COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
(Décision Civile)
JUGEMENT : [W] [Z] [K] [G] [I] c/ S.A.S. CHATEAU DE BELLET, [B] [A] [K] [I]
N°/
Du 27 Juin 2024
2ème Chambre civile
N° RG 20/04463 - N° Portalis DBWR-W-B7E-NGJ4
Grosse délivrée à
[X] [F]
Maître Marielle WALICKI
Me Lionel CARLES
expédition délivrée à
le 27/06/2024
mentions diverses
Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du vingt sept Juin deux mil vingt quatre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mélanie MORA, Présidente, assistée de Estelle AYADI, Greffier
Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;
DÉBATS
À l'audience publique du 25 Mars 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 27 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;
PRONONCÉ
Par mise à disposition au Greffe le 27 Juin 2024, signé par Mélanie MORA, Présidente, assistée de Estelle AYADI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDEUR:
Monsieur [W] [Z] [K] [G] [I]
[Adresse 9]
[Localité 8]
représenté par Me Jean-paul AIACHE-TIRAT, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
DÉFENDEURS:
S.A.S. CHATEAU DE BELLET prise en la personne de son gérant Monsieur [L]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par Maître Marielle WALICKI de la SCP WABG, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
Monsieur [B] [A] [K] [I]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représenté par Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'exploit d'huissier du 11 décembre 2020 par lequel monsieur [W] [I] a fait assigner la SAS CHATEAU DE BELLET prise en la personne de son gérant et monsieur [B] [I] devant le tribunal judiciaire de céans ;
Vu les dernières conclusions de monsieur [W] [I] (RPVA 4 janvier 2024) qui sollicite de voir :
Vu les articles 640 et 740 du Code Civil ;
Dire que les constructions exécutées sur le fonds de la société CHATEAU DE BELLET sont à l'origine des dégâts survenus sur la parcelle [Cadastre 10] lui appartenant et dire que l'absence d'entretien des parcelles appartenant à Monsieur [B] [I] ont aggravé les dommages subis par lui,
Condamner les requis conjointement et solidairement à lui payer, sauf à parfaire, la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, destinée à compenser la perte de chance de transformer son mazet en édifice habitable destiné à la location,
Condamner la SC CHATEAU DE BELLET à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour compenser son attitude dilatoire suite à ces différents incidents,
Condamner les requis conjointement et solidairement à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour remboursement du coût du constat d'huissier dressé par Maître [Y] et produit, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;
Vu les dernières conclusions de la SAS CHATEAU DE BELLET et de la SC CHATEAU DE BELLET intervenante volontaire (RPVA 9 novembre 2023) qui sollicitent de voir :
Vu les dispositions de l’article 1242 du code civil,
Vu les dispositions des articles 328 et suivants du code de procédure civile,
Vu le rapport d’expertise,
Vu les pièces,
Déclarer recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la SC CHATEAU DE BELLET,
Pronconer la mise hors de cause de la SAS CHATEAU de BELLET ;
À titre pricipal,
Juger que les pluies diluviennes des 12 et 13 septembre 2015 relèvent de la force majeure,
Juger que les travaux réalisés par la SC CHATEAU DE BELLET sont conformes aux prescriptions des permis de construire des 26 août 2013 et 4 juin 2015,
Jurger que monsieur [W] [I] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice du fait des inondations de son hangar agricole délabré les 12 et 13 septembre 2015,
Débouter monsieur M. [W] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
JUGER que la SC CHATEAU DE BELLET a exécuté les travaux préconisés par l'expert judiciaire, notamment en ce qui concerne les travaux de remise en forme d'un chemin et d'inversion du cours d'eau,
Débouter monsieur [B] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu'elles sont diriéges contre la SAS CHATEAU DE BELLET,
Condamner monsieur M. [W] [I] à leur payer à chacune une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire,
Juger que les travaux réalisés par la SC CHATEAU DE BELLET sont conformes aux prescriptions des permis de construire des 26 août 2013 et 4 juin 2015.
Juger que la responsabilité des désordres constatés sur le hangar agricole délabré de monsieur [W] [I] du fait des pluies diluviennes des 12 et 13 septembre 2015 doit être partagée par moitié entre les SC CHATEAU DE BELLES et monsieur [B] [I].
Juger que monsieur [W] [I] ne peut se prévaoir d'aucune préjudice du fait des inondations de son hangar agricole délabré les 12 et 13 septembre 2015
Débouter monsieur [W] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Juger que la SC CHATEAU DE BELLET a exécuté les travaux préconisés par l'expert judiciaire, notamment en ce qui concerne les travaux de remise en forme d'un chemin et d'inversion du cours d'eau,
Débouter monsieur [B] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu'elles sont dirigées contre la SAS CHATEAU DE BELLET,
Condamner monsieur M. [W] [I] à leur payer à chacune une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions de monsieur [B] [I] (RPVA 22 décembre 2023) qui sollicite de voir :
Vu les dispositions de l’article 1240 du Code Civil,
Vu l’article 32-1 du Code de Procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Débouter Monsieur [W] [I], la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.
Condamner la SAS CHATEAU DE BELLET et la SCI CHATEAU DE BELLET à exécuter les travaux préconisés par l’expert visant à remédier aux désordres et ce sous astreinte de 100 € par jour qui commenceront à courir 30 jours après la signification de la décision à intervenir.
Condamner Monsieur [W] [I] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de procédure abusive.
Condamner Monsieur [W] [I] à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers depens dont notamment les frais d’expertise ;
Vu l'ordonnance de clôture du 7 décembre 2023 fixant la clôture différée au 4 mars 2024 ;
MOTIFS :
Monsieur [B] [I] est propriétaire d’une parcelle n°[Cadastre 2] sise sur la commune de [Localité 11], [Adresse 6], intermédiaire entre une parcelle en aval appartenant à son frère, Monsieur [W] [I], propriétaire de la parcelle n°[Cadastre 10], et les parcelles en amont appartenant à la SAS CHATEAU DE BELLET cadastrées n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].
Les 12 et 13 septembre 2015, d’importantes pluies se sont abattues sur la région entraînant l'inondation d’un bâtiment à 1’état de ruine situé sur la parcelle de [W] [I] et endommageant la voie d’accès.
Des travaux ont été réalisés par la SAS CHATEAU DE BELLET.
Monsieur [W] [I] soutient que les travaux effectués par la SAS CHATEAU DE BELLET ont modifié l'écoulement des eaux, que son fonds reçoit les eaux canalisées, en provenance des fonds supérieurs, que cela a aggravé la servitude d'écoulement des eaux.
Par ordonnance de référé en date du 1er mars 2017, Monsieur [V] a été désigné aux fins d'expertise judiciaire.
L'expert a rendu son rapport le 27 mai 2019.
Le demandeur reprend les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, soutient que les travaux réalisés aggravent la servitude d'écoulement des eaux, causent des désordres sur son fonds et sollicite que les travaux préconisés par l'expert judiciaire soient réalisés.
Il indique que la force majeure invoquée par la SAS CHATEAU DE BELLET n'est pas démontrée et ajoute que les orages d'une extrême violence sont courants dans la région de [Localité 11].
Il explique avoir un projet de réhabilitation de la petite construction inondée lors des événements, de sorte que ce projet est forcément retardé jusqu'au jugement à intervenir, ce qui lui cause un préjudice certain puisque le permis de construire qu'il doit déposer, devra forcément contenir un volet concernant le traitement des eaux.
Il ajoute que si l’intégralité des eaux ne proviennent pas du fonds de monsieur [B] [I] mais de celui de la SAS CHATEAU DE BELLET, dont les terrains correspondent au point culminant de la colline, les eaux transitent cependant par son fonds et sont canalisées par les voies et allées de ce terrain et qu'il n’est pas possible à la lecture des articles 640 et suivants du Code Civil, pour lui, d’actionner directement la SAS CHATEAU DE BELLET.
Concernant son préjudice, il expose que le PLU de [Localité 11] montre que sur cette colline seules des ruines peuvent être relevées, ce qui leur confère une véritable valeur, puisqu’en dehors de ces ruines, on ne peut précisément plus rien bâtir.
Il fait valoir que peu importe que la SAS CHATEAU DE BELLET ait bien ou mal fait son travail, puisque celui-ci a notamment consisté à imperméabiliser une large surface qui ne l’était pas et donc à déverser les eaux canalisées ou artificielles, vers les fonds inférieurs (le sien et celui de monsieur [B] [I]).
En réponse, monsieur [B] [D] conclut que son terrain est intermédiaire entre le fonds qui est à l'origine du dommage invoqué par le demandeur.
Il conclut que l'intégralité des écoulements d’eau très importants ayant affecté le terrain de Monsieur [W] [I] proviennent du fonds dominant à savoir des parcelles appartenant a la SAS CHATEAU DE BELLET et qu'il n’est propriétaire que d’une zone intermédiaire tampon disposant d’un regard d’écoulement des eaux sous dimentionné du fait de l’excés d’eau provenant de la SAS CHATEAU DE BELLET.
Il sollicite de voir débouter Monsieur [W] [I] de sa demande qu'il juge totalement abusive et infondée.
Il rappelle qu'il n'a effectué aucun travaux sur sa parcelle.
Il conclut qu'il est lui aussi victime de l'écoulement des eaux pluviales, que sa parcelle est parfaitement entretenue, qu'il ne porte aucune responsabilité dans les désordres invoqués par le demandeur.
Il fait valoir que le bâtiment en cause est en état de délabrement, que Monsieur [W] [I] ne produit aucun élément démontrant qu’il a rencontré un quelconque obstacle dans un projet de transformation de ce cabanon en ruine.
Il soutient que la présente procédure est abusive.
En réponse, la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET concluent que toutes les eaux de leur propriété sont récupérées sans aucun dommage pour les propriétés de messieurs [W] et [B] [I], qu'elles ont suivi les règles de l'art dans les travaux qu'elles ont fait exécuter, qui sont conformes au permis de construire délivré, qu'il y a même eu une amélioration importante de l'écoulement des eaux.
Elles ajoutent que les pluies de septembre 2015 sont un phénomène exceptionnel, et invoquent la force majeure.
À titre subsidiaire, elles entendent voir leur responsabilité dans les désordres constatés dans le hangar agricole delabré de Monsieur [W] [I], partagées par moitié entre la Société Civile CHATEAU DE BELLET et monsieur [B] [I], au motif que les exécutoires et la grille d'évacuation en place n'ont pas rempli leur rôle, de telle sorte que les eaux se sont accumulées au niveau de l'allée en dépression et ont débordé vers la parcelle de monsieur [W] [I] et ont inondé le local agricole.
Elles invoquent le mauvait entretien des ouvrages d'évacuation des eaux de ruissellement sur le fonds de monsieur [B] [I], faisant valoir que l'expert judiciaire préconise l'exécution de travaux de modification de recueillement des eaux sur le chemin d'accès à sa propriété.
Elles ajoutent que le devis communiqué par le demandeur pour justifier de l'évaluation de son préjudice est suréaliste, pour un hangar à l'état de ruine depuis de nombreuses années.
Elles expliquent que les travaux préconisés par l'expert judiciaire (travaux d'inversion de l'écoulement des eaux provenant du chemin d'exploitation réaménagé concomitamment à la replantation de la parcelle de vigne prévus en 2019 ont bien été réalisés au début de 2021).
Sur l'intervention volontaire de la société civile CHATEAU DE BELLET :
L'acte de propriété du 31 janvier 2012 produit au débat démontre que la SC CHATEAU DE BELLET et la SAS CHATEAU de BELLET sont acquéreurs des parcelles litigieuses à l'origine des désordres.
L’intervention volontaire de la SC CHATEAU DE BELLET sera déclarée recevable.
Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SAS CHATEAU DE BELLET, également propriétaire de ces parcelles.
Sur les désordres et les responsabilités :
Le rapport de monsieur [V], dont l’expertise a été réalisée au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète et détaillée des questions posées dans ses missions et retenant des conclusions sérieusement motivées par des arguments techniques, doit servir de support à la décision relativement au litige opposant les parties.
Aux termes de l'article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.
Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.
Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.
Aux termes de l'article 641 du code civil, tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds.
Si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.
La même disposition est applicable aux eaux de sources nées sur un fonds.
Lorsque, par des sondages ou des travaux souterrains, un propriétaire fait surgir des eaux dans son fonds, les propriétaires des fonds inférieurs doivent les recevoir ; mais ils ont droit à une indemnité en cas de dommages résultant de leur écoulement.
Les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations ne peuvent être assujettis à aucune aggravation de la servitude d'écoulement dans les cas prévus par les paragraphes précédents.
Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement et l'exercice des servitudes prévues par ces paragraphes et le règlement, s'il y a lieu, des indemnités dues aux propriétaires des fonds inférieurs sont portées, en premier ressort, devant le juge du tribunal judiciaire du canton qui, en prononçant, doit concilier les intérêts de l'agriculture et de l'industrie avec le respect dû à la propriété.
S'il y a lieu à expertise, il peut n'être nommé qu'un seul expert.
Le fonds inférieur n'est tenu que de recevoir les eaux naturelles et non les eaux artificiellement canalisées par des travaux réalisés sur le fonds supérieur.
L'expert judiciaire a constaté les désordres :
- Sur la parcelle de Monsieur [W] [I], les désordres concernent la parcelle [Cadastre 10] : inondation d'un local agricole situé en limite amont de la parcelle par de l'eau de la boue et ravinements de la partie amont de la voie d'accès et du talus séparant les deux terrasses,
- sur la parcelle de monsieur [B] [I], parcelle [Cadastre 2] : l'entrée aval de la parcelle a été envahie par la boue, des feuilles d'oliviers et d'eau, aucun désordre n'est allégué malgré le constat d'huissier du 22 septembre 2015,
- au niveau des parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4] et 149 de la SAS CHATEAU DE BELLET : traces de ravinement en extrémité Est des terrasses de culture en haut du versant, et dans le talus aval de la nouvelle voie d'accès au bâtiment nouvellement construit, aucun désordre n'est allégué.
L'expert judiciaire conclut que les surfaces non imperméabilisées produisent des ruissellements d'eau en cas de fortes précipitations, et de boue depuis les zones d'aménagements réalisés par la SAS CHATEAU DE BELLET au niveau de l'angle NE de la parcelle [Cadastre 2] appartenant à monsieur [B] [I].
L'expert ajoute que les désordres principaux concernent un point bas qui concentre une proportion importante de ces ruissellements d'eau, que la concentration de cette circulation d'eau produit un phénomène de ravinement et de transport de matériaux (boue et galets), qui est à l'origine des désordres sur la parcelle 84 de monsieur [W] [I] et en représente la cause déterminante.
Il ajoute que l'obturation de la grille d’évacuation des eaux au niveau de l'entrée de la propriété de monsieur [B] [I] représente un facteur aggravant ayant conduit au débordement des écoulements vers la parcelle de Monsieur [W] [I].
Il conclut enfin que l'apport d'eau issu de la concentration des eaux de ruissellement provenant de la parcelle [Cadastre 4] dépasse la capacité d'évacuation de ce regard et probablement celle de l'ouvrage hydraulique situé en aval de son exutoire aval vers le ravin des seules.
L'expert décrit ensuite les travaux réalisés par la SAS CHATEAU DE BELLET :
- Extension du bâtiment d'accueil,
- Création d'une voie d'accès et d'un cheminement pour personnes à mobilité réduite,
- Escaliers,
- Dispositif de stockage provisoire et de réinfiltration des eaux de pluie,
- Aménagement d'une planche de culture et des chemins d’exploitation.
Pour l'expert judiciaire, les travaux du bâtiment directement liés aux permis de construire n'ont pas augmenté de façon significative les écoulements d'eau de ruissellement sur le fonds de monsieur [W] [I], mais les travaux d'aménagement des terrains (planche de culture et création de chemins d'exploitation) entraînent une concentration des ruissellements d'eau sur des surfaces non imperméabilisées dont une portion importante se concentre en un point en limite aval de la parcelle [Cadastre 4], les ruissellements divaguent ensuite vers le point bas de l'entrée de la parcelle [Cadastre 2] pour inonder la parcelle [Cadastre 10], ce qui est à l'origine des désordres subis par la parcelle du demandeur.
Il ajoute que ces travaux ont augmenté de manière significative et artificielle les écoulements des eaux sur sa parcelle.
Les travaux réalisés par la SA CHATEAU DE BELLET sont donc la cause des désordres constatés sur le fonds Monsieur [W] [I], soit l'inondation du local agricole en bordure de la parcelle [Cadastre 10] et le ravinement de la voie d'accès à cette parcelle.
Aucun travaux n'a été réalisé sur la parcelle de Monsieur [B] [I].
Enfin, la force majeure n'est pas établie, les précipitations « exceptionnelles » étant relativement courantes dans la région niçoise, lors notamment d'épisodes appelés « méditerranéens », qui se produisent relativement régulièrement eu égard au changement climatique.
En conséquence, eu égard à l'ensemble de ces éléments, la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET seront déclarées responsables des désordres subis par monsieur [W] [I] et seront condamnées à indemniser ses préjudices le cas échéant.
Sur l'indemnisation des préjudices de monsieur [W] [I] et la demande pour attitude dilatoire :
L'expert judiciaire indique que le local agricole a été inondé, et qu'un préjudice de jouissance motifque s'en est suivi, compte tenu de l'utilisation actuelle du local.
Mais monsieur [W] [I] n'a pas produit d'élément permettant l'évaluation ou l'estimation de ses préjudices.
L'attestation produite datée du 27 mai 2021 ne remplit pas les conditions légales, aucune pièce d'identité n'est produite, et ne peut donc être retenue.
Il n'est pas établi que le demandeur ait subi une perte de chance de transformer son mazet en édifice habitable destiné à la location.
Le contrat d'assurance produit ne peut concerner le « mazet » en cause, puisqu'il concerne une maison à usage d'habitation comprenant 7 pièces principales, alors que le mazet, au vu des photographies produites, est constitué d'une seule pièce et ne paraît pas habitable en l'état.
Le mail daté du 16 septembre 2021, totalement imprécis, ne peut davantage être retenu.
Le devis de réparation du 15 mai 2015, d'un montant de 82000 euros correspond à la réfection totale d'une habitation, et ne peut donc pas être retenu, puisque le mazet/local agricole envahi d'eau et de boue n'était manifestement pas habitable, ne comportait pas de douche, cumulus, climatisation, VMC … tous ces éléments mentionnés dans le devis.
En conséquence, monsieur [W] [I] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts destinée à compenser la perte de chance de transformer son mazet en édifice habitable destiné à la location.
De même, il sera débouté de sa demande aux fins de voir condamner la SC CHATEAU DE BELLET à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour compenser son attitude dilatoire, comme non étayée.
Sur les travaux nécessaires pour éviter de nouveaux désordres :
L'expert judiciaire a détaillé les travaux qui doivent être réalisés pour éviter de nouveaux désordres.
La SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET produisent une facture du 5 mai 2021, devis et projet (pièces 9, 10 et 11) qui démontrent que des travaux de remise en forme d'accés aux vignes avec terrassement en déblais remblais à l'engin hydraulique ont été réalisés.
Les autres travaux décrits par l'expert judiciaire sont à réaliser sur la parcelle appartenant à monsieur [B] [I].
Son frère monsieur [W] [I] n'en sollicite pas la réalisation.
Rien ne permet de retenir que les travaux réalisés par la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET ne correspondent pas aux travaux préconisés par l'expert judiciaire.
Manifestement, aucun nouveau désordre n'a d'ailleurs été à déplorer.
En conséquence, la demande de réalisation de travaux par la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts de monsieur [B] [I] :
Le droit d’agir ou de défendre en justice ne dégénère en abus que s’il procède d’une erreur grossière équivalente au dol ou s’il révèle une intention de nuire, et qu’il ne peut être accordé d’indemnisation à ce titre que si la partie qui forme une telle demande justifie du préjudice spécifique qui en découle, autre que les frais exposés pour assurer sa défense en justice.
En l’espèce monsieur [B] [I] sollicite la condamnation de monsieur [W] [I] à lui payer la somme de 3.000 € pour procédure abusive.
Il n’est pas établi que monsieur [W] [I] ait abusé de son droit d'agir en justice.
Cette demande sera donc rejetée, comme non étayée.
Sur les demandes accessoires :
L'exécution provisoire est de droit.
Il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais non compris dans les dépens.
Les parties seront déboutées de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SC CHATEAU DE BELLET et la SAS CHATEAU DE BELLET seront condamnées aux dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE recevable l’intervention volontaire de la SC CHATEAU DE BELLET,
DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la SAS CHATEAU DE BELLET,
DIT que les travaux réalisés par la SAS CHATEAU DE BELLET sont la cause des désordres constatés sur le fonds Monsieur [W] [I], soit l'inondation du local agricole en bordure de la parcelle [Cadastre 10] et le ravinement de la voie d'accès à cette parcelle,
DÉCLARE la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET responsables des désordres subis par monsieur [W] [I] et les condamne à indemniser ses préjudices le cas échéant,
DÉBOUTE monsieur [W] [I] de sa demande de dommages et intérêts destinée à compenser la perte de chance de transformer son mazet en édifice habitable destiné à la location,
DÉBOUTE monsieur [W] [I] de sa demande aux fins de voir condamner la SC CHATEAU DE BELLET à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour son attitude dilatoire,
REJETTE la demande de réalisation de travaux par la SAS CHATEAU DE BELLET et la SC CHATEAU DE BELLET
DÉBOUTE monsieur [B] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit,
DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SC CHATEAU DE BELLET et la SAS CHATEAU DE BELLET aux dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise judiciaire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT