TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
[Adresse 6]
[Localité 1]
08/08/2024
4ème chambre
Affaire N° RG 22/03783 - N° Portalis DBYS-W-B7G-LXEN
DEMANDEUR :
S.C. CARDIMMO
Rep/assistant : Me Emmanuel FOLLOPE, avocat au barreau de NANTES
Rep/assistant : Me Catherine CARIOU, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEUR :
S.N.C. PHARMACIE [W]-[E] Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité ;
Rep/assistant : Maître Laurence CADENAT de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocats au barreau de NANTES
ORDONNANCE
du juge de la mise en état
Audience incident du 11 Avril 2024, délibéré prévu le 13 Juin et prorogé au 8 Aout 2024
Le HUIT AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
Suivant acte sous seing privé en date à [Localité 5] du 13 mars 2006, la société CARDIMMO a consenti un bail commercial à la société BRANGER-RAOULT, aux droits de laquelle se trouve la société PHARMACIE [W]-[L], portant le local n°56, d’une superficie de 188 m², dépendant du Centre Commercial [Adresse 4], sis à [Adresse 3], pour 12 ans à compter du 13 mars 2006.
Les locaux étaient destinés à l’activité de pharmacie, parapharmacie, produits de beauté, à l’exclusion de toute autre activité.
Suivant acte sous seing privé en date à [Localité 5] du 25 juillet 2007, les parties ont convenu du transfert de la société locataire dans le local n°B01, d’une superficie de 429 m², et modifiaient la durée du bail, pour la porter à dix ans à compter de la livraison du nouveau local, intervenue le 6 décembre 2007.
Diverses sommes étant dues par la société PHARMACIE [W] [L] au titre de loyers et charges impayés, la société propriétaire a saisi le tribunal judiciaire de céans d’une demande en paiement pour un montant actualisé de 180 485,12 euros TTC, représentant les loyers et charges dus suivants comptes arrêtés au 15 janvier 2024.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA 17 janvier 2024, la pharmacie [W] [L] a déposé des conclusions d’incident aux fins de désignation d’un expert judiciaire, ce dernier ayant pour mission de rechercher l’origine d’infiltrations d’eau dans les lieux loués.
Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par RPVA le 15 février 2024, la société PHARMACIE [W]-[L] demande au juge de la mise en état, de :
Vu l’article 144 du Code de procédure civile,
Vu les articles 263 et suivants du même Code,
Vu les articles 789 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les pièces visées au bordereau annexé aux présentes,
Sur les demandes principales,
- Désigner tel Expert qu’il plaira à Madame, Monsieur le Président et Juge de la mise en état avec la mission suivante :
- Convoquer les parties et, dans le respect du contradictoire ;
- Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission ;
- Se rendre sur les lieux sis, Pharmacie [W]-[L] - [Adresse 2] ;
- Visiter les locaux de la Pharmacie [W]-[L] ;
- Procéder, s’il y a lieu, aux constatations nécessaires ;
- Entendre tous sachants ;
- Vérifier l’état des désordres invoqués, les décrire, indiquer leur nature, la date de leur apparition, en rechercher les causes ;
- Vérifier l’état des fuites invoquées et des désordres en découlant, les décrire, indiquer leur nature, la date de leur apparition, en rechercher les causes ;
- Dire si elles proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de construction, d’un vice des matériaux, d’une malfaçon dans leur mise en œuvre, ou de toute autre cause ;
- Préciser si elles sont susceptibles de mettre l’ouvrage en péril ou de le rendre impropre à sa destination ;
- Indiquer les travaux propres à remédier aux désordres et fuites constatés, en évaluer le coût et la durée, et, s’il y a lieu, le montant de la moins-value résultant de l’impossibilité de reprendre tout ou partie des désordres ;
- Décrire et chiffrer les travaux nécessaires après information des parties et communication à ces dernières des devis et propositions chiffrées concernant les travaux envisagés ;
- Donner au Tribunal de céans tous éléments lui permettant de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, d’évaluer le préjudice éventuellement subi par l’une ou l’autre des parties ;
Dire que pour procéder à sa mission, l’Expert devra :
- En concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
• En les informant de la date à laquelle il prévoit d’adresser son document de synthèse,
- Adresser dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération, qu’il actualisera, s’il y a lieu, procédant parallèlement aux demandes de provisions complémentaires ;
- Adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport, et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
• Fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
• Rappelant aux parties, visa de l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;
DIRE que l’Expert s’expliquera sur les dires et observations des parties et qu’il pourra recueillir l’avis de toutes personnes informées et qu’il aura la faculté de s’adjoindre tout spécialiste de son choix ;
DIRE que l’Expert devra déposer son rapport dans un délai de quatre mois à compter du jour du dépôt de la consignation qu’il plaira à Madame, Monsieur le Président et Juge de la mise en état de fixer, sauf prorogation de ces délais dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du contrôle ;
FIXER le montant de la provision à consigner au Greffe du Tribunal par la requérante ;
CONDAMNER la société CARDIMMO, à titre de provision à valoir sur les dépens de l’instance, à supporter :
- A titre principal, la rémunération de l’Expert judiciaire en son intégralité,
- A titre subsidiaire, à supporter en partie la rémunération de l’Expert judiciaire.
RESERVER les dépens, sauf en ce que le Tribunal aura FIXER la provision à valoir sur les dépens au titre de la rémunération de l’Expert judiciaire et CONDAMNER la société CARDIMMO à supporter intégralement ou partiellement cette provision.
Sur la demande reconventionnelle de la société CARDIMMO,
A titre principal,
- CONSTATER qu’il existe une contestation sérieuse sur l’obligation fondant la demande de provision ;
- DEBOUTER la société CARDIMMO de sa demande de condamnation provisionnelle de la PHARMACIE [W]-[L] au paiement de la somme de 150.000 euros ;
A titre subsidiaire,
- DIRE qu’il y a compensation entre la somme de 150.000 € demandée à titre de provision par la société CARDIMMO et le montant de ses créances à l’égard de la PHARMACIE [W]-[L], évalué à 192.566,07 € ;
- CONSTATER que le montant de la provision est réduit à la somme de 0 € ;
- DEBOUTER en conséquence la société CARDIMMO de sa demande de provision.
En tout état de cause,
DEBOUTER la société CARDIMMO de sa demande de condamnation de la société PHARMACIE [W]-[L] aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
RESERVER les dépens, sauf en ce que le Tribunal aura FIXER la provision à valoir sur les dépens au titre de la rémunération de l’Expert judiciaire et CONDAMNER la société CARDIMMO à supporter intégralement ou partiellement cette provision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 mars 2024, la société CARDIMMO demande au juge de la mise en état, de :
- Débouter la société PHARMACIE [W] [L] de sa demande d’expertise judiciaire ;
Faisant droit à la demande reconventionnelle :
- Condamner provisionnellement la société PHARMACIE [W] [L] au paiement de la somme de 200 000 euros ;
- Condamner la société PHARMACIE [W] [L] aux entiers dépens, et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il sera renvoyé à l’assignation et aux conclusions, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’expertise
L’article 771 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état peut ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction.
En application des 144 et 146 du même code, les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer mais seulement si les parties ne disposent pas d'éléments suffisants pour prouver les faits allégués et en aucun cas en vue en vue de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le preneur a dénoncé des infiltrations dans les locaux donnés à bail dès 2018.
Il est établi que de son côté, le bailleur a procédé à des travaux de réparation afin de mettre fin aux infiltrations à compter de 2023.
Il est ainsi justifié des travaux de remise en état de la toiture végétalisée pour un montant de 56.070 euros.
Pour s’opposer à la demande d’expertise, la société CARDIMMO indique que les infiltrations ont pris fin à la suite des travaux, et verse aux débats les éléments suivants :
- la facture ORTEC du 27 avril 2023 pour un montant de 15.804 euros, jusitifiant du chemisage de la colonne verticale des eaux pluviales ( pièce 4),
- les factures SOPREMA pour un montant de 47.306,95 euros d’une part, et de 2.400 euros d’autre part, justifiant de la dépose des matériaux défectueux et de leur remplacement (pièces 5 et 6),
- le reportage photo réalisé dans les lieux par SOPRASSISTANCE le 6 avril 2023 ( pièce 7),
- un PV de constat d’huissier dressé dans les lieux le 2 septembre 2023, en présence de Monsieur [W], reconnaissant l’absence de nouvelles infiltrations à cette date ( pièce 8).
Pour invoquer la persistance des désordres postérieurement à la réalisation des travaux, la société PHARMACIE [L] produit des photographies non datées et non établies contradictoirement, dépourvues de valeur probante.
Elle produit également un procès-verbal de constat d’huissier du 20 octobre 2023, mettant en évidence: “ Dans l’escalier d’accès aux réserves, je constate que de l’eau suinte par le linteau de la baie et de tombe goutte à goutte dans un bac disposé à cet effet’.
“ Le châssis est dégradé par l’humidité et présente des concrétions”.
Si ce procès-verbal de constat met en évidence la persistance d’infiltrations, cependant force est de constater que les infiltrations constatées apparaissent minimes et circonscrites, de sorte qu’elles ne nécessitent pas le recours à une expertise judiciaire nécessairement longue et coûteuse, pour déterminer l’origine de cette fuite localisée.
De plus, il sera relevé que le bailleur justifie avoir fait procéder aux travaux de remplacement d’une couvertine et d’un joint en mastic le 9 novembre 2023 pour un montant de 650 € HT (pièce 9).
En conséquence, dans le cadre du litige à intervenir, la discussion devant porter à la fois sur l’obligation de paiement des loyers et charges, mais également d’une exception d’inexécution ou d’un préjudice éventuel de jouissance du preneur du fait des infiltrations, il n’apparaît pas qu’une mesure d’expertise judiciaire apparaisse encore utile à ce stade du litige.
En conséquence, il y a lieu de débouter la société PHARMACIE [W] [L] de sa demande d’expertise.
Sur la demande de provision
L’article 771 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
La société CARDIMMO sollicite à titre reconventionnel le paiement de la somme de 216.990,04 € au titre du paiement des loyers et des charges.
La S.N.C PHARMACIE [W] [L] invoque une exception d’inexécution laquelle sera tranchée dans le cadre du litige relevant de la compétence du juge du fond, s’agissant d’une contestation sérieuse.
Cependant, il a été relevé que des travaux d’ampleur ont été réalisés par le bailleur à compter d’avril 2023, afin de mettre fin aux infiltrations.
Il a également été relévé que seules des infiltrations ponctuelles et circonscrites ont été constatées le 20 octobre 2023.
Ainsi, une condamnation provisionnelle au titre des loyers et charges dus en application du contrat de bail liant les parties, n’apparaît pas sérieusement contestable.
En conséquence, il y a lieu de condamner la société PHARMACIE [W] [L] au paiement de la somme provisionnelle de 100.000 € à ce titre.
Sur les autres demandes
La S.N.C PHARMACIE [W] [L] qui succombe principalement, supportera les dépens de l’incident.
Cependant, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L’exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS
Nous, Laëtitia FENART, juge de la mise en état, assistée de Franck DUBOIS, faisant fonction de greffier, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire susceptible d'appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel,
REJETONS la demande d’expertise ;
CONDAMNONS la société PHARMACIE [W] -[L] à payer à la société CARDIMMO la somme provisionnelle de 100.000 € au titre des loyers et charges impayées ;
DEBOUTONS les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNONS la société PHARMACIE [W] -[L] aux dépens de l’incident ;
DEBOUTONS les parties des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RENVOYONS les parties à l’audience de mise en état du 2 octobre 2024 pour conclusions au fond des parties.
LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
F. DUBOIS L.FENART
copie :
Me Catherine CARIOU - B107
Maître Laurence CADENAT de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL - 22A
Me Emmanuel FOLLOPE - 7 B