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11/07/2024 | FRANCE | N°20/03144

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, 20/03144


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : [R] [Y], [J] [V] épouse [Y] c/ [E] [S], [C] [N]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 20/03144 - N° Portalis DBWR-W-B7E-NAZ4













Grosse délivrée à
Me Frédéri CANDAU

expédition délivrée à
Me Thierry TROIN

le 11 Juillet 2024

mentions diverses















Par jugement de la 2ème Chambre civ

ile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : [R] [Y], [J] [V] épouse [Y] c/ [E] [S], [C] [N]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 20/03144 - N° Portalis DBWR-W-B7E-NAZ4

Grosse délivrée à
Me Frédéri CANDAU

expédition délivrée à
Me Thierry TROIN

le 11 Juillet 2024

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 17 Mai 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024, signé par Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDEURS:

Monsieur [R] [Y]
[Adresse 14]
[Localité 13]
représenté par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
Madame [J] [V] épouse [Y]
[Adresse 14]
[Localité 13]
représentée par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDEURS:

Monsieur [E] [S]
[Adresse 5]
[Localité 1] / FRANCE
représenté par Me Frédéri CANDAU, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
Monsieur [C] [N]
[Adresse 12]
[Localité 2] / FRANCE
représenté par Me Frédéri CANDAU, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] sont propriétaires de trois parcelles à [Localité 13] cadastrées P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9] auxquelles ils accèdent, depuis la voie communale, en passant par la parcelle cadastrée P [Cadastre 3] appartenant à M. [E] [S] et à M. [C] [N].

Les époux [Y] ont sollicité la constitution d’une servitude de passage conventionnelle sur cette portion de la parcelle P [Cadastre 3] auprès de M. [E] [S] et M. [C] [N] mais les parties ne sont pas parvenues à un accord malgré des échanges de correspondances.

Par actes du 11 septembre 2020, M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] ont fait assigner M. [E] [S] et M. [C] [N] devant le tribunal judiciaire de Nice afin qu’il soit principalement constaté l’état d’enclave de leurs parcelles cadastrées P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9] à [Localité 13] et qu’il soit jugé que leur désenclavement s’effectuera par un passage pris sur la parcelle P [Cadastre 3] sur l’assiette utilisée depuis plus de trente ans.

Par jugement du 6 septembre 2022, le tribunal a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur pour une réunion d’information. Une des parties ayant refusé la mesure, l’affaire a été rappelée à la mise en état.

Par jugement du 26 juin 2023, le tribunal a rouvert les débats en enjoignant à toutes les parties de produire leurs titres de propriété.

* * * * *

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2023, M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] sollicitent :

le constat de l’état d’enclave de leurs parcelles cadastrées P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9] à [Localité 13],- le constat que l’assiette et le mode de servitude de passage pour cause d’enclave existe depuis plus de 30 ans et correspond au chemin d’exploitation qui est leur propriété,
- le désenclavement de leurs parcelles cadastrées P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9] à [Localité 13] par un passage pris sur la parcelle cadastrée P [Cadastre 3],
- la publication du jugement à intervenir au service de la publicité foncière sur simple présentation d’une expédition,
- la condamnation de M. [E] [S] et M. [C] [N] à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils indiquent accéder, depuis plus de trente ans, à leurs parcelles en passant sur une portion de 4 m² de la parcelle P [Cadastre 3]. Ils exposent qu’il n’y a jamais eu de difficulté pour utiliser ce passage et pour entretenir son assiette comme en témoignent des devis de travaux ainsi que la correspondance de M. [C] [N] le 20 mars 2013 confirmant le passage existant autorisé par sa mère. Ils expliquent que M. [C] [N] a réitéré l’autorisation de passage par une lettre du 29 janvier 2019 et que le maire de la commune a confirmé l’état d’enclave à défaut de passage sur la parcelle P [Cadastre 3]. Ils soulignent que les photographies confirment l’état d’enclave et qu’ils ont entamé des pourparlers auxquels leurs voisins n’ont pas donné suite.
Ils indiquent rapporter la preuve, par la production de photographies, qu’il n’existe aucun autre accès possible à la voie publique, la voie carrossable longeant leurs terrains étant en pente, ce qui les prive de toute possibilité de passage. Ils ajoutent verser aux débats un plan napoléonien qui démontre que le chemin desservant leurs parcelles existait déjà comme étant un chemin d’exploitation sur laquelle la servitude de passage a été exercée depuis plus de trente ans. Ils demandent dès lors subsidiairement qu’il soit constaté un passage trentenaire par cet ancien chemin d’exploitation.

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées le 22 décembre 2023, M. [E] [S] et M. [C] [N] concluent :

- principalement, au débouté,
- subsidiairement, au paiement d’une indemnité de 7.500 euros en réparation du dommage causé par le droit de passage,
- en toutes hypothèses, à la condamnation des époux [Y] à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que les demandeurs, dont la parcelle [Cadastre 7] est, pour une large partie, située en bordure de la voie publique, ne démontrent pas l’état d’enclave de leurs fonds, qu’ils empruntent le passage depuis plus de trente ans et qu’il n’existe aucun autre accès possible à la voie publique.
Ils estiment qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un usage continu depuis plus de trente ans qui déterminerait l’assiette et le mode de servitude de passage conformément aux dispositions de l’article 685 du code civil. Ils font valoir qu’il ne ressort pas des devis de la société Ceralec et les comptes rendus de visite d’EDF un passage continu depuis plus de trente ans.
Ils considèrent surtout que les époux [Y] ne justifient pas qu’ils seraient enclavés au sens de l’article 682 du code civil et que le meilleur passage serait à prendre sur leur parcelle alors que le fond cadastré n° [Cadastre 7] donne directement accès à la voie communale sur plusieurs dizaine de mètres. Ils expliquent que ce n’est pas parce qu’il y a eu une tolérance pour utiliser leur parcelle qu’un passage peut être revendiqué sur celle-ci.
Ils ajoutent qu’il ressort du plan cadastral que, quand bien même l’état d’enclave serait démontré, le passage pourrait se faire sur d’autres parcelles dont les parcelles [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 4] qui semblent avoir un accès sur la voie publique et dont les demandeurs sont propriétaires. Ils concluent principalement au débouté des époux [Y] et estiment subsidiairement que le préjudice causé par l’exercice du droit de passage devrait être indemnisé à hauteur de 7.500 euros.

La clôture de la procédure est intervenue le 26 décembre 2023. L’affaire a été retenue à l’audience du 25 janvier 2024. Par jugement du 25 avril 2024, le tribunal a ordonné la reprise des débats à l’audience du 17 mai 2024 à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’état d’enclave des parcelles appartenant aux époux [Y].

En vertu de l’article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.

L’article 683 du même code précise que le passage doit être régulièrement pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique et qu’il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. L’article 685 prévoit toutefois que l’assiette et le mode de servitude de passage pour cause d’enclave sont déterminés par trente ans d’usage continu.

Ainsi, la servitude de passage est constituée de plein droit par l’état d’enclave du fonds. L’enclave, fondement du titre légal de la servitude de passage, se définit par rapport à la voie publique, et à la possibilité d’accéder depuis le fonds à celle-ci.

Il y a dès lors état d’enclave lorsqu'un fonds n'a aucune issue sur la voie publique, ce qui peut résulter de la configuration matérielle des lieux qui rend impossible son raccordement à la voie publique.

Il n’y a en revanche pas d’état d’enclave d’un fonds dès lors que sa desserte est assurée par un passage qui s’exerce sur un héritage voisin en vertu d'une tolérance, du moins aussi longtemps que celle-ci n'est pas supprimée.

L’état d’enclave s'apprécie à la date à laquelle le juge statue et, en l'absence d’une révocation de la tolérance, la demande de désenclavement doit être considérée comme prématurée.

La charge de la preuve de l’état d’enclave repose sur le revendiquant auquel il incombe de démontrer l’existence d'un obstacle matériel ou juridique l’empêchant de bénéficier d'une voie d'accès suffisante pour desservir son fonds.

En l’espèce, M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] sont propriétaires de trois parcelles à [Localité 13] cadastrées P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9] dont ils font valoir qu’elles sont enclavées pour ne pas disposer d’un accès à la voie publique.

Ils ont produit leurs justificatifs de propriété dont il ressort qu’ils ont acquis la parcelle P [Cadastre 7] le 30 octobre 1984, la parcelle P [Cadastre 9] le 7 juin 1988 et la parcelle P [Cadastre 8] le 10 septembre 1991.

Pour démontrer l’état d’enclave, ils produisent un plan cadastral qui permet de constater que seule la parcelle P [Cadastre 7] dont ils sont propriétaires depuis le 30 octobre 1984, et sur laquelle est édifiée une maison d’habitation, est bordée par la voie communale.

Selon les photographies versées aux débats, le passage carrossable depuis la route jusqu’à leur fonds a pour assiette, à son début, une superficie de forme triangulaire de 4 m² prise sur la parcelle P [Cadastre 3], actuellement la propriété de M. [E] [S] et M. [C] [N].

Le maire de [Localité 13] a établi une attestation selon laquelle les parcelles cadastrées section P n° [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont desservies par un chemin d’accès créé en 1985 par les propriétaires qui empruntent, sur quelques mètres carrés au départ de la route métropolitaine n° 373, la parcelle n° P [Cadastre 3], propriété de la famille [N]-[S].

L’édile poursuit en indiquant :

« Selon les déclarations des intéressés, lors de la création de cet accès, une autorisation verbale avait été accordée par madame [Z] [N]. Cette autorisation a maintes fois été renouvelée par les héritiers. Bien que l’unité cadastrale de M. et Mme [R] [Y] soit limitrophe de la toute métropolitaine [Cadastre 6], l’accès existant est le seul qui ait pu être réalisé techniquement pour le désenclavement de la propriété, vu la déclivité du terrain. »

Par lettre du 20 mars 2013, M. [C] [N] a indiqué aux époux [Y] que, puisque sa mère lui avait permis le passage sur la parcelle [Cadastre 3], ils pouvaient continuer à l’emprunter.

Par une nouvelle lettre du 29 janvier 2019, M. [C] [N] a, de nouveau, autorisé les époux [Y] à passer par la parcelle P [Cadastre 3], autorisation qui vaudra pour les éventuels héritiers ou acheteur des parcelles P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9].

Les époux [Y] ont cependant sollicité la constitution d’une servitude de passage conventionnelle par un titre notarié consacrant la situation existante, c’est-à-dire la création d’un passage carrossable depuis la voie publique ayant pour assiette quelques mètres carrés de la parcelle voisine P [Cadastre 3].

A défaut d’accord, et alors qu’une cession de parcelle avait été évoquée par les parties, ils sollicitent la consécration judiciaire d’une servitude de passage sur l’assiette de la parcelle P [Cadastre 3].

Cette servitude ne peut toutefois qu’être constituée qu’à la suite de la démonstration d’un état d’enclave, c’est-à-dire d’un défaut d’accès assurant la desserte de leur fonds qui est actuel.

Or, il ne peut qu’être constaté que M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] bénéficient actuellement, et depuis plusieurs années, d’une tolérance de passage sur 4 m² de la parcelle P [Cadastre 3] située en bordure de la voie publique et intégrés au chemin d’accès à leur propriété.

Par ailleurs, les photographies produites en pièce 2 révèlent qu’à la gauche du chemin, à l’endroit où la superficie de passage sur la parcelle P [Cadastre 3] est moindre, le mur de soutènement en bordure de route et le talus supportant le fonds ne sont pas d’une hauteur telle que la création d’un chemin d’accès apparaisse, de manière certaine, techniquement impossible.

M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] ne démontrent dès lors pas l’état d’enclave actuel de leurs fonds, non seulement en raison de l’existence d’une tolérance de passage qui n’a jamais été remise en cause, mais également en l’absence de démonstration de l’impossible matérielle de créer un accès entre leur fonds P [Cadastre 7] et la voie communale qui le borde en déplaçant de quelques mètres le chemin actuel.

A défaut de démonstration de l’état d’enclave de leurs parcelles P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9], M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] seront déboutés de l’intégralité de leurs demandes.

Sur les demandes accessoires.

Parties perdantes au procès, M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] seront condamnés aux dépens.

L’équité ne commande pas en revanche de prononcer à leur encontre de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile si bien que M. [E] [S] et M. [C] [N] seront déboutés de leur demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONSTATE que M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] ne rapportent pas la preuve de l’état d’enclave actuel de leurs fonds cadastrés P [Cadastre 7], P [Cadastre 8] et P [Cadastre 9] à [Localité 13] ;

DEBOUTE M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] de l’intégralité de leurs demandes ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et déboute M. [E] [S] et M. [C] [N] de leur demande formée de ce chef ;

CONDAMNE M. [R] [Y] et Mme [J] [V] épouse [Y] aux dépens ;

Le Greffier Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03144
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;20.03144 ?
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