COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NICE
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
N° RG 23/01330 - N° Portalis DBWR-W-B7H-PBMU
du 08 Août 2024
N° de minute 24/01176
affaire : S.C.I. SAINT JEROME
c/ Société CAISSE D EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D AZUR, S.A.R.L. [X] [M], [X] [M]
Grosse délivrée
à Me Jean-max VIALATTE
Expédition délivrée
à Me Sébastien ANTOMARCHI
le
L’AN DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE HUIT AOÛT À 14 H 00
Nous, Corinne GILIS, Vice-Présidente, Juge des référés, assistée de Monsieur Thibaut LLEU, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :
Vu l’assignation délivrée par exploit en date du 10 Juillet 2023 déposé par Commissaire de justice.
A la requête de :
S.C.I. SAINT JEROME
[Adresse 4]
[Localité 1]
Rep/assistant : Me Jean-max VIALATTE, avocat au barreau de GRASSE
DEMANDERESSE
Contre :
Société CAISSE D EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D AZUR
[Adresse 6]
[Localité 1]
Non comparant, non représenté
S.A.R.L. [X] [M]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Non comparant, non représenté
Mme [X] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Rep/assistant : Me Sébastien ANTOMARCHI, avocat au barreau de NICE
DÉFENDERESSES
Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 12 Avril 2024 au cours de laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2024, prorogé au 08 Août 2024
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 1er novembre 2005, la SCI Saint Jérôme a donné à bail commercial à l’EURL Bruno Chardavoine Optique des locaux commerciaux situés [Adresse 5].
Par acte sous seing privé en date du 24 novembre 2015, la SCI Saint Jérôme et l’EURL Bruno Chardavoine Optique ont conclu un avenant à bail commercial afin notamment de renouveler le bail pour une nouvelle durée de 9 ans.
Suivant acte contresigné par avocat en date du 8 août 2022, le fonds de commerce de la SARL Bruno Chardavoine Optique, comprenant notamment le bail commercial, a été cédé à la SARL [X] [M].
Par acte sous seing privé en date du 6 juillet 2022, Madame [X] [M] s’est portée caution solidaire de la SARL [X] [M], locataire, envers la SCI Saint Jérôme, pour le paiement des loyers, indemnités d’occupation, charges, réparations locatives et frais éventuels de procédure résultant du contrat de location.
Le 20 avril 2023, la SCI Saint Jérôme a fait délivrer à la SARL [X] [M] un commandement de payer les loyers visant la cause résolutoire insérée au bail.
Le 27 avril 2023, la SCI Saint Jérôme a dénoncé le commandement de payer les loyers à la caution, Madame [X] [M].
D’après un extrait Kbis de la SARL [X] [M], certifié par le greffe du tribunal de commerce et en date du 8 août 2023, un jugement du tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société le 6 juillet 2023. La cessation des paiements est intervenue en date du 4 juillet 2023. Maître [D] [I] a été désigné ès qualité de liquidateur judiciaire.
La SCI Saint Jérôme aurait ensuite déclaré sa créance à titre privilégié. Le document versé aux débats (pièce 10 du demandeur) ne précise toutefois pas de date permettant de vérifier que la formalité a été entreprise pendant le délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture de liquidation judiciaire.
Par actes de commissaire de justice en date des 10 et 13 juillet 2023, la SCI Saint Jérôme a fait assigner [X] [M] et la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur devant le juge des référés aux fins de voir :
Prononcer la résiliation du bail commercial, en date du 1er novembre 2005, ayant fait l’objet d’un avenant en date du 1er novembre 2005 avec toutes ses conséquences ;
Juger que la SCI Saint Jérôme est bien fondée à se prévaloir de la clause résolutoire insérée au bail commercial ;
Ordonner l’expulsion de la SARL [X] [M] du local qu’elle occupe situé à [Localité 1] [Adresse 5] en rez-de-chaussée, et un appartement au 1er étage à droit composé de trois pièces cuisine, WC, et une cave au sous-sol ainsi que du local situé au rez-de-chaussée dans la cour de l’immeuble, par rapport au numéro [Adresse 3] et en sous-sol par rapport à l’[Adresse 7], ainsi que de tous occupants de son chef, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir et au besoin avec le concours de la force publique ;
S’entendre condamner in solidum la SARL [X] [M] et Madame [X] [M] née [P] à verser à la SCI Saint Jérôme au titre des arriérés de loyers, charges dus au 23 mai 2023 la somme provisionnelle de 7985,62 euros, jusqu’à la libération effective des lieux ;
S’entendre condamner in solidum la SATL [X] [M] et Madame [X] [M] née [P], d’avoir à s’acquitter à compter du mois de juin 2023, d’une indemnité d’occupation auprès de la SCI Saint Jérôme de 2083,18 euros ;
Déclarer opposable l’ordonnance à intervenir à la Caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur ;
S’entendre condamner la SARL [X] [M] d’avoir à verser à la SCI Saint Jérôme une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
S’entendre condamner la SARL [X] [M] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions déposées à l’audience du 12 avril 2024, la SCI Saint Jérôme a modifié ses demandes et conclu aux fins de voir :
Condamner Madame [X] [M] née [P] d’avoir à verser à titre provisionnel à la SCI Saint Jérôme, au titre des arriérés de loyers dus, la somme de 18008,67 euros ;
Donner acter à la SCI Saint Jérôme de son accord pour un échelonnement de la dette sur une période d’une année ;
Condamner Madame [X] [M] née [P] d’avoir à verser à la SCI Saint Jérôme une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Madame [X] [M] née [P] aux entiers dépens.
Dans ses écritures déposées à l’audience précitée, Madame [X] [M] a conclu aux fins de voir :
Accorder un échelonnement de la dette s’élevant à la somme de 18008,67 euros par un règlement en 24 échéances mensuelles de 756,34 euros devant intervenir tous les 15 du mois ;
Débouter la SCI Saint Jérôme de sa demande de condamnation de Madame [X] [M] à un article 700 du code de procédure civile de 1500 euros ;
Rejeter toutes les demandes reconventionnelles, fins et conclusions de la SCI Saint-Jérôme.
Selon l’article L 641-3 alinéa 1er du code de commerce, « Le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30 ».
Or, aux termes de l’article L 622-21 du code de commerce, « I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ».
La SARL [X] [M], faisant l’objet d’une liquidation judiciaire, n’a pas été assignée. Les parties ne font valoir aucune observation sur ce point.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 28 juin 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes provisionnelles
Aux termes de l’article 2288 du code civil, « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ».
En l’espèce, Madame [X] [M] a conclu un contrat de cautionnement solidaire le 6 juillet 2022, lui sont applicables les dispositions du code civil postérieures à l’ordonnance du 15 septembre 2021. Par mention manuscrite, elle a renoncé au bénéfice de discussion prévu à l’article 2021 du code civil. Le bailleur n’a donc pas à poursuivre le débiteur principal avant la caution. A cela s’ajoute que le jugement d’ouverture de liquidation judiciaire à l’égard de la SARL [X] [M] n’a pas d’incidence sur la possibilité, pour le créancier, de poursuivre la caution en paiement.
Selon l’article L 641-12 du code de commerce, « Sans préjudice de l'application du I et du II de l'article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :
1° Au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail ;
2° Lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédée. Il doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire ;
3° Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 622-14.
Le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent. En ce cas, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite.
Le privilège du bailleur est déterminé conformément aux trois premiers alinéas de l'article L. 622-16 ».
En l’espèce, l’administrateur judiciaire a restitué les clés du local commercial le 12 janvier 2024. Il a donc été mis fin au bail commercial à cette date.
L’article 835 al.2 du code de procédure civile prévoit notamment que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier.
Compte tenu du loyer résultant du bail souscrit entre l’EURL Bruno Chardavoine Optique et la SCI Saint Jérôme, la cession de bail commercial entre l’EURL Bruno Chardavoine Optique et la SARL [X] [M] ainsi que le contrat de caution solidaire engageant Madame [X] [M], il y a lieu d’allouer au créancier une indemnité provisionnelle de 17770,93 euros correspondant aux loyers et charges impayés à la date du 12 janvier 2024, selon décompte du 11 janvier 2024, déduction faite de la somme de 237,74 euros correspondant au coût du commandement de payer ne faisant pas partie des frais liés aux loyers et charges issus du contrat de bail.
La créance porte intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Au titre de l’article 1343-5 du code civil, « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment ».
En l’espèce, Madame [X] [M] indique avoir repris, suite à la mise en liquidation judiciaire de la SARL [X] [M], un emploi en CDD pour lequel elle perçoit un salaire de 2549,59 euros net. De plus, cette dernière a déclaré un revenu de 24654 euros en 2022. Sont versés aux débats son bulletin de salaire pour le mois de janvier 2024 et son avis d’impôt sur les revenues de 2022. Compte tenu de sa situation matérielle, Madame [X] [M] soutient ne pas être en mesure de régler l’intégralité de sa dette à ce jour. Cette dernière sollicite donc un étalement de sa dette en 24 mensualités.
Il est donné acte à la SCI Saint Jérôme de son accord pour un échelonnement de la dette sur une période d’une année.
En conséquence, au regard des éléments précités, Madame [X] [M] sera autorisée à se libérer de sa dette par 24 versements mensuels de 740,46 euros, le 1er devant intervenir avant le 15 juillet 2024 puis avant le 15 de chaque mois.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard de la nature de l’affaire, de la situation des parties et de l’octroi de délais de paiement, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour les mêmes raisons, les dépens seront laissés à la charge de chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
Nous, Juge des référés du Tribunal judiciaire de Nice, statuant publiquement, par ordonnance rendue par défaut, en premier ressort et prononcée par mise à disposition au greffe, avis préalablement donné,
Vu les articles 835 du code de procédure civile et 1343-5 du code civil,
AUTORISONS Madame [X] [M] à se libérer de sa dette par 24 versements mensuels de 740,46 euros, le 1er devant intervenir avant le 26 Août 2024 puis avant le 26 de chaque mois ;
DISONS n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETONS le surplus des demandes ;
DISONS que les dépens seront partagés par quart entre chaque partie.
LE GREFFIER LE JUGE DES RÉFÉRÉS