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26/07/2024 | FRANCE | N°24/01183

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, Jcpcivil, 26 juillet 2024, 24/01183


Minute n° 24/340


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES - PALAIS DE JUSTICE

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

============

JUGEMENT du 26 Juillet 2024
__________________________________________


DEMANDEUR :

S.A. FRANFINANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]

Demanderesse représentée par
Me Christophe DOUCET, avocat au barreau de NANTES - 150 B
D'une part,
DÉFENDEUR :

Monsieur [C] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Défendeur non comparant
D'autre part,
COMPOSITION DU TRIBU

NAL :

PRÉSIDENT : Cécile HENOUX
GREFFIER : Aurélien PARES

PROCEDURE :

date de la première évocation : 21 Juin 2024
date des débats : 21 Juin 2024
d...

Minute n° 24/340

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES - PALAIS DE JUSTICE

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

============

JUGEMENT du 26 Juillet 2024
__________________________________________

DEMANDEUR :

S.A. FRANFINANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]

Demanderesse représentée par
Me Christophe DOUCET, avocat au barreau de NANTES - 150 B
D'une part,
DÉFENDEUR :

Monsieur [C] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Défendeur non comparant
D'autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Cécile HENOUX
GREFFIER : Aurélien PARES

PROCEDURE :

date de la première évocation : 21 Juin 2024
date des débats : 21 Juin 2024
délibéré au : 26 Juillet 2024

RG N° RG 24/01183 - N° Portalis DBYS-W-B7I-M5UH

COPIES AUX PARTIES LE :
CE+CCC Me Christophe DOUCET
CCC Monsieur [C] [Z]
Copie dossier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 17 juillet 2021, Monsieur [C] [Z] a ouvert un compte courant auprès de la SOCIETE GENERALE.

Se prévalant d’un découvert non autorisé depuis le 3 janvier 2022, la SOCIETE GENERALE a adressé à Monsieur [C] [Z], par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 avril 2022, une mise en demeure de régler la somme de 6483,51 euros sous 15 jours, à défaut de quoi elle procéderait à la clôture du compte.

Par acte de cession en date du 4 juillet 2022, la SOCIETE GENERALE a cédé sa créance à la société FRANFINANCE.

La société FRANFINANCE a finalement fait assigner Monsieur [C] [Z] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de NANTES, par acte de commissaire de justice en date du 27 mars 2024 aux fins d’obtenir sa condamnation sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
au paiement de la somme de 6493,78 euros au titre du solde débiteur du compte courant avec intérêts au taux contractuel à compter de juillet 2023, date de la première mise en demeure et l’anatocisme ;au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens en ce compris les frais d’huissier.
L’affaire a été retenue à l’audience du 21 juin 2024.

Lors des débats, la société FRANFINANCE, représentée par son avocat, a maintenu les demandes formulées dans son assignation.

Monsieur [C] [Z], cité selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas comparu et n’était pas représenté.

A l’audience, la vice-présidente chargée des contentieux de la protection a soulevé d’office l’irrecevabilité de la demande du fait de la forclusion et subsidiairement le moyen tendant à la déchéance du droit aux intérêts encourue par le prêteur sur le fondement de l’article L.341-9 du code de la consommation en cas de non respect des formalités imposées en cas de solde débiteur significatif se prolongeant au-delà d’un mois et en cas de solde débiteur se prolongeant au-delà de trois mois (articles L312-92 et L312-93 du code de la consommation). Elle a autorisé les parties à répondre à ce moyen de droit par une note en délibéré.

A l’issue de l’audience, la vice-présidente chargée des contentieux de la protection a avisé les parties que le prononcé du jugement aura lieu le 26 juillet 2024, par la mise à disposition de la décision au greffe du Tribunal.

En cours de délibéré, la société FRANFINANCE a rappelé que la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mai 2022 était venue préciser que le délai de forclusion commençait à courir le jour où le dépassement atteignait trois mois sans être régularisé. Elle a donc indiqué que la forclusion n’était pas acquise.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 472 du Code de Procédure Civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et il n’est fait droit à la demande que dans la mesure où elle apparaît régulière, recevable et bien fondée.

Sur la recevabilité
L’article R312-35 du Code de la consommation prévoit que “les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par [...] le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.”

La cour de cassation (Civ 1e 25 mai 2022 n°20-23.326) a précisé que les actions en paiement d’un découvert en compte tacitement accepté devaient être engagées à peine de forclusion dans les délais de deux ans après l’expiration d’un délai de trois mois à compter du dépassement continu non régularisé.

Il ressort des pièces versées au débat, en particulier de l’historique de compte, que la présente action a été engagée avant l’expiration d’un délai de deux années à compter de l’expiration du délai de trois mois à compter du dépassement continu non régularisé (3 avril 2022), conformément aux prescriptions de l’article R.312-35 du Code de la Consommation.

En conséquence, la société FRANFINANCE est recevable en ses demandes.

Sur la demande principale en paiement
L’article L.311-1 13° du code de la consommation définit le dépassement comme le “découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue”.

L’article L.341-9 du code de la consommation prévoit que “le prêteur qui n'a pas respecté les formalités prescrites au dernier alinéa de l'article L. 312-92 et à l'article L. 312-93 ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement mentionné à ces articles”.

L’article L.312-92 du code de la consommation prévoit que “dans le cas d'un dépassement significatif qui se prolonge au-delà d'un mois, le prêteur fournit cette information à l'emprunteur, sans délai, sur support papier ou sur un autre support durable, du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables.”

L’article L.312-93 du code de la consommation prévoit que “lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit au sens du 4° de l'article L. 311-1, dans les conditions régies par les dispositions du présent chapitre.”

Ainsi, s’agisant du dépassement significatif qui se prolonge au-delà d’un mois, le prêteur doit informer sans délai le débiteur sur le montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables. A défaut, il ne peut prétendre aux intérêts et frais de toute nature.

En cas de dépassement qui se prolonge au delà de trois mois, le prêteur doit immédiatement régulariser la situation en proposant sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit ou mettre fin à l’opération de manière anticipée en adressant à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser la situation à peine de résiliation du compte. Cette mise en demeure fait courir le préavis de deux mois prévu par l’article L.312-1-1 III du code monétaire et financier. A défaut d’entreprendre immédiatement l’une ou l’autre de ces deux actions, le prêteur ne peut prétendre aux intérêts et frais de toute nature.

En l’espèce, la convention de compte courant conclue entre la SOCIETE GENERALE et Monsieur [C] [Z] ne prévoyait pas d’autorisation de découvert.

L’historique du compte laisse néanmoins apparaître un découvert à compter du 3 janvier 2022 sans aucune régularisation postérieure, dépassement significatif dès lors qu’il s’élève à 2851,79 euros.

Par courrier adressé le 22 mars 2022, la SOCIETE GENERALE a proposé au débiteur un rendez-vous afin de lui proposer une offre bancaire spécifique adaptée à la situation de fragilité financière de ses clients.

Elle a ensuite mis en demeure, par courrier du 28 avril 2022, le débiteur de régulariser la situation en réglant la somme de 6483,51 euros, sous quinze jours, à défaut de quoi elle procéderait à la clôture du compte.

Finalement, le compte bancaire a été clôturé le 28 juin 2022.

Or, pour respecter les exigences de l’article L312-92 du code de la consommation, le prêteur aurait dû dès le 3 février 2022 informer l’emprunteur du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais et intérêts applicables, ce qui n’a pas été fait.

Au regard de ces éléments, la SOCIETE GENERALE n’a donc pas respecté ses obligations et ne peut donc pas prétendre au remboursement des intérêts et des frais liés à ce solde débiteur depuis le 3 janvier 2022.

Au vu du décompte fourni, la créance de la société FRANFINANCE, expurgée des intérêts et frais (263,84 euros), est donc justifiée pour la somme de 6229,67 euros.

Par ailleurs, le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts conventionnels, demeure en principe fondé à solliciter en vertu de l’article 1236-1 du code civil, le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, majoré de plein droit de 5 points deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Ces dispositions doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité, ainsi que l’a rappelé dans l’arrêt rendu le 27 mars 2014 la cour de justice de l’Union Européenne.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.

Afin d’assurer le respect de la directive précitée, et du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient donc de ne pas faire application de l’article 1231-6 du Code Civil et de l’article L.313-3 du Code monétaire et financier, en prévoyant que la somme de 6229,67 euros ne portera pas intérêt, fût ce au taux légal.

Monsieur [C] [Z] sera donc condamné à verser à la société FRANFINANCE la somme de 6229,67 euros, et ce sans intérêt, même pour l’avenir.

Sur la demande de capitalisation des intérêts
L’article L.312-38 du code de la consommation rappelle qu’aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles. La capitalisation des intérêts n’étant pas prévue par ces deux articles, elle est prohibée en matière de crédits à la consommation.

En conséquence, la demande de capitalisation des intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

Monsieur [C] [Z], qui succombe à titre principal, sera condamné aux dépens.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’exécution provisoire de cette décision est de droit.

PAR CES MOTIFS

La vice-présidente chargée des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement rendu par mise à disposition au Greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare recevable l’action en paiement de la société FRANFINANCE ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne Monsieur [C] [Z] à payer à la société FRANFINANCE la somme de 6229,67 euros au titre du solde débiteur, cette somme ne produisant pas d’intérêt pour l’avenir, même au taux légal ;

Déboute la société FRANFINANCE de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts ;

Déboute la société FRANFINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [C] [Z] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2024.

Le greffier La vice-présidente chargée des contentieux de la protection
Aurélien PARES Cécile HÉNOUX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : Jcpcivil
Numéro d'arrêt : 24/01183
Date de la décision : 26/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-26;24.01183 ?
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