que les parties ont soumis la rencontre de leur volonté de vendre et d’acquérir à la conclusion d’un avant-contrat qui n’a finalement jamais été signé, de sorte que la vente ne s’est pas formée.

Au surplus, Monsieur [V] n’a pas adressé sa contre-proposition à Monsieur [X], représentant de la société BASTILLE 1789, le 26 août 2020 mais à l’agence Century 21, qui n’avait pas le pouvoir d’engager son client dans une vente, même en cas d’offre au prix sans condition suspensive puisque le mandat de vente sans exclusivité versé aux débats par les parties constitue un simple mandat de recherche d’acquéreur, de sorte qu’en toute hypothèse, les éventuels échanges entre notaires ou le versement par Monsieur [V] d’une somme à titre de séquestre ne préjugeaient pas de l’acceptation par la société BASTILLE 1789 de la contre-proposition de la SCI DU PALAIS du 26 août 2020.

Décision du 06 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 21/09699 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU2AX

En conséquence, à défaut d’accord entre les parties sur la chose et sur le prix, intervenu le 26 août 2020, les demandes de la SCI DU PALAIS tendant à constater la perfection de la vente à cette date, pour un prix de 130 000 euros, et à dire que le jugement vaut vente, seront rejetées, de même que les demandes subséquentes de désignation de Monsieur le Président de la chambre départementale des notaires de [Localité 9] pour dresser l’acte de vente et la condamnation sous astreinte de la société BASTILLE 1789 à produire un ensemble de documents en vue de cette vente.

Sur le caractère parfait de la vente au prix du mandat de vente

A titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 1984 du code civil et de la théorie du mandat apparent, la SCI DU PALAIS soutient que le courriel de l’agence Century 21 du 25 janvier 2021 dans lequel Madame [T] indique à Monsieur [V], son représentant, qu’elle a bien transmis son offre d’achat du 25 novembre 2020 du double box au prix de 132 500 euros, correspondant au prix du mandat de vente, sans condition suspensive relative à l’emprunt et avec pour seul notaire celui du vendeur, permet de considérer que la société BASTILLE 1789 est bien contractuellement engagée pour la réalisation de cette vente et que la vente est parfaite entre les parties au prix de 132 500 euros.

En défense, la société BASTILLE 1789 fait valoir que son offre initiale de vente a perdu sa validité dès lors que la SCI DU PALAIS a formulé une contre-proposition le 26 août 2020. Elle considère que l’offre initiale ainsi rejetée ne peut plus être acceptée en l’état par l’auteur de la contre-proposition, de sorte qu’elle disposait de la faculté d’accepter ou de refuser la nouvelle proposition de vente des lots à concurrence de la somme de 132 500 euros. La défenderesse ajoute au surplus que Monsieur [X] avait notifié son intention de ne plus vendre depuis plus d’un mois.

Sur ce,

L’article 1984 dispose que le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats par la SCI DU PALAIS que :
le 24 novembre 2020, le conseil de cette dernière a proposé au conseil de la SCI BASTILLE au nom de sa cliente le versement de la somme de 132 500 euros pour l’achat du double box, somme correspondant au prix du mandat de vente, sans condition suspensive relative à l’emprunt et sans le concours de Maître [E] ; le 25 novembre 2020 à 10h35, Monsieur [V] a déposé en main propre à l’agence Century 21 son offre ferme d’achat pour le double box litigieux au prix de 132 500 euros sans condition suspensive et sans le concours de son notaire ; Décision du 06 Mars 2024
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le 21 janvier 2021, Madame [T] a indiqué à Monsieur [V] que la société BASTILLE 1789 avait retiré son box de la vente à l’expiration du mandat, soit le 26 novembre 2020,le 25 janvier 2021, elle lui a précisé qu’elle avait bien transmis à la société BASTILLE 1789 sa dernière offre au prix du mandat mais n’avait eu aucun retour téléphonique ni réponse à ses courriels.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le mandat de vente sans exclusivité liant Monsieur [X], représentant de la société BASTILLE 1789, à l’agence Century 21 du 26 août 2020 est un simple mandat de recherche d’acquéreur, la délégation de mandant ne portant que sur les items « proposer, présenter les biens », « visiter et faire visiter les biens », « faire toute publicité qu’il jugera utile », de sorte qu’en adressant son offre au prix du mandat de vente le 25 novembre 2020 à l’agence Century 21 et non à la société BASTILLE 1789 directement, Monsieur [V] ne peut pas soutenir en page 13 de ses écritures que « la réponse positive de l’agence Century 21 à Monsieur [V] à la suite de la réception de l’offre émise au prix du mandat à 132 500 euros permet de considérer que la société BASTILE 1789 est bien contractuellement engagée pour la réalisation de la vente du double box ».

En outre, il est constant qu’à la suite de la contre-proposition de Monsieur [V] du 26 août 2020, Monsieur [X] a exprimé son souhait non équivoque de ne plus vendre son bien le 19 octobre 2020, de sorte que l’offre initiale de vente n’était plus valide.

En toute hypothèse, l’offre du 25 novembre 2020 au prix du mandat n’a jamais été acceptée purement et simplement par Monsieur [X], représentant de la venderesse, ni même par l’agence Century 21, dont il convient encore de rappeler qu’elle n’avait pas le pouvoir d’engager son client dans une vente, même en cas d’offre au prix. La vente n’a donc jamais été formée.

En conséquence, à défaut d’accord entre les parties sur la chose et sur le prix, intervenu à la suite de l’offre d’achat du 25 novembre 2020, les demandes de la SCI DU PALAIS tendant à constater la perfection de la vente à cette date, pour un prix de 132 500 euros, et à dire que le jugement vaut vente, seront rejetées, de même que les demandes subséquentes de désignation de Monsieur le Président de la chambre départementale des notaires de [Localité 9] pour dresser l’acte de vente et la condamnation sous astreinte de la société BASTILLE 1789 à produire un ensemble de documents en vue de cette vente.

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers

A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait rejeter sa demande tendant à constater la perfection de la vente, la SCI DU PALAIS soutient que la société BASTILLE 1789 a rompu de manière abusive leurs pourparlers et engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 1112 du code civil. Elle fait valoir en effet que la défenderesse a rompu brutalement, unilatéralement et sans motif valable des négociations très engagées dès lors qu’il ne manquait plus que la signature de l’acte authentique pour que la vente ne soit réalisée,
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les notaires ayant été mis en relation suffisamment longtemps pour procéder à un échange de documents nécessaires à la rédaction de la promesse de vente. La SCI DU PALAIS fait également remarquer que la venderesse n’a jamais manifesté sa volonté de mettre fin à ces négociations, se montrant à l’inverse coopérative en mettant à disposition de son notaire les documents nécessaires à la bonne rédaction de cette promesse, faisant alors preuve d’un manque de loyauté à son égard en rompant de manière surprenante et abusive les pourparlers. La demanderesse soutient enfin que cette rupture brutale des pourparlers lui cause un préjudice dès lors qu’elle l’a privée de la possibilité d’acquérir le bien mais également de se positionner pour acquérir d’autres bien, outre qu’elle s’est retrouvée obligée de louer des places de stationnement, préjudice qu’elle évalue à la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive en réparation de la perte de chance subie, la SCI DU PALAIS ayant envisagé de louer lesdits box à la société SOREXI, société d’expertise immobilière dont Monsieur [V] est également le président.

En défense, la société BASTILLE 1789 fait valoir que la SCI DU PALAIS ne démontre pas le préjudice qu’elle prétend avoir subi, se contentant de verser aux débats des avis d’échéance au nom de la société SOREXI sans même d’ailleurs produire de bail portant sur ces places de parking, de sorte que la SCI DU PALAIS ne verse en réalité aucun loyer pour la location de places de parking. Elle ajoute que le versement d’un loyer par la société SOREXI n’est pas la conséquence d’une faute qu’elle aurait commise, la SCI DU PALAIS s’étant, en dépit de son refus d’accepter son offre, obstinée à vouloir l’acquérir au lieu de concentrer ses recherches sur l’achat d’un autre box.

Sur les moyens soulevés en demande au sujet de l’avancement significatif des pourparlers, la société BASTILLE 1789 fait valoir qu’elle n’a jamais accepté la contre-proposition du 26 août 2020 de la demanderesse, qui a effectivement ouvert une période de pourparlers, qu’elle a de manière légitime refusé de donner suite aux contre-propositions de la SCI DU PALAIS, ressentant de l’inquiétude face à l’insistance de celle-ci alors que les éléments essentiels de la vente, tel que le prix, n’avaient pas fait l’objet d’un accord, et que la nouvelle offre d’achat à concurrence de 132 500 euros est intervenue bien après le retrait de l’offre de vente. Elle ajoute que même si elle n’avait pas retiré son offre de vente, l’offre de vente initiale avait perdu sa validité en raison de la contre-proposition formulée par la SCI DU PALAIS. En définitive, la défenderesse estime que rien ne justifie sa condamnation à indemniser la demanderesse au titre des loyers qu’elle a versés pour louer d’autres places de parking, ce d’autant plus que son représentant, Monsieur [X], avait proposé à Monsieur [V] d’utiliser gracieusement son double-box pour une durée de six mois et l’avait orienté vers un autre box.

Sur ce,

Aux termes de l’article 1112 du code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

La liberté est le principe dans le domaine des relations précontractuelles, y compris la liberté de rompre à tout moment les pourparlers, cette liberté comprenant le droit de commencer des négociations, de les mener selon son rythme, de changer d’avis dans leur déroulement, de ne pas souhaiter conclure. La rupture des pourparlers peut toutefois s’avérer constitutive d’un abus, c’est-à-dire d’une utilisation illicite, disproportionnée ou déraisonnable d’un droit.

Peuvent caractériser un abus le simple fait de débuter des pourparlers sans aucune intention de conclure ultérieurement un contrat, particulièrement lorsque les pourparlers s’éternisent, le fait d’entretenir l’illusion d’une volonté d’aboutir parfaitement absente dans les faits, le fait de rompre brutalement et unilatéralement des négociations très engagées. Deux conditions sont donc retenues pour caractériser l’abus dans la rupture des pourparlers : l’avancement des négociations, l’absence de motif légitime de la rupture.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [V] a formulé une contre-proposition d’achat du double box appartenant à la société BASTILLE 1789 le 26 août 2020, contre-offre qui n’a jamais été acceptée de manière claire et définitive par cette dernière mais qui a engagé une phase de pourparlers entre les parties.

Durant cette phase, et jusqu’au 19 octobre 2020, date à laquelle Monsieur [X] a manifesté sa volonté sans équivoque de ne plus vendre son bien, soit sur une période de sept semaines, les notaires ont échangé divers documents nécessaires à la rédaction de la promesse de vente par Maître [E].

Or d’une part, aucune des pièces versées aux débats ne vient démontrer la volonté de la société BASTILLE 1789 de maintenir son partenaire dans l’illusion de la conclusion d’un contrat. Bien au contraire, la défenderesse n’a jamais contresigné l’offre du 26 août 2020, n’en a jamais fait mention dans un quelconque courrier, outre qu’aucun courrier émanant de sa part n’est versé aux débats. En revanche, plusieurs courriels de Monsieur [V] et de Madame [T] montrent que des relances étaient nécessaires auprès du notaire vendeur pour l’obtention des documents nécessaires à la rédaction d’un projet de promesse de vente, preuve s’il en est de l’absence d’attitude coopérative de la société BASTILLE 1789.

D’autre part, la phase de pourparlers, si elle a permis aux notaires d’échanger un certain nombre de documents sur une période qui n’apparait pas excessive, n’a pas permis aux parties de trouver un accord ferme et précis sur la vente projetée, l’offre du 26 août 2020 n’ayant pas été formellement acceptée et de nombreux paramètres restant encore en suspens dans la rédaction de la promesse de vente, tels que le taux du crédit ou encore la date d’expiration de la promesse. Les négociations n’étaient donc pas avancées compte tenu de l’incertitude qui régnait encore le 19 octobre 2020, tel que le projet de promesse de vente versé aux débats l’illustre.

Ainsi, au terme des débats, la SCI DU PALAIS ne démontre pas que la société BASTILLE 1789 l’ait maintenu dans la certitude d’un accord entre le 26 août 2020 et le 19 octobre 2020, ce qui aurait pu effectivement caractériser une rupture abusive des pourparlers, de sorte que sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers ne peut prospérer.

Sur les dommages et intérêts pour comportement déloyal

En toute hypothèse, la SCI DU PALAIS soutient qu’elle a perdu l’opportunité de louer le double box chaque mois pour la somme mensuelle de 500 euros, de sorte qu’elle s’estime bien fondée à solliciter la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme mensuelle de 500 euros du mois d’octobre 2020 jusqu’au jour où l’acte authentique translatif de propriété sera régularisé.

En défense, la société BASTILE 1789 fait remarquer que la SCI DU PALAIS sollicite une double indemnisation puisqu’elle sollicite également la somme de 50 000 euros au titre de la perte des loyers.

Sur ce,

L’article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l’espèce, et conformément aux développements précédents, la SCI DU PALAIS ne caractérise pas de la part de la société BASTILLE 1789 un abus dans la rupture des pourparlers, pas plus qu’elle ne démontre l’existence d’une déloyauté dans la négociation du contrat.

Dans ces conditions, sa demande de dommages et intérêts pour comportement déloyal sera rejetée.

Sur les autres demandes

Succombant, la SCI DU PALAIS sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la société BASTILLE 1789 la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire n’apparait pas justifiée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

ECARTE les conclusions de la SCI DU PALAIS notifiées par voie électronique le 5 avril 2023 et ses pièces complémentaires n°45 et n°46 pour non-respect du principe de la contradiction ;

REJETTE toutes les demandes formées par la SCI DU PALAIS à l’encontre de la société BASTILE 1789 ;

CONDAMNE la SCI DU PALAIS aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SCI DU PALAIS à payer à la société BASTILLE 1789 la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 06 Mars 2024

La GreffièreLa Présidente
Adélie LERESTIF Sarah KLINOWSKI


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/09699
Date de la décision : 06/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-06;21.09699 ?
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