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05/07/2024 | FRANCE | N°20/00636

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, Ctx protection sociale, 05 juillet 2024, 20/00636


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 05 Juillet 2024


N° RG 20/00636 - N° Portalis DBYS-W-B7E-KWKK
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président: Frédérique PITEUX
Assesseur: Sylvie GRANDET
Assesseur: Catherine VIVIER
Greffier: Sylvain BOUVARD

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 15 Mai 2024.


JUGEMENT

Prononcé par Frédérique PITEUX, par mis

e à disposition au Greffe le 05 Juillet 2024.


Demanderesse :

Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
1 boulevard Haussmann
75009 PARIS...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 05 Juillet 2024

N° RG 20/00636 - N° Portalis DBYS-W-B7E-KWKK
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président: Frédérique PITEUX
Assesseur: Sylvie GRANDET
Assesseur: Catherine VIVIER
Greffier: Sylvain BOUVARD

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 15 Mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 05 Juillet 2024.

Demanderesse :

Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
1 boulevard Haussmann
75009 PARIS
Représentée par Maître Cécilia ARANDEL, avocate au barreau de PARIS, substituée par Maître Jéhane JOYEZ, avocate au même barreau

Défenderesse :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE-ATLANTIQUE
Service contentieux
9 Rue Gaëtan Rondeau
44958 NANTES CEDEX 9
Représentée par Mme [I] [N], audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial

La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le QUINZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE les parties présentes, en leurs observations, les ont avisées, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 18 juillet 2018, Madame [Z] [C], salariée en qualité d’attachée commerciale de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (ci-après « la société BNP PARIBAS »), a effectué une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial du 10 juillet 2018 faisant état d’une « dépression- suivi psy + Ttt en cours ».

La pathologie n’étant pas désignée dans un tableau relatif aux maladies professionnelles et le médecin conseil ayant estimé que le taux d’incapacité partielle permanente (IPP) prévisible était supérieur ou égal à 25%, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) de Loire-Atlantique a saisi le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) des Pays de la Loire afin qu’il donne un avis sur l’existence d’un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’activité professionnelle de Madame [C].

Le 26 septembre 2019, le CRRMP des Pays de la Loire a rendu un avis favorable estimant qu’il « établit une relation directe et essentielle entre la pathologie présentée par l’intéressée et son activité professionnelle ».

Par courrier du 27 septembre 2019, la CPAM de Loire-Atlantique a notifié à la société BNP PARIBAS une décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Madame [C].

La société BNP PARIBAS a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) qui a accusé réception de sa saisine par courrier du 2 décembre 2019.

Par décision rendue en séance le 18 février 2020, notifiée par courrier du 19 février 2020, la CRA a rejeté son recours.

La société BNP PARIBAS a saisi la présente juridiction par courrier recommandé expédié le 27 avril 2020, afin de contester la décision de rejet de la CRA du 18 février 2020.

Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été plaidée à l’audience du 18 mai 2022 puis, par jugement du 23 septembre 2022, le tribunal a ordonné la saisine du CRRMP de Bretagne et prononcé un sursis à statuer sur les autres demandes.

Le 20 novembre 2023, le CRRMP de Bretagne s’est prononcé en faveur de l’existence d’un lien direct et essentiel entre l’affection présentée par Madame [C] et son activité professionnelle.

Par ordonnance de fixation en date du 4 décembre 2023, les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du pôle social du tribunal judiciaire de Nantes du 15 mai 2024 au cours de laquelle, à défaut de conciliation, chacune d’elles a fait valoir ses prétentions.

La société BNP PARIBAS demande au tribunal de :
- dire et juger que la pathologie déclarée par Madame [C] ne présente aucun caractère professionnel ;

En conséquence
- annuler la décision de prise en charge de la CPAM du 27 septembre 2019 ainsi que la décision explicite de rejet de la CRA du 19 février 2020 ;
- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la CPAM du 27 septembre 2019 ;

En tout état de cause
- condamner la CPAM de Loire-Atlantique au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la CPAM de Loire-Atlantique aux entiers dépens de l’instance.

La CPAM de Loire-Atlantique demande au tribunal de :
- homologuer la décision du CRRMP de Bretagne du 20 novembre 2023 ;
- déclarer opposable à la société BNP PARIBAS la décision du 27 septembre 2019 de prise en charge de la maladie professionnelle de Madame [C] ;
- débouter la société BNP PARIBAS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à la requête introductive d’instance de la société BNP PARIBAS reçue le 15 mai 2020, aux conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique reçues le 2 mai 2022 et à la note d’audience en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 5 juillet 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

L’article L.461-1 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ».

La société BNP PARIBAS entend rappeler que la juridiction de sécurité sociale n’est pas tenue par les avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles et soutient qu’en l’espèce, il n’y a pas de lien direct et essentiel entre la dépression de Madame [C] et son activité professionnelle.

Elle se fonde, d’une part, sur la tardiveté de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie en exposant que Madame [C] a d’abord été en arrêt de travail pour maladie non-professionnelle à compter du 13 mai 2017, qu’elle a ensuite été déclarée inapte par le médecin du travail le 22 décembre 2017, qu’elle a fait l’objet d’un licenciement pour impossibilité de reclassement le 10 juillet 2018 et que sa déclaration de maladie professionnelle n’est intervenue que le 18 juillet 2018, soit 14 mois après son premier arrêt de travail et seulement 6 jours après son licenciement.

Elle s’étonne de « l’inaction » de Madame [C] dans la mesure où elle indique qu’il existe :
- une procédure relative à la prévention et au suivi du stress au travail ;
- une procédure sur le harcèlement et la violence au travail.

D’autre part, elle soutient que Madame [C] ne démontre pas que sa dépression a été essentiellement et directement causée par son travail habituel, et que tant la CPAM que les CRRMP se sont uniquement fondés sur les allégations de la salariée pour rendre leur avis et décision.

Or, elle affirme que les différentes allégations de Madame [C] ne sont ni caractérisées, ni confirmées par des éléments exogènes.

En tout état de cause, elle expose que les allégations de Madame [C] sont contredites par ses propres déclarations et par l’ensemble de ses collègues (pièces n° 19 à 24), et conclut qu’il n’existe aucun lien entre la pathologie déclarée et l’activité professionnelle, si bien que la décision de prise en charge de la CPAM de Loire-Atlantique doit lui être déclarée inopposable.

La CPAM de Loire-Atlantique, quant à elle, fait observer que les CRRMP successifs ont émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Madame [C] et qu’il résulte des dispositions de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale susvisé que ces avis s’imposent à elle.

Par conséquent, elle sollicite l’homologation de l’avis du deuxième CRRMP et l’opposabilité de la décision de prise en charge du 27 septembre 2019 à la société BNP PARIBAS.

En l’espèce, il y a lieu de relever que la tardiveté de la déclaration de maladie professionnelle, alléguée par la société BNP PARIBAS, est inopérante et n’est pas de nature à exclure l’existence d’un lien entre la maladie présentée par Madame [C] et son activité habituelle.

En effet, la pathologie déclarée « dépression » n’est pas désignée dans un tableau relatif aux maladies professionnelles et n’est donc pas soumise à un délai de prise en charge à l’expiration duquel l’origine professionnelle est susceptible d’être écartée.

Dès lors, la circonstance qu’il se soit écoulé 14 mois entre la date de première constatation médicale fixée au 13 mai 2017 et la date de fin d’exposition correspondant à la date du licenciement de Madame [C] le 10 juillet 2018, n’a aucune incidence.

La société BNP PARIBAS reconnait d’ailleurs elle-même dans ses conclusions (page 13) que le syndrome dépressif peut être reconnu d’origine professionnelle sous réserve que la maladie soit essentiellement et directement causée par le travail habituel du salarié et qu’elle entraîne un taux d’IPP au moins égal à 25%.

Or, il est constant qu’à l’issue du colloque médico-administratif maladie professionnelle du 13 décembre 2018, le médecin-conseil a évalué le taux d’IP prévisible de Madame [C] égal ou supérieur à 25%.

Par ailleurs, la demande de Madame [C] a fait l’objet d’une enquête administrative maladie professionnelle (pièce n°3 CPAM) au cours de laquelle il a été recueilli l’ensemble des griefs reprochés à la société BNP PARIBAS et ayant engendré son épisode dépressif, notamment :
- l’intensité du travail et du temps de travail : embauche quotidienne une heure avant l’heure prévue pour sortir les statistiques du service, sur demande de sa manager, Madame [H].
- les exigences émotionnelles liées à l’activité professionnelle : elle travaillait en open-space dans une équipe de 9 personnes, et regrette d’avoir été isolée à partir d’avril 2017 par sa manager ; interdiction de discuter avec les collègues ;
- l’autonomie et la marge de manœuvre dans le travail : les tâches étaient planifiées par sa manager qui ne lui confiait aucune responsabilité ni autonomie ; non reconnaissance des idées proposées ; absence d’évolution ou de formation dans l’équipe de Madame [H] ;
- les rapports sociaux au travail : propos désobligeants de sa manager, attitude déstabilisante entraînant une perte de confiance en soi ; absence de reconnaissance ;
- l’insécurité de la situation de travail : des contacts téléphoniques avec les clients pouvant être difficiles.

Il ressort également de cette enquête que l’évènement déclencheur de l’arrêt de travail initial de Madame [C] le 13 mai 2017 est un entretien professionnel ayant eu lieu la veille (le 12 mai 2017) avec sa manager (Madame [H]) qui lui aurait fait des reproches concernant un mail qu’elle lui avait envoyé.

Madame [C] a fait part du déroulé de cet entretien (Bilan d’Activité Mensuelle) à Monsieur [V] [U], représentant du personnel, dans un échange de mail qu’ils ont eu le 16 mai 2027 en ces termes : « Je te fais un retour sur mon BAM de vendredi dernier […]. Le premier sujet abordé lors de cet entretien est un mail que j’ai envoyé à [J] le 4 mai à 13h45 […] elle m’a dit qu’elle n’avait aucun compte à me rendre. Je ne lui demandais pas des comptes je voulais juste comprendre son choix. Elle m’a dit que mon mail était très agressif et qu’il avait été vu avec la direction ([Y] [K]) qu’il était strictement interdit d’envoyer ce genre de mail aux cadres. Elle m’a dit de ne plus jamais envoyer ce genre de mail et que c’était un ordre » (pièce n° 3 annexe 1 CPAM).

Elle poursuit en indiquant que sa manager lui a attribué la note de 3 en le justifiant par le fait qu’elle la trouvait agressive, et qu’il lui a également été reproché d’avoir refusé d’être renfort « pendant trois jours en phase 8 » alors pourtant que toute l’équipe avait été sollicitée mais personne n’avait répondu favorablement.

Elle évoque également qu’il lui a été reproché de n’avoir pas été assez investie dans la réunion de chantier du 14 avril 2017 et conclut que : « Cette réaction et ce comportement m’ont choqué je n’étais vraiment pas bien et il est vrai que lors de cette réunion de chantier j’avais le moral au plus bas. Je n’étais donc pas investie ».

Pour contester le lien direct établi entre la maladie de Madame [C] et son activité professionnelle, la société BNP PARIS se fonde sur les procès-verbaux d’audition de ses collègues qui contrediraient ses déclarations, alors pourtant que seules les auditions de Madame [J] [H], manager principalement mise en cause par Madame [C] dans la survenance de son syndrome dépressif, et de Madame [M] [E], responsable ressources humaines de la société, visent à réfuter l’ensemble des allégations de la salariée.

Ces déclarations contraires ne sont donc pas étonnantes dans le litige opposant Madame [C] à son employeur dont elle conteste les méthodes managériales et l’organisation des conditions de travail.

En revanche bien qu’ils répondent en termes circonspects, la lecture des procès-verbaux d’audition des collègues de travail de Madame [C] et du représentant du personnel n’est pas de nature à exclure l’existence d’un climat délétère dans les rapports entre l’intéressée et sa hiérarchie.

Concernant l’audition de Monsieur [X] [B], collègue de Madame [C] du 1er septembre 2016 jusqu’à son arrêt maladie, ce dernier confirme qu’elle avait exprimé son mal-être au travail à « 2 ou 3 occasions » et qu’ « elle invoquait sa mauvaise communication avec Mme [H], elle se sentait laisser pour compte » et « mise à l’écart » (pièce n° 22, pages 2 et 3 demanderesse).

Il reconnaît également qu’il a pu y avoir des rappels à l’ordre de la part de Mme [H] pour demander aux salariés de se concentrer.

Il ne ressort donc aucunement de ce témoignage une remise en cause de l’ensemble des déclarations de Madame [C] comme le laisse penser la société BNP PARIBAS.

Concernant l’audition de Madame [D] [W], à la question qui lui a été posée de savoir si Madame [C] avait déjà fait part de son mal-être en lien avec le travail, elle a répondu : « Oui pendant les pauses dehors notamment […]. Elle n’avait pas selon elle la reconnaissance adéquate. Effectivement son binôme avec [F] [A] lui portait plutôt préjudice car [Z] gérait beaucoup plus de choses que sa partenaire et ne recevait pas la reconnaissance ni la visibilité de son manager ou du reste de l’équipe... » (pièce n° 23, page 2 demandeur).

Si elle admet qu’il s’agit du rôle de manager de Madame [H] de « rappeler tout le monde à l’ordre quand les discussions se prolongent », elle indique que : « Toutefois, certaines personnes étaient un peu moins reprises que d’autres, selon aussi les affinités de Madame [H] envers ses collaborateurs, ce qui reste malgré tout un sentiment humain » (pièce n° 23, page 3 demandeur).

Il ressort également de l’audition de Madame [W] qu’elle a été témoin de reproches de la part de Madame [H] au sujet de recherches internet faites sur google par Madame [C], puisqu’elle déclare : « Oui, Madame [H] lui a reproché une fois d’être sur google plutôt que de travailler or cette dernière s’est trompé. Madame [C] effectuait une recherche sur un client dans le cadre de son activité des impayés techniques ».

Elle poursuit en disant que Madame [C] « pâtissait là aussi de sa partenaire qui était régulièrement sur internet à cette époque là et Madame [H] généralisait à tort ce duo. Ce qui était surement une manière de manager pour éviter de nommer une personne précisément, mais je comprends qu’il y ait un sentiment d’injustice de la part de Madame [C] » (pièce n° 23, page 3 demandeur).

Il ressort de ces éléments des techniques managériales préjudiciables à Madame [C], qui ont pu créer un sentiment d’injustice et impacter négativement sa santé alors pourtant que ses collègues reconnaissent qu’elle « attachait beaucoup d’importance à son travail et gérait très bien son activité des impayés techniques » (voir audition de Madame [W]).

Concernant l’audition de Monsieur [V] [U], ce dernier explique n’être en capacité, ni de confirmer, ni d’infirmer les déclarations de Madame [C] dans la mesure où il ne travaillait pas directement avec elle.

Cependant, il admet que « Madame [C] a déjà exprimé son mal-être professionnel, le manque de considération professionnelle ainsi que le niveau de sa rémunération » lors de leurs différents échanges (pièce n° 24, page 2 demandeur).

À toutes fins utiles, il sera précisé qu’il ressort de l’enquête administrative maladie professionnelle que trois autres collègues de travail de Madame [C] ont été sollicités pour recueillir leurs témoignages, et que l’un a expressément refusé d’y participer tandis que les deux autres n’ont pas répondu à cette sollicitation (pièce n° 3 CPAM).

Au regard de ces éléments, c’est de toute évidence que le CRRMP de Bretagne s’est prononcé le 20 novembre 2023 en faveur de l’existence d’un lien direct et essentiel entre l’affection présentée par Madame [C] et son activité professionnelle, en écartant l’hypothèse d’un état antérieur ou des facteurs extra-professionnels.

Il est notamment relevé dans cet avis que « l’analyse du dossier met en évidence : un changement managérial, un conflit avec la hiérarchie, un management délétère avec un manque de bienveillance, des injonctions contradictoires, un conflit de valeurs, un manque de soutien de la hiérarchie, une absence de reconnaissance et une surcharge de travail ».

Préalablement à ce deuxième avis, le CRRMP de Nantes Pays de la Loire avait déjà rendu un premier avis le 13 décembre 2018, confirmant le lien entre la pathologie et l’activité professionnelle de Madame [C] au regard de l’entier dossier et pièces soumis à son appréciation, et plus encore de : « l’absence, dans le dossier, d’éléments extra-professionnels pouvant expliquer l’apparition du syndrome dépressif, après avoir pris connaissance de l’avis du médecin du travail » (pièce n° 7 CPAM et n° 12 BNP PARIBAS).

En tout état de cause, la société BNP PARIBAS ne communique aucun élément nouveau susceptible de remettre en question l’appréciation portée par le CRRMP de Bretagne sur le dossier de Madame [C], ou à démontrer l’existence d’un état pathologique antérieur.

Par conséquent, il y a lieu de débouter la société BNP PARIBAS de sa demande et de lui déclarer opposable la décision du 27 septembre 2019 de prise en charge de la pathologie de Madame [C].

La société BNP PARIBAS succombant dans le cadre de la présente instance, elle en supportera les entiers dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement, par décision rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’ensemble de ses demandes ;

DÉCLARE opposable à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la décision du 27 septembre 2019 de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de Loire-Atlantique de prise en charge de la maladie de Madame [Z] [C] au titre de la législation professionnelle ;

DÉBOUTE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens ;

RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R.211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS, à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 5 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Mme Frédérique PITEUX, Présidente, et par M. Sylvain BOUVARD, Greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/00636
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;20.00636 ?
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