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11/07/2024 | FRANCE | N°17/05089

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, 17/05089


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : [V] [H], [F] [I] épouse [H] c/ S.A.R.L. J [A], [W] [Z], Société ELITE INSURANCE NEWTON CHAMBERS, S.A. SMA

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 17/05089 - N° Portalis DBWR-W-B7B-LIGF


















Grosse délivrée à
Me Juliette HURLUS

expédition délivrée à
Me Françoise ASSUS JUTTNER
Me Elodie ZANOTTI

le 11 juillet 2024

menti

ons diverses















Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Ro...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : [V] [H], [F] [I] épouse [H] c/ S.A.R.L. J [A], [W] [Z], Société ELITE INSURANCE NEWTON CHAMBERS, S.A. SMA

MINUTE N°
Du 11 Juillet 2024

2ème Chambre civile
N° RG 17/05089 - N° Portalis DBWR-W-B7B-LIGF

Grosse délivrée à
Me Juliette HURLUS

expédition délivrée à
Me Françoise ASSUS JUTTNER
Me Elodie ZANOTTI

le 11 juillet 2024

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
onze Juillet deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 17 Mai 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024, signé par Cécile SANJUAN PUCHOL, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
réputée contradictoire, en premier ressort, au fond

DEMANDEURS:

Monsieur [V] [H]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représenté par Maître Juliette HURLUS de la SELARL GHM AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
Madame [F] [I] épouse [H]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par Maître Juliette HURLUS de la SELARL GHM AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

DÉFENDEURS:

S.A.R.L. J [A] Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
n’ayant pas constitué avocat
Monsieur [W] [Z] Es qualité de liquidateur amiable de la société L’ARTISAN CONTOIS
[Adresse 2]
[Localité 1]
n’ayant pas constitué avocat
Société ELITE INSURANCE NEWTON CHAMBERS dont le sièges est [Adresse 9], Prise en son gestionnaire en France la société ACS SOLUTIONS
[Adresse 5]
représentée par Maître Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER -MAGAUD- RABHI- JUTTNER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
S.A. SMA dont le siège est [Adresse 8], Prise en son agence SMA SA [Localité 6]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Maître Elodie ZANOTTI de la SCP COURTAUD - PICCERELLE - ZANOTTI - GUIGON-BIGAZZI, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique reçu le 28 octobre 2013 par Maître [S] [E], notaire à [Localité 13], M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] ont acquis de Mme [T] [J] une parcelle de terrain à bâtir à [Localité 10] au lieudit « [Adresse 11], cadastrée BH [Cadastre 4].

Cette parcelle était destinée à la construction d’une maison individuelle pour laquelle Mme [T] [J], venderesse, avait obtenu un permis de construire et avait fait édifier une dalle et ses fondations.

Le permis initial a été transféré à M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H].

M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] ont conclu avec la société [D] [A], architecte assuré auprès de la société Elite Insurance Newton Chambers, un contrat de maîtrise d’œuvre le 3 juillet 2013 ayant pour objet « la construction d’une villa sur dalle existante (fondations, élévation vide-sanitaire et plancher bas rez-de-chaussée existants) y compris reprise ponctuelle de fondations. »

Suivant marché du 2 février 2014, M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] ont confié à la société l’Artisan Contois, assuré auprès de la société Sagena devenue la société SMA, les travaux de gros œuvre, second œuvre, menuiseries intérieures et extérieures, pour un montant de 88.820,52 euros TTC.

Les travaux ont été achevés en août 2014 mais aucun procès-verbal de réception contradictoire n’a été établi.

Faisant valoir que des fissures étaient apparues sur la façade de leur maison en juin 2015, le conseil des époux [H] ont mis en demeure la société [A], la société L’Artisan Contois et leurs assureurs respectifs par lettre du 17 décembre 2016.

Par actes des 19, 20 octobre et 25 novembre 2017, M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] ont fait assigner la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois, la société Elite Insurance Newton Chambers et la société SMA pour obtenir la reprise des désordres principalement sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ainsi que l’indemnisation de leur préjudice.

Par ordonnance du 20 juin 2019, le juge de la mise en état a mis hors de cause la société Elite Insurance Newton Chambers, déclaré recevable l’intervention de la société Elite Insurance et ordonné une expertise en commettant pour y procéder Mme [O] [C].

Mme [O] [C] a établi son rapport d’expertise judiciaire le 3 mai 2021 au terme duquel elle conclut que les désordres provenaient d’un défaut des fondations, aggravée par une reprise en sous œuvre également inadaptée, relevant tant de la responsabilité de la société l’Artisan Contois que du maître d’œuvre pour un préjudice globalement évalué à 128.636,56 euros TTC.

Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal a révoqué la clôture et rouvert les débats en enjoignant aux époux [H], à la société Elite Insurance et à la société SMA de faire signifier leurs dernières conclusions à la société [D] [Y] et à M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois.

Dans leurs dernières conclusions communiquées le 2 juin 2022, signifiées aux défendeurs non comparant le 11 juillet 2023, M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] sollicitent :

à titre principal :le prononcé de la réception tacite de l’ouvrage le 24 août 2024,le constat que les désordres compromettent la solidité de l’ouvrage et sont évolutifs,la condamnation in solidum de la société [D] [A] et de la société l’Artisan Contois représentée par son liquidateur amiable M. [W] [Z], ainsi que de leur assureurs respectifs, à les indemniser sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs,
∙ à titre subsidiaire :
le constat que la société [D] [A] a manqué à son devoir de conseil et est responsable d’un vice de conception et de construction dans l’exécution de son contrat de maîtrise d’œuvre, le constat que la société l’Artisan Contois représentée par son liquidateur amiable M. [W] [Z] a commis des manquements dans l’exécution du marché de travaux par suite d’un défaut de conseil et de vices de construction,la condamnation in solidum de la société [D] [A] et de la société l’Artisan Contois représentée par son liquidateur amiable M. [W] [Z], ainsi que de leur assureurs respectifs, à les indemniser sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
en tout état de cause, la condamnation in solidum de la société [D] [A], de la société l’Artisan Contois représentée par son liquidateur amiable M. [W] [Z], de la société Elite Insurance et de la société SMA à leur payer, sous bénéfice de l’exécution provisoire, les sommes suivantes :96.154,43 euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise en sous-œuvre,13.871,00 euros TTC correspondant aux travaux de remise en état de la façade et des embellissements intérieurs,2.200 euros TTC correspondant au coût de l’assurance dommage-ouvrage,5.500 euros TTC correspondant au coût de maîtrise d’œuvre,5.472 euros TTC en remboursement du coût de l’expertise,6.240 euros TTC en remboursement de l’étude de sol,5.000 euros de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice de jouissance,37.500 euros de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent avoir confié au cabinet [A] la construction de leur maison d’habitation par un contrat de maîtrise d’œuvre incluant la conception des plans, le dépôt du permis de construire et le choix de l’entreprise exécutante. Ils expliquent que le cabinet [A] a fait appel à la société l’Artisan Contois pour exécuter les travaux. Ils soulignent que son assureur, qui a participé aux opérations d’expertise, soutient pour la première fois que son assurée n’a pas réalisé les travaux alors qu’ils produisent les certificats de paiement et la copie des chèques démontrant que la société l’Artisan Contois a bien exécuté les travaux suivant le devis qu’ils sont signé. Ils font valoir que les travaux de gros œuvre et de reprise de la dalle ont été confiés à la société l’Artisan Contois et exécutés à l’ouverture du chantier le 3 février 2014. Ils soutiennent qu’en tout état de cause, les travaux effectués étant devenus indissociables de l’existant auquel ils ont été incorporés, la responsabilité de l’entreprise qui a finalisé les travaux est engagée et la garantie de son assureur est mobilisable sur le fondement de l’article L. 243-1-1, II du code des assurances.
Ils indiquent que les travaux ont été achevés en août 2014, date à laquelle ils ont pris possession des lieux concomitamment au règlement du solde du marché le 20 août 2014, ce dont ils précisent rapporter la preuve par la production de la copie des neuf chèques qu’ils ont émis et qui ont été encaissés par la société l’Artisan Contois. Ils considèrent en conséquence que la réception tacite des travaux est caractérisée par le paiement de l’intégralité des factures, la prise de possession des lieux sans réserve ni contestation.
Ils soulignent que l’expert a constaté des fissures engendrant des infiltrations dans des pièces de la maison qui sont la conséquence de tassement différentiels des fondations entre la partie amont de la construction assise sur un terrain rocheux et la partie aval fondé sur des terrains moins compacts pouvant être des terres de remblais. Ils exposent que l’expert a constaté que ces désordres compromettaient la solidité de l’ouvrage et plus particulièrement ses fondations, le rendant impropre à sa destination. Ils expliquent que le technicien a identifié comme causes ses désordres une mauvaise conception des fondations initiales par rapport au type de sol et une mauvaise réalisation des fondations par un encastrement insuffisant, situation aggravée par la réalisation de travaux de confortement préconisés par Monsieur [A] et réalisés par la société l’Artisan Contois.
Ils considèrent que le maître d’œuvre et la société l’Artisan Contois ayant exécuté les travaux ont manqué à leurs obligations professionnelles en ne faisant pas procéder à une étude de sols préalable qui s’imposait et, pire, en réalisant une reprise des plots en béton au sud-est de la dalle qui a aggravé les désordres.
Ils estiment que le maître d’œuvre, tenu de concevoir un ouvrage conforme à sa destination et de mettre en œuvre toute mesure imposée par la configuration des lieux, a engagé sa responsabilité car les fondations des éléments porteurs de la façade et le dessus des fondations n’étaient pas suffisamment encastrées dans le sol, ce qui a conduit à un tassement responsable des fissures. Ils ajoutent qu’en sa qualité d’homme de l’art, M. [A] était tenu d’un devoir de conseil dès la conception de l’ouvrage à laquelle ils font valoir qu’il a indiscutablement manqué. Ils soutiennent que le rapport d’expertise a conclu que la réalisation des fondations n’était pas adaptée à la configuration des lieux si bien que la société [A] a commis une faute de conception engageant sa responsabilité.
Ils rappellent que la société l’Artisan Contois a répondu à l’appel d’offre de la société [A] pour réaliser les travaux et n’a pas identifié qu’ils étaient mal conçus au regard de la configuration des lieux pour les alerter ainsi que le maître d’œuvre pour qu’il y remédie. Ils soulignent qu’il a réalisés les travaux sans réserve en créant des « points durs » générateurs de tassements différentiels du terrain ayant engendré les désordres, ce qui engage également sa responsabilité.
Ils font valoir que la société [A] et l’Artisan Contois sont des constructeurs au sens de l’article 1792-1 du code civil, responsables de plein droit en application de l’article 1792 du même code des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. Ils en déduisent qu’ils sont responsables des dommages qu’ils devront, in solidum avec leurs assureurs, être condamnés à réparer sans qu’ils leur incombent de procéder à un partage de responsabilité.
A titre subsidiaire, ils considèrent que leur responsabilité contractuelle est engagée sur le fondement de l’article 1217 du code civil, le contrat de louage d’ouvrage mettant à la charge de l’entrepreneur une obligation de résultat qui n’a pas été respectée.
Ils indiquent avoir subis des préjudices d’ordre financier constitués par le coût des reprises en sous-œuvre et de confortement, le coût de la reprise de la façade, la souscription d’une assurance dommages-ouvrage et d’un contrat de maîtrise d’œuvre. Ils ajoutent avoir réglé des frais d’expertise judiciaire et d’une étude de sol réclamée par cet expert qui devront leur être remboursés. Ils font valoir qu’ils subiront un préjudice de jouissance de leur bien durant la réalisation des travaux estimée à une période de 3 à 6 mois et dont ils demandent la compensation sur la base d’une valeur locative mensuelle de 1.500 euros. Enfin, ils précisent être très affectés par ce litige qui a débuté en 2015 soit depuis 75 mois dont ils évaluent la réparation à 500 euros par mois.

Dans ses écritures récapitulatives notifiées le 9 novembre 2022, la société Elite Insurance Company Ltd conclut :

principalement, à l’irrecevabilité des demandes en l’état de la liquidation judiciaire dont elle fait l’objet,subsidiairement, au débouté en l’absence de réception expresse des travaux et à sa mise hors de cause,à titre infiniment subsidiaire :à la limitation de la responsabilité de son assurée, la société [D] [Y], à 10 %, au rejet de la demande d’indemnisation d’un préjudice moral, à la condamnation de la société SMA SA et de la société l’Artisan Contois représentée par son liquidateur amiable à la relever et garantir de toute condamnation,à l’opposabilité de sa franchise et du montant du plafond de garantie,en tout état de cause, au rejet de la demande d’exécution provisoire et à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que par décision de la cour suprême de Gibraltar du 11 décembre 2019, elle a été placée sous administration, ce qui interdit toute condamnation à son encontre. Elle rappelle que conformément à l’article L. 326-20 du code des assurances, la procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance et ses effets sont régis par le droit applicable dans l’état d’origine, à savoir Gibraltar. Elle souligne que les demandeurs n’allèguent ni ne démontrent avoir procédé à une déclaration de créance entre les mains des administrateurs, si bien que les demandes formées à son encontre sont irrecevables sur le fondement des articles 65 et 66 de la loi sur les insolvabilités de Gibraltar. Elle ajoute qu’en tout état de cause, aucune condamnation ne peut intervenir à son encontre, la cour de cassation rappelant que le principe de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite est d’ordre public interne mais également international.
Subsidiairement, elle fait valoir que sa garantie est conditionnée par l’existence d’une réception des travaux qui n’est pas intervenue en l’espèce, même tacitement car les époux [H] ne rapportent pas la preuve du paiement intégral du marché par les six certificats versés aux débats pour un total de 77.968,31 euros.
A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que la société [D] [Y] n’a commis aucun manquement selon le rapport d’expertise judiciaire, la responsabilité étant celle de la société l’Artisan Contois et de Mme [J] qui a fait édifier la dalle litigieuse. Elle estime que n’est pas rapportée la preuve que la société [D] [Y] serait intervenue en qualité de maître d’œuvre du premier ouvrage. Elle soutient que la société [D] [Y] n’avait pas une mission de maîtrise d’œuvre de conception du second ouvrage susceptible d’emporter sa responsabilité, notamment une mission relative aux études d’exécution de la maîtrise d’œuvre.
Elle fait valoir toutefois que si la responsabilité de son assurée dans la survenance des désordres devait être retenue, elle ne saurait être supérieure à 10 %, la responsabilité de la société l’Artisan Contois étant, selon elle, prépondérante.
Elle conteste l’existence d’un préjudice moral et rappelle que la franchise contractuelle est opposable au tiers qui exerce l’action directe tout comme le plafond de garantie.

Dans ses conclusions en défense n° 04 communiquées le 22 juin 2022, la société SMA SA conclut :

à titre principal, au débouté,à titre subsidiaire :à la réduction des indemnités sollicitées,à la condamnation de la société [D] [Y] à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,à la déduction de la franchise opposable du montant de la condamnation prononcée,en tout état de cause, au rejet de l’exécution provisoire ainsi qu’à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le marché de travaux de la société l’Artisan Contois n’est pas signé par les parties et qu’aucune facture n’a été communiquée par l’entrepreneur, ce dont elle déduit qu’il n’est pas démontré que c’est la société l’Artisan Contois qui est intervenu sur le chantier. Elle rappelle que les fondations de la villa étaient déjà réalisées lors de la construction de la maison individuelle, estimant que l’absence d’étude de dols est imputable au constructeur d’origine qui n’a pas été attrait dans la cause. Elle fait valoir en effet que les désordres de fissurations proviennent d’un défaut de conception et de réalisation de la dalle de fondation construite par l’ancien propriétaire qui ne peut être imputée à son assurée. Elle soutient que la société l’Artisan Contois n’a jamais réalisé la reprise en sous-œuvre critiquée par l’expert [C], prestation qui ne peut correspondre à des travaux facturés pour un montant de 1.500 euros.
Elle expose que la construction de l’ouvrage initial a été réalisée par une société qui n’a pas été identifiée, faute pour les demandeurs d’avoir attrait dans la cause leur vendeur et d’avoir obtenu ces information de l’architecte. Elle en conclut qu’il n’est pas démontré que la responsabilité de son assurée soit engagée.
Elle fait valoir qu’en tout état de cause, à défaut de procès-verbal de réception expresse, la garantie décennale n’est pas mobilisable. Elle soutient qu’il ne peut y avoir de réception si l’une des conditions fait défaut, notamment le paiement intégral du prix dont la preuve n’est, selon elle, pas rapportée en l’espèce. Elle considère en conséquence que sa garantie n’est pas mobilisable puisque le contrat souscrit par la société l’Artisan Contois ne couvre que la responsabilité des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil. Elle précise que la garantie responsabilité civile professionnelle ne garantit que les dommages causés aux tiers, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Subsidiairement, elle estime que les travaux de démolition et de reconstruction de la dalle extérieure évaluée à 5.120,50 € correspondant à des désordres esthétiques devront être déduits de l’indemnité. Elle considère que la souscription d’une assurance dommages-ouvrage et l’indemnisation d’un préjudice moral sont injustifiées.
Elle considère que les dommages se sont produits hors de la sphère d’intervention de son assurée dont la responsabilité devra, en toutes hypothèses, être limitée à 10 % des dommages.
Elle fait valoir que la responsabilité du maître d’œuvre est prépondérante en raison du vice de conception et qu’il devra être condamné à la relever et garantir sur le fondement de l’article 1240 du code civil des condamnations mises à sa charge.
Elle rappelle enfin qu’elle est fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle si son assuré devait être condamnée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

La clôture de la procédure est intervenue le 26 décembre 2023 sans que la société [D] [A] et la société l’Artisan Contois pris en la personne de son liquidateur amiable, M. [W] [Z], aient constitué avocat de sorte que la présente décision, susceptible d’appel, sera réputée contradictoire conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

L’affaire a été retenue à l’audience du 25 janvier 2024. Par jugement du 25 avril 2024, le tribunal a ordonné la reprise des débats à l’audience du 17 mai 2024 à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Elite Insurance Company aux demandes formées à son encontre.

La société [D] [A] était assurée auprès de la société Elite Insurance Newton Chambers, aux droits de laquelle vient la société Elite Insurance Company placée sous administration par la Cour Suprême de Gibraltar le 11 décembre 2019.

Il est constant que la société Elite est une société constituée et enregistrée à Gibraltar, territoire sur lequel le droit communautaire s'appliquait et, en dépit de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier 2020, conformément à l'article 127 de l’accord de retrait, le droit européen a continué de s'appliquer au Royaume-Uni et en conséquence à Gibraltar jusqu'à la fin de la période de transition, fixée au 31 décembre 2020.

Dans le cadre de l'Union européenne, l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice sont régis par les dispositions de la Directive Solvabilité II, qui a été transposée en droit français dans le code des assurances.

Par ordonnance d’administration du 6 décembre 2019, la Cour suprême de Gibraltar a ouvert une procédure d'administration à l'encontre de la société Elite et a désigné, avec effet immédiat, deux administrateurs conjoints.

En application des articles 273 alinéa 2 et 274 du chapitre III de la Directive Solvabilité II, la décision d'ouvrir une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance, la procédure de liquidation et ses effets au sein de l'Union européenne, y compris sur les instances en cours, sont régis par le droit applicable dans l'Etat membre d'origine.

Il s’en déduit que le droit applicable est celui de Gibraltar, Etat membre dans lequel la procédure d'administration de la société Elite a été ouverte.

Par ailleurs, en application de l'article 273 alinéa 2 de la Directive Solvabilité II, les décisions concernant l'ouverture des procédures d'insolvabilité produisent de plein droit leurs effets en France.

Cet article a été transposé en droit français à l'article L. 326-20 du code des assurances qui prévoit le principe de reconnaissance mutuelle et d'effet automatique des procédures de liquidation ouvertes dans l'Union européenne.

Aux termes de l'article 55 de la loi sur les insolvabilités de Gibraltar de 2011, l'ordonnance d'administration est une décision qui ordonne que, durant sa durée de validité, les activités, les actifs et l'ensemble des affaires de la société soient dirigés par les administrateurs nommés par le tribunal.

La décision ayant ouvert la procédure d'administration d'Elite Insurance Company est une décision concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance qui produit donc tous ses effets en France sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers.

Or, l’article 65 de la loi sur les Insolvabilités de Gibraltar de 2011 impose un moratoire à l'égard de la société placée sous administration, moratoire dont les effets juridiques sont définis à l'article 66 (f) en ces termes « aucune action judiciaire, y compris aucune procédure ou procédure d'exécution forcée, ne peut être introduite ou se poursuivre à l'encontre de la société sans autorisation d'un tribunal ou, si la société est placée sous administration, sans le consentement de l'administrateur. »

L’article L. 326-28 du code des assurances ayant transposé l'exception posée par l'article 292 de la Directive Solvabilité II prévoit une interruption des instances en cours lorsqu'une société d'assurance est placée en liquidation, et l'article 369 du code de procédure civile prévoit que l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur est d'interrompre l'instance en cours.

L'ouverture de cette procédure d'administration a dès lors interrompu l’instance en cours qui avait été initiée par les époux [H] notamment à l’encontre de la société Elite Insurance Company devant le tribunal judiciaire de Nice en octobre 2017.

Dès lors, la mise en cause des administrateurs conditionnait la reprise de l'instance et devait intervenir selon les modalités définies par le droit de Gibraltar.

Or, en application des articles 65 (1) et 66 (1) (f) de la loi sur les Insolvabilités de Gibraltar de 2011, aucune procédure ne peut être introduite ou se poursuivre à l'encontre de la société Elite Insurance Company en Procédure d'Administration sans autorisation des tribunaux de Gibraltar ou sans le consentement des liquidateurs.

Il ne peut qu’être constaté que la procédure initiée devant le tribunal judiciaire de Nice à l’encontre de la société Elite Insurance Company n’a pas été autorisée par les tribunaux de Gibraltar et que ses administrateurs n'y ont pas non plus consenti.

Il s’ensuit qu’à défaut, les demandes dirigées à l’encontre de la société Elite Insurance Company, placé sous administration par la Cour suprême de Gibraltar, sont irrecevables car l’instance, interrompue, n’a pas été valablement reprise à son encontre.

Toutes les demandes dirigées à l’encontre de la société Elite Insurance Company seront par conséquent déclarées irrecevables et, partant, rejetées sans examen au fond.

Sur les désordres.

L’expert judiciaire a pu constater la matérialité des désordres survenus, aux dires des parties, en juin 2015 et qui consistent en diverses fissures essentiellement situées en pignon Ouest et terrasse avale Sud.

Cet expert indique que ces désordres traduisent des tassements différentiels des fondations entre la partie amont de la maison (qui semble être assise sur un terrain rocheux, les grès demeurant à l’arrière de l’entrée) et la partie avale manifestement fondée sur des terrains moins compacts pouvant être des terres de remblais.

Il précise que la reprise en sous-œuvre qui aurait consisté, selon Monsieur [A], en la construction de plots béton en zone avale de la dalle a aggravé la situation par la création de « points durs », ce qui est confirmé par la société ERG.

Ce technicien estime que la cause essentielle des désordres provient d’un problème de fondations constituées par une dalle encastrée dans les sols hétérogènes ; ce type de fondations (simple dalle) est inadaptée et mal réalisée (profondeur d’encastrement insuffisante).

Il ajoute que ce défaut de fondation a probablement été aggravé par la mise en œuvre de plots béton réalisés a posteriori, localement en Sud/Est, créant des points durs qui peuvent être générateurs de tassements différentiels lorsqu’ils sont associés à des mouvements de gonflements et retraits du fait de terrains sensibles tels que définis par ERG (terrain de nature limono-argileuse).

L’expert conclut que les désordres constatés sont évolutifs, ils ne sont pas stabilisés et ne pourront l’être que par une reprise en sous-œuvre complète.

Il précise qu’ils compromettent la solidité de l’ouvrage car ils affectent un de ses éléments constitutifs, à savoir les fondations de l’immeuble et, à terme, ils rendront l’ouvrage impropre à sa destination. Il a d’ailleurs relevé que des infiltrations commençaient à affecter la chambre enfant Sud.

Sur les responsabilités.

Au terme de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En vertu de l’article 1792 - 1° du même code, est réputé constructeur de l'ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.

Enfin, l’article 1792-6 du même code énonce que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves, qu’elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement et qu’elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

L’article 1792 du Code civil pose le principe d'une responsabilité de plein droit, le demandeur n’ayant pas à faire la preuve d'une faute du constructeur. En revanche, l'imputabilité du dommage décennal aux travaux réalisés par le constructeur doit être établie.

L’application de la garantie décennale suppose toutefois l’existence d’une réception expresse ou tacite, laquelle peut être prononcée judiciairement lorsque les conditions en sont réunies.

1. Sur les intervenants à la construction de la maison individuelle.

M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] ont conclu avec la société [D] [A], architecte assuré auprès de la société Elite Insurance Newton Chambers, un contrat de maîtrise d’œuvre le 3 juillet 2013 ayant pour objet « la construction d’une villa sur dalle existante (fondations, élévation vide-sanitaire et plancher bas rez-de-chaussée existants) y compris reprise ponctuelle de fondations. »

La mission du maître d’œuvre définie par l’article 2 incluait la consultation des entreprises, la direction de l’exécution des contrats de travaux et l’assistance aux opérations de réception des travaux.

Est produit un marché de travaux privés émanant de la société l’Artisan Contois représentée par M. [W] [Z] portant sur le gros œuvre, le second œuvre et les menuiseries intérieures et extérieures de la « reprise de construction d’une maison individuelle » accepté par le maître de l’ouvrage le 2 février 2014.

La société SMA SA venant aux droits de la société Sagena, assureur de la société l’Artisan Contois, conteste la réalisation des travaux par son assurée alors que les époux [H] produisent les certificats de paiement émis par le maître d’œuvre mais, surtout, la copie des chèques établis à l’ordre de l’entrepreneur et endossés par ce dernier, son cachet figurant au verso des chèques.

Il est ainsi suffisamment rapporté la preuve que la société l’Artisan Contois est l’entrepreneur qui a réalisé les travaux d’édification de la maison individuelle suivant le marché conclu le 2 février 2014 avec les époux [H].

2. Sur la réception de l’ouvrage.

En l'absence de réception expresse, une réception tacite, constituée par la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage en l'état, peut être constatée en cas de prise de possession du bien et de paiement de la totalité ou de la quasi-totalité du prix des travaux.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les travaux ont été achevés en août 2014 et que les époux [H] ont, à cette date, pris possession des lieux qui étaient en état d’être habités puisque les fissurations, non apparentes, ont été constatées plusieurs mois plus tard.

Il est justifié que le montant du marché de travaux d’un total TTC de 88.820,52 euros a été réglé de la façon suivante :

5.000 euros le 28 janvier 2014 (certificat de paiement n°1),5.000 euros le 28 janvier 2014 (certificat de paiement n°1),16.230,08 euros le 3 mars 2014 (certificat de paiement n°2),17.400 euros le 16 avril 2014 (certificat de paiement n°3),16.008,84 euros le 16 avril 2014 (certificat de paiement n°4),12.568,20 euros le 3 mars 2014 (certificat de paiement n°6),10.852,20 euros le 16 avril 2014 (chèque n° 0193635 endossé par l’Artisan Contois),5.000 euros le 29 août 2014 (certificat de paiement n°7),761,19 euros le 29 août 2014 (certificat de paiement n°7),
Soit un règlement total de 88 820,51 euros correspondant très exactement au prix TTC du marché.

Il est ainsi rapporté la preuve que la prise de possession des lieux par les maîtres de l’ouvrage s’est accompagnée du règlement intégral du solde du marché de travaux qu’ils avaient conclu avec la société l’Artisan Contois.

Les conditions d’une réception tacite et sans réserve étant réunies, il convient de constater la réception de l’ouvrage édifié lieudit « [Adresse 11], à [Localité 10] sans réserve le 29 août 2014, date du dernier paiement.

3. Sur la nature des désordres.

Il sera rappelé que les constructeurs sont responsables de plein droit des dommages, même résultant d'un vice du sol.

La mise en jeu de la garantie décennale est subordonnée à une atteinte à la solidité, assimilée à la perte ou à un risque de perte de l'immeuble, ou à une impropriété de l'ouvrage à sa destination par référence à un usage normal.

En l’espèce, l’expert judiciaire a pu constater la matérialité des désordres consistant en diverses fissures qui traduisent des tassements différentiels des fondations entre la partie amont de la maison (qui semble être assise sur un terrain rocheux, les grès demeurant à l’arrière de l’entrée) et la partie avale manifestement fondée sur des terrains moins compacts pouvant être des terres de remblais.

Il précise que ce défaut de fondation a probablement été aggravé par la mise en œuvre de plots béton réalisés a posteriori, localement en Sud/Est, créant des points durs qui peuvent être générateurs de tassements différentiels lorsqu’ils sont associés à des mouvements de gonflements et retraits du fait de terrains sensibles tels que définis par ERG (terrain de nature limono-argileuse).

L’expert ajoute que les désordres constatés sont évolutifs, qu’ils ne sont pas stabilisés et ne pourront l’être que par une reprise en sous-œuvre complète.

Il conclut qu’ils compromettent la solidité de l’ouvrage car ils affectent un de ses éléments constitutifs, à savoir les fondations de l’immeuble et, à terme, ils rendront l’ouvrage impropre à sa destination. Il a d’ailleurs relevé que des infiltrations commençaient à affecter la chambre enfant Sud.

Il est ainsi manifeste que le défaut des fondations de la maison des époux [H], qui entraîne des fissurations, révélant des tassements différentiels du terrain sur lequel elle est édifiée, compromet la solidité de l’ouvrage et le rendra impropre à sa destination d’habitation.

Dès lors, les désordres, qui se sont manifesté après la réception de tacite de l’ouvrage, sont de nature décennale.

4. Sur l’imputabilité des désordres.

En l’espèce, bien qu’aucune pièce relative à la construction de la dalle existante au commencement des travaux ne soit produite, il ressort de la première réunion d’expertise à laquelle M. [L] [A] était présent que la dalle sur fondation aurait été réalisée avant 2008 sous le contrôle de M. [P] [A] intervenant à l’époque comme maître d’œuvre pour le compte des époux [J].

Cet expert relate que la dalle initialement construite a fait l’objet d’un confortement réalisé par l’Artisan Contois au début des travaux. Si l’assureur de cet entrepreneur le conteste, il convient de souligner que le descriptif du marché de travaux comprend dans son chapitre « Installation de chantier » la réalisation d’une semelle de fondation 350 kg/m².

En page 25 de son rapport, l’expert relève qu’une étude de sol aurait été réalisée par un dénommé [M] et que M. [L] [A] s’était engagé à faire des recherches et à l’informer, ce qu’il n’a pas fait.

Ce technicien note qu’il a bien eu une reprise partielle en sous-œuvre de la dalle, par pose de plots en béton en partie avale de la dalle.

Il conclut que cette reprise a été faite par la société l’Artisan Contois en début de chantier, ce qu’il déduit du contrat de maîtrise d’œuvre incluant la « reprise ponctuelle des fondations », reprise en sous-œuvre qui n’a pu qu’être réalisée par l’Artisan Contois, seul titulaire du marché gros œuvre, et dont le devis comprend un poste intitulé « reprise d’une semelle de fondation ».

Or, l’étude de sols réalisée par la société ERG au cours des opérations d’expertise relève une absence de fondations car la villa repose sur une simple dalle, d’épaisseur conséquente mais encastrée à différentes profondeurs localement très superficiellement.

Il ressort également de cette étude que :

des terrains d’assise sous la dalle de nature limono argileuse présentent une sensibilité importante aux variations hydriques et peuvent être sensible au phénomène de retrait-gonflement,peu compactes et d’épaisseurs variables ces formations génèrent également des tassements différentiels que la dalle n’est pas en mesure d’absorber,une reprise en sous-œuvre (que l’on peut qualifier d’aveugle : sans appui technique ni étude détaillée) au droit de la façade Sud-Est à l’aide de plots bétons de 0,70 m d’épaisseur,ces travaux de consolidation parties ont conduit à la création de points durs qui, couplés à des mouvements de gonflement et de retrait des terrains, sont également générateurs de tassements différentiels et désordres.
L’expert conclut que les défauts proviennent à la fois d’une absence d’étude géologique, d’une erreur de conception mais aussi de la réalisation des fondations initiales, l’ensemble étant aggravé par une reprise en sous-œuvre inadaptée.

La société SMA SA considère ainsi que le vice de construction concerne la dalle existante dont il n’est pas établi qu’elle avait été édifiée par la société l’Artisan Contois, estimant ainsi que la responsabilité décennale de son assurée n’est pas engagée.

Toutefois, lorsque la réalisation des travaux sur existant conduit à rendre la partie nouvelle techniquement indivisible de la partie ancienne de la construction, les dommages de la partie nouvelle du bâtiment relèvent de la responsabilité décennale lorsque les travaux forment, tels qu’ils ont été conçus, un tout qui a comporté la prise d’appui sur un ouvrage existant auquel a été incorporé la nouvelle construction.

Dès lors, les dommages de la partie neuve provoqués par une insuffisance des fondations existantes, qui n’a pas été traitée alors qu’elle aurait dû l’être, emporte mise en jeu de la garantie décennale car on ne peut ni dissocier les « existants » des travaux neufs devenus indivisibles par leur incorporation à ceux-ci, ni affirmer que la cause des désordres réside seulement dans un ouvrage existant, la mauvaise tenue des nouveaux travaux provenant d’une erreur de diagnostic du support et donc d’une construction contraire aux règles de l’art.

Or, il sera constaté qu’en l’espèce, la société l’Artisan Contois ne s’est pas limitée à construire sur une dalle existante, dont elle n’avait pas vérifié que le mode constructif était adapté à l’édification de la villa, mais a procédé à un renforcement des fondations par des plots qui ont aggravé les désordres liés au tassement différentiel.

Elle a donc indiscutablement manqué à ses obligations quand bien même elle ne serait pas le constructeur de la dalle de fondation puisqu’en sa qualité de professionnelle, elle se devait de procéder à un diagnostic du support sur lequel elle a édifié l’ouvrage.

Il sera en outre relevé qu’il est acquis que l’absence de réalisation d’une étude de sol, tant par l’architecte maître d’œuvre que par l’entrepreneur, n’est pas une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit pesant sur eux pour les dommages de nature décennale, même résultant d’un vice du sol sur laquelle avait été édifiée une dalle mal conçue et inadaptée sur laquelle ils ont accepté de bâtir.

Comme l’indique l’expert judiciaire, l’Artisan Contois a accepté et réceptionné un ouvrage réalisé par un autre artisan puis a accepté d’effectuer des reprises en sous-œuvre, ce dont il se déduisait nécessairement l’insuffisance de la dalle de fondation existante.

La société [D] [A] ne pouvait pas ignorer avoir connaissance de problèmes existant sur les fondations d’origine qu’elle avait fait réaliser car elle a prévu, dans sa mission, une « reprise ponctuelle des fondations ».

Ces deux professionnels ont donc édifié une construction vouée à subir des dommages en raison de l’insuffisance de ses fondations, n’ont pas fait appel à un professionnel pour réaliser les reprises qui s’imposaient ou conseillé aux maître de l’ouvrage de le faire et ils ont, de surcroît, mis en place des mesures qui ont aggravé les tassements différentiels à l’origine des fissurations.

Les désordres de nature décennale leur sont donc imputables, leurs interventions défectueuses dans la construction de l’ouvrage étant indiscutablement à l’origine des fissurations de la maison des époux [H] qui en compromettent la solidité et la destination.

La société SMA SA, venant aux droits de la société Sagena, assureur de responsabilité décennale de la société l’Artisan Contois, ne conteste pas devoir sa garantie au cas où elle serait mobilisable, ce qui est le cas en l’espèce au regard de la réception tacite intervenue, étant précisé que sa franchise contractuelle n’est pas opposable aux maître de l’ouvrage.

Par conséquent, la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois et la société SMA SA seront condamnés in solidum à réparer le préjudice consécutif aux désordres de nature décennale, compromettant la solidité et la destination de l’ouvrage.

Il sera rappelé que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné in solidum à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités auquel il est procédé entre eux, lequel n'affecte que leurs rapports réciproques mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage.

Sur les préjudices.

1. Sur les préjudices matériels.

a. Sur le coût des travaux de reprise.

L’expert retient que seule la solution préconisée par ERG de reprise par voie de micropieux devrait être adoptée pour éviter tout mouvement ultérieur selon le devis de la société Déterminant qui prévoit, comme c’est l’usage, deux phases de travaux :

- dans un premier temps, la reprise en sous-œuvre par voie de micropieux,
- après un temps minimum de 12 à 18 mois, période dite de stabilisation de l’ouvrage, des travaux de traitement des fissures, ravalement et peintures intérieures.

Ces travaux sont évalués à la somme de 96.154,43 euros TTC pour la reprise en sous-œuvre et à la somme de 13.871 euros TTC pour la réfection des embellissements et ravalement des façades qui inclut le traitement des fissures.

L’expert ajoute des travaux sur « abri » qui consistent en la démolition et la reconstruction de la dalle dénommé « abri » sur le plan de l’entreprise fissurée également dont il estime le coût de réparation à la somme de 5.120,50 euros TTC contesté par la société SMA SA et qui n’est pas réclamé par les époux [H].

En définitive la réparation du préjudice matériel consécutif aux désordres de nature décennale sera évaluée aux sommes TTC suivantes :

reprise en sous-œuvre : 96.154,43 €réfection des embellissements et ravalement des façades : 13.871,00 €

b. Sur les coûts annexes.

L’expert judiciaire évalue le coût de l’assurance dommages ouvrage à la somme de 2.750,63 euros TTC, assurance obligatoire si bien qu’il ne peut être opposé aux époux [H] qu’ils ne l’avaient pas souscrite pour les travaux initiaux pour s’opposer à leur demande.

Elle y ajoute le coût de l’étude ERG déjà financée dans le cours de l’expertise par les époux [H] d’un montant de 6.240 euros TTC qui devra leur être remboursée, comme étant nécessaire aux travaux de reprise à réaliser.

En revanche, l’expert judiciaire estime qu’une mission de maîtrise d’œuvre n’est pas nécessaire car la conception de l’ouvrage a déjà été réalisée par l’entreprise Déterminant via son bureau d’étude intégré suivant le plan d’implantation des micropieux annexé au rapport, un poste de suivi de chantier et coordination des travaux apparaissant inutile.

Seront retenus les coûts annexes suivants à hauteur des sommes réclamées par le dispositif des dernières écritures des demandeurs :
assurance dommages ouvrage : 2.200,00 €étude ERG : 6.240,00 €
Le coût de l’expertise judiciaire ordonné par le juge de la mise en état étant inclus dans les dépens de l’instance, il sera examiné dans le cadre des demandes accessoires.

2. Sur le préjudice immatériel.

L’expert retient que, quand bien même les travaux se feront par vide-sanitaire, les engins, le bruit et la poussière ne permettront pas aux époux [H] de vivre normalement dans leur maison. Elle explique qu’après s’être rapprochée de l’entreprise, elle évalue l’impossibilité totale d’habiter dans la maison pour une durée de 6 à 8 semaines et retient, compte-tenu des aléas du chantier liés aux intempéries, deux mois.

Elle se fonde sur le prix moyen de location mensuelle d’un bien équivalent de 1.500 euros pour évaluer ce préjudice à la somme de 3.000 euros à laquelle elle ajoute les frais de déménagement et de ré-emménagement évalués forfaitairement à 1.500 euros , soit un préjudice évalué à la somme de 4.500 euros.

Les époux [H] ajoutent avoir subi un préjudice moral en indiquant que, tant que les travaux n’ont pas été exécutés, ils ne peuvent jouir pleinement de leur bien et envisager le futur sereinement.

Toutefois, bien que les tracas réels occasionnés par cette situation soient indiscutables, ils n’ont pas été dans l’impossibilité de jouir de leur bien, l’absence de préfinancement des travaux de reprise étant liée à l’absence de souscription d’une assurance dommage ouvrages.

Ils proposent par ailleurs que ce préjudice soit réparé par l’allocation d’une somme forfaitaire de 500 euros par mois, ce qui ne correspond pas à la juste réparation du préjudice qu’ils invoquent en lien avec les désordres subis.

Ils seront par conséquent déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Sur le partage de responsabilité des constructeurs.

Il ressort du rapport d’expertise que la société [D] [A] était le maître d’œuvre du premier ouvrage, à savoir la dalle de fondation sur laquelle a été édifié la maison individuelle, et que les époux [H] lui avaient confié une mission complète incluant la reprise en sous-œuvre.

L’expert explique que M. [L] [A] ne peut nier avoir eu connaissance des problèmes existants sur les fondations d’origine réalisation sous le contrôle de la société puisqu’il avait prévu une reprise partielle des fondations qui a été réalisée par la société l’Artisan Contois.
Les défauts des fondations proviennent à la fois d’une absence d’étude géologique, d’une erreur de conception mais également de la réalisation des fondations initiales, l’ensemble étant aggravé par une reprise en sous-œuvre partielle inadaptée.

Si l’expert ne fournit pas d’avis technique sur le partage de responsabilité, il apparaît que la responsabilité de la société [D] [A] est prépondérante dans la survenance des désordres car elle a reconnu lors des opérations d’expertise qu’elle avait conçu la dalle de fondation, ce qui s’induit de l’ajout à sa mission d’une reprise en sous-œuvre qu’elle savait donc nécessaire.

Si la responsabilité de la société l’Artisan Contois ne peut être exclue puisque cette professionnelle a accepté de construire la maison sur une dalle insuffisante et sans étude de sols préalable pour procéder à une reprise en sous-œuvre inadaptée ayant eu pour effet d’aggraver les désordres, il convient de fixer le partage de responsabilité entre ces constructeurs ou assimilés de la manière suivante :

60 % pour la société [D] [A], 40 % pour la société l’Artisan Contois.
Compte-tenu de ce partage de responsabilités régissant la contribution de chacun à la dette, la demande de la société SMA SA d’être relevée et garantie par la M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois sera rejetée.

Sur les demandes accessoires.

Possible et nécessaire au regard de l’ancienneté du litige et des désordres, l’exécution provisoire sera ordonnée.

Parties perdantes au procès, la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois et la société SMA SA seront condamnés in solidum aux dépens, en ce inclus les honoraires de l’expert judiciaire taxés à 5.472,46 euros, ainsi qu’à verser à M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas en revanche de prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Elite Insurance Company qui sera par conséquent déboutée de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

DECLARE irrecevables les demandes de condamnation formées M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] à l’encontre de la société Elite Insurance Company, placée sous administration par la Cour Suprême de Gibraltar le 11 décembre 2019 ;

CONSTATE la réception tacite, sans réserve, de l’ouvrage de gros œuvre, second œuvre, menuiseries intérieures et extérieures édifié sur une dalle de fondation existante à [Localité 10] au lieudit « [Adresse 11], cadastrée BH [Cadastre 4] ;

CONDAMNE in solidum la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois et la société SMA SA à réparer le préjudice consécutif aux désordres de nature décennale, compromettant la solidité et la destination de cet ouvrage ;

CONDAMNE in solidum la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois et la société SMA SA à payer à M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] les sommes suivantes :

96.154,43 euros TTC correspondant aux travaux de reprise en sous-œuvre, 13.871,00 euros TTC correspondant aux travaux de réfection des embellissements et ravalement des façades,2.200 euros TTC correspondant au coût de l’assurance dommages ouvrage obligatoire,6.240,00 euros TTC en remboursement de l’étude ERG,4.500 euros en indemnisation du préjudice de jouissance ;
DEBOUTE la société SMA SA de sa demande d’application de la franchise contractuelle à cette condamnation fondée sur la garantie décennale des constructeurs ;

CONDAMNE in solidum la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois et la société SMA SA à payer à M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

FIXE le partage de responsabilité dans la survenance des désordres entre la société [D] [A] et M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois de la façon suivante :

- 60 % pour la société [D] [A],
- 40 % pour la société l’Artisan Contois ;

ORDONNE l’exécution provisoire ;

DEBOUTE M. [V] [H] et Mme [F] [I] épouse [H] de leurs demandes de paiement du coût de la maîtrise d’œuvre et d’indemnisation de leur préjudice moral ;

DEBOUTE la société Elite Insurance Company de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société [D] [A], M. [W] [Z] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société l’Artisan Contois et la société SMA SA aux dépens, en ce inclus les honoraires de Mme [O] [C], expert judiciaire, taxés à 5.472,46 euros ;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/05089
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;17.05089 ?
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