La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°19/02929

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, 19/02929


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : [X] [N], [O] [J] épouse [N] c/ [A], [Z] [V], [Z], [B] [V], [K] [Y] veuve [V] [Z], [T] [V], [I] [V]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 19/02929 - N° Portalis DBWR-W-B7D-MJYH





















Grosse délivrée à
Me Jonathan TURRILLO -309-

expédition délivrée à
Me Olivier DE FASSIO -391-

le 11 Juillet 2024

mentions diverses

















Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : [X] [N], [O] [J] épouse [N] c/ [A], [Z] [V], [Z], [B] [V], [K] [Y] veuve [V] [Z], [T] [V], [I] [V]

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 19/02929 - N° Portalis DBWR-W-B7D-MJYH

Grosse délivrée à
Me Jonathan TURRILLO -309-

expédition délivrée à
Me Olivier DE FASSIO -391-

le 11 Juillet 2024

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 17 Mai 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024, signé par Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDEURS:

Monsieur [X] [N]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Olivier DE FASSIO de la SCP OLIVIER DE FASSIO- DAVID PERCHE, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
Madame [O] [J] épouse [N]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier DE FASSIO de la SCP OLIVIER DE FASSIO- DAVID PERCHE, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

DÉFENDEURS:

Monsieur [A], [Z] [V]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Jonathan TURRILLO, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
Madame [K] [Y] veuve [V] [Z]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 1]
représentée par Me Jonathan TURRILLO, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
Monsieur [T] [V]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représenté par Me Jonathan TURRILLO, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
Monsieur [I] [V]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représenté par Me Jonathan TURRILLO, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique dressé le 10 janvier 2019 par Maître [U] [E], notaire à [Localité 2], avec la participation de Maître [P] [S], M. [L] [V] et M. [A] [V] ont vendu à M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] une villa situé [Adresse 6] à [Localité 3] avec terrain alentour entièrement clos au prix de 470.000 euros.

Cet acte de vente contenait une clause selon laquelle l’acquéreur prenait le bien en l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents et des vices cachée.

Il était précisé, s’agissant des vices cachés, que cette exonération de garantie ne s’appliquerait pas :

- si le vendeur a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’il est réputé ou s’est comporté comme tel,
- s’il est prouvé par l’acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.

Dans le paragraphe « assainissement » de l’acte, le vendeur déclarait que l’immeuble n’était pas raccordé à un réseau d’assainissement collectif des eaux usées à usage domestique, que le diagnostic annexé constatait la non-conformité de l’installation et que l’acquéreur était informé qu’il devait faire procéder à ses frais aux travaux de mise en conformité dans le délai d’un an à compter de la vente.

Le paragraphe « amiante » précisait que l’état établi par le cabinet CLR Expertise révélait la présence de matériaux et produits contenant de l’amiante sur jugement de l’opérateur et qu’il était prescrit au propriétaire d’effectuer à ses frais un contrôle périodique de l’état des matériaux et au plus tard tous les trois ans.

M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] ont pris possession des lieux qu’ils ont entrepris de rénover et ont constaté que les pièces d’eau de la partie ancienne de la maison datant des années 1960 n’étaient pas raccordées à la fosse septique mais à un puits perdu, ce qu’ils ont fait constater par un huissier de justice le 15 février 2019.

Par lettre adressée le 2 mars 2019 à Maître [P] [S], Maître [U] [E] a indiqué que cette situation mettant en évidence l’existence d’un vice caché connu du vendeur et a fourni des devis des travaux de raccordement en indiquant que ses clients acquéreurs souhaitaient éviter d’engager une procédure judiciaire sur le fondement de l’article 1641 du code civil.

Par lettre du 11 mars 2019, Maître [P] [S] fait part de la réponse de son client selon laquelle M. [X] [N] s’était rendu à de nombreuses reprises dans la maison avant la vente aux fins d’établir notamment des devis de travaux de mise aux normes du système d’assainissement dont le coût avait justifié une diminution du prix de vente.

Par acte d’huissier du 21 juin 2019, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] ont fait assigner M. [L] [V] et M. [A] [V] devant le tribunal judiciaire de Nice pour obtenir, sur le fondement des vices cachés, le paiement de la somme de 110.860,63 euros correspondant à la diminution du prix de vente ainsi que des dommages-intérêts.

M. [Z] [V] est décédé à [Localité 10] le 3 décembre 2022 en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [K] [V], et ses enfants Messieurs [T] et [I] [V], qui sont volontairement intervenus à l’instance par conclusions communiquées le 6 avril 2023.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives et d’actualisation procédurale, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] sollicitent, sous bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation solidaire de M. [A] [V], de Mme [K] [V], de M. [T] [V] et de M. [I] [V] à leur payer les sommes suivantes :

- 110.860,63 euros en restitution d’une partie du prix sur le fondement des vices cachés,
- 35.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral,
- 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens incluant le coût des procès-verbaux de constat d’huissier.

Ils exposent avoir découvert, quelques jours après la signature de l’acte de vente, l’existence d’un vice caché connu du vendeur, à savoir le raccordement des installations sanitaires de la partie ancienne de la maison, non pas à une fosse septique, mais à un puits perdu situé dans le jardin. Ils estiment que ce vice était nécessairement connu du vendeur qui avait fait édifier l’extension de la construction en 1984 avec l’obligation de créer une fosse septique, ce dont il se déduit qu’il avait connaissance de ce que la partie ancienne de la maison de disposait d’aucun dispositif d’assainissement. Ils soulignent que l’évacuation des eaux usées dans un puits perdu est prohibée par la règlementation en raison de son impact environnemental. Ils considèrent en conséquence que la clause de non-garantie ne peut pas s’appliquer et que les vendeurs devront leur restituer une partie du prix correspondant aux travaux de mise aux normes d’un montant de 26.950 euros selon le devis de la société Azur Cop’s Environnement.
Ils expliquent avoir fait dresser un second constat d’huissier le 21 mars 2019 après avoir découvert que l’intérieur du conduit de cheminée comportait de l’amiante et que la sous toiture de la maison était composée de plaques en fibrociment, ce qui ne figurait pas dans le diagnostic obligatoire, le contrôleur ayant indiqué qu’il n’était pas possible d’accéder aux combles malgré l’existence d’une trappe d’accès. Ils font valoir que les vendeurs leur avaient indiqué seulement deux endroits contenant de l’amiante, omettant volontairement de mentionner les plaques en fibrociment. Ils soulignent que le devis de désamiantage s’établit à la somme de 81.920,23 euros TTC et les travaux annexes à la somme de 1.990 euros TTC.
Ils indiquent que le montant total des travaux nécessaires pour remédier aux vices cachés s’établit à la somme de 110.860,63 euros dont ils demandent le paiement sous forme d’une restitution d’une partie du prix.
En réplique aux moyens de défense, ils font valoir que s’ils ont eu connaissance de certaines informations, celles-ci n’incluaient pas la précision que la partie ancienne de la maison n’était pas raccordée à la fosse septique qu’ils estiment d’une importance capitale. Ils soutiennent que ce sont les professionnels de la rénovation auxquels ils ont fait appel qui les ont informés de l’existence d’un puits perdu. Ils considèrent que tout a été fait pour leur cacher la réalité de la situation notamment la présence d’amiante sous la toiture si bien que les vendeurs ont manqué à leur obligation d’information.
Ils indiquent verser aux débats les très nombreuses factures des travaux destinés à remédier au mauvais général état de la maison, pour lesquels ils sollicitent une indemnisation forfaitaire de 15.000 euros, qui doit s’ajouter à la réparation de leur préjudice moral initialement évaluée à 20.000 euros, soit la somme de 35.000 euros au total.
Ils se défendent de tout abus dans leur droit d’agir en justice et font valoir que s’ils ont entreposé leurs meubles dans la maison dès le 26 novembre 2018, il leur a été impossible de vérifier l’état des équipements dans les lieux qu’ils n’ont pu habiter qu’à compter du 21 mars 2019.

Dans leurs conclusions communiquées le 6 avril 2023, M. [A] [V] ainsi que Mme [K] [V], M. [T] [V] et M. [I] [V] venant aux droits de M. [Z] [V] concluent au débouté et sollicitent la condamnation solidaire de M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] à leur payer les sommes suivantes 
- 20.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent que le contenu de l’acte de vente démontre qu’ils ont satisfait à l’obligation d’information prévue par l’article L. 1331-11-1 du code de la santé publique si bien que, conformément à l’article L. 271-4 II du code de la construction et de l’habitation, ils peuvent s’exonérer de la garantie des vices cachés. Ils font valoir que les désordres invoqués, relatifs aux installations d’assainissement, ne répondent pas à la définition des vices cachés en ce que les acquéreurs en avaient connaissance au moment de l’achat, le rapport SPANC annexé à l’acte indiquant que le réseau d’assainissement était non conforme. Ils soulignent que les époux [N] ont pu se convaincre de l’état des équipements avant la vente car la tuyauterie raccordée au puits perdu était visible, comme en atteste le procès-verbal de constat d’huissier, et ils leur avaient remis un document intitulé « aide-mémoire » mentionnant la présence de ce puits perdu. Ils estiment en conséquence que les époux [N], parfaitement éclairés sur la situation du système d’assainissement, devront être déboutés de leur demande en garantie des vices cachés.
Ils rappellent que, conformément à l’article L. 1334-13 du code de la santé publique, était annexé à l’acte de vente l’état établi par le cabinet CLR Expertise révélant la présence de matériaux et produits contenant de l’amiante dans la maison. Ils démentent avoir trompé le technicien qui a indiqué dans son rapport de visite qu’il n’était pas équipé du matériel nécessaire pour accéder au toit, ce dont ils ne sont pas responsables et qui ne constitue pas une omission volontaire de leur part. Ils considèrent également que les demandeurs devront être déboutés de leurs demandes.
Ils font valoir qu’ils ne peuvent être contraints d’indemniser les travaux d’amélioration d’un bien pris en l’état où il se trouvait à la date de l’entrée en jouissance sous forme de réparation forfaitaire d’un préjudice moral. Ils rappellent avoir vendu la villa à un prix très en-dessous du marché compte-tenu de l’ancienneté du bien, ce que confirme l’avis de valeur qu’ils versent aux débats.
Ils précisent que les acquéreurs n’ignorent pas que M. [Z] [V], atteint d’une très grave maladie dont il est décédé, a été contraint de mettre en vente le bien rapidement pour désintéresser la banque après avoir obtenu une suspension du remboursement des échéances de son emprunt. Ils considèrent que les époux [N] qui ont occupé le bien pendant une période relativement longue avant l’achat ont diligenté une procédure infondée en toute connaissance de cause, ce qui leur cause un préjudice moral dont ils sollicitent l’indemnisation à hauteur de 20.000 euros.

La clôture de la procédure est intervenue le 23 octobre 2023. L’affaire a été retenue à l’audience du 23 novembre 2023. Par jugement du 25 avril 2024, le tribunal a ordonné la reprise des débats à l’audience du 17 mai 2024 à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’intervention volontaire de Mme [K] [V], M. [T] [V] et M. [I] [V].

M. [Z] [V] est décédé à [Localité 10] le 3 décembre 2022 en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [K] [V], et ses enfants Messieurs [T] et [I] [V].

Mme [K] [V] ainsi que Messieurs [T] et [I] [V] sont, par conclusions communiquées le 6 avril 2023, volontairement intervenus à l’instance qui a donc valablement été reprise.

Leur intervention volontaire, qui n’est pas contestée, sera par conséquent déclarée recevable.

Sur l’existence de vices cachés.

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice est ainsi caractérisé par ses conséquences : l’inaptitude de la chose à l’usage que l’on en attend. Le défaut doit dès lors avoir un impact d’une certaine intensité sur l'usage de l’immeuble en le rendant impropre à sa destination normale d’habitation. Il ne suffit pas en effet que la chose soit atteinte dans une de ses qualités principales, il faut encore que le vice présente une gravité suffisante.

Le vice est considéré comme caché lorsqu'il ne se révèle pas à l'occasion de vérifications immédiates et d'investigations normales. Le vice est au contraire considéré comme apparent non seulement lorsqu’il est manifeste mais également lorsqu’une diligence moyenne permettait de le découvrir, étant précisé qu’un certificat technique peut suffire à rendre un vice apparent dès lors qu'il y est mentionné de manière compréhensible.

L’article 1642 du code civil précise qu’en revanche, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

Même s’il peut être, a priori, de nature à permettre de le considérer comme un vice caché, le défaut ne doit pas avoir été connu de l'acquéreur car, ayant accepté la chose telle quelle en toute connaissance de cause, il ne pourrait alors prétendre à la garantie. Le vice connu de l'acquéreur est celui dont il a pu se convaincre par des indices divers ou qui lui a été révélé par son cocontractant.

C’est à l’acquéreur qu’il incombe d’établir l’existence, la gravité, le caractère caché et l’antériorité du vice par rapport à la vente ou, plus précisément, au transfert de propriété.

Néanmoins, l’article 1643 du code civil dispose que le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Ainsi, une clause de non-garantie des vices cachés, aménageant les conditions de sa mise en œuvre par l’acheteur à l’encontre du vendeur occasionnel, est valable.

Cette clause doit donc produire effet sauf s’il est rapporté la preuve par l’acquéreur que le vendeur est de mauvaise foi car il connaissait le vice affectant la chose dont il ne l’a pas averti voire qu’il lui a sciemment dissimulé lors de la vente.

1. Sur l’absence de raccordement à la fosse septique des sanitaires de la partie ancienne de la maison.

L’acte de vente du 10 janvier 2019 contient un paragraphe intitulé « Assainissement » rédigé en ces termes :

« Le vendeur déclare que l’immeuble n’est pas raccordé à un réseau d’assainissement collectif des eaux usées à usage domestique.
Compte-tenu de la destination à usage d’habitation du bien, le vendeur est tenu de fournir le diagnostic établi depuis moins de trois ans à l’issue du contrôle de l’installation non collective.
Ce diagnostic, effectué par le SILEN sis à [Adresse 12] le 9 septembre 2016, annexé, constate la non-conformité de l’installation d’assainissement.

L’acquéreur est informé que, dans ce cas, il doit faire procéder à ses frais aux travaux de mise en conformité dans le délai d’un an à compter de la date de l’acte de vente. »

Le diagnostic, annexé à l’acte de vente, mentionne une absence de regard permettant de vérifier le bon écoulement des eaux et conclut à un dispositif non conforme.

Le 15 février 2019, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] ont fait établir un procès-verbal de constat par Maître [C] [G], Huissier de justice à [Localité 11], dont il ressort qu’il existait deux salles d’eau dans la partie ancienne de la maison construite en 1961.

Cet officier public constate que la salle d’eau du premier étage est reliée à une canalisation en PVC courant sur le mur de la façade Est pour se poursuivre dans l’angle Sud-Est du local technique. Il ajoute que les sanitaires du rez-de-chaussée sont reliés à un tuyau d’évacuation en PVC sortant du mur dans l’angle Nord-Est du local technique et se poursuivant dans le sol.

Maître [C] [G] indique, au début de son procès-verbal, qu’à deux mètres environ de la façade, dans le jardin en contrebas, sont présents deux conduits d’évacuation vétustes sortant de terre pour entrer dans un puits perdu. Elle a constaté que les eaux usées des pièces sanitaires s’écoulaient dans le puits perdu si bien qu’elles n’étaient pas reliées à la fosse septique.

Pour autant, il n’est pas affirmé par l’acte de vente que l’ensemble des installations était relié à la fosse septique édifiée en 1984 par M. [Z] [V] à l’occasion des travaux d’extension de la maison, cette indication ressortant du courrier du notaire des acquéreurs et non de l’acte lui-même.

Au contraire, le diagnostic faisait ressortir la non-conformité de l’installation d’assainissement et, dans sa première ligne relative à la description de la filière d’assainissement, indiquait l’absence de regard permettant de vérifier le bon écoulement des eaux.

Il existait donc un indice de l’existence du vice dont les époux [N] estiment qu’il constitue un vice caché, conforté par l’examen des tuyauteries partant des pièces sanitaires de la partie ancienne de la maison, très visibles en façade pour le premier étage, et de celles situées à deux mètres de la même façade aboutissant à un puits perdu.

Les époux [N] ne contestent pas avoir pu accéder à la maison, avant même la signature de l’acte authentique le 10 janvier 2019, et ce dès le 26 novembre 2018 pour y entreposer leurs meubles.

Or, l’existence du puits perdu à proximité de la façade de la maison, reliée à la tuyauterie au départ des pièces d’eau de la partie ancienne de la construction, ne pouvait échapper à un examen normalement attentif des lieux par des acquéreurs munis d’un diagnostic concluant à l’absence de conformité du réseau d’assainissement.

Par ailleurs, il n’est pas démontré par les époux [N] que le vice invoqué rendait la maison, dans son ensemble, impropre à l'usage d’habitation auquel elle était destinée, si bien qu’ils n’auraient pas acquis ou auraient acquis à un moindre prix s’ils avaient parfaitement connus ce défaut alors qu’il n’est pas discuté que le prix d’achat a été négocié à la baisse en raison des travaux à effectuer dans le bien.

Dès lors que les époux [N] ne démontrent pas que le défaut de raccordement des deux pièces sanitaires de la partie ancienne de la maison à la fosse septique est un défaut qui était caché et d’une gravité telle qu’il rendait l’immeuble impropre à sa destination, ils seront déboutés de leur demande de réduction du prix fondé sur ce vice.

2. Sur la présence d’amiante sous la toiture.

Le paragraphe « Amiante » de l’acte de vente du 10 janvier 2019 précise :

« Un état établi par le cabinet CLR Expertise sis à [Localité 3] [Adresse 7], le 23 avril 2017 accompagné de l’attestation de compétence est annexé.

Cet état révèle la présence de matériaux et produits contenant de l’amiante sur jugement de l’opérateur.
Le diagnostic obtenu à partir de la grille d’évaluation prescrit au propriétaire d’effectuer à ses frais un contrôle périodique de l’état de conservation des matériaux au plus tard tous les trois ans.
Cette obligation est transmise de droit à tout nouveau propriétaire.
L’acquéreur déclare :
être informé de la réglementation en vigueur ainsi que des sanctions attachées à son non-respect,avoir été averti qu’il devra transmettre ce résultat à tout occupant ou locataire éventuel ainsi qu’à toute personne devant effectuer des travaux sur les lieux. »
Selon les conclusions de ce diagnostic, le technicien a repéré des matériaux et produits contenant de l’amiante sur jugement de l’opérateur :

- plaques en fibres-ciment (Extérieur – Local chaudière) pour lequel il est recommandé de réaliser une évaluation périodique,
- plaques en fibres-ciment (Extérieur – Local technique Piscine) pour lequel il est recommandé de réaliser une évaluation périodique.

Le constat précise cependant que le premier étage – combles n’a pas pu être visité en raison de moyens d’accès insuffisants le jour de la visite et que des investigations complémentaires doivent être réalisées afin d’y vérifier la présence éventuelle d’amiante.

Le 21 mars 2019, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] ont fait dresser un second procès-verbal de constat par Maître [C] [G], Huissier de justice à [Localité 11] après que le professionnel chargé de ramoner la cheminée ait découvert de l’amiante dans le conduit.

Cet officier public a relevé des fissurations du conduit de cheminée sans précision sur la présence d’amiante. Elle a en revanche également constaté l’existence, au premier étage, d’une trappe sur l’ancien plafond peint en blanc permettant d’accéder sous le toit où étaient présentes des plaques en fibrociment.

Pour éluder l’application de la clause de non-garantie des vices cachés, les époux [N] doivent rapporter la preuve que les vendeurs étaient de mauvaise foi car ils connaissaient ce vice dont ils ne les ont pas avertis ou qu’ils lui ont sciemment dissimulé lors de la vente.

Les époux [N] estiment que les vendeurs ont faussement indiqué au diagnostiqueur qu’il était impossible d’accéder sous la toiture en lui dissimulant la trappe d’accès, propos qu’ils ont également tenu à l’huissier de justice qui les relate en première page de son procès-verbal de constat.

Toutefois, ce n’est pas ce qui ressort du diagnostic dans lequel le technicien mentionne simplement des moyens d’accès insuffisants le jour de sa visite, ce qui peut s’entendre des moyens matériels tels qu’une échelle pour accéder à la trappe située en hauteur. Cette présomption est confirmée par les photographies annexées au procès-verbal de constat qui révèlent que, avant la pose d’un faux-plafond par les acquéreurs, la trappe d’accès originaire était visible.

Il n’est donc pas démontré que les vendeurs ont sciemment empêché le technicien d’accéder aux combles de la maison où il aurait décelé la présence d’amiante.

Par ailleurs, il n’existe aucun élément permettant de conclure que les vendeurs, non professionnels, avaient connaissance de la présence d’amiante sous la toiture par des combles difficiles d’accès.

Il n’est pas allégué que cette partie ancienne de la maison avait fait l’objet de travaux des vendeurs qui leur auraient nécessairement permis de découvrir le vice, ce que révèle d’ailleurs l’existence de plaques en fibres ciment sous la toiture, procédé qui a été abandonné depuis plusieurs décennies.

Il n’existe donc aucun indice de la mauvaise foi des vendeurs qui ont remis le diagnostic concluant à la nécessité de procéder à des investigations complémentaires sous les combles, diagnostic pourtant effectué par un technicien qui n’avait pas été en mesure de le vérifier.

Il sera rappelé qu’une simple négligence du vendeur n'est pas assimilable à la mauvaise foi, seule la preuve d’une connaissance du vice dissimulé lors de la vente permettant d’écarter la clause de non garantie des vices cachés.

Dès lors qu’il n’est pas établi que les vendeurs non professionnels savaient, au moment de la vente, que les combles contenaient de l’amiante, la clause de non-garantie des vices cachés insérée à l’acte de vente doit s’appliquer.

Par conséquent, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] seront déboutés de leur demande de restitution d’une partie du prix de vente sur le fondement des vices cachés.

Sur la demande additionnelle de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Pour ouvrir droit à indemnisation, tout préjudice suppose que soit rapportée la preuve d’une faute contractuelle qui en est la cause.

En l’espèce, indépendamment de l’existence de vices cachés, l’acte de vente prévoyait que les acquéreurs prenaient le bien en l’état où il se trouvait au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre les vendeurs pour quelque cause que ce soit.

Pour autant, les époux [N] font valoir qu’ils ont été contraints d’entreprendre des travaux pour plusieurs dizaines de milliers d’euros en raison de l’état de la bâtisse qui leur avait été caché.

Toutefois, ils s’étaient contractuellement obligés à prendre le bien immobilier en l’état où il se trouvait au jour de l’entrée en jouissance, bien immobilier qu’ils ont visités à plusieurs reprises avant l’acquisition et dont ils ont eu les clés avant la vente si bien qu’ils en connaissaient l’état et ont d’ailleurs entrepris rapidement des travaux de rénovation.

Ils ne sont donc pas fondés à invoquer le mauvais état général de la maison acquise en tout état de cause, comme constitutif d’un préjudice moral dont ils étayent la consistance par la remise de factures d’achat de matériaux nécessaires à la rénovation à l’appui d’une demande forfaitaire d’indemnisation.

A défaut de preuve d’une faute causale d’un préjudice, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] seront également déboutés de leur demande additionnelle de dommages-intérêts.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par application de l’article 1240 du code civil, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol.

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est cependant pas, en elle-même, constitutive d’une telle faute.

En l’espèce, les défendeurs font valoir que l’action a été initiée par les époux [N] alors qu’ils connaissaient l’état de santé de M. [Z] [V] l’ayant conduit à céder rapidement son bien.

Pour autant, bien que leur action soit infondée, les époux [N] ont pu se méprendre sur l’étendue de leurs droits notamment au regard du conseil qui leur avait été délivré notamment par leur notaire.

En tout état de cause, il n’est pas établi que l’exercice l’action initiée pour qu’il soit statué sur l’existence de vices cachés a dégénéré en abus, aucune légèreté blâmable ou erreur grossière ne pouvant leur être imputé.

Par conséquent, les consorts [V] seront déboutés de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires.

Compte-tenu de la solution du litige, l’exécution provisoire n’est pas nécessaire et ne sera pas ordonnée.

Parties perdantes au procès, M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] seront condamnés aux dépens.

L’équité ne commande pas en revanche de prononcer à leur encontre de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile si bien que les consorts [V] seront déboutés de leur demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de Mme [K] [V], de M. [T] [V] et de M. [I] [V] venant aux droits de M. [Z] [V] ;

DEBOUTE M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] de toutes leurs demandes ;

DEBOUTE M. [A] [V], Mme [K] [V], M. [T] [V] et M. [I] [V] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes formées de ce chef ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

CONDAMNE M. [X] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] aux dépens ;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02929
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;19.02929 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award