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27/06/2024 | FRANCE | N°19/04238

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 27 juin 2024, 19/04238


MM

F.C


LE 27 JUIN 2024

Minute n°

N° RG 19/04238 - N° Portalis DBYS-W-B7D-KHRM




[D] [R]


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 18-13






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à


copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me E. POULARD-CHOBLET




TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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HUITIEME CHAMBRE


Jugement du VINGT SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE<

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Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présid...

MM

F.C

LE 27 JUIN 2024

Minute n°

N° RG 19/04238 - N° Portalis DBYS-W-B7D-KHRM

[D] [R]

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 18-13

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à

copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me E. POULARD-CHOBLET

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du VINGT SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

GREFFIER : Mélanie MARTIN

Débats à l’audience publique du 19 AVRIL 2024 devant Géraldine BERHAULT, 1ère vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 27 JUIN 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Madame [D] [R], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Emmanuelle POULARD-CHOBLET de la SELARL GUIMARAES & POULARD, avocats au barreau de NANTES, avocats postulant
Rep/assistant : Maître Eric L’HELIAS de l’ASSOCIATION BARBARY-MORICE-L’HELIAS, avocats au barreau de LAVAL, avocats plaidant

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Martine LAMBRECHTS, vice-procureur

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 septembre 2015, Madame [D] [R], née le 10 décembre 1993 à [Localité 2] (Haute-Savoie), s’est vue opposer par le greffier en chef du tribunal d’instance de Laval, une décision refusant de lui délivrer un certificat de nationalité française, au motif que la naissance de son père ne pouvait être considérée comme établie, à défaut de force probante de l’acte de naissance produit non légalisé.

Par courrier du 18 septembre 2017, le bureau de la nationalité du ministère de la justice a confirmé ce refus, faute pour Mme [R] de rapporter la preuve d’une double naissance sur le territoire français, dès lors qu’elle produit deux actes de naissance relatant la naissance de son père dressés à des dates différentes et sous des numéros différents.

Dès lors, Mme [R] a, par acte d’huissier du 1er mars 2018, assigné Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes devant la présente juridiction, en contestation de cette décision.

Par ordonnance du 18 juin 2019, le juge de la mise en état a radié l’affaire, faute pour le conseil de la demanderesse d’avoir conclu, malgré injonction.

Par message au RPVA du 27 juin 2019, le conseil de la demanderesse a sollicité le ré-enrôlement de l’affaire, en produisant de nouvelles conclusions.

L’affaire a été ré-enrôlée le 3 septembre 2019.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 septembre 2022, Mme [R] demande au tribunal, sur le fondement de l’article 18 du code civil et de l’article 17 du code de la nationalité abrogé le 23 juillet 1993, de :
- Débouter Monsieur le Procureur de la République de ses demandes, fins et conclusions ;
- La voir déclarer de nationalité française comme étant la fille d’un français ;
- Voir annuler la décision du ministère de la justice datée du 18 septembre 2017 ;
- Enjoindre à Monsieur le greffier en chef du tribunal d’instance de Laval, ou de toute autre juridiction, qu’il plaira au tribunal de désigner, d’avoir à lui délivrer un certificat de nationalité française ;
- Voir assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire ;
- Laisser les dépens à la charge du Trésor public, en application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Leconte et Associés, agissant par Maître Emmanuelle Poulard-Choblet, avocat aux offres et demandes de droit.

Elle assure que la preuve de la naissance de son père sur le territoire français est rapportée. Elle fait valoir que l’acte de naissance de son père qu’elle produit a été légalisé par le ministère des affaires étrangères guinéen puis par le consulat de Guinée à [Localité 3]. En réponse aux moyens du ministère public, elle précise que l’extrait d’acte de naissance a été établi le 29 octobre 2015 par [G] [A] [F] et que ce nom est précédé de la mention « chargé de l’état civil », de sorte que Mme [F] a bien légalisé la signature de Mme [G] [A] [F] en sa qualité de chargé de l’état civil de la commune de Dixinn à Conakry. Elle expose avoir obtenu le 23 novembre 2016 du tribunal de première instance de Conakry II un nouveau jugement supplétif d’acte de naissance et un extrait d’acte de naissance délivré le 24 novembre 2016, légalisés par le ministère des affaires étrangères guinéen puis par le Consulat de Guinée en France. Elle expose avoir fait à nouveau légaliser l’acte de naissance de son père et que ce nouveau document précise la qualité d’officier d’état civil de Monsieur [Y] [F].

Elle fait en outre valoir qu’il est normal que deux extraits d’acte de naissance délivrés au vu de deux jugements supplétifs se voient attribuer un numéro de transcription différents et qu’en l’espèce, les deux extraits d’acte de naissance comportent les mêmes informations sur l’état civil de son père et qu’ils ont été établis conformément aux formes usitées en Guinée. Elle souligne que le ministère public ne rapporte pas la preuve de ce que le code de procédure guinéen interdirait l’établissement de plusieurs jugements supplétifs d’acte de naissance pour une même personne. Elle précise qu’il arrive fréquemment que les juridictions guinéennes délivrent des jugements supplétifs, nonobstant le fait que leurs ressortissants aient vu précédemment déclarer leur naissance à l’état civil et ce, pour pallier les carences de l’état civil en matière d’archivage ou pour répondre aux demandes de leurs ressortissants. Elle estime que le jugement supplétif du 23 novembre 2016 est motivé, en ce qu’il est mentionné qu’il est rendu pour satisfaire aux dispositions de l’article 193 du code civil guinéen. Elle précise que les jugements supplétifs d’acte de naissance guinéens sont libellés et motivés de manière semblable à ceux qu’elle produits et qu’ils sont habituellement reconnus comme recevables par les référents en matière de fraude documentaire et les juridictions civiles ou administratives françaises. Elle souligne qu’en application de l’article 115 du code civil guinéen relatif à l’établissement des jugements supplétifs, l’indication du nom du représentant du ministère public n’est requise que si un tel représentant a assisté aux débats et que la mention « vu le ministère public en ses observations » laisse supposer que des réquisitions écrites ont pu être formalisées par le parquet sans que l’un de ses représentants n’assiste à l’audience. Elle ajoute qu’il est courant que les services de l’état civil guinéen réclament un nouveau jugement supplétif lors de la demande d’un extrait d’acte de naissance, de sorte qu’une présomption de fraude tirée du fait qu’une personne produit plusieurs jugements supplétifs ne saurait être édictée. Elle estime en outre que c’est à tort que le ministère public argue d’une jurisprudence constante selon laquelle le fait de présenter plusieurs actes de naissance différents ôte toute force probante au sens de l’article 47 du code civil à l’un quelconque d’entre eux, dès lors que la copie certifiée conforme dressée le 13 mai 2015 de l’acte de naissance de son père a été déclarée « authentique » par la direction nationale de l’état civil français et qu’elle n’a été écartée par le greffier en chef que pour défaut de légalisation.

Elle expose par ailleurs que son père a obtenu une carte de résident, ce qui démontre que la préfecture n’a pas remis en cause la régularité et l’authenticité des documents d’état civil de son père à cette occasion.

Pour justifier de sa filiation paternelle, elle verse en original une copie intégrale de son acte de naissance qui précise que sa naissance a été déclarée par son père et qui fait état du mariage de ses parents.

*
* *

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par RPVA le 10 octobre 2022, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal :
- Constater que les conditions de l’article 1040 du code de procédure civile ont été respectées ;
- Dire que [D] [R], née le 10 décembre 1993 à [Localité 2], n’est pas de nationalité française ;
- Ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Après avoir rappelé que la charge de la preuve incombe à Mme [R], le ministère public fait valoir en premier lieu qu’il lui appartient de justifier de façon certaine et fiable de l’état civil de son père déclaré.

Il relève que la jurisprudence écarte toute mention, même apposée par un service consulaire, qui, faute de préciser le nom et la qualité de l’auteur de la signature qui est authentifiée, s’avère étrangère à l’objet de la légalisation.
Il estime que « l’extrait du registre de l’état civil (naissance) » faisant mention de la transcription effectuée le 29 octobre 2015 du dispositif d’un jugement rendu le 27 octobre 2015 n’est pas valablement légalisé, dans la mesure où le tampon apposé au recto par Mme [O] [F] n’authentifie pas la signature et la qualité de l’auteur de l’extrait produit et où une légalisation apposée par un agent du ministère des affaires étrangères en pose dans le pays où l’acte a été dressé n’est pas valable en France.
Il estime que le second extrait du même document n’est pas davantage valablement légalisé, le tampon apposé par Mme [O] [F] n’atteste pas qu’elle a vérifié que la signature portée sur l’extrait est bien celle de [G] [A] [X] [F].

Après avoir relevé qu’une simple copie du jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Conakry le 27 octobre 2015 est produite, et non une copie certifiée conforme à la minute, le ministère public fait observer que cette copie n’est revêtue d’aucune mention de légalisation. Il conteste en outre la régularité internationale de cette décision, qui, d’une part, ne mentionne ni la présence, ni le dépôt de conclusions du ministère public, en violation du principe du contradictoire et, d’autre part, ne mentionne pas le nom du représentant du ministère public, contrairement aux dispositions de l’article 115 du code de procédure civile guinéen. Enfin, il constate qu’il ne ressort pas précisément de la motivation de ce jugement sur quels faits et éléments de preuve l’état civil de [U] [R] est créé, se contentant de citer des témoins, alors que la motivation des jugements ressort de l’ordre public international de procédure français. Il souligne que ce jugement a été rendu au visa de l’article 193 du code civil guinéen, soit lorsque la naissance n’a pas été déclarée dans le délai légal, alors que la requérante a produit à l’occasion de sa demande de certificat de nationalité française un acte de naissance portant le numéro 13 de son père, dressé sur déclaration du père effectuée en 1946, sans autre précision, de sorte que c’est en trompant la religion du tribunal qu’une telle décision supplétive d’acte de naissance a été obtenue.

S’agissant du jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Conakry cette fois le 23 novembre 2016, soit un an plus tard que le précédent, le ministère public fait observer qu’il ne s’agit pas d’une copie certifiée conforme à la minute mais d’une simple copie dont l’authenticité n’est pas avérée et que la légalisation apposée n’est pas valable, faute d’auteur authentifié de celui qui a délivré la copie, dont il serait surprenant qu’il s’agisse du président de la chambre ou du tribunal. Il relève que la copie qui lui a été communiquée ne fait pas apparaître de tampon visible de l’ambassade de Guinée à côté de la signature de Mme [O] [F], de sorte qu’aucun élément extérieur ne l’y rattache. Il estime enfin que cette décision ne respecte pas non plus le principe du contradictoire, puisqu’il n’est pas fait mention de la présence d’un représentant du ministère public ou de conclusions qu’il aurait pu déposer, et est contraire à la conception française de l’ordre public international de procédure, en ce qu’elle est dépourvue de motivation, se contentant de citer deux témoins. Il relève que [D] [R] ne produit aucun élément de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante.

Il fait état enfin de la circonstance que [U] [R] est titulaire de trois actes de naissance : celui dressé en exécution du jugement supplétif rendu le 27 octobre 2015, celui dressé en exécution du jugement supplétif rendu le 23 novembre 2016 et enfin l’acte de naissance n° 13 dressé en 1946, alors que la naissance est un évènement unique.

Il en conclut que Mme [D] [R] échoue à justifier de façon certaine et fiable de l’état civil de [U] [R] et partant, aucune filiation ne peut être légalement établie à l’égard de celui-ci, étant rappelé que ni la copie d’un passeport guinéen, ni la photo qui plus est de mauvaise qualité d’une carte d’identité guinéenne, ni la copie d’un livret de famille ne permettent de pallier l’absence de production d’un acte de naissance unique et fiable.

Le ministère fait valoir en second lieu que Mme [R] ne justifie pas d’une filiation légalement établie au cours de sa minorité à l’égard de M. [U] [R], faute pour elle de verser une copie d’acte de mariage de ses parents déclarés ou un justificatif d’une reconnaissance de paternité survenue durant sa minorité. Il estime que M. [U] [R] n’étant pas français lors de la naissance de [D] [R], la législation française n’est pas sa loi personnelle, de telle sorte que la jurisprudence française aux termes de laquelle la déclaration de naissance à un officier d’état civil par le père vaut reconnaissance de paternité n’est pas applicable, puisque la déclaration de naissance ne vaut pas reconnaissance de paternité en droit guinéen qui est la loi personnelle de [U] [R].

*
* *

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé du litige aux dernières conclusions susvisées des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2024.

MOTIFS

Sur la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Le ministère de la justice a reçu le 8 mars 2018 copie de l’assignation selon récépissé du 3 mai 2018.

Il est ainsi justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

Selon l’article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

En application de l’article 30 du même code, la charge de la preuve revient à Mme [D] [R], non titulaire d’un certificat de nationalité française. Revendiquant une filiation avec un père français, il lui appartient de démontrer, d’une part, que son père prétendu, seul susceptible de lui avoir transmis la nationalité revendiquée, était effectivement français, et, d’autre part, l’existence du lien de filiation les unissant.

Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
En l'absence de convention permettant une dispense de légalisation avec la Guinée, l'acte d'état civil produit par le demandeur, pour produire effet en France, doit, selon la coutume internationale reprise dans l'Instruction générale relative à l'état civil, respecter la formalité de la légalisation.

Selon l’Instruction générale relative à l’état civil, peuvent être acceptés en France, les copies ou extraits :
- soit légalisés, à l’étranger, par un consul de France ;
- soit légalisés, en France, par le consul du pays où ils ont été établis ;
- soit établis, en France, par un consul étranger sur la base d’actes de l’état civil conservés par lui.

Une base légale interne a été récemment donnée à la légalisation.

Aux termes de l’article 16 II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.

Le décret n° 2024-87 du 7 février 2024 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, certes postérieur aux actes produits, est venu rappeler le principe de la légalisation et préciser les modalités de légalisation découlant de l’usage international, prenant ainsi la suite du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, dont les dispositions avaient été annulées par une décision du Conseil d’Etat du 7 avril 2022, annulation prenant effet au 31 décembre 2022.

Selon l’article 1er de ce décret, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet.
La légalisation est la formalité par laquelle sont attestées la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères.

L’article 3 de ce même décret énonce que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français est compétent pour légaliser :
1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence ;
2° Les actes publics émis par les autorités diplomatiques et consulaires d'Etats tiers présents sur le territoire de son Etat de résidence.
A moins que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français ne dispose d'un spécimen des signature, sceau ou timbre original dont l'acte est revêtu, celui-ci doit être préalablement légalisé par l'autorité compétente de l'Etat dont il émane.
De façon exceptionnelle, le ministre des affaires étrangères peut légaliser les actes publics émanant d'agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national et destinés à être produits devant d'autres agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national.

L’article 4 précise néanmoins que par dérogation au 1° du I de l'article 3, peuvent être produits en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français les actes publics émis par les autorités de l'Etat de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France.
Le ministre des affaires étrangères rend publique la liste des Etats concernés.

Suivant l’annexe 8 du tableau récapitulatif de l’état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation, dont la dernière mise à jour date du 1er avril 2024, les Etats dans lesquels les actes publics sont émis dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d’en assurer la légalisation sont l’Angola, les Comores et la Guinée. Les Etats dans lesquels l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire français est matériellement empêché de légaliser les actes publics qui y sont émis sont: l’Afghanistan, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen.

En l'espèce, pour justifier de la naissance de son père sur un territoire français et partant de sa nationalité française, Mme [R] produit :
Un extrait n° 27636 du registre de l’état civil (naissance) portant transcription sous le numéro 9742 du jugement supplétif de naissance du tribunal de première instance de Conakry 2 du 17 octobre 2015, portant au recto un tampon de légalisation de la signature du chargé de l’état civil apposé le 29 octobre 2015 par Mme [O] [F] « attachée fin/cons » et au verso un tampon de légalisation de la signature de [G] [A] [T] [F], officier de l’état civil, apposé le 30 octobre 2015 par [E] [S], juriste au ministère des affaires étrangères guinéen ;Une copie du jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Conakry II n° 27636/2015 le 27 octobre 2015 ;Une copie du jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Conakry II le 23 novembre 2016 n° 28438, portant au recto un tampon de légalisation de la signature de « Mr le Président » apposé le 13 février 2017 par Mme [O] [F], « attachée fin/cons » et au verso un tampon de légalisation de la signature de [K] [M] [I], président de section, apposé le 25 novembre 2016 par [C] [H], juriste au ministère des affaires étrangères guinéen ; il est précisé au verso que ce jugement a été transcrit dans le registre de l’état civil de la commune de Dixinn sous le numéro 12024 du 24 novembre 2016 ;Un extrait n° 28438 du registre de l’état civil (naissance) portant transcription sous le numéro 11024 du jugement supplétif de naissance du tribunal de première instance de Conakry 2 du 23 novembre 2016, portant au recto un tampon de légalisation de la signature de l’officier de l’état civil apposé le 23 février 2017 par Mme [O] [F] « attachée fin/cons » et au verso un tampon de légalisation de la signature de [A] [T] [F], officier de l’état civil, apposé le 25 novembre 2016 par [C] [H], juriste au ministère des affaires étrangères guinéen ;
Une copie d’une copie intégrale de l’acte de naissance n° 13 concernant [U] [R] portant au recto un tampon à l’encre rouge de légalisation de la signature de [B] [Y] [F] apposé le 9 août 2019 par Mme [O] [F] « attachée fin/cons », sur lequel il est inscrit manuscritement la mention « authentique » à côté d’un tampon de la Direction nationale de l’état civil, et au verso un tampon à l’encre bleue portant légalisation de la signature de M. [B] [Y] [F], officier de l’état civil, apposé le 14 mai 2015 par [P] [N] [Z], sous-directeur des affaires consulaires au ministère des affaires étrangères guinéen ;Une deuxième copie de ce même acte de naissance sur lequel le tampon de légalisation apposé par Mme [F] le 9 août 2019 est barré et est apposé au verso un tampon de légalisation de la signature de [B] [Y] [F], officier de l’état civil, apposé le 16 mars 2022 par Mme [O] [F], « chargée des affaires consulaires », à côté d’un tampon de l’Ambassade de la République de Guinée en France ;Une troisième copie de ce même acte de naissance sur lequel le tampon de légalisation apposé par Mme [F] le 9 août 2019 est barré et est apposé au verso un tampon de légalisation de la signature de [B] [Y] [F], officier de l’état civil, apposé le 16 février 2022 par Mme [O] [F], « chargée des affaires consulaires », à côté d’un tampon de l’Ambassade de la République de Guinée en France
Force est de constater qu’aucun de ces documents n’est légalisé conformément au principe de double légalisation issu de la coutume internationale, dès lors que si deux tampons de légalisation sont bien apposés, l’un par le ministère des affaires étrangères et l’autre par l’Ambassade de Guinée en France, étant rappelé que la Guinée figure sur l’annexe 8, c’est à chaque fois la même signature qui est donc légalisée deux fois, alors que l’autorité consulaire devrait légaliser la signature de l’agent du ministère des affaires étrangères.

N’étant pas valablement légalisés, et alors qu’une légalisation irrégulière équivaut à une absence de légalisation, ils ne peuvent produire effet en France.

Au surplus, il ressort de ces documents que M. [U] [W] est titulaire de trois actes de naissance comportant des numéros différents.

Or, une naissance étant un évènement unique, elle ne peut donner lieu à l’établissement que d’un seul acte de naissance, ce qui rend les trois actes de naissance produits irréguliers au sens de l'article 47 du code civil et les prive de toute valeur probante.

Ainsi, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, il n’est pas justifié par Mme [D] [R] de la nationalité française par filiation de M. [U] [V], faute d’un acte de naissance de celui-ci probant au sens de l’article 47 du code civil.

Il s’en suit que Mme [D] [R] ne peut pas prétendre à la nationalité française sur le fondement de l’article 18 du code civil. Elle sera dès lors déboutée de ses demandes et son extranéité sera constatée.

Sur les autres demandes

Succombant, Mme [R] supportera la charge des dépens.

Aux termes de l’article 1045 du code de procédure civile dans sa version applicable, le jugement qui statue sur la nationalité ne peut être assorti de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

REJETTE l’intégralité des demandes présentée par Madame [D] [R] ;

DIT que [D] [R], née le 10 décembre 1993 à [Localité 2], n’est pas de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

CONDAMNE Madame [D] [R] aux dépens;

RAPPELLE que le présent jugement ne peut être assorti de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINGéraldine BERHAULT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 19/04238
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;19.04238 ?
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