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11/07/2024 | FRANCE | N°21/04563

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, 21/04563


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : S.C.I. 2000 c/ [C] [Z]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 21/04563 - N° Portalis DBWR-W-B7F-N4H7













Grosse délivrée à
Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI -115-
Me Thierry TROIN -32-

expédition délivrée à

le 11 Juillet 2024

mentions diverses















Par jugement de la 2ème Chambre civile

en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : S.C.I. 2000 c/ [C] [Z]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 21/04563 - N° Portalis DBWR-W-B7F-N4H7

Grosse délivrée à
Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI -115-
Me Thierry TROIN -32-

expédition délivrée à

le 11 Juillet 2024

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 17 Mai 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024, signé par Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSE:

S.C.I. 2000, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDEUR:

Monsieur [C] [Z]
EHPAD du [5]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI 2000 est propriétaire d’un terrain et d’une maison d’habitation situés [Adresse 1] à [Localité 4].

M. [C] [Z] est propriétaire de la maison et du terrain voisins situés [Adresse 2] à [Localité 4]

Les deux propriétés sont séparées par un muret à proximité duquel est implanté, sur le terrain de M. [C] [Z], un pin centenaire de très grande hauteur dont les branches et les racines débordent sur la propriété de la SCI 2000.

Faisant valoir que ce pin endommageait le muret séparatif qui était sa propriété, la SCI 2000 a saisi son assureur de protection juridique qui a mandaté le cabinet Polyexpert, lequel a établi un rapport amiable le 6 juillet 2017 concluant que la coupe de l’arbre ne semblait pas justifiée et était disproportionnée par rapport au dommage.

La SCI 2000 a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 17 juillet 2020, a dit n’y avoir lieu à référé s’agissant des demandes de condamnation à l’encontre de M. [C] [Z] mais a ordonné une expertise confiée à Mme [F] [Y].

Cet expert a établi son rapport le 15 septembre 2021.

Par acte du 2 décembre 2021, la SCI 2000 a fait assigner M. [O] [Z] devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins d’obtenir la réparation des dommages ainsi que l’arrachage du pin sous astreinte.

Saisi par M. [C] [Z], le juge de la mise en état a, par ordonnance du 16 mars 2023, rejeté les fins de non-recevoir tirées des prescriptions biennale et trentenaire opposées à l’action de la SCI 2000.

* * * * *

Dans ses dernières conclusions communiquées le 8 septembre 2023, la SCI 2000 sollicite la condamnation de M. [C] [Z] à :

- procéder à l’arrachage du pin en limite de propriété ainsi qu’à l’élagage de toute la végétation dépassant sur sa propriété, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- entretenir tous les six mois la végétation en limite de propriété sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée,
- lui payer les sommes suivantes :
12.460 euros correspondant au coût des travaux de réparation des dommages causés sur sa propriété,5.000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que, sur le fondement de l’article 1240 du code civil et de la théorie des troubles anormaux de voisinage, M. [C] [Z] est responsable de son préjudice. Elle expose que l’expert judiciaire a constaté que le pin semblait être la cause principale des déformations constatées car, par son âge et la proximité de son tronc avec la limite de propriété, le coin sud de la cuisine annexe se situait dans la zone de développement racinaire dans laquelle les racines engendraient des poussées verticales. Elle explique que ce technicien a relevé que les dégradations de l’escalier étaient attribuables au racines traçantes, estimant le coût des réparation à la somme de 12.460 euros et précisant que la croissance des racines allait accentuer les dégradations. Elle estime que pour faire cesser les dommages et éviter l’aggravation des désordres, le pin litigieux devra être coupé et la végétation élaguée. Elle ajoute qu’en application de l’article 673 du code civil, elle est également fondée à réclamer que les racines et les branches du pin qui ont avancées sur sa propriété devront être coupées.
En réplique à l’argumentation adverse, elle soutient que le rapport d’expertise permet de constater la réalité des désordres dans sa cuisine annexe constitués par des fissures le long des murs intérieurs, Mme [F] [Y] ayant précisé que les racines du pin se développaient en majeure partie sous l’angle de la cuisine d’été. Elle fait valoir que la raison pour laquelle il existe peu de dommages chez M. [C] [Z] est la souplesse des matériaux, équipements et revêtements de son terrain peu propice à l’apparition des fissures. Elle explique que l’expert judiciaire a conclu qu’au vu de l’âge estimé de l’arbre, son système racinaire était très conséquent, occasionnant des poussées verticales susceptibles de soulever les terres et structures présentes. Elle ajoute enfin que la résistance de M. [C] [Z] à satisfaire à ses sollicitations légitimes est abusive et lui cause un préjudice dont elle réclame réparation à hauteur de 5.000 euros.

Dans ses dernières écritures notifiées le 22 mai 2023, M. [C] [Z] conclut au débouté ainsi qu’à la condamnation de la SCI 2000 à lui verser, à titre reconventionnel, les sommes suivantes :

5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle que la théorie des troubles anormaux de voisinage met en œuvre une responsabilité sans faute reposant sur la considération selon laquelle les relations de voisinage génèrent des inconvénients que chacun doit supporter sauf s’ils dépassent les limites de ce qui est habituel de supporter entre voisins. Il explique que le trouble doit être anormal par sa permanence, son importance et sa gravité, ce qui s’apprécie in concreto en fonction des circonstances de temps et de lieu. Il fait valoir que c’est ainsi qu’un trouble anormal de voisinage n’est pas admis lorsque les arbres incriminés existaient déjà lors de l’acquisition de son bien par le voisin prétendument lésé ayant acquis en toute connaissance de cause. Il ajoute que si un trouble anormal de voisinage suffit à engager la responsabilité de son auteur en dehors de toute faute, encore faut-il que soit démontré un lien de causalité entre le trouble et le préjudice allégué.
Il expose que la SCI 2000 soutient que le pin litigieux serait à l’origine des dégradations et fissurations de la cuisine annexe et de l’escalier d’une part, et de dommages causés au mur séparatif d’autre part.
Or, il fait valoir que le rapport d’expertise révèle qu’en 1955, le terrain de la SCI 2000 était déboisé, aménagé en restanques et probablement cultivé alors que son terrain était boisé jusqu’en limite de propriété. Il explique que le rapport du cabinet Polyexpert concluait également que le pin existait en premier, avant la construction de la maison de monsieur [X] et de sa clôture en 1971 ainsi que de la dépendance ou cuisine annexe en 2002. Il expose que la SCI 2000 a confirmé avoir acquis en 2001 sa maison et avoir déposé une demande de permis de construire pour un abri de jardin le 23 janvier 2003, ouvrage qui est en réalité la cuisine d’été litigieuse édifiée en limite de propriété à proximité du pin. Il souligne que les experts amiables ont confirmé que la lézarde sur le mur de clôture existe depuis une trentaine d’année. Il soutient que la SCI 2000 a fait l’acquisition de son bien et édifié sa cuisine d’été alors que l’arbre était déjà de taille respectable puisque l’expert judiciaire a estimé qu’il avait une centaine d’années. Il en déduit que la SCI 2000, qui a acquis en toute connaissance de cause dans une zone boisée avec un pin de haute taille en limite de propriété, ne peut soutenir que le trouble est anormal. Il considère, en tout état de cause, que l’expert judiciaire n’est pas affirmatif sur l’origine des dégradations constatées sur le terrain de la SCI 2000 et a relevé qu’il n’y avait aucune déformation au niveau du sol ni fissuration des structures sur son terrain mais également sur la façade de la cuisine d’été. Il estime qu’aucun lien de causalité entre le pin et les désordres n’est démontré, notamment les dommages à l’escalier et au mur de clôture situé en dehors de la zone de développement racinaire. Il soutient que la cause de ces désordres doit être recherchée dans le mode constructif des ouvrages, dans leur vétusté ou les évènements climatiques contemporains de leur apparition comme l’avaient d’ailleurs conclu les experts amiables qui avait exclu le pin de toute causalité. Il en conclut que ni l’anormalité du trouble ni son lien de causalité avec les dommages invoqués ne sont caractérisés si bien que la SCI 2000 devra être déboutée de sa demande de paiement du coût des réparations.
Il fait valoir que la SCI 2000 fonde sa demande d’arrachage du pin sur l’article 673 du code civil qui ne peut permettre que son élagage. Il rappelle que le pin est plus de centenaire, ce qui emporte la prescription de toute demande d’abattage de cet arbre, qui est estimée injustifiée par l’expert judiciaire. Il soutient avoir fait procéder à l’élagage de sa végétation, comme en attestent les photographies communiquées, ce qui prive la SCI 2000 de tout intérêt à agir à ce titre.
Il explique qu’il est âgé de 98 ans, que malgré des expertises amiables confirmant l’absence de lien de causalité entre le pin et les fissures et le refus de son assureur de la garantir, la SCI 2000 n’a eu de cesse que d’exiger l’abattage de cet arbre qui existait bien avant qu’elle acquière son bien. Il estime que l’action est abusive et lui occasionne un préjudice dont il évalue la réparation à la somme de 5.000 euros.

L’affaire a été retenue à l’audience du 12 février 2024 et la décision a été mise en délibéré au 5 avril. Par jugement du 25 avril 2024, le tribunal a ordonné la reprise des débats à l’audience du 17 mai 2024.

La décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le trouble anormal de voisinage.

Par application de l’article 544 du code civil, le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limitée par l'obligation qu’il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

Ainsi, nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, cette responsabilité se déduisant uniquement de la gravité anormale ou excessive du trouble, quand bien même ce trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause.

Le caractère anormal du trouble invoqué doit être apprécié “in concreto” selon les éléments de chaque espèce.

Concernant les arbres plantés en bordure d’une propriété voisine, il a été admis que la présence des arbres présentant un danger pour la sécurité des biens et des personnes, peut constituer un trouble anormal de voisinage.

Toutefois, le trouble anormal de voisinage n’est pas caractérisé lorsque les nuisances ou le risque subi du fait de la présence des arbres ne sont pas anormaux dans un environnement boisé.

Il incombe au demandeur de rapporter la preuve de l’anormalité du trouble et de sa gravité. Cette preuve rapportée, il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement les mesures propres à faire cesser ce trouble.

En l’espèce, dans son rapport établi le 17 juillet 2020, Mme [F] [Y] explique que les terrains de la SCI 2000 et de M. [C] [Z] sont pentus et aménagés en restanques. Elle expose que la comparaison des photographies aérienne prises en 1955 avec celles prises en 2017 révèle que le terrain de la SCI 2000 était initialement déboisé et peut-être cultivé, que le terrain de M. [N] [Z] était boisé, des arbres étant repérables en limite de propriété sur la photo de 1955.

Elle indique que la propriété de la SCI 2000 est constituée d’une maison principale construite en 1971 et qu’en 2005, une annexe, cuisine d’été, a été construite en limite de propriété sur une ancienne restanque. Elle précise que ces travaux ont fait l’objet d’un permis de construire daté du 23 janvier 2003 qui ne comporte aucun détail concernant les fondations et le mode de construction de « l’abri de jardin » qui a par la suite été transformé en cuisine d’été.

Elle relève que des fissures sont apparues en 2015 au niveau de cette cuisine annexe et de l’escalier qui permet d’accéder aux restanques inférieures et note que l’année 2015 a été marquée par un épisode pluvieux exceptionnel ayant fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle pour coulées de boue.

Concernant le pin, elle relate qu’il s’agit d’un arbre de grande hauteur dont les branches débordent sur la propriété de la SCI 2000 et qu’à partir du diamètre de son tronc de 80 cm, il est possible d’estimer un âge centenaire.

Concernant les autres végétaux, elle note que la clôture de mitoyenneté est marquée par une végétation luxuriante présente uniquement sur la propriété [Z], que les branches d’autres arbres (chênes) débordent sur la propriété de la SCI 2000 et qu’il serait nécessaire de les élaguer.

Elle a constaté, sur la propriété de M. [C] [Z], l’absence de fissure ou bombement de sol tant au niveau de l’habitation que de la façade de la cuisine annexe de la SCI 2000. Elle ajoute que les équipements présents (murets en galets et marches d’escalier en bois) sont souples et peu propices à l’apparition de fissures et que le stockage des buches masque le terrain naturel.

Sur la cause des désordres, elle indique que le contexte géologique n’est pas propice à des mouvements de terrain et n’est « a priori » pas à l’origine des dégradations constatées. Elle relève que le pin de la propriété de M. [C] [Z] a un diamètre de 80 cm et est complanté à moins d’un mètre du grillage mitoyen, que la zone racinaire (ZRT) se développe sous l’angle de la cuisine d’été et que son vieillissement a pour conséquence la complexification et la densification du système racinaire.

Elle explique qu’il ressort des éléments de connaissance théorique qu’il y a obligatoirement des racines de l’arbre de la propriété de M. [C] [Z] en sous-sol de la propriété de la SCI et, qu’au vu de l’âge estimé de l’arbre (de l’ordre de 100 ans), son système racinaire est obligatoirement très conséquent. Elle précise que dans la zone comprise dans le ZRT, les racines sont puissantes, très proches de la surface et occasionnent en conséquence des poussées verticales susceptibles de soulever les terres et donc les structures présentes.

Elle conclut que les dégradations et fissurations constatées au niveau de la cuisine annexe sont très certainement la conséquence des racines du pin et notamment celles situées dans la ZRT. Elle ajoute que celles des escaliers permettant d’accéder aux restanques inférieures sont dans la zone des racines traçantes et dans, très certainement, la zone d’influence des racines des autres arbres de la propriété [Z]. Elle précise que vu l’âge du pin, son abattage n’est pas envisageable mais que la poursuite de la croissance de ce pin aura pour conséquence très certaine l’aggravation des dégradations. Elle estime que dans ce contexte, les travaux proposés de reconstruction et de renforcement de la structure peuvent être estimés comme acceptables bien que pouvant être apparentés à des travaux d’embellissement.

Le rapport est conclu par les observations suivantes :

- la végétation située sur la propriété de M. [C] [Z] déborde sur la propriété de la SCI 2000 et souffre d’un manque d’entretien,
- les arbres et notamment le pin sont antérieurs à la construction des habitations de Monsieur [Z] et de la SCI 2000 dans les années 1970,
- la cuisine annexe est bâtie sur une ancienne restanque et aucun plan lié à sa construction et à son mode de fondation n’est disponible,
- la date d’apparition de la fissuration en 2015 (épisode pluviométrique exceptionnel) pose question, questionnement à mettre en relation avec la présence de roseaux,
- les observations réalisées sur la propriété de M. [C] [Z] ne mettent en évidence ni déformation du sol, ni fissuration des structures, ceci très certainement la conséquence du type d’équipement présent qui supportent les déformations,
- le pin « semble » être la cause principale des déformations constatées car par son âge estimé et la proximité de son tronc avec la limite de propriété, le coin sud de la cuisine se situe dans la zone de développement racinaire prédominante dans laquelle les racines engendrent des poussées verticales,
- les dégradations constatées au niveau de l’escalier sont très certainement attribuées aux racines traçantes.

Il ressort des constatations opérées par l’expert que les désordres sont constitués de fissures apparues en 2015 au niveau de la cuisine annexe et de l’escalier permettant d’accéder aux restanques inférieures d’une part et une fissuration du muret séparatif de propriété qui serait apparue il y a une trentaine d’années d’autre part.

Il résulte également de ses recherches qu’en 1955, le terrain de la SCI 2000 était déboisé et probablement cultivé alors que le terrain de M. [N] [Z] était boisé avec des arbres en limite de propriété.

Les deux maisons d’habitation ont été édifiées dans les années 1970 à distance de la limite séparative et à bonne distance du pin dont l’expert estime qu’au vu de sa hauteur, il a une centaine d’années.

La SCI 2000 a acquis la maison principale et le terrain en 2001 et une annexe, initialement un abri de jardin selon le permis de construire, devenue une cuisine d’été par la suite, a été édifiée en bordure de la limite séparative à proximité du pin et du terrain boisé de M. [C] [Z].

Toutefois, il est indéniable que le pin de M. [C] [Z] était d’une taille déjà très imposante lorsque la SCI 2000 a fait l’acquisition de la maison et du terrain en 2001, mais également lorsqu’elle a fait édifier en 2005 un « abri de jardin » devenu une cuisine d’été en bordure de la limite séparative et à proximité de ce pin.

La SCI 2000 n’a pas fourni les plans de cette dépendance alors qu’il n’est pas discutable qu’elle l’a construit à proximité du fonds voisin arboré en toute connaissance de cause, ce qui impliquait d’adapter le mode constructif à la configuration des lieux en restanques, à proximité d’un terrain boisé sur lequel était complanté un pin centenaire.

Il n’est dès lors pas démontré que le trouble invoqué est anormal au regard de la configuration des lieux, existante bien avant la construction de la dépendance et de l’escalier dont le mode de fondation n’est pas précisé, ce qui ne permet pas de conclure qu’il était adapté à la proximité d’un espace boisé avec un grand pin centenaire alors qu’aucun désordre de même nature n’a été constaté sur la propriété de M. [C] [Z].

Par ailleurs, il sera souligné que bien qu’elle retienne que le pin « semble » être la cause principale des déformations constatées, Mme [F] [Y] indique également que la date d’apparition de la fissuration en 2015, année d’un épisode pluviométrique exceptionnel ayant donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle, pose question si bien que son rapport d’expertise ne permet pas d’exclure que les dommages aient une autre cause que le système racinaire du pin.

Dès lors que le caractère anormal du trouble n’est pas démontré, pas davantage que le lien de causalité entre la présence du pin et les fissurations apparues la même année qu’un épisode pluviométrique exceptionnel, la SCI 2000 sera déboutée de sa demande de réparation des dommages causés à sa cuisine d’été et à son escalier.

La demande d’arrachage de ce pin, dont il n’est pas établi qu’il soit à l’origine d’un trouble de voisinage anormal, sera également rejetée étant souligné que tous les experts amiables puis judiciaire l’ont exclu comme étant une mesure disproportionnée.

Sur la demande d’élagage et d’entretien de la végétation.

En vertu de l’article 673 du code civil, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Ce texte ajoute que si ce sont des racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.

Ainsi, les branches d'un arbre, arbuste ou arbrisseau ne peuvent déborder sur la propriété voisine, peu importe que l'arbre soit planté au-delà ou en deçà des distances légales, réglementaires ou coutumières, peu importe qu'il génère ou pas un préjudice.

Le droit imprescriptible du demandeur à l'action en émondage ou en coupe ne subit aucune restriction résultant de l'affectation du fonds, des caractères de l'arbre, des conséquences de la sanction ou de la nature du droit réel. Il ne peut être restreint aux motifs de la prescription trentenaire de l'implantation irrégulière.

Le voisin actionné en émondage peut être condamné à élaguer dans le respect des plantations ou des exploitations à une époque non nuisible pour l'arbre.

En revanche, le voisin qui a scié les racines maîtresses d'un pin alors qu'il pouvait techniquement les épargner, ce qui a entraîné sa chute, est susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

En l’espèce, l’expert judiciaire a constaté que la clôture de mitoyenneté était marquée par une végétation luxuriante présente uniquement sur la propriété [Z], que les branches d’autres arbres (chênes) débordent sur la propriété de la SCI 2000 et qu’il serait nécessaire de les élaguer.

Elle conclut que, pour les autres végétaux que le pin présents en limite de propriété, un élagage et un entretien devra être opéré.

Pour s’opposer à cette demande, M. [C] [Z] fait valoir qu’il a fait procéder à l’élagage de la végétation constituant la haie limitrophe et fournit des photographies sur lesquelles il est possible de constater qu’aucune branche ne dépasse sur le fonds voisin.

Néanmoins, ces photographies datent du 5 février 2022 et, compte-tenu du caractère dense et luxuriant de la végétation sur son terrain, il ne peut être conclu que, compte-tenu du temps écoulé, les branches ne débordent pas de nouveau sur la propriété de la SCI 2000.

Dès lors, M. [C] [Z] sera condamné, non pas à couper la végétation ce qui a été fait, mais à procéder chaque année, à compter de la signification de la présente décision, à l’élagage des branches des arbres dépassant sur le fonds de la SCI 2000. Cette condamnation sera assortie d’une astreinte de 500 euros par infraction constatée quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée de procéder à cet élagage.

Sur la demande additionnelle de dommages-intérêts pour résistance abusive.

En l’espèce, les experts amiables, mandatés tant par l’assureur de la SCI 2000 que par l’assureur de M. [C] [Z], ont conclu l’un au caractère disproportionné de l’abattage du pin, l’autre à l’absence de lien de causalité entre le pin et les désordres constatés.

Dès lors, en refusant de donner suite à la demande de la SCI 2000 d’arracher le pin, M. [C] [Z] n’a pas commis de résistance abusive et ce, alors que l’expertise judiciaire estime également que l’abattage de cet arbre n’était pas possible.

Il sera en outre relevé que M. [C] [Z] justifie avoir, dès le 9 août 2017, fait tailler les branches inférieures de l’arbre et l’avoir rabaissé de cinq mètres notamment à la suite de l’expertise amiable.

Dans ce contexte, la SCI 2000 ne démontre pas de faute de M. [Z] à l’origine du préjudice qu’elle invoque si bien qu’elle sera déboutée de sa demande additionnelle de dommages-intérêts.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par application des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol. Toutefois, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas, en soi, constitutive d’une faute.

En l’espèce, si l’action de la SCI 2000 est très partiellement fondée, il n’en demeure pas moins qu’elle a pu être induite en erreur sur l’existence de son droit à obtenir réparation des dommages et l’abattage du pin par les conclusions du rapport d’expertise.

Il est indéniable qu’en tout état de cause, les branches des arbres et la végétation présents sur le terrain de M. [C] [Z] dépassaient sur le fonds de la SCI 2000 et souffrait d’un manque d’entretien lors des opérations d’expertise.

Il n’est dès lors pas démontré que le droit d’agir en justice de la SCI 2000 a dégénéré en abus et que cette faute est à l’origine du préjudice invoqué.

Par conséquent, M. [C] [Z] sera débouté de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires.

Partie perdante au procès, la SCI 2000 sera condamnée aux dépens, en ce inclus le coût de l’expertise judiciaire, ainsi qu’à verser à M. [C] [Z] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONDAMNE M. [C] [Z] à procéder chaque année à l’élagage des branches des arbres et de la végétation dépassant sur le fonds de la SCI 2000 et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée de procéder à cet élagage ;

CONSTATE qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un trouble de voisinage anormal ;

DEBOUTE la SCI 2000 de toutes ses autres demandes ;

CONDAMNE la SCI 2000 à payer à M. [C] [Z] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [C] [Z] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la SCI 2000 aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire de Mme [F] [Y], avec distraction au profit de Maître Catherine Cottray-Lafranchi, avocat au Barreau de Nice, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04563
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.04563 ?
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