N° RG 24/00539 - N° Portalis DBYS-W-B7I-M5QU
Minute N° 2024/
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
du 08 Août 2024
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S.A.R.L. YACHTING CLUB DE [Localité 3]
C/
S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION
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copie exécutoire délivrée le 08/08/2024 à :
la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL - 22B
copie certifiée conforme délivrée le 08/08/2024 à :
la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL - 22B
Me Alexandra ILLIAQUER - 163
dossier
MINUTES DU GREFFE
DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
(Loire-Atlantique)
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ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
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Président : Pierre GRAMAIZE
Greffier : Florence RAMEAU
DÉBATS à l'audience publique du 27 Juin 2024
PRONONCÉ fixé au 08 Août 2024
Ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe
ENTRE :
S.A.R.L. YACHTING CLUB DE [Localité 3] (RCS 478 326 309), dont le siège social est sis [Adresse 2]
Rep/assistant : Maître Florent LUCAS de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocats au barreau de NANTES
DEMANDERESSE
D'UNE PART
ET :
S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION, dont le siège social est sis [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Alexandra ILLIAQUER, avocat au barreau de NANTES
DÉFENDERESSE
D'AUTRE PART
N° RG 24/00539 - N° Portalis DBYS-W-B7I-M5QU du 08 Août 2024
PRESENTATION DU LITIGE
Selon acte sous seing privé du 14 juin 2011, la S.A.S. YACHTING CLUB DE [Localité 3], titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime consentie le 26 avril 2007 pour une durée de 29 ans et 7 mois à compter du 1er juin 2008 par le GRAND PORT MARITIME DE [4] en vue du stationnement d'une barge avec 4 passerelles d'accès au [Adresse 1] a donné à bail à la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION des locaux sur cette barge définis en annexe 1 pour une durée jusqu'au 31 décembre 2037, à destination de l'activité de bar, restauration traditionnelle, organisation de réception et événement en tous genres, moyennant un loyer annuel de 147 875,00 € hors taxes hors charges, payable trimestriellement d'avance.
Se plaignant d'un défaut de paiement du loyer malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire du 13 novembre 2023, la S.A.S. YACHTING CLUB DE [Localité 3] a fait assigner en référé la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION suivant acte de commissaire de justice du 17 avril 2024 pour solliciter :
- le constat de la résiliation du bail,
- l’expulsion de la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION et de tous occupants de son chef et ce, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier et sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance,
- le paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation équivalente au montant du loyer et charges à compter du 1er juillet 2024 jusqu'à libération effective des lieux,
- le paiement provisionnel de la somme de 294 666,26 € au titre des loyers charges et indemnités impayés arrêtés au 30 juin 2024,
- le paiement de la somme de 3 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, y compris le coût du commandement du 13 novembre 2023 et des dénonciations aux créanciers inscrits.
La S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION réplique que :
- par assignation du 13 décembre 2023, elle a contesté le commandement de payer et l'acquisition de la clause résolutoire, de sorte que le juge des référés est incompétent en raison de l'exception de litispendance en vertu de l'article 100 du code de procédure civile et que la demande de provision relève de la compétence du juge de la mise en état déjà désigné conformément à l'article 789 du code de procédure civile,
- le commandement visant la clause résolutoire fait état des articles relatifs au statut des baux commerciaux, alors que le contrat exclut l'application du bail commercial et se réfère aux articles 1708 à 1762 du code civil, de sorte qu'il existe une contestation sérieuse opposée à l'acquisition de la clause résolutoire sur la base d'un commandement faisant référence à l'article L 145-41 du code de commerce,
- sur l'année 2023, elle a versé la somme de 243 466,22 € alors que le loyer annuel est de 147 875 € et qu'elle conteste l'appel de charges, qui de l'aveu même du gestionnaire, n'est pas clair,
- la demanderesse tente d'abuser la juridiction en rajoutant un rappel de loyer de 147 543,91 € concernant la période du COVID, qui n'est pas dû selon un accord des parties,
- le bailleur a manqué à son obligation de délivrance pendant plus de trois mois,
- les explications alambiquées sur les décomptes et l'interprétation de la clause relative à la charge des travaux relèvent du juge du fond.
Elle conclut à l'incompétence du juge des référés, au débouté de la demanderesse et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.R.L. YACHTING CLUB DE [Localité 3] rétorque que :
- il n'y a pas de litispendance entre une instance au fond et une procédure de référé qui n'ont pas le même fondement ni le même objet,
- l'instance au fond fondée sur les articles 1104 et 1720 du code civil vise en premier lieu l'indemnisation d'un préjudice de jouissance et le remboursement d'une partie des charges et en dernier lieu le fait de ne pas faire jouer la clause résolutoire et accorder des délais,
- la présente demande fondée sur l'article 835 du code de procédure civile vise l'acquisition de la clause résolutoire et l'expulsion,
- les parties à un contrat de location non soumis au statut des baux commerciaux sont libres d'y insérer une clause résolutoire,
- la référence à l'article L 145-41 du code de commerce n'est pas constitutive d'une contestation sérieuse, dès lors que le contrat de sous-location échappe au statut des baux commerciaux et que le commandement reproduit la clause résolutoire et mentionne le délai d'un mois imparti,
- la contestation du décompte n'est pas précise et la locataire ne paie pas le loyer trimestriellement mais mensuellement,
- le décompte joint au commandement de payer portait sur des charges mais également les loyers des troisième et quatrième trimestres 2023,
- le décompte du 3 avril 2024 démontre que les difficultés remontent au début de l'année 2020 et que la locataire n'a pas procédé au moindre règlement depuis le 15 décembre 2023,
- elle a accepté des remises de loyer d'un montant de 95 347,95 € sans abandonner cette créance et la société CREAN RESTAURATION fait état d'une remise de 147 543,91 € dont il n'est pas justifié,
- malgré des échanges en juin 2023 pour trouver un accord, la locataire a persisté à contester des frais mis à sa charge par le bail,
- les sommes contestées sont justifiées par un tableau des dépenses qu'elle a avancées réparties entre ses trois locataires,
- même en retenant la contestation portant sur des postes de charges que la locataire a surlignées sur le tableau représentant un total de 59 896,50 €, elle reste débitrice de 294 666,26 € et même en réservant les réductions de loyer consenties pendant la crise du COVID, la dette reste de 199 328,31 €,
- le preneur ne peut se plaindre de la privation des locaux entre février et mai 2023 en raison de la clause de souffrance stipulée au bail pour les travaux nécessaires.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la litispendance :
Le tribunal judiciaire est saisi, sur une assignation au fond délivrée à la requête de la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION contre la S.A.R.L. YACHTING CLUB DE NANTES de demandes :
- en paiement d'une somme de 184 298 € d'indemnisation de son préjudice résultant d'un manquement à l'obligation de délivrance,
- de prise en charge par le bailleur d'une somme de 55 458,78 € au titre des frais d'amarrage, de flottaison et de coque,
- de non acquisition de la clause résolutoire au titre de la mauvaise foi du bailleur,
- de délais de paiement sur 24 mois à propos du solde restant dû,
- de paiement d'une somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente instance introduite postérieurement tendant à faire constater, dans le cadre des pouvoirs limités du juge des référés, l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail et à solliciter le paiement d'une provision ne se heurte pas à l'exception de litispendance, dès lors que l'objet et le fondement des demandes au fond et en référé ne sont pas les mêmes.
Il convient donc de rejeter l'exception.
Sur l'incompétence du juge des référés :
Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état, précédemment nommé dans le cadre de l'instance au fond, dispose d'une compétence exclusive pour statuer sur certaines demandes à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, au nombre desquelles ne figure pas celle tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, laquelle attribue expressément compétence au président du tribunal statuant en référé pour statuer sur une demande d'application de celle-ci.
En revanche, le juge de la mise en état est seul compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, de sorte que la S.A.R.L. YACHTING CLUB DE [Localité 3] sera renvoyée à mieux se pourvoir et à saisir le juge de la mise en état si elle souhaite obtenir une provision sur les sommes qu'elle réclame.
Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire :
L’acte de bail du 14 juin 2011 prévoyait le versement d’un loyer annuel de 147 875,00 € hors taxes hors charges, payable trimestriellement d'avance, indexé, sous peine de résiliation du bail en cas de non-paiement d’une seule échéance.
La S.A.S. YACHTING CLUB DE [Localité 3] a fait délivrer un commandement de payer le 13 novembre 2023 portant sur un arriéré de loyer et charges de 152 195,09 € TTC et qui rappelait la clause résolutoire insérée au bail et les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce.
Certes la citation de ce dernier texte était inappropriée, puisque le bail n'est pas soumis au statut des baux commerciaux, ce que les parties s'accordent à reconnaître. Ce vice de forme n'a cependant aucune conséquence sur les droits du preneur qui ne peut revendiquer ces dispositions et ne justifie d'aucun grief résultant de cette erreur.
Même en écartant toute difficulté liée à la contestation des sommes réclamées au titre des travaux engagés, il y a lieu d'observer que sur l'échéance de loyer du 1er juillet 2023 de 52 195,96 €, le preneur n'a versé que 17 398,65 € le 10/08/23 et 17 398,65 € le 06/09/23, que sur celle du 1/10/23 de 52 195,96 €, il n'a versé que 17 398,65 € le 19/10/23, 917,76 € le 25/10/23 et 17 398,65 € le 15/12/23, et qu'au lieu de tenter au moins de solder ses loyers en retard, il a cessé tout versement depuis cette date sans la moindre autorisation judiciaire, ce qui n'a fait qu'aggraver son passif.
Les sommes incontestablement dues n’ont pas été réglées dans le délai d’un mois imparti par le commandement.
Dès lors, il n'y a pas de contestation sérieuse sur le principe de l’acquisition de la clause résolutoire qu'il conviendra de constater, ce qui justifie l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef au besoin avec l'aide de la force publique.
Le recours à la force publique étant autorisé, il n'apparaît pas nécessaire de fixer une astreinte.
L'indemnité provisionnelle d'occupation sera fixée au montant du loyer avec charges.
Il est équitable de fixer à 1 500 € l’indemnité pour frais d’instance non compris dans les dépens que la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION devra verser à la demanderesse en application de l’article 700 du code de procédure civile.
DECISION
Par ces motifs, Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Rejetons l'exception de litispendance,
Renvoyons la demanderesse à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état si elle souhaite obtenir une provision,
Constatons la résiliation du bail,
Ordonnons l’expulsion de la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l’aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance,
Condamnons la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION à payer à la S.A.S. YACHTING CLUB DE [Localité 3] :
- une somme de 1 500,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- une indemnité provisionnelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er juillet 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,
Rejetons le surplus de la demande,
Condamnons la S.A.S. [Adresse 1] RESTAURATION aux dépens, y compris le coût du commandement du 13 novembre 2023.
Le greffier, Le président,
Florence RAMEAU Pierre GRAMAIZE