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11/07/2024 | FRANCE | N°21/04497

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, 21/04497


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : [F], [D] [S] c/ [G] [V], [H] [C] épouse [V]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 21/04497 - N° Portalis DBWR-W-B7F-N2VG




















Grosse délivrée à
Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS

expédition délivrée à
Me Philippe CAMINADE

le 11 Juillet 2024

mentions diverses











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Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Article...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : [F], [D] [S] c/ [G] [V], [H] [C] épouse [V]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 21/04497 - N° Portalis DBWR-W-B7F-N2VG

Grosse délivrée à
Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS

expédition délivrée à
Me Philippe CAMINADE

le 11 Juillet 2024

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 17 Mai 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024, signé par Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSE:

Madame [F], [D] [S], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son enfant mineur, [Z] [R] [K] né le 30 Juillet 2014
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe CAMINADE, avocat au barreau de GRASSE, avocat postulant, et Me Pierre-Antoine PERES de la SELARL PAP AVOCATS, avocat au barreau de BASTIA, avocat plaidant

DÉFENDEURS:

Monsieur [G] [V]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant
Madame [H] [C] épouse [V]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] étaient propriétaires d’une maison individuelle située à [Adresse 7] sur laquelle sont apparus des désordres consistant en des fissures et en des fuites importantes de la piscine.

Ils ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 22 mars 2011, a ordonné une expertise confiée à M. [T] [N] avec pour mission, notamment, de vérifier la réalité des désordres, de les décrire en situant leur date d’apparition et en indiquant leurs causes, de fournir tous éléments permettant de dire s’ils étaient connus des vendeurs, d’indiquer s’ils compromettaient la solidité de l’ouvrage ou le rendaient impropre à sa destination et de déterminer les travaux nécessaires pour y remédier en chiffrant leur coût.

Cet expert a établi son rapport définitif le 9 mai 2013 au terme duquel il indique avoir constaté six désordres :

- une infiltration par velux dont la réparation est prise en charge par l’assurance responsabilité décennale du constructeur,
- des fissures sur piscine avec perte de d’eau rendant cet ouvrage impropre à sa destination,
une condensation dans la salle de bain en l’absence de ventilation suffisante, - des fissures sur carrelage terrasse et dans le séjour consécutives à un défaut de pose et au mouvement de la structure de la terrasse accolée,
- pas de défaut affectant la solidité du mur de soutènement avec un défaut d’enrobage des aciers à reprendre.

Les époux [V] ont fait procéder aux travaux de reprise de la piscine suivant les préconisations de l’expert par la société Atout Polyester Piscines suivant facture du 30 juin 2014 et la reprise en sous-œuvre partielle par la société ICB suivant facture définitive du 16 mai 2014.

Le 1er février 2019, les époux [V] ont donné à M. [B] [I], agent immobilier représentant l’agence du Mercantour, mandat de vendre leur villa au prix de 477.000 euros.

Suivant promesse synallagmatique de vente du 22 juillet 2019 établie par Maître [O] [P], notaire à [Localité 8], M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] ont promis de vendre leur maison individuelle à Mme [F] [S], agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son fils mineur, [R] [K], au prix de 425.000 euros.

La vente a été réitérée par acte authentique reçu par Maître [O] [P] le 20 novembre 2019.

Se prévalant de l’apparition de multiples désordres affectant cette maison, Mme [F] [S] a mandaté M. [U] [A], ingénieur en bâtiment, qui a réalisé une expertise non contradictoire concluant notamment que la qualité des travaux préconisés par l’expert judiciaire et exécutés était contestable car il avait « décelé de graves non-conformités non visibles à l’œil nu sauf par un expert » et qu’un défaut d’étanchéité de la terrasse Sud-Ouest avait été « maquillée » avant la vente.

Par acte du 12 novembre 2021, Mme [F] [S], agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son fils mineur [R] [K], a fait assigner M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] devant le tribunal judiciaire de Nice pour obtenir notamment l’anéantissement de la vente immobilière conclue le 20 novembre 2019, principalement pour dol et subsidiairement pour vice caché, la restitution du prix ainsi que l’indemnisation de ses préjudices à hauteur de 99.010,68 euros.

* * * * *

Dans ses dernières conclusions notifiées en vue de l’audience de mise en état du 16 février 2023, Mme [F] [S], agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son fils mineur [R] [K], sollicite :

avant dire-droit, l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire confiée à un ingénieur en bâtiment avec pour mission d’indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres résultant des vices cachés dont l’existence lui a été dissimulée et de donner tous éléments permettant d’apprécier l’existence de son préjudice matériel et de jouissance,
à titre principal, la condamnation in solidum de M. [G] [V] et de Mme [H] [C] épouse [V] à lui payer la somme de 99.010,68 euros à parfaire en fonction des conclusions de l’expert, en indemnisation de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance causés par les manœuvres dolosives,
à titre subsidiaire :
que la clause de non garantie des vices cachés soit écartée, les vendeurs ayant connaissance des vices lors de la vente,la condamnation in solidum de M. [G] [V] et de Mme [H] [C] épouse [V] à lui restituer une partie du prix de vente correspondant au coût des travaux évalués par l’expert pour remédier aux désordres,la condamnation in solidum de M. [G] [V] et de Mme [H] [C] épouse [V] à lui payer la somme de 99.010,68 euros à parfaire en fonction des conclusions de l’expert, en indemnisation de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance en lien de causalité direct et certain avec les vices,
en tout état de cause, la condamnation in solidum de M. [G] [V] et de Mme [H] [C] épouse [V] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance incluant le coût du procès-verbal de constat d’huissier des 24 septembre 2020 et 5 octobre 2020.
Elle expose que l’agent immobilier sur a remis divers documents après la signature de la vente dont le rapport d’expertise judiciaire déposé le 9 mai 2013, document qui n’avait été annexé ni à la promesse de vente ni à l’acte authentique. Elle indique que c’est dans ce contexte qu’ayant constaté l’apparition de désordres, elle a fait établir un rapport d’expertise privée qui révèle que les travaux de reprise préconisés par l’expert judiciaire ont mal été exécutés et que les désordres affectant le balcon Sud-Ouest ont été maquillés.
Elle estime que les vendeurs lui ont dissimulé l’existence des travaux préconisés par l’expert judiciaire dont la qualité de réalisation est discutable et qu’ils ont maquillé des désordres, ce qui constitue un dol sur le fondement de l’article 1137 du code civil.
Elle considère également que les désordres sont constitutifs de vices cachés au sens de l’article 1641 du code civil, la clause de non garantie insérée à la vente ne trouvant pas à s’appliquer dès lors que les vendeurs les connaissaient. Elle en conclut qu’elle est fondée à exercer l’action estimatoire lui permettant d’obtenir restitution d’une partie du prix.

Dans leurs dernières écritures communiquées le 27 avril 2023, M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] concluent au débouté et sollicitent, à titre reconventionnel, la condamnation de Mme [F] [E] à lui payer les sommes suivantes :

- 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils rappellent qu’en application des articles 146 et 147 du code de procédure civile, le juge du fond ne peut en aucun cas ordonner une mesure d’instruction pour suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve, mesure qui doit être limitée à ce qui est suffisant pour la solution du litige. Ils font valoir que la faculté d’ordonner ou de refuser une mesure d’instruction relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal. Ils soulignent que la demanderesse, qui ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de ses allégations sollicite, au terme de la mise en état de la procédure, une mesure d’expertise qui est inopportune en raison du délai écoulé depuis la vente et les travaux réparatoires et inutile à la solution du litige.
Ils soutiennent avoir parfaitement informé la demanderesse de l’existence de la procédure à l’encontre de leurs vendeurs et lui avoir fourni le rapport d’expertise judiciaire, ce que confirme l’agent immobilier par l’entremise duquel la vente a été conclue. Ils soulignent que les échanges de SMS annexé au rapport unilatéral confirment que Mme [F] [S] était parfaitement informée des travaux puisqu’elle demandait les coordonnées de l’entreprise ayant réparé la piscine lors du procès. Ils font observer que, dans son offre d’achat datée du 4 juin 2019, l’acheteuse avaient relevé des points nécessitant des travaux dont des fissures et la nécessité de faire contrôler par un professionnel le bon fonctionnement de la piscine et de l’électricité. Ils concluent en conséquence à l’absence de dol.
Ils font valoir également que l’acte du 20 novembre 2019 contient une clause de non-garantie des vices cachés si bien que l’action initiée sur ce fondement est irrecevable. Ils ajoutent qu’il n’est nullement démontré l’existence d’un vice caché, rendant la chose impropre à sa destination et antérieur à la vente. Ils soutiennent que la demanderesse avait été informée de l’existence des désordres ayant affectés le bien qui ont motivé une réduction substantielle du prix d’achat et que les vices dont elle se prévaut étaient apparents. Ils considèrent qu’elle ne rapporte pas la preuve des vices cachés à l’aide d’un rapport unilatéral qui n’est corroboré par aucun élément objectif et ne certifie pas de l’existence de vices réels en datant leur apparition. Ils relèvent que cet expert estime au contraire que les documents remis à Mme [F] [S] lors de la vente auraient dû attirer son attention.
Ils concluent en conséquence au rejet de toutes les demandes et estiment que le droit d’agir en justice a dégénéré en abus, ce qui leur a causé un préjudice dont ils sollicitent la réparation.

L’affaire a été retenue à l’audience du 23 novembre 2023. Par jugement du 25 avril 2024, le tribunal a ordonné la reprise des débats à l’audience du 17 mai 2024 à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire avant dire droit.

Si l’article 145 du code de procédure civile permet au juge des référés d’ordonner une mesure d’instruction destinée à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, l’article 144 du même code rappelle qu’une telle mesure ne peut être ordonnée par le juge saisi du litige au fond que s’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

L’article 146 du même code précise qu’une mesure d’instruction ne peut en aucun cas être ordonnée pour pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.

Dès lors, l’opportunité d’ordonner une mesure d’instruction doit être appréciée au regard des éléments produits par la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve car cette faculté trouve ses limites dans la finalité et la proportionnalité de la mesure réclamée.

Par ailleurs, si par application de l’article 16 du code de procédure civile, si le juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport unilatéral établi à la demande d’une partie, régulièrement versé aux débats et soumis à une discussion contradictoire, il ne peut fonder sa décision sur cette expertise non judiciaire si elle n’est pas corroborée par d’autres éléments de preuve distincts.

En l’espèce, Mme [F] [S] fonde son action principalement sur le dol et subsidiairement sur les vices cachés en exerçant dans le premier cas une action indemnitaire et dans le second, l’action estimatoire.

Le dol est défini par l’article 1137 du code civil comme le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par ses manœuvres ou ses mensonges dont il appartient au demandeur de rapporter la preuve par tous moyens.

Le vice caché est, selon l’article 1641 du même code, le défaut qui rend la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. C’est également à l’acquéreur qu’il incombe d’établir l’existence, la gravité, le caractère caché et l’antériorité du vice par rapport à la vente.

Mme [F] [S] sollicite, avant-dire droit, l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire, non pas pour prouver l’existence d’un dol ou d’un vice caché, mais pour qu’il soit donné au technicien désigné la mission :

« - d’indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres résultant des vices cachés dont l’existence a été dissimulée par les vendeurs (absence de conformité des travaux réalisés par les époux [V] par rapport à ceux préconisés par M. [T] [N], expert judiciaire, et désordres affectant le balcon Sud-Est maquillés),

- de donner tous les éléments permettant au tribunal d’apprécier l’existence du préjudice matériel et de jouissance subis par l’acquéreur. »

La mission d’expertise qu’elle propose prend ainsi pour acquis qu’est rapportée la preuve d’un vice caché ou de manœuvres dolosives puisqu’elle a pour vocation exclusive d’évaluer son préjudice.

Dès lors, elle ne saurait être ordonnée « avant dire-droit » sans qu’il soit statué sur le bien-fondé des actions qu’elle exerce, une telle mesure ne pouvant être ordonnée que si le tribunal estime que les vendeurs ont commis un dol ou doivent garantir des vices cachés et qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer sur le préjudice.

La demande tendant à ce qu’une expertise soit ordonnée avant dire droit sera donc rejetée.

Sur le dol.

Aux termes de l’article 1137 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la vente, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par ses manœuvres ou ses mensonges.

Ce texte ajoute que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Ainsi, le dol peut résulter, en l'absence de toutes manœuvres comme de tout mensonge, du simple silence gardé par une partie qui, volontairement, a tu une information dans l’intention de tromper l’autre partie afin de la convaincre de contracter.

Le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser un dol par réticence, sans la constatation du caractère intentionnel de ce manquement. Le silence n’est en effet, en lui-même, pas révélateur intention de tromper car il peut résulter d'autres circonstances, telles que l'ignorance de l'information supposément dissimulée ou l'ignorance de son caractère déterminant pour le cocontractant.

L’intention de tromper implique par conséquent d'abord que le contractant ait eu connaissance de la circonstance qu’on lui reproche d’avoir tue, puis qu’il ait eu connaissance de son caractère déterminant pour l’autre partie, excluant que le silence soit le résultat d’une simple négligence.

L’article 1130 du code civil rappelle que le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Le dol doit avoir eu un caractère déterminant pour la victime, apprécié in concreto, au regard de l’article 1130 alinéa 2 selon lequel ce caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

La preuve du dol pèse sur le demandeur et peut être rapportée par tous moyens. Il s’apprécie à la date de la formation du contrat et, partant, au jour de la promesse synallagmatique valant contrat et non au jour de sa réitération devant notaire

Délit civil, le dol ouvre à la victime une action en réparation du préjudice subi sur le fondement de l’article 1178 alinéa 4 du code civil en vertu duquel, indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

Dès lors, lorsque la victime d’une réticence dolosive ne demande pas l'annulation du contrat mais la réparation d'un préjudice, elle doit, conformément au droit commun des articles 1240 et suivants du code civil, établir une faute personnellement commise par celui contre lequel elle agit en responsabilité.

En l’espèce, Mme [F] [S] fait valoir que ses vendeurs lui ont dissimulé, d’une part l’existence des travaux préconisés par l’expert judiciaire dont elle soutient que la réalisation est sujette à caution et, d’autre part, les désordres affectant le balcon Sud-Ouest en les « maquillant » avec de la peinture.

Elle se fonde exclusivement sur un rapport d’expertise unilatéral de M. [U] [A] du 22 janvier 2021 devant lequel elle a affirmé que l’expertise judiciaire de 2013 ne lui avait pas été remise.

Toutefois, ce fait est démenti par un courrier électronique de l’agent immobilier par l’entremise de laquelle la vente a été conclue, lequel certifie lui avoir remis tous les documents avant et pendant la signature du compromis mais également par des SMS qu’elle a échangés avec les vendeurs à compter du 6 février 2020, dès avant la naissance du litige.

Dans un message du 6 février 2020, Mme [F] [S] demande en effet à M. [G] [V] de lui donner le nom de l’entreprise qui a réparé la piscine lors du procès et, dans un message du 17 février 2020, indique que, dans le détail du procès, il y a plusieurs devis si bien qu’elle ne sait pas à quelle entreprise il a fait appel pour la réparation.

Il ressort de la teneur de ces messages que Mme [F] [S] n’adresse, moins de trois mois après la vente, aucun reproche aux vendeurs quant à une dissimulation supposée des informations que contenait le rapport d’expertise judiciaire, ce dont il se déduit qu’il lui avait été remis préalablement à l’acte auquel cas elle aurait pu refuser de contracter.

Il sera souligné qu’il n’est pas contesté, même par M. [U] [A], que les époux [V] ont fait procéder aux travaux de reprise en sous-œuvre et de réparation de la piscine conformément aux préconisations de l’expert judiciaire. Si le technicien amiable critique la qualité de leur réalisation, il précise que les défauts de mise en œuvre n’étaient visibles que pour un homme de l’art.

Il s’ensuit que les vendeurs, qui avaient fait procéder aux travaux de reprise des dommages conformément aux préconisations d’un expert judiciaire dont le rapport avait été remis à l’acheteuse lors de la signature de la promesse de vente, considéraient qu’il avait été mis un terme aux désordres.

Il n’est donc pas démontré que les époux [V] ont dissimulé l’existence des désordres ayant donné lieu à expertise judiciaire à Mme [F] [S] mais surtout qu’ils auraient intentionnellement tue cette information qu’ils savaient déterminante de son consentement dans le seul but de la tromper pour la convaincre de contracter.

M. [U] [A] ajoute, dans son rapport unilatéral, qu’il existe la probabilité d’un vice « maquillé avant acquisition » sur le balcon Sud-Ouest car la partie émergente du relevé d’étanchéité a été peinte avec un produit de type époxy.

Toutefois, cette constatation n’est corroborée par aucun élément objectif qui lui soit extérieur, étant relevé que ce technicien indique « une absence très probable d’étanchéité », fait qui n’est fondée sur aucune investigation technique et qui est déduit de la peinture « récente » constatée sur la terrasse.

Il n’est donc pas davantage démontré par le rapport unilatéral, dont les conclusions non étayées par des éléments extérieurs ne peuvent être retenues, que les vendeurs auraient « maquillé » des désordres affectant la terrasse Sud-Ouest par de la peinture époxy.

Par conséquent, Mme [F] [S], qui ne rapporte pas la preuve des éléments matériel et moral du dol commis par ses vendeurs, sera débouté de sa demande d’indemnisation formée sur ce fondement.

Sur le vice caché.

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice est ainsi caractérisé par ses conséquences : l’inaptitude de la chose à l’usage que l’on en attend. Ainsi, le vendeur est garant de ce que la chose présente les qualités qui sont normalement les siennes, ce qui est une obligation de résultat dont l’inexécution est démontrée dès lors que la défectuosité de la chose est établie.

L’article 1642 du même code précise qu’en revanche, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

Même s’il peut être, a priori, de nature à permettre de le considérer comme un vice caché, ce vice ne doit pas avoir été connu de l'acquéreur car, ayant accepté la chose telle quelle en toute connaissance de cause, il ne pourrait alors prétendre à la garantie. Le vice connu de l'acquéreur est celui dont il a pu se convaincre par des indices divers ou qui lui a été révélé par son cocontractant.

Néanmoins, l’article 1643 du code civil dispose que le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Ainsi, une clause de non-garantie des vices cachés, aménageant les conditions de sa mise en œuvre par l’acheteur à l’encontre du vendeur occasionnel, est valable.

Cette clause doit donc produire effet sauf s’il est rapporté la preuve par l’acquéreur que le vendeur est de mauvaise foi car il connaissait le vice affectant la chose dont il ne l’a pas averti ou même qu’il le lui a sciemment dissimulé lors de la vente.

En l’espèce, l’acte authentique de vente dressé par Maître [O] [P] contient, en sa page 11, une clause de non-garantie des vices cachés ainsi rédigée :

« L’acquéreur prend le bien dans l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit en raison 
des vices apparents,des vices cachés.
S’agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s’applique pas :
si le vendeur a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’il est réputé ou s’est comporté comme tel,s’il est prouvé par l’acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur. »
Il incombe donc à Mme [F] [S] de rapporter la preuve que les vendeurs connaissaient les vices cachés de l’immeuble pour éluder l’application de la clause expresse de non-garantie figurant à l’acte de vente.

Elle estime que les époux [V] avaient connaissance des vices cachés car ils ont dissimulé, d’une part, l’existence des travaux préconisés par l’expert judiciaire dont elle estime la réalisation est sujette à caution et, d’autre part, les désordres affectant le balcon Sud-Ouest en les maquillant.

Il ressort des pièces produites que l’expert judiciaire, commis en référé à la demande des époux [V], a établi son rapport définitif le 9 mai 2013 au terme duquel il indique avoir constaté six désordres :

- une infiltration par velux dont la réparation est prise en charge par l’assurance responsabilité décennale du constructeur,
des fissures sur piscine avec perte de d’eau rendant cet ouvrage impropre à sa destination,une condensation dans la salle de bain en l’absence de ventilation suffisante, - des fissures sur carrelage terrasse et dans le séjour consécutives à un défaut de pose et au mouvement de la structure de la terrasse accolée,
- pas de défaut affectant la solidité du mur de soutènement avec un défaut d’enrobage des aciers à reprendre.

Il est établi que, suivant les préconisations de cet expert judiciaire, les époux [V] ont fait procéder aux travaux de reprise de la piscine par la société Atout Polyester Piscines le 30 juin 2014 et la reprise en sous-œuvre partielle par la société ICB le 16 mai 2014.

Il résulte de ce qui précède à propos de l’action fondée sur le dol, que Mme [F] [S] était en possession de l’expertise judiciaire remise avant la conclusion de la vente mais également qu’elle avait été avisée des travaux réalisés concernant la piscine dont elle recherchait l’auteur auprès de ses vendeurs, moins de trois mois après la vente, pour actionner la garantie décennale.

Par ailleurs, le technicien mandaté par Mme [F] [S] indique lui-même, dans son rapport unilatéral, que si la reprise en sous œuvre des travaux de fondations n’étaient pas totalement visibles sous la terrasse le jour de sa visite, il a décelé de graves non-conformités dans les travaux mis en œuvre, non visibles à « l’œil nu sauf pour un expert ».

Il n’est dès lors pas démontré que les époux [V] qui avaient fait procéder aux travaux de reprise en sous-œuvre partielle par la société ICB pour un montant de 35.005,96 euros TTC le 16 mai 2014 aient pu avoir connaissance des malfaçons les affectant alors que celles-ci n’étaient pas visibles « sauf pour un expert ».

Il sera également souligné que, dans son offre d’achat du 4 juin 2019, Mme [F] [S] a offert un prix de 420.000 euros tenant compte de plusieurs points nécessitant des travaux :

- un garde-corps à l’étage de la maison doit être installé,
- les salles de bain présentent un problème d’humidité,
- la cuisine est à rénover,
- peinture diverse,
- contrôle par un professionnel du bon fonctionnement de la piscine et de l’électricité,
- quelques fissures ».

Enfin, l’affirmation par M. [U] [A] de la probabilité d’un vice maquillé avant acquisition sur le balcon Sud-Ouest n’est corroborée par aucun élément objectif qui lui soit extérieur, l’absence « très probable » d’étanchéité n’étant fondée sur aucune investigation technique ou élément objectif permettant de démontrer la réalité de ce vice.

Il n’est dès lors pas démontré que les vendeurs non-professionnels sont de mauvaise foi car ils avaient connaissance lors de la vente des vices allégués, dont il n’est pas rapporté la preuve qu’ils présentent les caractères de vices cachés.

A défaut, la clause de non-garantie insérée à l’acte de vente doit s’appliquer et l’action estimatoire de Mme [F] [S] ne peut pas davantage prospérer sur le fondement des vices cachés.

Mme [F] [S] sera par conséquent déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par application de l’article 1240 du code civil, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol mais l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas, en soi, constitutive d’une faute.

En l’espèce, la circonstance que l’action de la Mme [F] [S] soit jugée infondée ne suffit pas à caractériser une erreur grave dans son droit d’agir en justice.

En outre, les époux [V] ne démontrent pas le préjudice qu’ils invoquent en lien avec le manquement imputé à Mme [F] [S], laquelle a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits à la suite du rapport unilatéral établi par M. [U] [A], inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel de Bastia.

Les époux [V] seront par conséquent déboutés de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires.

Partie perdante au procès, Mme [F] [S] sera condamnée aux dépens ainsi qu’à verser à M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONSTATE que Mme [F] [S] ne rapporte pas la preuve d’un dol et que la clause de non garantie des vices cachés insérée à l’acte de vente est applicable à défaut de preuve de la mauvaise foi de M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] ;

DEBOUTE Mme [F] [S], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [R] [K], de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Mme [F] [S] à verser à M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [G] [V] et Mme [H] [C] épouse [V] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Mme [F] [S] aux entiers dépens ;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04497
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.04497 ?
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