SG
LE 02 JUILLET 2024
Minute n°
N° RG 21/04298 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LHVN
S.A.R.L. CONSTRUCTION GENERALE RENNAISE (CGR)
C/
S.C.C.V. AP 26
Demande en paiement du prix formée par le sous-traitant contre l’entrepreneur principal
1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
la SELARL AVOLITIS - RENNES
la SELARL CLARENCE - 16
délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
---------------------------------------------------
QUATRIEME CHAMBRE
JUGEMENT
du DEUX JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
Composition du Tribunal lors du délibéré :
Président :Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur :Laëtitia FENART, Vice-Présidente,
Assesseur :Stéphanie LAPORTE, Juge,
GREFFIER : Sandrine GASNIER
Débats à l’audience publique du 09 AVRIL 2024 devant Nathalie CLAVIER, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 02 JUILLET 2024.
Jugement Contradictoire rédigé par Nathalie CLAVIER, prononcé par mise à disposition au greffe.
---------------
ENTRE :
S.A.R.L. CONSTRUCTION GENERALE RENNAISE (CGR), dont le siège social est sis [Adresse 2]
Rep/assistant : Maître Christophe BAILLY de la SELARL AVOLITIS, avocats au barreau de RENNES
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
S.C.C.V. AP 26, dont le siège social est sis [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Joachim BERNIER de la SELARL CLARENCE, avocats au barreau de NANTES
DEFENDERESSE.
D’AUTRE PART
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Faits, procédure et prétentions des parties
La S.C.C.V. AP26, gérée par la société ALTREALIS PROMOTION, a souhaité faire procéder, en qualité de maître de l’ouvrage, à la construction d’un ensemble immobilier dénommé “[3]”, constitué de 16 logements collectifs, [Adresse 6] [Localité 4].
La maîtrise d’oeuvre de ce projet a été confiée à la société TOUCOULEUR ARCHI.
Le 18 juin 2019, dans le cadre de l’appel d’offres lancé pour ce projet immobilier, la S.A.R.L. CONSTRUCTION GÉNÉRALE RENNAISE (ci-après la S.A.R.L. CGR) a établi un devis pour le lot gros oeuvre d’un montant global de 713.707,16 euros T.T.C.
Le 29 novembre 2019, après plusieurs échanges avec la société TOUCOULEUR ARCHI et modifications de ce premier devis, la S.A.R.L. CGR a établi une nouvelle offre pour le lot gros oeuvre d’un montant global de 743.016,06 euros T.T.C.
Par courrier en date du 03 décembre 2019 mentionnant en objet “une intention de commande”, la S.C.C.V. AP26 a informé la S.A.R.L. CGR de son “souhait de retenir sa proposition”, précisant que la signature du marché aurait lieu en janvier 2020 “pour un démarrage effectif en mars 2020".
Le 19 février 2020, après diverses observations de la société TOUCOULEUR ARCHI, la S.A.R.L. CGR a établi un nouveau devis d’un montant global de 745.329,66 euros.
Par courriel du même jour, la S.A.R.L. CGR a rappelé à la société ALTREALIS PROMOTION qu’elles avaient convenu d’un démarrage des travaux à la date du 16 mars 2020, l’alertant sur la perte d’exploitation qu’elle risquait de subir si tel n’était pas le cas et qui lui serait nécessairement “répercutée”.
En réponse, la société ALTREALIS PROMOTION a précisé qu’elle ne pouvait accepter une quelconque “pénalité” liée à son courrier d’intention, que “la mise au point du dossier dans sa globalité était toujours en cours” et qu’elle recherchait “de fortes pistes d’économies”.
Le 25 février 2020, la société ALTREALIS PROMOTION a informé la S.A.R.L. CGR qu’elle était dans l’obligation de relancer son appel d’offre sur plusieurs lots dont le lot gros oeuvre, lui demandant de lui adresser sa meilleure offre dans un délai de 15 jours.
Le 05 mars 2020, la S.A.R.L. CGR a demandé à la société ALTREALIS PROMOTION de lui “indiquer soit sa volonté de rompre le marché, soit la nouvelle date de démarrage du chantier”.
En réponse, la société ALTREALIS PROMOTION lui a précisé que la simple déclaration d’intention du 03 décembre 2019 ne constituait pas une obligation engageant sa responsabilité contractuelle, qu’il n’y avait pas de marché rompu et que l’appel d’offres était seulement relancé.
Le 12 mars 2020, la société TOUCOULEUR ARCHI a demandé à la S.A.R.L. CGR de prendre en compte divers éléments et modifications, lui indiquant rester dans l’attente de sa “mise à jour”.
Le 19 mars 2020, la société ALTREALIS PROMOTION a de nouveau demandé à la S.A.R.L. CGR de lui adresser son offre mise à jour pour le 20 mars 2020.
Le 06 mai 2020, après la période de confinement liée à l’épidémie de COVID-19, la S.A.R.L. CGR a interrogé la société ALTREALIS PROMOTION sur la nécessité ou non de faire le nécessaire pour la modification de son offre.
Le 11 mai 2020, la société ALTREALIS PROMOTION l’a informée avoir arrêté “la consultation du lot gros oeuvre en désignant une entreprise tierce”.
Par courrier du 29 octobre 2020, la S.A.R.L. CGR a vainement mis en demeure la société ALTREALIS PROMOTION de lui régler la somme de 364.267,00 euros en compensation du préjudice subi “du fait de la résiliation unilatérale de son contrat”.
Par acte d’huissier délivré le 27 septembre 2021, la S.A.R.L. CGR a fait assigner la S.C.C.V. AP26 devant le Tribunal Judiciaire de NANTES afin d’obtenir réparation de son préjudice.
***
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 mars 2024, la S.A.R.L. CGR sollicite du tribunal de :
Vu les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil,
Vu les dispositions des articles 1104, 1112, 1172, 1231-1 à 3, 1240, 1710, 1779 et 1794 du code civil,
Vu l'article 4.1.1 des Cahiers des Clauses Administratives Générales aux marchés privés de travaux,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter la S.C.C.V. AP26 de ses demandes, fins et conclusions, plus amples et contraires, telles que présentées à l'égard de la société CGR ;
- Constater qu'un accord de volonté est intervenu entre la S.C.C.V. AP26 et la société CGR concernant la réalisation du lot gros-oeuvre du projet [3] sis [Adresse 5] à [Localité 4] ;
- Constater, en conséquence, qu'un contrat de louage d'ouvrage ou un marché de travaux a été conclu entre la S.C.C.V. AP26 et la société CGR ;
- Condamner la S.C.C.V. AP26 à payer à la société CGR une somme de 314.766,00 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi en raison de la résiliation unilatérale de son contrat par la S.C.C.V. AP26 ;
- Condamner à tout le moins la S.C.C.V. AP26 à payer à la société CGR une somme de 334.766,00 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi en raison la rupture fautive et tardive des négociations précontractuelles par la S.C.C.V. AP26;
- Condamner la S.C.C.V. AP26 à payer à la société CGR une somme de 15.000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la S.C.C.V. AP26 aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL AVOLITIS (Maître Christophe BAILLY).
***
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 mars 2024, la S.C.C.V. AP26 sollicite du tribunal de :
Vu les articles 1112, 1113, 1114 et 1118 du Code civil,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
- Débouter la société CGR de l'ensemble de ces demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société CGR à verser à la S.C.C.V. AP 26 la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
***
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 09 avril 2024. Les parties ont été informées par le président que le jugement serait rendu le 02 juillet 2024 par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces "demandes" qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Sur les demandes de la S.A.R.L. CGR
1. Sur l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage
Aux termes de l’article 1103 du code civil, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.
Le contrat de louage d'ouvrage, tel qu'il est défini par l’article 1710 du code civil et qui n'est soumis à aucune forme particulière pour sa validité, est un contrat consensuel qui se forme par le seul échange des consentements.
Il incombe au tribunal de rechercher l'intention commune des parties pour déterminer s'il est démontré leur volonté non équivoque et délibérée de s'obliger et si elles se sont accordées sur les modalités du contrat de louage d'ouvrage.
En l’espèce, les parties conviennent que dans le cadre de l’appel d’offres pour le lot gros oeuvre du projet immobilier “[3]” de la S.C.C.V. AP26, la S.A.R.L. CGR a établi, au vu du dossier de consultation des entreprises de la société TOUCOULEUR ARCHI du mois d’avril 2019, cinq devis entre le 12 juin 2019 et le 29 novembre 2019, successivement modifiés à la demande du maître d’ouvrage ou de son maître d’oeuvre pour adapter notamment, sa proposition aux prestations complémentaires sollicitées par ces derniers.
A la suite du dernier devis du 29 novembre 2019 d’un montant global de 743.016,06 euros T.T.C., la S.C.C.V. AP26 a adressé à la S.A.R.L. CGR un courrier daté du 03 décembre 2019, mentionnant en objet “intention de commande” et libellé en ces termes :
“Nous avons l’honneur de vous informer que l’offre que vous avez faite au titre de la consultation de l’opération “[3]” - construction de 16 logements collectifs à [Localité 4], a retenu toute notre attention et nous vous confirmons notre souhait de retenir votre proposition.
Le taux de pré-commercialisation est atteint, le dossier marché est en cours de rédaction et la signature aura lieu en janvier 2020 pour un démarrage effectif en mars 2020.
Nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir vos documents administratifs actualisés (Kbis, RIB, Déclaration relative à la lutte contre le travail dissimulé, attestations IMPOTS, URSSAF, Attestations d’assurance RC Décennale, Qualibat, etc...) à l’adresse suivante...”
La S.A.R.L. CGR fonde essentiellement ses prétentions sur cette lettre d’intention de la S.C.C.V. AP26, considérant que celle-ci a accepté sans la moindre réserve le devis susvisé et qu’a ainsi été conclu un contrat de louage d’ouvrage à cette date du 03 décembre 2019, ce que conteste formellement la défenderesse.
Force est de constater cependant les éléments suivants :
- la teneur exacte des propos/écrits échangés par la S.A.R.L. CGR et la S.C.C.V. AP26 avant cette lettre d’intention, n’est pas connue, seuls quelques mails ne comportant aucune indication significative étant versés aux débats ;
- le devis du 29 novembre 2019 sur lequel sont mentionnées des “hypothèses”, une “nota technique” (en page 11), diverses “variantes et options” (en gage 12, 13, 14), n’est pas signé par la S.C.C.V. AP26 et ne comporte aucune observation particulière de sa part sur ces différents points ;
- la lettre d’intention du 03 décembre 2019 ne contient pas davantage d’éléments précis permettant de s’assurer notamment, de la nature exacte des prestations confiées à la S.A.R.L. CGR et évoque expressément la signature ultérieure d’un marché par les parties au mois de janvier 2020 ;
- les différents courriels échangés par la S.A.R.L. CGR et la S.C.C.V. AP26 après cette lettre d’intention, tendent à confirmer l’absence d’accord des parties non seulement, sur la nature exacte des prestations à réaliser, complétées et modifiées à la demande de la S.C.C.V. AP26 au mois de février 2020 avec un nouveau devis établi par la S.A.R.L. CGR le 19 février 2020, mais également, sur le prix des dites prestations et notamment, sur le caractère forfaitaire de celle concernant les fondations ;
- aucun élément probant ne permet d’établir, comme semble le soutenir la S.A.R.L. CGR, qu’elle aurait été mandatée par la S.C.C.V. AP26 pour la réalisation de différentes démarches auprès notamment, de [Localité 4] MÉTROPOLE et de la SEMITAN, pour la mise en place et le démarrage du chantier et ce, alors que les pièces versées aux débats ne permettent pas de s’assurer que la S.C.C.V. AP26 ait même été informée des dites démarches.
Dans ces conditions, la volonté non équivoque et délibérée de la S.C.C.V. AP26 de s'obliger à l’égard de la S.A.R.L. CGR et l’existence d’un accord sur les modalités d’un contrat de louage d'ouvrage qui était certes manifestement envisagé, ne peuvent être retenues.
“L’intention de commande” de la S.C.C.V. AP26 telle qu’exprimée le 03 décembre 2019 et les propos aux termes desquels elle indique souhaiter retenir la proposition de la S.A.R.L. CGR, ne peuvent en effet s’interpréter que comme une intention de poursuivre les pourparlers engagés par les parties en vue de la conclusion d’un marché portant sur le lot gros oeuvre du projet immobilier “[3]” au mois de janvier 2020.
En l’occurrence, cette lettre d’intention n'a pas permis d'aboutir à un accord sur le marché de travaux final, les parties n’ayant manifestement pu s’entendre notamment, sur le caractère forfaitaire du prix des fondations en l’absence d’étude de sol G2 PRO réalisée par le maître de l’ouvrage, ainsi que sur la nature des prestations relatives au réseau hydrocarbures.
L’existence d’un contrat de louage d’ouvrage conclu le 03 décembre 2019 par la S.A.R.L. CGR et la S.C.C.V. AP26 n’est donc pas démontrée.
En conséquence, il ne peut être fait droit à la demande de la S.A.R.L. CGR tendant à l’indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite de la rupture unilatérale de ce contrat telle qu’alléguée par ses soins.
2. Sur la rupture fautive des négociations précontractuelles
En application de l'article 1112 du code civil :
“L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Elles doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages”.
Selon le principe de liberté contractuelle prévu à l'article 1102 alinéa 1er, il existe un droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels, de sorte que les négociateurs conservent tout au long des discussions la liberté de contracter ou de les rompre.
Il s'ensuit que la rupture des pourparlers ne peut être en soi considérée comme fautive.
La rupture ne devient fautive que lorsqu'elle est abusive. La responsabilité encourue lors de pourparlers, servant de fondement à la caractérisation d'un abus, est de nature délictuelle en application des articles 1240 et suivants du code civil.
Un abus dans la rupture est notamment caractérisé, dès lors que son auteur a rompu brutalement et unilatéralement des négociations engagées et manqué aux règles de bonne foi dans les relations commerciales.
Enfin, le préjudice réparable en cas de rupture abusive des pourparlers se limite à la perte subie, soit les frais occasionnés par la négociation et les études préalables, et exclut le gain espéré de la conclusion du contrat.
En l'espèce, les pièces versées aux débats permettent d’établir les éléments chronologiques suivants :
- le 19 février 2020, la S.C.C.V. AP26, pour répondre aux interrogations de la S.A.R.L. CGR qui avait établi à cette date son dernier devis d’un montant global de 745.329,66 euros T.T.C. et qui lui avait rappelé l’obligation à laquelle elle était, selon elle, tenue, de prendre en charge sa perte d’exploitation si les travaux ne débutaient pas le 16 mars 2020, a clairement indiqué que “la mise au point du dossier dans sa globalité était toujours en cours” et qu’elle recherchait “de fortes pistes d’économies”;
- le 25 février 2020, la S.C.C.V. AP26 a indiqué à la S.A.R.L. CGR qu’elle était “dans l’obligation de relancer son appel d’offres sur plusieurs lots dont le lot gros oeuvre”, lui demandant de lui adresser sa meilleure offre dans un délai de 15 jours incluant diverses modifications listées par ses soins ;
- le 05 mars 2020, la S.A.R.L. CGR a fait valoir que la lettre d’intention du 03 décembre 2019 valait contrat et s’agissant de la nouvelle offre sollicitée, a précisé notamment, qu’elle ne pouvait chiffrer de façon forfaitaire “les fondations superficielles cis vide sanitaire”, en l’absence de G2 PRO, que certains postes étaient déjà prévus dans son précédent devis et qu’elle restait dans l’attente de plans détaillés pour le chiffrage de certains travaux supplémentaires ;
- le même jour, la S.C.C.V. AP26, en réponse, a contesté avoir dores-et-déjà conclu un marché avec la S.A.R.L. CGR, lui rappelant qu’elle ne pouvait ignorer les problèmes d’équilibre économique auxquels étaient confrontés tous promoteurs et que s’agissant du nouvel appel d’offre, elle avait l’avantage de mieux connaître l’opération que ses concurrents, rien n’empêchant “une issue qui lui serait favorable”;
- le 12 mars 2020, la S.C.C.V. AP26 a demandé à la S.A.R.L. CGR de prendre en compte de nouveaux éléments pour établir sa nouvelle offre ;
- le 19 mars 2020, la S.C.C.V. AP26 n’ayant pas reçu de réponse, lui a demandé de lui transmettre son offre pour le 20 mars 2020 ;
- le 06 mai 2020, la S.A.R.L. CGR a indiqué à la S.C.C.V. AP26 qu’elle reprenait son activité après la période de confinement liée à l’épidémie de covid-19 et l’a interrogée sur la nécessité ou non de faire “les modifications demandées” ;
- le 11 mai 2020, la S.C.C.V. AP26 lui a répondu que la mise à jour de son offre n’avait plus lieu d’être, le lot gros oeuvre ayant été confié à une autre entreprise.
Les éléments produits par la S.C.C.V. AP26 confirment la conclusion d’un marché avec la société FALCHI BATIMENT le 08 juin 2020, après des échanges de courriels, devis et demandes complémentaires les 05, 06, 09, 10, 12 mars 2020, concomitamment avec les courriels adressés à la S.A.R.L. CGR.
Il ressort de l'ensemble des éléments ci-dessus développés que la S.A.R.L. CGR ne justifie pas que la rupture des pourparlers, pour tardive ou déceptive qu'elle ait pu être, était abusive de la part de la S.C.C.V. AP26 qui n'a fait qu'user de la liberté qu'elle avait, à ce stade des négociations, de ne pas contracter au vu d’une part, de la persistance de désaccords sur les conditions proposées par la S.A.R.L. CGR s’agissant notamment, du caractère non forfaitaire de la prestation relative aux fondations, et au vu d’autre part, de l’absence de réponse à ses derniers courriels du mois de mars 2020, étant précisé sur ce dernier point :
- que la S.C.C.V. AP26 a sollicité une nouvelle offre de la S.A.R.L. CGR avant le confinement décidé par le gouvernement français dans le cadre de l’épidémie de covid-19 qui a débuté le 17 mars 2020 ;
- que la S.A.R.L. CGR n’apporte pas la preuve qu’elle se serait trouvée dans l’incapacité de répondre à cette sollicitation dans le délai qui lui était imparti.
La S.A.R.L. CGR échoue en outre à démontrer que la S.C.C.V. AP26 l’aurait entretenu sciemment et de manière déloyale dans la certitude d'un accord à venir sur le marché litigieux.
L'échec des pourparlers ne peut ainsi être imputé à une faute de la S.C.C.V. AP26.
En tout état de cause et à supposer même qu’une faute soit retenue à son encontre, force est de constater que les pièces produites par la S.A.R.L. CGR sont parfaitement insuffisantes :
- d’une part, pour établir la réalité et le montant des frais occasionnés par les négociations litigieuses, étant rappelé qu’elle ne peut prétendre être indemnisée au titre du gain espéré de la conclusion du contrat conformément aux dispositions légales susvisées ;
- d’autre part, pour établir la perte de chance alléguée de conclure un marché de travaux avec une autre entreprise en l’absence notamment, de toutes informations utiles sur ce point quant à son activité, l’importance de celle-ci et sur les éventuelles difficultés rencontrées pour conclure d’autres marchés.
En conséquence, il ne peut être fait droit à la demande de la S.A.R.L. CGR tendant à l’indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite de la rupture fautive des négociations précontractuelles telle qu’alléguée par ses soins.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
La S.A.R.L. CGR qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité s'oppose en revanche à sa condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il ne sera donc pas fait droit à la demande de la S.C.C.V. AP26 au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort ;
DÉBOUTE la S.A.R.L. CONSTRUCTION GÉNÉRALE RENNAISE de ses demandes;
CONDAMNE la S.A.R.L. CONSTRUCTION GÉNÉRALE RENNAISE aux dépens ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Sandrine GASNIER Nathalie CLAVIER