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11/07/2024 | FRANCE | N°21/02031

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 11 juillet 2024, 21/02031


MM

G.B


LE 11 JUILLET 2024

Minute n°24/253

N° RG 21/02031 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LC7U




[E] [X] [C]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle de 55% numéro 2020/013088 du 23/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-11






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me L. GUILBAUD

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES>----------------------------------------------



HUITIEME CHAMBRE


Jugement du ONZE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Préside...

MM

G.B

LE 11 JUILLET 2024

Minute n°24/253

N° RG 21/02031 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LC7U

[E] [X] [C]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle de 55% numéro 2020/013088 du 23/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-11

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me L. GUILBAUD

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du ONZE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président : Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

GREFFIER : Mélanie MARTIN

Débats à l’audience publique du 22 MARS 2024 devant Florence CROIZE, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 30 MAI 2024 prorogé au 11 JUILLET 2024.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [E] [X] [C], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Louise GUILBAUD, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Céline MATHIEU-VARENNES, procureur adjoint

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [E] [C], né le 24 décembre 2001 à Mamou (Guinée), a souscrit le 3 octobre 2019 une déclaration de nationalité française auprès de la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Nantes sur le fondement de l’article 21-12 du code civil.

Il s’est vu opposer le 26 juin 2020 une décision refusant l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française, celle-ci étant jugée irrecevable, au motif que les actes de naissance produits ne sont pas légalisés, puisque, d’une part, l’acte délivré le 12 décembre 2018 a été délivré et légalisé par l’ambassade de Guinée en France, alors même qu’ils n’ont pas accès aux originaux des registres d’état civil du pays et que, d’autre part, l’acte délivré le 28 janvier 2020 a été délivré par les autorités compétentes mais n’a pas été légalisé par un agent consulaire compétent en matière de légalisation.

Il a dès lors, par acte d’huissier du 23 février 2021, fait assigner Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes devant la présente juridiction, aux fins de voir dire qu’il est de nationalité française.

Par jugement en date du 7 septembre 2023 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et moyens des parties, le tribunal a :
- constaté que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
- révoqué l’ordonnance de clôture ;
- renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 21 novembre 2023 et invité les parties à s’expliquer sur la régularité de la double légalisation apposée sur la copie certifiée conforme délivrée le 28 janvier 2020 de l’extrait d’acte de naissance n° 799 de l’année 2001 de Monsieur [E] [C] au regard de la coutume internationale ;
- sursis à statuer sur les demandes formulées ;
- réservé les dépens.

Aucune des parties n’a conclu postérieurement à la réouverture des débats, de sorte que le tribunal reste saisi par les dernières conclusions, antérieures à cette réouverture.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par voir électronique le 24 février 2022, M. [E] [C] demande au tribunal, sur le fondement des articles 21-12, 26-3 et 47 du code civil, de :
- le déclarer recevable en son recours contre la décision des services de greffe judiciaire du tribunal judiciaire de Nantes en date du 26 juin 2020 ;
- lui décerner acte qu’il produit un document d’état civil conforme à l’article 47 du code civil ;
- constater que mineur au moment de sa demande de déclaration de nationalité, il vivait sur le territoire français depuis plus de trois années en étant placé sous la protection du service d’aide sociale à l’enfance ;
En conséquence,
- le recevoir en sa demande et, l’y déclarant fondé :
- le déclarer comme étant de nationalité française ;
- dire que mention du présent jugement sera portée sur ses actes de naissance ;
- allouer à son conseil la somme de 1 200 euros sur le fondement combiné des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
- statuer ce que droit sur les dépens.

Il assure justifier de toutes les conditions prévues par l’article 21-12 du code civil pour voir sa nationalité française reconnue. Il souligne qu’il n’est pas contesté qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance pendant au moins trois années, ni qu’il résidait bien sur le territoire national au jour de la demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française.
Il soutient que l’absence de légalisation ou une légalisation qui ne serait pas conforme ne figure pas parmi les motifs permettant de renverser la présomption de validité de l’acte de naissance étranger. Il fait observer que la production d’un acte de naissance légalisé n’est pas non plus imposée par les articles 21-12 du code civil et 16 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. Il fait valoir qu’en tout état de cause et pour les besoins de la présente procédure, il a diligenté les démarches nécessaires afin de faire légaliser son acte de naissance auprès du consulat de Guinée à [Localité 3] (pièce n° 24). Il souligne qu’en application de l’article 4 du décret n° 2020-1370 du 20 novembre 2020, le principe reste celui de la légalisation par les autorités consulaires du pays en France pour les actes guinéens. Il précise qu’avant de pouvoir être produit en France, son acte de naissance a dû faire l’objet d’une première vérification par les services du ministères des affaires étrangères guinéen et qu’afin de se conformer aux exigences française, il a ensuite été légalisé par le consulat de Guinée à [Localité 3]. Il en conclut que le grief du défaut de légalisation, voire même d’une légalisation non conforme, doit être écarté.

Dans le dernier état de ses conclusions communiquées par RPVA le 16 mai 2022, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal de :
- constater que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
- faire droit à sa demande d’enregistrement de la déclaration souscrite par l’intéressé;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Il estime que l’extrait d’acte de naissance produit en pièce numéro 24 par M. [C] est valablement légalisé, de sorte qu’il justifie d’un état civil fiable. Il relève que l’intéressé justifie remplir les autres conditions fixées par l’article 21-12 du code civil. Il en conclut que la déclaration souscrite par l’intéressé peut être enregistrée.

Il est référé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 mars 2024.


MOTIFS DE LA DÉCISION

Il a déjà été statué sur la régularité de la procédure au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

Selon l’article 21-12 du code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.
Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.
Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
1° L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat.

Cette possibilité n'étant ouverte qu'aux enfants mineurs qui le sont encore au moment de leur déclaration, il importe de vérifier que cette condition est remplie.

A cet effet, l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française prévoit que le déclarant, pour souscrire la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil, doit fournir notamment l’extrait de son acte de naissance.
Cet acte de naissance doit être conforme aux exigences de l’article 47 du code civil.

Il résulte de cet article que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En l'absence de convention permettant une dispense de légalisation avec la République de Guinée, les actes publics établis par une autorité étrangère produits par M. [E] [C] doivent, selon la coutume internationale reprise dans l'Instruction générale relative à l'état civil, être préalablement légalisés pour produire effet en France. Ainsi, un acte non légalisé ou irrégulièrement légalisé ne peut recevoir effet en France.
Selon l’Instruction générale relative à l’état civil, peuvent être acceptés en France, les copies ou extraits :
- soit légalisés, à l’étranger, par un consul de France ;
- soit légalisés, en France, par le consul du pays où ils ont été établis ;
- soit établis, en France, par un consul étranger sur la base d’actes de l’état civil conservés par lui.
Aux termes de l’article 16 II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.
La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Par une décision n° 2021-972 QPC du 17 février 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. L’abrogation de ces dispositions a toutefois été reportée au 31 décembre 2022.
Le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 et ont été annulées par décision du Conseil d’Etat du 7 avril 2022, annulation prenant effet au 31 décembre 2022, rappelait en son article 1er que sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet.

La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu; Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères.

L’article 3 de ce décret précisait que :
“I. − L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser :
1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat ;
2° Les actes publics émis par les autorités diplomatiques et consulaires d'Etats tiers présents sur le territoire de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de ce même Etat tiers.
II. − De façon exceptionnelle, le ministre des affaires étrangères peut légaliser les actes publics émanant d'agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national et destinés à être produits devant d'autres agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national.”

L’article 4 énonçait que “par dérogation au 1° du I de l'article 3, peuvent être produits en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français :
1° Les actes publics émis par les autorités de l'Etat de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France.
Le ministre des affaires étrangères rend publique la liste des Etats concernés ;
2° Les actes publics légalisés par l'autorité compétente de l'Etat qui les a émis, lorsqu'ils sont requis par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français en résidence dans cet Etat pour être transcrits sur les registres de l'état civil français.”

Suivant l’annexe 8 du tableau récapitulatif de l’état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation, dont la dernière mise à jour date du 24 mars 2023, trois pays figurent sur cette liste dérogatoire, dont la République de Guinée.

En application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, en l’espèce, M. [C].

***
En l'espèce, le ministère public ne conteste pas les conditions relatives au recueil du demandeur.
Le débat a porté sur la fiabilité de l’état civil du requérant, et plus particulièrement sur la régularité de la légalisation de son acte de naissance.
Pour justifier de son état civil, M. [C] a produit aux débats en pièce numéro 24 une copie certifiée conforme de son extrait d’acte de naissance n° 799 de l’année 2001, délivrée le 28 janvier 2020.
Cette copie supporte au verso un tampon partiellement effacé à l’encre bleue, complété manuscritement, que l’on suppose être un tampon de la légalisation de la signature de [H] [D] [F], officier de l’état civil, apposé le 5 février 2020 par Monsieur [E] [R], juriste au ministère des affaires étrangères guinéen.
Elle supporte en bas à gauche un tampon de légalisation à l’encre rouge, complété manuscritement à l’encre bleue:
“Vu pour légalisation de la signature de [H] [D] [F] officier de l’état civil [illisible] le 14 septembre 2021",
apposé par Mme [K] [N], chargée des affaires consulaires, à l’ambassade de la République de Guinée en France.

Invités à s’expliquer sur la régularité de la double légalisation par le ministère des affaires étrangères guinéens et le consulat de Guinée en France, de la même signature de l’officier d’état civil, apposée sur la copie certifiée conforme délivrée le 28 janvier 2020 de l’extrait d’acte de naissance numéro 799 de l’année 2001 de Monsieur [E] [C] au regard de la coutume internationale, les parties n’ont pas fait valoir d’observations et, aux termes de leurs dernières conclusions respectives, considèrent toutes les deux que l’extrait d’acte de naissance produit en pièce n°24 est valablement légalisé et que M [C] justifie d’un état civil fiable.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande.

Les dépens seront à la charge du trésor public et la demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

ORDONNE l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 3 octobre 2019 au titre de l’article 21-12 du code civil par [E] [C] ;

DIT que [E] [C], né le 24 décembre 2001 à [Localité 2] (Guinée) est de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

CONDAMNE le trésor public aux dépens ;

DÉBOUTE [E] [C] de sa demande au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile.

LE GREFFIER, P/ LA PRESIDENTE EMPÊCHÉE

Mélanie MARTIN Géraldine BERHAULT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/02031
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.02031 ?
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