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10/07/2024 | FRANCE | N°21/02918

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 4ème chambre, 10 juillet 2024, 21/02918


SG




LE 10 JUILLET 2024

Minute n°


N° RG 21/02918 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LEVK





S.C.I. SOJE

C/

S.A.R.L. LES NORGANDS





Demande relative à une servitude d’usage ou de passage des eaux





1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
Me Richard ALLIOUX - 246
la SELARL OCTAAV - 14B




délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
---------------------------------------------------


QUATRIEME CHAMBRE


JUGEMENT
du DIX JUILLET

DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président : Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,


GREF...

SG

LE 10 JUILLET 2024

Minute n°

N° RG 21/02918 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LEVK

S.C.I. SOJE

C/

S.A.R.L. LES NORGANDS

Demande relative à une servitude d’usage ou de passage des eaux

1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
Me Richard ALLIOUX - 246
la SELARL OCTAAV - 14B

délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
---------------------------------------------------

QUATRIEME CHAMBRE

JUGEMENT
du DIX JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président : Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,

GREFFIER : Sandrine GASNIER

Débats à l’audience publique du 14 MAI 2024 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 10 JUILLET 2024.

Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

S.C.I. SOJE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
Rep/assistant : Me Richard ALLIOUX, avocat au barreau de NANTES

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

S.A.R.L. LES NORGANDS, dont le siège social est sis [Adresse 6]
Rep/assistant : Maître Stéphane LALLEMENT de la SELARL OCTAAV, avocats au barreau de NANTES

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

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EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte authentique en date du 6 mars 2019, la SCI SOJE a acquis, auprès de Monsieur [H] [E], un terrain cadastré section BM n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4] sis à SAUTRON (44800) constituant une zone boisée.

Sur demande de la SCI SOJE, un certificat d’urbanisme a été rendu le 14 août 2018 faisant état d’une servitude d’interdiction d’accès à la route nationale 165 grevant les parcelles BM n°[Cadastre 2] et BM n°[Cadastre 4].

La SCI SOJE a sollicité de la SARL LES NORGANDS l’octroi d’une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section BM n°[Cadastre 5] dont elle est propriétaire par courrier du 5 octobre 2020.

La SARL LES NORGANDS a indiqué à la SCI SOJE par un courrier en date du 7 décembre 2020 qu’elle s’opposait à l’octroi d’une telle servitude mais qu’elle confirmait que l’accès aux parcelles était possible via le lotissement, côté sud, aux fins d’entretien du bois.

La SCI SOJE a déposé une demande de certificat d’urbanisme en vue de la construction de deux bâtiments à usage de bureaux et d’entrepôts avec parking avec un accès par la [Adresse 9] le 28 mars 2023. Il est mentionné dans le certificat que le projet n’est pas réalisable avec un accès par la [Adresse 9] mais que l’accès pourrait notamment se faire par la parcelle BM n° [Cadastre 5] et la [Adresse 10].

Par acte délivré le 03 juin 2021, SCI SOJE a fait assigner la SARL LES NORGANDS devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins que soient octroyés des servitudes de passage et de tréfonds sur la parcelle BM n°[Cadastre 5], au profit des parcelles BM n°[Cadastre 2] et BM n°[Cadastre 4].

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, la SCI SOJE demande au tribunal de :

Constater l'état d'enclave des parcelles cadastrées BM n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4],Juger que le fonds cadastré BM n°[Cadastre 5] est grevé d’une servitude de passage au profit des parcelles cadastrées BM [Cadastre 2] et BM [Cadastre 4] appartenant à la SCI SOJE,Juger que le fonds cadastré BM n°[Cadastre 5] est grevé d’une servitude de tréfonds au profit des parcelles cadastrées BM n°[Cadastre 2] et BM n°[Cadastre 4] appartenant à la SCI SOJE,Juger que la SCI SOJE aura à sa charge l’intégralité des travaux d’aménagement de la voie et des réseaux correspondants à ses besoins à réaliser sur la parcelle BM [Cadastre 5],Fixer le montant de l’indemnité de désenclavement due au titre de la servitude de passage à un montant de 5 000 euros, Débouter la SARL LES NORGANDS de l’ensemble de ses demandes,Condamner la SARL LES NORGANDS aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande principale et au visa de l’article 682 du code civil, la SCI SOJE fait valoir que les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 4] ne bénéficient d’aucun accès sur la voie publique en ce que l’accès à la route nationale 165 leur est interdit par une servitude, que les parcelles permettant un accès par le nord ont été identifiées comme « zone humide » et « espace végétalisé à préserver » et que la commune de Sautron leur a indiqué qu’un accès par la [Adresse 9] était incompatible avec le plan local d’urbanisme métropolitain. Ils ajoutent que la commune a précisé que les accès devaient notamment être réalisés sur la parcelle BM n° [Cadastre 5] et la [Adresse 10].

En réponse à la défenderesse, la SCI SOJE fait valoir que l’état d’enclave s’apprécie au regard de l’usage actuel du terrain mais également de l’utilisation normale des fonds notamment lorsqu’est envisagée la réalisation d’opérations de construction ou de lotissements, que la SARL LES NORGANDS a réalisé son opération de lotissement sur une zone qui constituait un même ensemble boisé avec les parcelles BM n° [Cadastre 2] et n° [Cadastre 4] et que l’autorisation d’urbanisme nécessaire n’est dépendante que de l’obtention d’un titre permettant d’accéder à son terrain.

La SCI SOJE, répliquant à la défenderesse, explique qu’elle n’avait pas connaissance de la situation d’enclave de la parcelle en ce que le plan local d’urbanisme métropolitain a été approuvé postérieurement à son acquisition des parcelles. Elle ajoute que les plans de l’orientation d’aménagement et de programmation « Les Norgands » (ci-après l’OAP Les Norgands) sont des documents administratifs communicables à toute personne en faisant la demande et qu’en conséquence, le fait que l’un de ses associés ait été associé au sein de la SARL LES NORGANDS ne permet pas de caractériser sa mauvaise foi.

La demanderesse indique que la seule alternative est un passage sur la parcelle cadastré BM n° [Cadastre 5] permettant de rejoindre la voirie du lotissement[Adresse 1], voie publique en ce que sa rétrocession au profit de [Localité 8] Métropole a été actée. Elle précise à ce titre que ce passage est le plus court et le moins dommageable pour défenderesse car la parcelle est inconstructible et a déjà été identifié en tant que « extension future de voirie » permettant l’accès aux parcelles voisines dans le permis d’aménager et sur les plans des lotissements figurant dans l’OAP Les Norgands.

Enfin, la demanderesse expose qu’il est nécessaire de permettre la desserte complète du terrain incluant les réseaux nécessaires dans le tréfonds.

Sur la demande subsidiaire de la SARL LES NORGANDS, la SCI SOJE fait valoir que l’indemnisation d’une servitude de tréfonds ne peut être distincte de celle de la servitude de passage dans la mesure où les assiettes de ces servitudes sont identiques. Pour le surplus, elle indique que la parcelle BM n° [Cadastre 5] est inconstructible, que la réalisation de cette voie ne générera aucune nuisance à la SARL LES NORGANDS qui ne conservera aucun des terrains contigus et que la réalisation de cette voie ne lui occasionnera aucun dommage supérieur à celui que la SARL LES NORGANDS avait accepté lors du dépôt de son permis d’aménager, cette dernière ayant apposé la mention « Extension future de voirie – Accès parcelles riveraines» sur les plans de son lotissement s’agissant de la parcelle BM [Cadastre 5].

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 06 avril 2023, la SARL LES NORGANDS, sollicite du tribunal de :

A titre principal :
Juger que l’état d’enclavement des parcelles BM13 et BM14 n’est pas établi,Juger quand bien même cet état d'enclave serait reconnu, que la SCI SOJE n'établit pas que le passage par la parcelle BM192 serait le plus court jusqu'à la voie publique.Débouter la dém de ses demandes,
A titre subsidiaire :
Condamner la SCI SOJE au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice du droit de passage sur la parcelle BM n° [Cadastre 5],Condamner la SCI SOJE au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de la servitude de tréfonds sur la parcelle BM n° [Cadastre 5],Mettre à la charge de SCI SOJE les frais de travaux qui permettront l’exercice de la servitude,En tout état de cause, condamner la SCI SOJE aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande principale, la SARL LES NORGANDS fait valoir, au visa des articles 682 et 683 du code civil, que la SCI SOJE avait une parfaite connaissance de la configuration des lieux lors de l’acquisition des parcelles et qu’elle n’avait manifesté aucune difficulté sur ce point. Elle précise que la mention « extension future de voirie » alléguée par la demanderesse n’impose pas de droit de passage, qu’elle n’a été stipulée que pour se réserver la possibilité de nouvelles opérations de construction sur les parcelles BM13 et [Cadastre 4] mais également sur des terrains se trouvant plus loin et que la SCI SOJE ne pouvait l’ignorer dans la mesure où Monsieur [F] [G], associé de la SCI SOJE, était animateur de la SARL LES NORGANDS et qu’il a déposé la demande de permis d’aménager.

Elle explique que la demanderesse ne produit aucun élément concret sur la faisabilité du projet de construction et qu’elle ne s’est jamais opposée à l’accès aux parcelles pour l’entretien des bois, octroyant même à la SCI SOJE une tolérance de passage dans ce cadre.

Elle indique qu’en tout état de cause, la SCI SOJE ne produit pas les éléments nécessaires pour affirmer que le passage revendiqué est le plus court et que la rétrocession de la [Adresse 10] n’étant pas encore intervenue, cette voirie ne saurait constituer une voie publique.

A titre subsidiaire, elle explique, au visa de l’article 682 du code civil, que si une servitude de passage était octroyée, la parcelle BM n°[Cadastre 5] ferait l’objet d’un passage intense et régulier qui occasionnera des nuisances, que le prix de vente des terrains était de 15 euros par mètres carrés et qu’elle n’avait pas l’intention de réaliser des travaux d’aménagement de cette parcelle.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a eu lieu le 04 avril 2024 et l’audience des plaidoiries ont eu lieu le 14 mai 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’octroi d’une servitude de passage pour cause d’enclave

Aux termes de l’article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

En l’espèce, il ressort des plans produits s’agissant du projet d’OAP Les Norgands ainsi que du cadastre, que les parcelles BM n°[Cadastre 2] et BM n°[Cadastre 4] ne pourraient bénéficier que de deux accès sur la voie publique. Le certificat d’urbanisme d’information en date du 14 août 2018 fait état d’une servitude d’interdiction d’accès à la route nationale 165 grevant ces deux parcelles. Par ailleurs, il résulte du certificat d’urbanisme opérationnel négatif en date du 24 mai 2023 que l’accès aux parcelles par la [Adresse 9] n’est pas réalisable et ne correspond pas aux objectifs et principes d’aménagements de l’OAP des Norgands. Dans ces conditions, les parcelles BM n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 4] n’ont aucun accès à la voie publique.

Il n’est pas contestable que la demanderesse devait avoir connaissance de la servitude d’interdiction d’accès à la route nationale 165 en ce qu’elle figure sur une demande d’information antérieure à l’acquisition des terrains. La situation de zone humide et végétalisée à préserver entre les parcelles BM n° [Cadastre 2] et n°[Cadastre 4] et la [Adresse 9] devait également être connue de la demanderesse en ce que c’est l’un de ses associés, Monsieur [F] [G], qui a représenté la SARL LES NORGANDS dans le dépôt du permis d’aménagement du lotissement [Adresse 7].

Il résulte de ces éléments que la SCI SOJE a acquis ces parcelles en connaissant les difficultés matérielles pour y accéder. Néanmoins, la décision finale interdisant l’accès par la [Adresse 9] est postérieure à l’acquisition du terrain et se fonde, outre sur l’OAP Les Norgands, sur un plan local d’urbanisme métropolitain approuvé le 5 avril 2019, soit postérieurement à l’acquisition des terrains.

En conséquence, la SCI SOJE n’est pas à l’origine de la situation d’enclave dans laquelle se trouvent les parcelles BM n°[Cadastre 2] et BM n°[Cadastre 4] et une situation d’enclave acceptée par l’acquéreur d’un terrain ne l’empêche pas de solliciter l’octroi d’une servitude, notamment si cela est rendu nécessaire par les règles d’urbanisme, comme c’est le cas en l’espèce.

S’agissant de la nécessité de l’octroi d’une servitude pour l’utilisation normale des fonds, il est constant que constitue une utilisation normale d’un fonds un projet de construction nécessitant une desserte accrue. En l’espèce, la SCI SOJE justifie de la réalité de son projet de construction par le dépôt d’une demande de certificat d’urbanisme mentionnant le projet à venir et par le refus n’ayant été apposé qu’à raison de l’impossibilité d’accès par la [Adresse 9]. Le projet de construction de bâtiment bureaux et d’entrepôt tel que présenté dans la demande de certificat d’urbanisme nécessite la possibilité d’un accès accru et supérieure à la tolérance octroyée par la SARL LES NORGANDS dans le cadre de « l’entretien du bois ». La servitude est dès lors nécessaire à l’exploitation « normale » des parcelles BM n° [Cadastre 2] et BM n° [Cadastre 4] par la SCI SOJE.

Par ailleurs, la mention sur l’OAP Les Norgands que l’intégralité du secteur sur lequel se trouvent lesdites parcelles est un secteur à vocation d’activités économiques démontre que la défenderesse ne pouvait ignorer l’évolution envisagée pour cette zone actuellement boisée. Les pièces apportées par elle ne permettent en tout état de cause pas de douter de la réalité du projet de la demanderesse.

Enfin, il résulte de la convention de transfert des voies et équipements de l’opération « Le Carré Norgands » en date du 21 juillet 2017 que la voie en boucle rejoignant le chemin des Pils doit être rétrocédé à [Localité 8] Métropole dès la réception des travaux de l’opération et la signature de l’acte de transfert de propriété. Dans ces conditions un accès à cette voie en boucle, dont il apparait à la vue des plans fournis qu’il s’agit de la [Adresse 10], est bien un accès à la voie publique.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la SCI SOJE ne dispose d’aucune voie d’accès à la voie publique à partir des parcelles BM n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 4] dont elle est propriétaire, qu’elles sont donc enclavées et que l’instauration d’une servitude de passage est nécessaire pour permettre leur exploitation.

Le passage doit être pris du côté où il est le plus court jusqu’à la voie publique et le moins dommageable pour le fonds servant.

En l’espèce, aucune expertise n’est produite par la SCI SOJE déterminant avec précision le passage le plus court et le moins dommageable jusqu’à la voie publique.

Néanmoins, il résulte du certificat d’urbanisme produit par la demanderesse que le passage par la parcelle BM n°[Cadastre 5] pour accéder à la [Adresse 10] depuis lesdites parcelles est la première et la seule option avancée par la commune.

Par ailleurs, il figure sur l’OAP Les Norgands et sur les plans produits par la SCI SOJE et la SARL LES NORGANDS la mention « extension future de voirie : accès des parcelles voisines » sur la parcelle BM n°[Cadastre 5]. La SARL LES NORGANDS a en outre octroyé une tolérance de passage à la SCI SOJE afin d’entretenir son bois. Il en ressort que la SARL LES NORGANDS devait avoir conscience que cette parcelle était la seule permettant l’accès jusqu’à la voie publique et que cet accès était le moins dommageable.

La SARL LES NORGANDS ne peut se retrancher derrière la prétendue mauvaise foi de la SCI SOJE dans la mesure où les informations et les documents utilisés par Monsieur [F] [G] auraient pu être librement consultés par lui en mairie.

Par ailleurs, cette extension de voirie a été envisagée dès 2017, la SARL LES NORGANDS n’a pas acquis de parcelles supplémentaires entre le dépôt de la demande de permis d’aménager le 30 mars 2017 et l’acquisition par la SCI SOJE des parcelles le 6 mars 2019, soit presque deux ans plus tard, la parcelle BM n°[Cadastre 5] n’est, selon les écrits de la SARL LES NORGANDS, actuellement pas occupée et aucun travaux d’aménagement n’est prévu.

Monsieur [F] [G], en sa qualité de représentant de la SARL LES NORGANDS lors du dépôt du permis d’aménager du lotissement [Adresse 7], devait avoir connaissance de l’argument de la défenderesse consistant à expliquer qu’elle n’entendait faire cette extension qu’en cas d’acquisition future de parcelles. La connaissance de cet argument permet de questionner la loyauté de Monsieur [F] [G]. Néanmoins, cette question concerne les relations d’affaires entre deux sociétés dont l’une, la demanderesse, n’a manifestement pas permis à l’autre, la défenderesse, d’étendre ses projets de construction et ne permet pas de caractériser la mauvaise foi de la demanderesse dans cette action.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de considérer que cet accès à la voie publique depuis les parcelles BM n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 4] n’est aujourd’hui plus, le plus court et le moins dommageable, pour la SARL LES NORGANDS pour l’unique raison que celle-ci n’est pas propriétaire desdites parcelles.

Il convient donc de reconnaître une servitude de passage sur le fonds BM n° [Cadastre 5], propriété de la SARL LES NORGANDS au profit des parcelles BM n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 4], pour cause d’enclave.

S’agissant de l’extension de la servitude de passage aux tréfonds de la parcelle BM n°[Cadastre 5], une servitude de passage pour cause d'enclave est destinée à assurer la desserte complète du fonds enclavé, aussi bien s’agissant de l’accès terrestre que du passage dans les tréfonds.

En l’espèce, il résulte du certificat d’urbanisme en date du 24 mai 2023 que le projet de la SCI SOJE n’est notamment pas desservi par le réseau public en eau potable. Bien que la demanderesse n’ait pas apporté d’éléments précis sur les réseaux nécessaires à la réalisation d’une telle construction, il n’est pas contestable qu’un bâtiment à usage de bureau et d’entrepôt doive nécessairement être raccordé au réseau d’eau potable ainsi qu’au réseau de canalisations et d’égouts.

En conséquence, il convient de reconnaître une servitude de tréfonds sur la parcelle BM n°[Cadastre 5] au profit des parcelles BM n° [Cadastre 2] et BM n°[Cadastre 4].

L’intégralité des frais d’établissement de la servitude terrestre et de tréfonds sera à la charge de la SCI SOJE.

Sur l’indemnisation du propriétaire du fonds servant

Il résulte des dispositions de l’article 682 du code civil précité que le propriétaire du fonds enclavé doit au propriétaire du fonds sur lequel s’exerce le droit de passage une indemnité proportionnelle au dommage occasionné par l’exercice du droit de passage. L’indemnisation du fonds servant correspond au dommage subi par le fonds est ne peut-être égale à sa valeur vénale.

En l’espèce, la servitude porte sur le fonds et les tréfonds d’une parcelle appartenant à la SARL LES NORGANDS. Une telle servitude implique le versement d’une indemnisation globale des dommages occasionnés par le passage de la SCI SOJE sur la parcelle de la SARL LES NORGANDS et dans ses tréfonds.

Il résulte des écritures de la SARL LES NORGANDS, sans que cela ne soit contesté par la SCI SOJE, que la valeur vénale de la parcelle BM n°[Cadastre 5] est de 15 euros par mètre carré et que la parcelle est de 1 321 mètre carré.

La servitude de passage octroyée a pour objet de permettre l’unique accès et le fonctionnement de deux parcelles ayant vocations à supporter deux bâtiments à usage de bureaux et d’entrepôts, le fonds servant subira dès lors des nuisances dans la mesure où il était aujourd’hui non occupé par l’homme. Par ailleurs, doit être pris en compte dans la fixation de l’indemnité le fait que la servitude est octroyée à la fois sur le fonds et les tréfonds de la parcelle, ce qui engendrera nécessairement des désordres plus importants.

Néanmoins, la défenderesse a reconnu que la parcelle n’était pas occupée et qu’aucun travaux d’aménagement n’était prévu, ce qui a pour effet de minorer le dommage subi.

Compte tenu de ces éléments, l’indemnité sera fixée à 15 000 euros.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la SARL LES NORGANDS, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer 1° à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La SARL LES NORGANDS, partie condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à une somme qu’il est équitable de fixer à 2000 euros. Elle sera par ailleurs déboutée de sa propre demande de ce chef.

Sur l’exécution provisoire :

L'exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que les parcelles cadastrées BM n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4] à SAUTRON (44800) propriété de la SCI SOJE sont enclavées ;
FIXE l’assiette d’une servitude de passage au profit des parcelles cadastrées BM n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4] à [Localité 11] sur la parcelle cadastrée BM n°[Cadastre 5] à [Localité 11], propriété de la SARL LES NORGANDS ;
DIT que ladite servitude s’exercera également sur les tréfonds de la parcelle cadastré BM n°[Cadastre 5], à [Localité 11] ;

ORDONNE la publication du jugement au service de la publicité foncière concernée aux frais de la SCI SOJE ;

DIT que l’intégralité des frais d’établissement de la servitude sera à la charge exclusive de la SCI SOJE ;

CONDAMNE la SCI SOJE à payer à la SARL LES NORGANDS la somme de 15 000 euros au titre de l’indemnité due au fonds servant ;

CONDAMNE la SARL LES NORGANDS aux dépens ;

CONDAMNE la SARL LES NORGANDS à payer à la SCI SOJE la somme de 2 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la SARL LES NORGANDS au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le tribunal et le greffier susnommés.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandrine GASNIER Stéphanie LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/02918
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-10;21.02918 ?
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