N° RG 24/00043 - N° Portalis DBYS-W-B7I-MVMI
Minute N° 2024/
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
du 08 Août 2024
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[R] [D] épouse [O]
C/
[J] [E]
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copie exécutoire délivrée le 08/08/2024 à :
Me François-Pierre LANI - PARIS
copie certifiée conforme délivrée le 08/08/2024 à :
Maître Joachim D’AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D’AVOCATS - 10
Me Virginie DE GUERRY DE BEAUREGARD - 303
Me François-Pierre LANI - PARIS
dossier
MINUTES DU GREFFE
DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
(Loire-Atlantique)
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ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
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Président : Pierre GRAMAIZE
Greffier : Florence RAMEAU
DÉBATS à l'audience publique du 27 Juin 2024
PRONONCÉ fixé au 08 Août 2024
Ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe
ENTRE :
Madame [R] [D] épouse [O], demeurant [Adresse 3] - [Localité 4]
Rep/assistant : Maître Joachim D’AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D’AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
Rep/assistant : Me François-Pierre LANI, avocat au barreau de PARIS
DEMANDERESSE
D'UNE PART
ET :
Monsieur [J] [E], demeurant [Adresse 5] - [Localité 2]
Rep/assistant : Me Virginie DE GUERRY DE BEAUREGARD, avocat au barreau de NANTES
DÉFENDEUR
D'AUTRE PART
N° RG 24/00043 - N° Portalis DBYS-W-B7I-MVMI du 08 Août 2024
PRESENTATION DU LITIGE
Se prévalant d'un prêt d'une somme initiale de 200 000 € consenti par sa mère avant son décès le [Date décès 1] 2017 et non remboursé intégralement, Mme [R] [D] épouse [O] a fait assigner en référé M. [J] [E] par acte de commissaire de justice du 27 décembre 2023 afin de solliciter le paiement de la somme de 146 900 € avec intérêts au taux légal au titre de la déchéance du terme de ce prêt de consommation, de celle de 15 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et de celle de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Dans ses dernières conclusions, Mme [R] [D] épouse [O] fait notamment valoir que :
- sa demande repose sur les articles 724, 1892, 1902, 1904 du code civil, 834, 835 du code de procédure civile,
- la somme initiale de 200 000 € a été versée par Mme [Y] [D] à M. [J] [E], à charge pour ce dernier de rendre autant de même espèce et de qualité, de sorte qu'il existait entre les parties un contrat de prêt de consommation,
- étant l'unique héritière de sa mère, elle est saisie de plein droit de ses biens, droits et actions et plus particulièrement de la créance sur M. [E],
- M. [E] a reconnu sa dette et s'est engagé à la rembourser par versements bancaires partiels,
- le terme n'a pas été respecté,
- le prêt d'argent entre particuliers est un prêt de consommation tel que défini par l'article 1892 du code civil,
- non seulement elle a maintes fois réclamé le remboursement mais elle a aussi mis en demeure son débiteur,
- l'absence de date de la somme prêtée et des versements antérieurs au décès est indifférente au vu de l'attestation notariale et de la reconnaissance de dette,
- [V] est le deuxième prénom de sa mère, selon l'attestation notariale,
- par messages vocal et écrit, M. [E] a confirmé la réalité de son engagement,
- la déchéance du terme doit être prononcée conformément à l'article 1305-4 du code civil du fait du non respect de la première échéance de remboursement de la dette,
- les intérêts de retard sont dus conformément aux articles 1231-6 et 1904 du code civil,
- le juge des référés est compétent pour statuer sur le dommage causé par le comportement abusif d'une partie et en l'espèce, M. [E] n'a pas donné suite aux demandes de paiement et s'est bien gardé d'exposer ses difficultés financières.
M. [J] [E] réplique que :
- la demande se heurte à des contestations sérieuses, en ce que la créance est qualifiée de prêt à la consommation alors que rien ne permet une telle qualification et que la demande de déchéance du terme relève du juge des contentieux de la protection après justification d'une mise en demeure,
- aucun élément n'est versé aux débats à propos du versement de la somme prêtée et en l'absence de versement depuis plus de cinq années, le principe de la dette pourrait être contesté,
- s'il a accepté de reconnaître par écrit être redevable de la somme de 146 900 € le 18 mai 2023, aucun élément ne précise le contexte,
- l'écrit mentionne une dette auprès de Mme [V] [D], alors que la demanderesse est héritière de Mme [Y] [D],
- le juge des référés est incompétent pour statuer sur la responsabilité et allouer des dommages et intérêts,
- à titre subsidiaire, sa situation professionnelle et personnelle précaire justifie l'octroi de délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.
Il conclut au débouté de la demanderesse, subsidiairement au report du paiement des sommes dues à deux années et en tout état de cause à la condamnation de son adversaire à lui payer une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de provision :
M. [J] [E] ne conteste pas avoir signé un acte le 18 mai 2023 par lequel il reconnaît avoir emprunté une somme de 200 000 € auprès de Mme [V] [D] au titre de laquelle il restait devoir une somme de 146 900 € à cette date qu'il s'engageait à rembourser à sa fille, Mme [R] [D] épouse [O].
Cet acte, corroboré par d'autres éléments tels que des messages et l'attestation notariée après décès de Mme [Y] [M] [V] [T] VVE [D], fait la preuve d’un prêt de consommation au sens des dispositions de l'article 1892 du code civil et non d'un prêt à la consommation défini par les dispositions du code de la consommation, prêt qui oblige à rendre la somme énoncée au contrat conformément à l'article 1895 du code civil.
L'absence de justification de versements antérieurs de plus de cinq années est indifférente, puisque la signature de la reconnaissance de dette le 18 mai 2023 permet d'agir en recouvrement de la dette sur ce seul fondement qui a interrompu la prescription à laquelle il est simplement fait allusion sans même la soulever.
De même, les arguments tenant aux circonstances de signature de cette reconnaissance de dette, évoquées sans soutenir qu'elles puissent venir établir l'existence d'un vice du consentement, ne sont pas constitutifs d'une contestation sérieuse.
Cependant, la lecture de l'acte du 18 mai 2023 permet de constater que les parties ont convenu d'un échéancier de remboursement sous la présentation suivante : « Afin de solder cette créance, il a été convenu avec son héritière Mme [O] [R] l'échéancier de remboursement ci-dessous que je m'engage à respecter scrupuleusement... ».
L'acte prévoit des échéances en 2023, 2024, 2025, 2026 et notamment 26 900 € à payer avant le 31 décembre 2023 et 10 000 € avant le 15 juillet 2024, de sorte que la somme échue à la date de l'ordonnance sera de 36 900 €.
Aucune clause de déchéance du terme en cas d'impayé d'une ou plusieurs échéances n'a été stipulée.
L'article 1305-4 du code civil n'autorise à prononcer la déchéance du terme que si le débiteur ne fournit pas les sûretés promises ou s'il diminue celles qui garantissent l'obligation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Le juge des référés ne saurait donc prononcer la déchéance du terme sans outrepasser ses pouvoirs, de sorte que seule la somme de 36 900 € sera accordée à titre de provision avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Sur la demande de délais de paiement :
M. [J] [E] sollicite des délais de paiement sans fournir aucun élément sur des perspectives futures, se bornant à indiquer pouvoir effectuer « prochainement » un premier versement « sans certitude sur la date » et sans en préciser ni le montant ni la cause.
S'il donne des justificatifs de liquidation de plusieurs S.C.I. et de revenus faibles, il ne fait aucune déclaration sur son patrimoine, alors qu'il envisageait de vendre sa propriété dès 2017 selon un message versé aux débats.
Compte tenu du manque de précision de la demande et de l'absence d'engagement sérieux, la demande de délais sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Le seul fait que M. [J] [E] n'ait pas respecté ses engagements de remboursement ne suffit pas à établir un abus de sa part, d'autant plus qu'il justifie d'une situation professionnelle peu rémunérée.
Il convient donc de rejeter la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur les frais :
Etant condamné au paiement de sommes, M. [J] [E] est la partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile et doit supporter la charge des dépens.
Il est équitable de fixer à 1 500 € la somme qu'il devra payer en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DECISION
Par ces motifs, Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Condamnons M. [J] [E] à payer à Mme [R] [D] épouse [O] la somme de 36 900 € à titre de provision sur les sommes échues sur le prêt à rembourser avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2023, et celle de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code d procédure civile,
Rejetons toutes autres prétentions plus amples ou contraires,
Condamnons M. [J] [E] aux dépens.
Le greffier, Le président,
Florence RAMEAU Pierre GRAMAIZE