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22/08/2024 | FRANCE | N°22/04556

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 4ème chambre, 22 août 2024, 22/04556


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
[Adresse 4]
[Localité 2]

22/08/2024

4ème chambre
Affaire N° RG 22/04556 - N° Portalis DBYS-W-B7G-L3LL

DEMANDEUR :
M. [G] [I]
Rep/assistant : Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de NANTES

Mme [M] [P] divorcée [U]
Rep/assistant : Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de NANTES



DEFENDEUR :
Société SCCV [Localité 3]
Rep/assistant : Maître Jean-christophe SIEBERT de la SELARL TORRENS AVOCATS, avocats au barreau de NANTES

S.A.R.L. SOCIÉTÉ PADW EXERÇANT SOUS LE NOM COMMERCIAL ATELI ER P

ELLEGRINO
Rep/assistant : Maître Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT, avocats au barreau de NANTES

S.A.S. SOCOTE...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
[Adresse 4]
[Localité 2]

22/08/2024

4ème chambre
Affaire N° RG 22/04556 - N° Portalis DBYS-W-B7G-L3LL

DEMANDEUR :
M. [G] [I]
Rep/assistant : Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de NANTES

Mme [M] [P] divorcée [U]
Rep/assistant : Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de NANTES

DEFENDEUR :
Société SCCV [Localité 3]
Rep/assistant : Maître Jean-christophe SIEBERT de la SELARL TORRENS AVOCATS, avocats au barreau de NANTES

S.A.R.L. SOCIÉTÉ PADW EXERÇANT SOUS LE NOM COMMERCIAL ATELI ER PELLEGRINO
Rep/assistant : Maître Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT, avocats au barreau de NANTES

S.A.S. SOCOTEC CONSTRUCTION
Rep/assistant : Maître Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocats au barreau de NANTES

MUTUELLE ARCHITECTES FRANCAIS (RCS de PARIS n° 784 647 349) en sa qualité d’assureur de la Société ATELIER PELLEGRINO

S.A. AXA FRANCE IARD
Rep/assistant : Maître Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocats au barreau de NANTES

ORDONNANCE
du juge de la mise en état

Audience incident du 23 Mai 2024, délibéré au 22 Août 2024

Le VINGT DEUX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

EXPOSE DU LITIGE

La SCCV [Localité 3] a fait édifier un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments sis [Adresse 5], [Localité 1].

La réception est intervenue le 4 juillet 2013.

Monsieur [G] [I] a acquis, en l’état futur d’achèvement, un appartement et deux places de stationnement.

La livraison est intervenue avec réserves le 29 août 2013. Monsieur [G] [I] a complété ces réserves ultérieurement.
La somme de 15.600 euros représentant 5% du solde du prix a été consignée auprès de la Caisse des dépôts et des consignations, le 25 juillet 2013.

Il a par la suite assigné en référé, par exploit du 11 juillet 2014, la SCCV aux fins de désignation d’un expert avec mission habituelle portant sur une série de désordres.

Monsieur [X] [F] a été désigné en qualité d’expert suivant ordonnance en date du 16 octobre 2014.

L’expert a déposé son rapport le 29 mars 2018.

Monsieur [G] [I] a vendu son appartement à Madame [M] [P].

Par exploit du 17 octobre 2022, Monsieur [G] [I] et Madame [M] [P] ont fait assigner la SCCV [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins d’indemnisation des désordres affectant l’accessibilité de la terrasse et de la salle de bains, et le système de chauffage, et du préjudice de jouissance en résultant. Ils sollicitent également la déconsignation de la somme de 15.600 euros.
L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22-04556.

Par exploits en date du 14 juin 2023, la SCCV [Localité 3] a appelé en garantie la SARL PADW et son assureur la MAF, la société SOCOTEC CONSTRUCTION venant aux droits de la SOCOTEC FRANCE et son assureur la SA AXA FRANCE IARD.
L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23-02923 et jointe à celle enrôlée sous le numéro RG 22-04556.

Par conclusions d’incident du 15 mars 2024, la SCCV [Localité 3] a sollicité du juge de la mise en état, au visa de l’article 789 6° du code de procédure civile et des articles 1641-1 et 1648 du code civil, de :

Juger que les réserves de livraison relèvent de la garantie des vices apparents,
Juger que l’action de Monsieur [G] [I], en déconsignation du solde séquestré, est frappée de forclusion ;
En conséquence,
Débouter Monsieur [G] [I] de sa demande de déconsignation du solde séquestré ;
Ordonner la déconsignation du solde séquestré au profit de la SCCV [Localité 3] ;
Condamner Monsieur [G] [I] à verser à la SCCV [Localité 3] la somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [G] [I] aux entiers dépens.

Les autres parties n’ont pas conclu.

L’affaire a été appelée à l’audience sur incidents du 23 mai 2024 et mise en délibéré au 22 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la fin de non recevoir

Selon l'article 789 du code de procédure civile, "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour :
(...)
6° Statuer sur les fins de non-recevoir (...)".

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L’article 1642-1 du code civil prévoit que “Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer. »
L’article 1648 du même code indique « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Dans le cas prévu par l’article 1642-1 du code civil, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. »

Le vendeur d’immeuble à construire est tenu des vices ou défauts de conformité apparents dans le cadre des articles 1642-1 et 1648 du code civil, plus généralement, selon l’article 1603 du code civil, il est tenu de livrer une bien exempt de défaut de conformité.
Pour les vices et les défauts de conformité apparents au moment de la réception ou de la livraison, l’acheteur dispose, sur le fondement des articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, d’une action en garantie enfermée dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. Il s’agit de la date la plus lointaine, entre le délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur et la réception des travaux ; le délai d’un an pour agir commençant à courir à compter de celle-ci. Cette action concerne les vices ou défauts de conformité apparents même dénoncés postérieurement à l’une de ces dates.

Le caractère apparent du vice ou du défaut de conformité est apprécié, comme en droit commun, au regard du comportement normal d'un acheteur prudent et diligent, mais dépourvu de compétences techniques particulières ; le vice ou le défaut apparent est donc celui qui apparaît à l'issue de vérifications sommaires. Le caractère apparent du vice est apprécié à la date la plus tardive des évènements prévus par l’article 1642-1. L'accédant n'est nullement obligé de signifier l'existence des vices apparents au vendeur d’immeuble à construire dans le double délai de l'article 1642-1 ; il suffit que le vice soit apparu avant le plus tardif des deux événements visés par le texte, l'acquéreur disposant du délai d'un an de l'article 1648, alinéa 2, pour agir contre le vendeur et lui signifier les désordres.

Monsieur [G] [I] a fait état de réserves à la livraison, qui n’ont pas été levées.
Le procès verbal de livraison a été signé le 29 août 2013 entre Monsieur [G] [I] et la SCCV [Localité 3] et le procès-verbal de réception a été signé le 04 juillet 2023.
Le délai pour agir pour l’acquéreur contre le vendeur d’immeuble à construire est d’un an à compter de la date la plus lointaine, soit un an après le mois suivant l’entrée en possession, ce qui correspond au 29 septembre 2014.

L’assignation en référé a interrompu le délai d’action lequel est reparti à compter de l’ordonnance de référé du 16 octobre 2014.
L’acquéreur avait donc jusqu’au 16 octobre 2015 pour assigner la société SCCV [Localité 3] en garantie des vices et défauts de conformité apparents.
Il ne l’a assignée que le 17 octobre 2022.

L’action de l’acquéreur contre le vendeur d’immeuble à construire, fondée sur les articles 1642-1 et 1648 du code civil pour les vices ou défauts de conformité apparents est forclose. Toutefois, il résulte de la combinaison des articles 1646-1, 1642-1 et 1792-6, que l’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents. Or les demandeurs fondent leur action sur la garantie du vendeur, pour les désordres de nature décennale et cette garantie soumise à un délai de dix ans n’est pas forclose.

En outre, le délai d’un an prévu par l’article 1648 alinéa 2 ne concerne pas la levée des réserves par l’acquéreur ou sa demande de déconsignation du solde du prix de vente de l’immeuble.

La consignation de 5% du prix est prévue par l’article R261-14 du code de la construction et de l’habitaiton, dans le cadre de la vente d’immeuble à construire, dès lors qu’il y a contestation sur la conformité du bien avec les prévisions du contrat.

La déconsignation ne peut intervenir que sur preuve que le vendeur d’immeuble a remédié aux non conformités affectant l’ouvrage.

Le fait que Monsieur [G] [I] soit irrecevable comme forclos à obtenir l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices apparents n’ôte par le caractère matériel réel des réserves non levées et non-conformités non rectifiées, et ne justifie pas l’irrecevabilité de sa demande de déconsignation pour forclusion.

Il appartiendra au juge du fond de trancher sur le bien-fondé de la consignation réalisée au regard des conditions posées par l’article R261-14 du code de la construction et de l’habitation. Cette question ne saurait être tranchée par le juge de la mise en état, dans le cadre du présent incident. La demande de déconsignation du solde séquestré par l’acquéreur est rejetée.

Il convient de condamner la SCCV [Localité 3] aux dépens et de rejeter sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS
Nous, Stéphanie LAPORTE, juge de la mise en état, assistée de Franck DUBOIS, faisant fonction de greffier, par ordonnance réputée contradictoire susceptible d'appel,

- DECLARONS irrecevables car forcloses, les demandes fondées sur la garantie de la SCCV [Localité 3] pour les défauts de conformité ou vices apparents, prévue à l’article 1642-1 du code civil ;

- DECLARONS recevables les demandes fondées sur la garantie de la SCCV [Localité 3], pour les désordres de nature décennale, prévue par l’article 1646-1 du code civil ;

- REJETONS la fin de non recevoir opposée à la demande de déconsignation du solde du prix de vente sequestré auprès de la Caisse des dépôts et consignation depuis le 25 juillet 2013, formée par Monsieur [G] [I] ;

- REJETONS, du fait de l’incompétence du juge de la mise en état, la demande de déconsignation du solde du prix de vente séquestré auprès de la Caisse des dépôts et consignation depuis le 25 juillet 2013, formée par la SCCV [Localité 3] ;

- REJETONS la demande de la SCCV [Localité 3] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNONS la SCCV [Localité 3] aux dépens ;

- RENVOYONS à l’audience de mise en état du 09 octobre 2024 pour conclusions de Maître ROULLEAUX ;

- RAPPELONS que l’exécution provisoire est de droit.

Le greffier, Le juge de la mise en état,

Franck DUBOIS Stéphanie LAPORTE

copie :
Maître Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT - 64
Maître Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS - 49
Me Yves ROULLEAUX - 09
Maître Jean-christophe SIEBERT de la SELARL TORRENS AVOCATS - 08


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/04556
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Délibéré pour prononcé en audience publique

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;22.04556 ?
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