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30/05/2024 | FRANCE | N°21/01968

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 2ème chambre civile, 30 mai 2024, 21/01968


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)


JUGEMENT : [F] [V] veuve [U] c/ [S] [L], [N] [K] épouse [L]

MINUTE N°
Du 30 Mai 2024

2ème Chambre civile
N° RG 21/01968 - N° Portalis DBWR-W-B7F-NPQB













Grosse délivrée à
Me Benoît NORDMANN

expédition délivrée à
Me Ouassini MEBAREK de la SELARL JUDICIAL

le

mentions diverses















Par jugement de la 2ème Cham

bre civile en date du
trente Mai deux mil vingt quatre


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mélanie MORRAJA-SANCHEZ, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de P...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : [F] [V] veuve [U] c/ [S] [L], [N] [K] épouse [L]

MINUTE N°
Du 30 Mai 2024

2ème Chambre civile
N° RG 21/01968 - N° Portalis DBWR-W-B7F-NPQB

Grosse délivrée à
Me Benoît NORDMANN

expédition délivrée à
Me Ouassini MEBAREK de la SELARL JUDICIAL

le

mentions diverses

Par jugement de la 2ème Chambre civile en date du
trente Mai deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mélanie MORRAJA-SANCHEZ, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l'audience publique du 23 Février 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 30 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 30 Mai 2024, signé par Mélanie MORA, Présidente, assistée de Rosalie CONTRERES, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSE:

Madame [F] [V] veuve [U]
[Adresse 10]
[Localité 1]
représentée par Me Benoît NORDMANN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDEURS:

Monsieur [S] [L]
[Adresse 10]
[Localité 1]
représenté par Maître Ouassini MEBAREK de la SELARL JUDICIAL, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
Madame [N] [K] épouse [L]
[Adresse 10]
[Localité 1]
représentée par Maître Ouassini MEBAREK de la SELARL JUDICIAL, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

*****

Vu l'exploit d'huissier en date du 5 mai 2021 par lequel madame [F] [V] épouse [U] a fait assigner monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] devant le tribunal de céans ;

Vu les conclusions de madame [F] [U] (rpva 30 janvier 2023) qui sollicite de voir :
Vu les articles 701 alinéas 1 et 2, 1240 et suivants du code civil,
-Rabattre l’ordonnance de clôture,
-Débouter les époux [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Vu les articles 701 alinéas 1 et 2, 1240 et suivants du code civil,
Vu le rapport d’expertise judiciaire déposé par Monsieur [A] le 29 décembre 2020,
Vu l’évolution du litige,
-Condamner in solidum les époux [L] à lui payer la somme de 38.429,60 euros, lui permettant de faire réaliser les aménagements et travaux de nature à faire disparaître la différence de niveaux entre son terrain et la dalle bétonnée sur citerne érigée par eux sur l’assiette de la servitude de passage, afin de lui permettre un accès direct et sans obstacle en partie basse de sa propriété,
-Condamner in solidum les époux [L] sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à supprimer définitivement l’aire de stationnement illégalement installée sur l’assiette de ladite servitude, et à la laisser définitivement libre de tout véhicule, et de tout obstacle.
-Condamner in solidum les époux [L] à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts de droit à compter de la demande en justice.
-Condamner in solidum les époux [L] à lui payer la somme de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, en ceux compris le coût de l’expertise judiciaire de Monsieur [A],
-Dire n'y avoir lieu à écarter le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Vu les conclusions de monsieur et madame [L] (rpva 11 janvier 2023) qui sollicitent de voir :
Vu les articles 794 du Code de Procédure Civile, les articles 238 et 276 du Code de Procédure Civile, l'article 246 du Code de Procédure Civile :
-Révoquer l'ordonnance de clôture du 13 juin 2012
-Admettre les présentes écritures après rabat de la clôture du 13 juin 2022.
-Prononcer la nullité du rapport d'expertise de Monsieur [H] [A].
-Juger le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [H] [A] inopposable et voir débouter Madame [U] de ses demandes fondées sur celui-ci.
-Juger n'y avoir lieu à entérinement du rapport de Monsieur [H] [A].
-Débouter Madame [U] de l'intégralité de ses demandes
-Juger qu'il n'existe pas de servitude de passage tel qu'alléguée par Madame [U], autre qu'agricole,
-Juger que les travaux qu'ils ont entrepris en cours d'instance remplissent Madame [U] de ses demandes au jour du prononcé du jugement à intervenir.
-La débouter de toutes demandes nouvelles éventuelles fondées sur l'existence de la servitude contestée.
-Juger qu'ils ont instauré au profit de Madame [U] une servitude de passage de 3,50m la remplissant de ses demandes judiciaires en ce sens, tant en ce qui concerne la servitude elle-même que le passage des eaux pluviales à la suite de la création d'un bassin de rétention au jour du jugement à intervenir.
-La débouter de toutes autres demandes principales, accessoires, additionnelles ou autres.
-Juger n'y avoir lieu à exécution provisoire compte tenu de la nature de l'affaire et des travaux réalisés en cours d'instance
-Condamner Madame [U] au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens ;

Vu le jugement avant dire droit du 31 mai 2023 qui a ordonné la réouverture des débats, et enjoint aux parties de rencontrer un médiateur ;

Vu l'échec de la tentative de médiation (mail du médiateur du 4 août 2023) et le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 21 septembre 2023 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2023 fixant la clôture différée au 15 janvier 2024 ;

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément fait référence aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et de leurs moyens.

MOTIFS :

Aux termes d’un acte notarié du 4 décembre 1980, les époux [U] ont acquis de Madame [O] [Y] épouse [C] une villa sise [Adresse 10] à [Localité 1], cadastrée section OL [Cadastre 3] et OM [Cadastre 2].

Les époux [U] sont ensuite devenus propriétaires des parcelles actuellement cadastrées OL [Cadastre 6], [Cadastre 7] et OM [Cadastre 3] et [Cadastre 4].

Monsieur [U] est décédé le 23 août 2011.

Selon acte de Maître [B] [R] du 12 mars 2010, les époux [L] ont acquis de la S.C.I AZUREA un terrain à bâtir situé en contrebas de la propriété de Madame [U], cadastré section OL [Cadastre 9], provenant de la division de la parcelle cadastrée section OL [Cadastre 5], elle-même issue de la division de la parcelle OL [Cadastre 3].

Soutenant qu'aux termes de travaux, les époux [L] ont fait disparaître une servitude de passage, en édifiant leur piscine sur l’assiette de celle-ci, madame [U] a saisi le juge des référés qui selon ordonnance du 4 décembre 2019, a ordonné une expertise et désigné en qualité d’expert à Monsieur [H] [A].

Monsieur [A] a déposé son rapport le 29 décembre 2020.

Madame [U] conclut que les époux [L], ont tenté de contourner la procédure en cours, en procédant à divers travaux sur les lieux, sans tenir compte des conclusions de l'expert judiciaire, qu'ils ont déposé, en fin d’année 2021, une déclaration de travaux portant sur la réalisation d’une aire de stationnement de deux places sur l’assiette de la servitude de passage, d’un système de rétention des eaux pluviales, avec modification de clôture, que cette demande revient à avaliser la destruction de la servitude de passage, que la commune, qui n’avait pas connaissance du litige ne s’est pas opposée à ces travaux, et qu'elle a attaqué la décision de non-opposition obtenue le 24 novembre 2021 devant le Tribunal Administratif de NICE.

Elle indique avoir constaté que la nouvelle dalle serait beaucoup trop haute, notamment dans sa partie inférieure, au contact direct de son terrain, pour lui permettre un accès sans entraves au bas de sa propriété, notamment en véhicule, qu'elle leur a adressé une lettre recommandée les mettant en demeure d’arrêter leurs travaux en vain, qu'elle dépasse de 40 à 60 centimètres la hauteur de son terrain, qu'une multitude de véhicules stationnentsur les deux places créées sur la servitude, et en d’autres endroits, obstruant totalement le passage.

Elle relève que le mur bahut et le mur de clôture côté est de leur propriété ont été détruits, que le mur barrant la servitude de passage sur toute sa largeur n’existe plus et le mur perpendiculaire qui séparait son terrain de l’assiette de la servitude et qui longeait la piscine des époux [L], a été remplacé par un grillage.

Elle précise qu'une clôture sépare son fonds de la propriété [L], le long de la servitude recréée, qu'elle sollicite des travaux au bas de son terrain, pour ouvrir un accès à partir du bas de celui-ci, directement sur la servitude, avec la création d’un portail permettant un accès bas, y compris par des véhicules, ce que la différence de niveau actuelle avec la dalle ne permettra pas en l’état, que l’assiette de la servitude de passage est désormais utilisée comme parking de nombreux véhicules.

Elle fait valoir que l'examen des cotes altimétriques des pièces versées aux débats avant les travaux réalisés par les époux [L], démontre que la limite de son terrain et la servitude de passage étaient aux mêmes niveaux, que l’expert indique que la pente naturelle de l’ancienne voie a été supprimée, que les photographies du mur édifié dans le procès-verbal de constat de Me [E] [J] du 24 août 2012 démontrent qu’il n’y avait pas de différence de niveau, que ce sont les derniers travaux réalisés par les époux [L] en 2012 puis en 2022, qui sont la source de cette différence, et non pas la configuration naturelle des lieux.

Elle soutient que contrairement à ce qu'indique le procès-verbal de constat réalisé le 18 janvier 2023 communiqué par les époux [L] le monticule qui apparaît sur la photographie de la page 6/9 n’est pas la limite d’un caniveau naturel, mais un simple tas de branchages déposé à cet endroit.

Elle fait valoir que si une citerne a été édifiée suite au rapport d'expertise, la dalle qui la recouvre est beaucoup trop haute, que la construction ne respecte pas les prescriptions du rapport d’expertise judiciaire.

Elle soutient que la situation, qui dure depuis plus de dix ans, lui a occasionné des troubles de jouissance importants, notamment par le refoulement régulier des eaux sur sa propriété lors des épisodes pluvieux, l’a empêchée de détacher en 2016 deux parcelles du bas de son terrain, pour les vendre, du fait de la privation d’accès entraînée par les travaux illicites alors qu’elle avait trouvé un acquéreur.

Elle indique qu'elle ne pourra réaliser son projet que lorsque les travaux indispensables auront été terminés avec plus de dix ans de retard.

Elle fait valoir que les opérations d’expertise de Monsieur [A] ont été faites au contradictoire des époux [L], régulièrement cités devant le juge des référés, ayant pu y faire valoir leurs arguments, qu'ils ont été convoqués à l’accédit qui est intervenu, étant présents en personne et assistés de leur Conseil tout au long de l’expertise, ont reçu les notes aux parties, pré-rapport, y ont répondu par divers dires, que dès lors le moyen tiré de son opposabilité est infondé.

S'agissant de la demande tendant à voir déclarer nul le rapport d’expertise au prétexte qu’il n’aurait pas apporté de réponses à leurs dires, elle fait valoir que l'expert y a répondu.

Elle ajoute que les autorisations de construire sont toujours délivrées sous réserves des droits des tiers.

Elle ajoute que la juridiction administrative aurait été incompétente pour connaître de l’existence d’une servitude de droit privé.

Sur l'argument tiré du fait que la servitude ne concernerait que l'exploitation agricole du fonds [I], elle fait valoir que l’acte du 14 mars 1980 démontre une constitution de servitude conférant un droit de passage au profit du fonds dominant, alors propriété de Monsieur [I], situé en contrebas de son actuelle propriété notamment pour s’y rendre et en revenir, servitude conférée à titre réel et perpétuel, que cet acte prévoit aussi expressément le bénéfice de la même servitude au profit de Madame [C], propriétaire des parcelles OL n°[Cadastre 3] et OM n°[Cadastre 2], pour se rendre sur son fonds et en revenir, et qu 'elle vient précisément aux droits de Madame [C], que l’acte de constitution de la servitude précise que ce droit, conformément à la Loi, bénéficiera aux propriétaires successifs.

Elle soutient que les travaux réalisés par les époux [L] en cours d'instance ne solutionnent pas le problème.

En réponse, les époux [L] font valoir que l'expert n'a pas répondu à leurs dires, que le rapport est dès lors nul ou leur est, à tout le moins, inopposable au visa des articles 238, 276 et suivants du Code de Procédure Civile.

Ils font valoir qu'il n'est pas indiqué dans les pré-conclusions ni dans les conclusions définitives de l'expert, les conditions dans lesquelles Madame [P] a pu être entendue en qualité de sachant, qu'ils n'ont jamais eu connaissance de sa présence effective au cours de la première mesure d'expertise, qu'ils n'en ont été avertis qu'une fois sur place, qu'ils ne peuvent accepter que leur venderesse ait pu intervenir dans cette expertise, qu'il s'agit d'une deuxième cause de nullité du rapport d'expertise eu égard aux conditions d'intervention de ce sachant dont l'expert a pris comme bonnes et valables, ses déclarations.

Ils soutiennent que l'expert judiciaire, en indiquant que tous les aménagements faits par eux constituaient des obstacles infranchissables qui ne permettent plus de pratiquer la servitude de passage dans l'emprise de la parcelle OL [Cadastre 9] a donner un avis juridique sur la servitude en cause, ce qui lui est interdit par les dispositions de l'article 238 du Code de Procédure Civile.

Sur le fond, ils expliquent avoir déposé une demande de permis de construire le 2 octobre 2009, qui leur a été accordé le 14 janvier 2010, que les travaux de construction de la maison ont démarré au mois de mai 2010 et se sont achevés au mois de juin 2011.

Ils font valoir que les documents annexés à leur permis de construire permettent d'établir que la servitude s'arrête là où a été édifié leur mur de clôture, que le document communiqué par Madame [U] constitué par des pointillés à d'autres endroits de ce document, suggérerait l'existence d'autres chemins qui n'existent plus, qu'il s'agit d'un extrait cadastral communiqué par Madame [U], qui ne révèle pas des servitudes privées.

Ils indiquent qu'il s'agit d'une servitude éventuelle qui ne concerne que la seule exploitation agricole du fonds et non d' une servitude de passage.

Ils soutiennent que l'emprise de la servitude concernée s'arrête à un niveau qui ne comprend pas la partie piscine et la partie terrasse que l'expert voudrait voir supprimées.

Ils font valoir que l'intégralité des eaux pluviales tombe sur leur terrain, stockées au point bas de la rampe d'accès au sous-sol par un bassin de rétention de 15 m3 avec un surverse dans le réseau d'eaux pluviales légal, qu'ils ont fait poser courant 2015 deux citernes de rétention des eaux pluviales qui recueillent l'intégralité des eaux pluviales de leur toiture.

Ils font valoir que le permis de construire prévoyait que les eaux pluviales devaient passer en souterrain puis par un bassin tampon sur leur propre terrain pour rejoindre les eaux pluviales en contrebas, qu'il n'existe aucune servitude pour ces eaux.

Ils rappellent que le plan qui correspondrait à la servitude n'est ni signé ni paraphé.

Ils exposent avoir entrepris un certain nombre de travaux en cours d'instance, qui donnent accès à Madame [U] à sa propriété et avoir fait réaliser un bassin de rétention récupérant les eaux pluviales qui ne passeront plus sur sa parcelle, et avoir obtenu une autorisation pour l'aménagement de places de stationnement de la part de la Mairie de [Localité 1].

Ils soutiennent que la réalisation de ces travaux ont permis la création de la servitude de passage cédée, d'une largeur de 3,50m, qu'ils ont conservé un angle pour une certaine harmonie de la terrasse basse actuelle.


Ils font valoir avoir réalisé au mieux la hauteur des bassins de rétention compte tenu des canalisations souterraines et des contraintes techniques de la route et de l'écoulement actuel des eaux de ruissellement arrivant en surface.

Ils indiquent que la surélévation dont fait état Madame [U] ne la gêne pas, qu'ils lui ont proposé en vain la prise en charge de la mise en place du remblai permettant un accès aisé au bas de sa propriété.

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 13 juin 2022 :

Cette demande est sans objet, puisqu'un jugement avant dire droit et une autre ordonnance de clôture à la suite de ce jugement ont été rendus.

Sur les critiques du rapport d'expertise judiciaire :

Aux termes de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.
Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.
Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

Aux termes de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.

Les opérations d’expertise de Monsieur [A] ont été faites au contradictoire des époux [L], qui ont pu faire valoir leurs arguments, ils ont été assistés de leur Conseil tout au long de l’expertise et de la présente procédure, ils ont reçu les « notes aux parties », le pré-rapport, et ont fait divers dires, auxquels l'expert judiciaire a longuement répondu (pages 24 à 32).

Dés lors, le moyen tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire aux défendeurs est infondé.

De même, le moyen tiré de la nullité du rapport d'expertise ne sera pas retenu.

En effet, concernant Madame [T] [P], ancienne propriétaire du terrain acquis par les défendeurs, entendue par l'expert au début du premier accédit, rien ne permet de dire que les époux [L] s’y soient opposés.

Surtout, cette personne a simplement indiqué que la servitude était un chemin qui permettait de descendre jusqu’à la parcelle en contrebas appartenant à Monsieur [I], et que lorsqu’elle a vendu, son existence a été précisée et reportée sur l’acte (page 23 du rapport).

Cela ne peut permettre de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire.

Enfin, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, l’expert a donné les éléments techniques d’appreciation permettant d’établir si les travaux litigieux ont respecté ou non la servitude de passage et le fait que ses conclusions n'agréent pas les défendeurs ne sauraient conduire à prononcer la nullité du rapport.

Le rapport de monsieur [A], dont l’expertise a été réalisée au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète et détaillée des questions posées dans ses missions et retenant des conclusions sérieusement motivées par des arguments techniques, doit servir de support à la décision relativement au litige opposant les parties.

Sur le fond :

Aux termes de l'article 701 alinéas 1 et 2 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou à la rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

En l'espèce, les conclusions de l'expert judiciaire sont précises.

Il conclut que les époux [L] ont créé des aménagements extérieurs dans l'emprise de la servitude (bande de 4,50 mètres le long des parcelles OL [Cadastre 7] et [Cadastre 8]), qui sont des obstacles infranchissables qui ne permettent pas de pratiquer la servitude de passage dans l'emprise de la parcelel OL [Cadastre 9].

L'expert judiciaire a préconisé les travaux à entreprendre pour rétablir la servitude dans son état antérieur, avec création d'un bassin de rétention des eaux pluviales indispensable pour récueillir les eaux s'écoulant sur la route et qui se déversent sur le fonds [U], puisque cet écoulement est directement lié à la suppression de l'ancien bassin de rétention et de la servitude de passage, auquel il faudra relier les réseaux EP existants.

Cependant, les époux [L] ont fait réaliser de nouveaux travaux après l'expertise judiciaire et soutiennent que, suite à ces travaux, la demanderesse est remplie de ses droits puisque ce qu'elle sollicite sous astreinte, à savoir la démolition du mur bahut et la clôture de la propriété côté Est, les bancs maçonnés, la création d'un mur de soutènement et les terrassements en remblais, ont été effectués en cours de procédure, de même que sa demande tendant à faire procéder à la construction d'un bassin ou citerne de rétention des eaux pluviales avec ajustage effective à ce jour.

L'argument tiré du fait que la servitude ne concernerait que l'exploitation agricole du fonds [I] est totalement infondé au vu des actes notariés produits au débat.

De même, l'argumentation concernant le permis de construire qui leur a été accordé il y a plus de dix ans ne saurait être retenue, les autorisations de construire étant toujours délivrées sous réserves des droits des tiers, sans que les admnistrations qui les délivrent ne soient tenues de faire vérifier l’existence des servitudes de droit privé le cas échéant.

En effet, le dernier alinéa de l'article A424-8 du code de l’urbanisme prévoit que le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.

Madame [U] maintient qu’elle entend faire des travaux au bas de son terrain, et ouvrir un accès à partir du bas de celui-ci, directement sur la servitude, avec la création d’un portail permettant un accès bas, y compris par des véhicules, ce que la différence de niveau actuelle avec la dalle, ne permettra pas en l’état.

Elle indique que la dalle édifiée au-dessus de la citerne, sur l’assiette de la servitude, est beaucoup trop haute, et empêche un accès normal, notamment au bas de sa propriété, et que l’assiette de la servitude de passage est utilisée comme parking de nombreux véhicules.

Le seul constat d'huissier produit par les défendeurs daté du 18 janvier 2023 est totalement insuffisant à démontrer que madame [U] est remplie de ses droits suite à la réalisation de nouveaux travaux, mais l'on constate au contraire que la servitude de passage est toujours obstruée.

Madame [U] a fait réaliser par son architecte, le 31 juillet 2022, un descriptif chiffré des travaux nécessaires pour permettre le libre accès au bas de sa propriété, et un devis, par l’entreprise TOZZI, permettant la réalisation d’aménagements de nature à faire disparaître la différence de niveaux entre son terrain et la dalle bétonnée érigée par les époux [L].

Le montant de ces travaux s’élèvent à la somme de 38.429,60 euros.

Les époux [L] seront condamnés in solidum à lui payer cette somme pour lui permettre de faire réaliser les aménagements et travaux de nature à faire disparaître la différence de niveaux entre son terrain et la dalle bétonnée sur citerne érigée sur l’assiette de la servitude de passage, afin de lui permettre un accès direct et sans obstacle en partie basse de sa propriété,

Ils seront également condamnés in solidum à supprimer l’aire de stationnement installée sur la servitude de passage, à laisser définitivement ledit passage libre de tout obstacle, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai sous astreinte de 200 euros par jours de retard, pendant un délai de 6 mois au delà duquel il sera à nouveau statué.

De plus, il résulte des pièces versées au débat qu’une citerne a été édifiée pour la rétention des eaux pluviales par les époux [L].

Même s'il n'est pas établi que cette réalisation respecte les prescriptions du rapport d’expertise judiciaire, madame [U] indique renoncer à la demande d’édification du bassin de rétention qu’elle sollicitait dans son assignation.

Sur la demande de dommages-intérêts de madame [U] :

Aux termes de l'article 1240 du code de procédure civile, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le préjudice subi par madame [U], qui a dû faire face à la présente procédure, depuis plusieurs années, avec des tracas et la résistance abusive des époux [L], est évident.

Les époux [L] seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit le 5 mai 2021.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de rappeler que l'exécution provisoire est de droit.

Il n'y a pas lieu à écarter le bénéfice de l'exécution provisoire.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de madame [U] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Les défendeurs seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie succombant à l'instance, les défendeurs seront condamnés in solidum aux entiers dépens, en ceux compris le coût de l’expertise judiciaire de Monsieur [A].

PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE sans objet la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 13 juin 2022,

REJETTE les moyens tirés de l'inopposabilité et de la nullité du rapport d'expertise judiciaire,

DIT que monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] ont créé des aménagements extérieurs dans l'emprise de la servitude (bande de 4,50 mètres le long des parcelles OL [Cadastre 7] et [Cadastre 8]), qui sont des obstacles infranchissables qui ne permettent plus de pratiquer la servitude de passage dans l'emprise de la parcelle OL [Cadastre 9],

DIT que les travaux réalisés par monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] pendant la présente procédure n'ont pas solutionné cette situation,

CONDAMNE in solidum monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] à payer à madame [F] [U] la somme de 38.429,60 euros (trente huit mille quatre cent vingt neuf euros et 60 centimes) au titre des aménagements et travaux nécessaires pour faire disparaître la différence de niveaux entre son terrain et la dalle bétonnée sur citerne érigée sur l’assiette de la servitude de passage, et afin de lui permettre un accès direct et sans obstacle en partie basse de sa propriété,

CONDAMNE in solidum monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] à supprimer l’aire de stationnement installée sur la servitude de passage, à laisser définitivement ledit passage libre de tout obstacle, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai sous astreinte de 200 euros par jours de retard, pendant un délai de 6 mois au delà duquel il sera à nouveau statué,

CONSTATE que madame [F] [U] indique renoncer à sa demande d’édification du bassin de rétention qu’elle sollicitait dans son assignation,

CONDAMNE in solidum monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] à payer à madame [F] [U] la somme de 8.000 euros (huit mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit le 5 mai 2021,

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit,

DIT n'y avoir lieu à écarter le bénéfice de l'exécution provisoire,

CONDAMNE in solidum monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] à payer à madame [F] [U] la somme de 6.000 euros (six mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum monsieur [S] [L] et madame [N] [K] épouse [L] aux entiers dépens de l'instance, en ceux compris le coût de l’expertise judiciaire de Monsieur [A].

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01968
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;21.01968 ?
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