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20/06/2024 | FRANCE | N°22/04116

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 1ère chambre, 20 juin 2024, 22/04116


IC

G.B


LE 20 JUIN 2024

Minute n°

N° RG 22/04116 - N° Portalis DBYS-W-B7G-LZXA




[B] [J]


C/

[W] [P]
Aide juridictionnelle totale
n° 2022/013289 du 7/11/2022







Le

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Pierre El Kouri
- Me Gaëlle Laridon



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------



PREMIERE CHAMBRE


Jugement du VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE



Compositio

n du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,



Greffie...

IC

G.B

LE 20 JUIN 2024

Minute n°

N° RG 22/04116 - N° Portalis DBYS-W-B7G-LZXA

[B] [J]

C/

[W] [P]
Aide juridictionnelle totale
n° 2022/013289 du 7/11/2022

Le

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Pierre El Kouri
- Me Gaëlle Laridon

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

PREMIERE CHAMBRE

Jugement du VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

Greffier : Isabelle CEBRON

Débats à l’audience publique du 18 AVRIL 2024 devant Géraldine BERHAULT, 1ère vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 20 JUIN 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [B] [J]
né le 23 Décembre 1958 à [Localité 5] (LOIR ET CHER), demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Pierre EL KOURI de la SELARL EL KOURI AVOCAT, avocats au barreau de NANTES, avocats plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

Monsieur [W] [P], demeurant [Adresse 2]
Rep/assistant : Me Gaëlle LARIDON, avocat au barreau de NANTES

Aide juridictionnelle totale n° 2022/013289 du 7 novembre 2022

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Suivant certificat de cession du 9 novembre 2020, Monsieur [B] [J] a acquis auprès de Monsieur [W] [P], un véhicule d’occasion de marque Volkswagen, modèle Touareg, immatriculé [Immatriculation 3], comptabilisant 141 093 kilomètres au compteur, pour un montant de 9 000 euros.

Lors du trajet de retour à [Localité 4], M. [J] a constaté “la présence de plusieurs désordres” sur le véhicule.

M. [J] a adressé “plusieurs mails” à M. [P] afin de trouver des solutions amiables, lequel lui a rappelé “qu’il a acheté un véhicule d’occasion ayant plus de 16 ans”.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 novembre 2020, M. [J] a sollicité une nouvelle proposition amiable, laquelle a été refusée par mail de M. [P] le 25 novembre 2020.

Par mail du 26 novembre 2020, M. [P] a enjoint M. [J] de “cesser immédiatement ses correspondances”.

Une expertise amiable du véhicule litigieux a été réalisée le 13 janvier 2021 par le cabinet IDEA, mandaté par l’assurance protection juridique de M. [J]. L’expert amiable a rendu son rapport le 2 février 2021.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 9 février 2021, l’assurance protection juridique de M. [J] a mis en demeure M. [P] “d’intervenir sous dizaine à compter de la réception du courrier pour trouver une issue amiable”.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 15 mars 2021, le conseil de M. [J] a mis en demeure M. [P] de reprendre le véhicule litigieux moyennant la restitution du prix de vente, le défendeur ayant répondu par mail en date du 16 mars 2021.

Par ordonnance du 6 mai 2021, le président du tribunal judiciaire de Nantes a ordonné une expertise judiciaire du véhicule litigieux et désigné M. [M], en sa qualité d’expert. Ce dernier a rendu son rapport le 22 juin 2022.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 6 juillet 2022, le conseil de M. [J] a réitéré sa mise en demeure auprès de M. [P].

Par acte d’huissier du 19 septembre 2022, M. [J] a assigné M. [P] devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins d’annulation de la vente et indemnisation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2023, M. [J] sollicite de voir prononcer, au visa des articles 1104, 1641, 1644, 1645 et 1648 du code civil :

- Déclarer la demande de M. [J] bien fondée et recevable,

- Dire que M. [P] a engagé sa responsabilité aux préjudices subis par M. [J],

En conséquent,
- Ordonner l’annulation de la vente, avec restitution pour chaque partie de ce qu’elle a perçue,

- Condamner M. [P] à restituer la somme de 9000 euros en contrepartie de la restitution du véhicule par M. [J],

- Dire que M. [P] devra se charger de la récupération du véhicule, à ses frais, et sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

- Condamner M. [P] au paiement de la somme de 1863, 60 euros au titre des frais d’assurance supportés par M. [J], somme à parfaire au jour du verdict,

- Condamner M. [P] au paiement de la somme de 300 euros au titre du remboursement des frais liés à l’acquisition du véhicule déboursés par M. [J],

- Condamner M. [P] au paiement de la somme de 50 euros au titre du remboursement des frais liés au déplacement du véhicule pour les expertises judiciaires supportés par M. [J],

Condamner M. [P] au paiement de la somme de 4 995,36 euros au titre des frais d’expertise judiciaire supportés par M. [J],

- Condamner M. [P] au paiement de la somme de 7 700 euros au titre des dommages et intérêts à M. [J], somme de 350 euros par mois depuis novembre 2020 à parfaire au jour du verdict,

- Dire et juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [T] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,

- Condamner M. [P] au paiement de la somme de 5 152 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [P] aux entiers dépens,

- En tant que besoin, l’exécution provisoire, désormais de droit, sera ordonnée, pour le tout,

- Débouter la demande reconventionnelle de M. [P] pour procédure abusive,

- Débouter la demande M. [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Se fondant sur l’expertise judiciaire, M. [J] fait observer que l’expert soutient “qu’un grand nombre de points n’étaient pas visibles, et encore moins contrôlables, lors de l’acquisition”. Il indique qu’il a “acheté le véhicule, sur la bonne foi du vendeur et des indications que celui-ci donnait”.
Le demandeur précise que le véhicule “n’est pas conforme à la destination qu’on peut attendre”. Il souligne que “le véhicule est inutilisable en l’état, les vibrations étant insupportables par les occupants”, “les dysfonctionnements de verrouillage” peuvent empêcher de “pénétrer dans le véhicule” et provoquer un “refus d’indemnisation en cas de sinistre par l’assurance”, “qu’il est fortement probable que le véhicule présente d’autres anomalies qu’il conviendrait de réparer”, “qu’il n’aurait pas acheté le véhicule” “s’il avait eu connaissance de toutes ces informations”, et “qu’on peut légitimement se demander si le kilométrage n’est pas amplement supérieur, au regard de l’ensemble des vices affectants le véhicule”.
M. [J] rappelle que “le minimum des réparations envisageables serait de plus de 8000 euros”, mais que ce montant ne prend pas en compte “les éventuels dysfonctionnements non déterminés par la présente expertise judiciaire”.
Le demandeur indique que l’expert judiciaire caractérise “le fait que les vices existaient au moment de la vente, qu’ils revêtent la notion de vice caché et que le vendeur en avait connaissance au jour de la vente”.
En réponse à la partie adverse, M. [J] s’étonne que le défendeur transmette seulement “une attestation de sa propre concubine” pour “justifier (qu’il) serait un professionnel du secteur”.
Le demandeur considère que le défaut relatif au kilométrage, “était obligatoirement présent au jour de la vente” et ne peut être une supposition.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, M. [P] demande au tribunal judiciaire, au visa de l’article 1641 du code civil, de :

A titre principal,
- Juger que M. [J] n’apporte pas la preuve des conditions de la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés,

En conséquence,
- Débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si la garantie des vices cachés était retenue,
- Condamner M. [J] à restituer à M. [P] le véhicule Volkswagen et de type Touareg immatriculé [Immatriculation 3] et ce sous astreinte de 20 euros par jours de retard à compter de la signification du jugement,

- Débouter M. [J] de ses demandes de remboursement de frais d’assurance, de remorquage et de frais d’expertise, comme injustifiées,

- Ramener à de plus juste proportion la demande de dommages et intérêts formulée par M. [J],

A titre reconventionnel,
- Condamner M. [J] à payer M. [P] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner M. [J] à payer à Maître Laridon la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

- Condamner le même aux entiers dépens

A titre principal, M. [P] conteste les allégations du demandeur selon lesquelles “le rapport indique clairement que les défauts allégués dans l’assignation n’étaient pas visibles ou encore moins contrôlables lors de l’acquisition”. Le défendeur fait valoir que l’expert judiciaire indique que les défauts “existaient lors de la vente et ils étaient pratiquement tous connu de l’acquéreur et du vendeur”, et “qu’il a pu constater lors de l’essai du véhicule d’occasion les différents défauts allégués”.
M. [P] établit que “l’ensemble des désordres allégués étaient apparents lors de la cession du véhicule” et assure que ces désordres n’empêchent pas le véhicule de rouler.
Il explique que M. [J] n’est pas un profane, qu’il est “pilote d’hélicoptère à la sécurité civile” et qu’il “a des connaisances en mécanique du fait de sa passion pour les véhicules de collection”. Le défendeur, confirmé par “l’attestation de Madame [G] présente lors de la signature de l’acte de cession”, souligne que M. [J] lui a indiqué “être amateur de mécanique et de voitures anciennes, et ajoute avoir restauré plusieurs moteurs”.
M. [P] souligne que l’expert judiciaire a confirmé que la “distribution est donc correctement calée”.
Il considère que l’expert judiciaire, lorsqu’il “évoque une falsification du kilométrage”, “procède par de simples suppositions”, par “des calculs fantaisistes et hypothétiques d’estimation kilométrique”, “contraires aux constatations faites sur les pressions de compressions des cylindres du véhicule, et sur l’état global du véhicule” et que les “huit cylindres correspondent bien à un véhicule ayant le kilométrage précisé sur l’acte de cession”.
M. [P] rappelle qu’il a revendu son véhicule plus de 4 ans après son achat et “non au bout de 3 ans comme indiqué par l’expert”, ce qui est “sans rapport avec les calculs hypothétiques de M. [M], l’expert judiciaire”.
A titre subsidiaire, M. [P] souligne que le véhicule litigieux est roulant et que le demandeur a “amené le véhicule sur la région lyonnaise” qui devait alors être assuré. Il sollicite de ramener la demande de dommages et intérêts à de plus juste proportion.
A titre reconventionnel, M. [P] rappelle, une nouvelle fois, que les désordres “étaient apparents lors de la cession et ainsi connus du vendeur, mécanicien averti”. Sur le décalage de la courroie, le défendeur souligne que l’expert judiciaire a démenti les conclusions du rapport amiable. M. [P] considère que la procédure judiciaire de M. [J] est abusive dés lors que sa bonne foi a été mise en doute.

***
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Il résulte de l’application de ce texte la nécessité pour l’acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents éléments à savoir notamment la gravité du défaut, l’existence du vice au moment de la conclusion de la vente et demeuré caché lors de la réception de la chose, la rendant impropre à l’usage auquel on la destine.
L’article 1643 du code civil prévoit que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie » ;
Il ressort tout d’abord du rapport d’expertise judiciaire du 22 juin 2022 qu’au “jour de la vente à M. [J] le véhicule avait en réalité 217 000 kms et non pas 141 000 kms”. Le défendeur arguant que l’expert judiciaire se fonde sur des “calculs fantaisistes et hypothétiques”, il convient pourtant d’observer que le kilométrage du véhicule “a baissé de 15 000 kms en 3 ans”.
A ce titre, il convient de souligner que le kilométrage était de 114 093 kilomètres lors du contrôle technique du 25 septembre 2012 (selon l’historique des contrôles techniques UTAC OTC, annexé au rapport d’expertise judiciaire du 22 juin 2022) alors que l’historique des interventions sur le véhicule transmis par le constructeur Volkswagen comptabilise un kilométrage de 129 117 kilomètres en date du 2 octobre 2009, caractérisant ainsi la baisse de 15 000 kilomètres au compteur attestée par l’expert judiciaire.
Déjà, sur l’historique des interventions du véhicule du constructeur Volkswagen, le kilométrage du véhicule litigieux avait fait l’objet d’une baisse du kilométrage. Il ressort en effet un kilométrage de 129 117 kilomètres à la date du 10 juillet 2009 tandis que le kilométrage relevé le 13 juillet 2009, soit trois jours après, est de 122 151 kilomètres.
Aux termes de son rapport d’expertise, l’expert judiciaire estime que le véhicule, au jour de l’acquisition de M. [J], “avait en réalité 217 000 kms et non pas 141 000 kms” ; le certificat de cession établit entre les parties le 9 novembre 2020 mentionnant un kilométrage de 141 093 kilomètres.
Il ressort des pièces annexées au rapport d’expertise que les procès-verbaux de contrôle technique des 26 février 2016, 14 juin 2016, 24 juin 2016 et 25 juin 2016 et du 25 juin 2020 ne mentionnent aucune défaillance relative au kilométrage.

De plus, en réponse au dire du 17 mai 2022 de M. [P], l’expert judiciaire précise qu’il “est factuellement établi” que “le kilométrage a été falsifié dans le passé” et que “le fait que les compressions soient dans la norme, ne justifie en aucun cas un kilmétrage donné”.
En outre, il convient de relever qu’aux termes de son rapport d’expertise judiciaire, l’expert souligne les défauts suivants :
- “l’enjoliveur de pare-chocs arrière est cassé”,
- la “présence de peinture très grossières de couleur noire sur l’aile avant droite et le pare-chocs avant droit”,
- “les vérins de hayon arrière sont usés”,
- le soubassement présente une oxydation de l’ensemble des pièces”,
- “la prise diagnostic OBD pend vers le pédalier”,
- la “présence d’une coupe-batterie à molette”,
- l’“oxydation superficielle de la colonne de direction”,
- “la colonne de direction n’est pas verrouillée, ce qui est anormal”,
- “le verrouillage centralisé ne fonctionne pas (...) de ce fait la fermeture du véhicule est impossible”,
- les “vibrations ressenties au niveau de la carrosserie et des sièges”
- “les voyants indiquant un dysfonctionnement de la clé et de la suspension sont allumés”,
- “le manomètre de la température d’huile (...) ne fonctionne pas, l’aiguille reste bloquée en bas”,
- “la présence d’à-coups à l’accélération et l’allumage du voyant moteur”,
- “le connecteur de la bobine avant du banc de cylindres G est partiellement cassé”,
- “les 2 conduits d’air qui vont des filtres à air létaraux jusqu’à l’arrière du moteur où ils arrivent dans la tubulure d’admission ont leur colliers mal positionnés”.
Ces éléments viennent corroborer les désordres constatés par l’expert amiable, dans son rapport d’expertise du 2 février 2021 :
- les “vérins de coffre (sont) HS”,
- le “non-fonctionnement de la jauge de températeur d’huile”,
- le “non-fonctionnement du verrouillage centralisé. Le véhicule ne démarre pas à l’introduction des clés”,
- “le véhicule tourne avec ralenti instable et vibration moteur conséquent”,
- l’“allumage du voyant de défaut de suspension et de clé au tableau de bord”,
- “les clés ne commandent pas les verrous de portes, les inserts n’actionnent pas les barillets de portes. Le véhicule ne se verrouille pas”,
- l’“absence du cache inférieur de planche de bord laissant la pris OBD libre, et une molette au niveau de la masse batterie pour débrancher l’alimentation non conforme à l’origine”.
Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des écritures de M. [P] et des échanges de mails du 11 novembre au 28 novembre 2020 entre les parties que les défauts étaient “apparents” et “M [J] était parfaitement informé des défauts de part l’allumage des voyants” (expertise amiable du 2 février 2021).
L’expert judiciaire souligne également que ces défauts “étaient pratiquement tous connus de l’acquéreur et du vendeur”, précisant tout de même que “l’acquéreur n’était pas à même d’en apprécier l’ampleur, la gravité et surtout les coûts de remise en état” et qualifiant les explications du défendeur de “simplistes”. Il importe peu de savoir que M. [J] ait la qualité de professionnel.
Il découle de ces éléments que la falsification du kilométrage constitue un vice non apparent, antérieur à la vente entraînant une diminution importante de l’usage du véhicule que M. [J] n’aurait pas transigé à ces conditions. Dès lors, les conditions de la garantie des vices cachés sont réunies.
Pour le surplus des défauts constatés par l’expert judiciaire, ils s’analysent davantage comme un vice du consentement.

Aux termes de l’article 1644 du code civil, en cas de vice caché, l’acheteur à le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par expert. Le choix entre l’action rédhibitoire et l’action estimatoire appartient à l’acquéreur seul, et le vendeur n’est pas fondé à discuter l’option exercée par l’acquéreur.

En l’espèce, M. [J] entend se prévaloir de l’action rédhibitoire.

Il convient donc de faire droit à la demande de résolution de la vente du 9 novembre 2020 et de condamner M. [P] à verser à M. [J] la somme de 9 000 euros correspondant au prix de vente.

Il est nécessaire de condamner M. [P] à reprendre à ses frais le véhicule d’occasion de marque Volkswagen, modèle Touareg, immatriculé [Immatriculation 3], au lieu où il se trouve entreposé, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et passé ce délai, sous astreinte selon les modalités fixées dans le dispositif de la présente décision.

II - Sur les demandes indemnitaires

L’article 1645 du code civil prévoit que « Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».
Aux termes de l’article 1646 du code civil, “Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente”.
M. [P] n’est pas un vendeur professionnel de l’automobile. Il incombe donc à l’acheteur, M. [J], de rapporter la preuve de sa mauvaise foi.

En l’espèce, aucune pièce versée aux débats ne démontre que M. [P], vendeur non professionnel, connaissait le défaut relatif au kilométrage du véhicule litigieux au moment de la vente. En effet, il n’est produit aucun document permettant d’attester de réparations effectuées avant la vente qui aurait permis au vendeur de découvrir le vice et d’en cacher son existence. De plus, dans son rapport d’expertise amiable du 2 février 2021, l’expert ne relève aucunement cette falsification de kilométrage.

M. [J] ne rapporte donc pas la preuve de la mauvaise foi du vendeur au moment de l’acquisition du véhicule c’est à dire de sa connaissance du défaut de kilométrage l’affectant.

Dans ces conditions, le demandeur ne peut prétendre à l’indemnisation de ses préjudices à l’exception de la restitution du prix de vente et les frais occasionnés par la vente.

Les frais occasionnés s’entendent des dépenses directement liées à la conclusion du contrat de vente et non des conséquences du dommage causé par le vice.

Il ne peut donc être imputé à M. [P] les frais d’assurance ainsi que les frais de dommages et intérêts qui ne répondent pas à cette définition.

De même, les frais de déplacement s’élevant à la somme de 300 euros réclamés par M. [J] sont des dépenses exceptionnelles liées à son choix personnel d’acquérir un véhicule situé dans une région éloignée de la sienne constitutif d’un préjudice qui ne peut lui être réparé en l’absence de mauvaise foi caractérisée du vendeur.

Aussi, les frais “liés au déplacement du véhicule pour les expertises judiciaires” pour un montant de 50 euros, ne peuvent être considérés comme des dépenses directement liées à la conclusion du contrat mais sont des dépenses causées par le vice du véhicule entraînant l’obligation pour l’acquéreur de diligenter des expertises pour le connaître.

Dés lors, le demandeur sera débouté de ses demandes au titre des frais d’assurance, des frais liés à l’acquisition et au déplacement du véhicule pour les expertises judiciaires, ainsi que des dommages et intérêts.

Sur les frais d’expertise judiciaire
Les frais d’expertise judiciaire pour un montant de 4 995,36 euros sollicités par le demandeur seront compris dans les dépens, sur lesquels il sera statué ultérieurement.

III - Sur les demandes reconventionnelles de M. [P]
M. [P] demande reconventionnellement la somme de 2 500 euros à titre de dommage et intérêts pour procédure abusive.

Or, compte tenu de ce qui vient d’être jugé, M. [P] ne peut qu’être débouté de sa demande.

La demande subsidiaire de condamnation au paiement d’une astreinte pour la restitution du véhicule sera rejetée.

IV - Sur les autres demandes

Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
M. [P], qui succombe à l’instance, sera condamné aux entiers dépens, en ce qui comprend les frais d’expertise judiciaire.

Sur les frais irrépétibles
Les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile permettent au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Il serait, inéquitable de laisser à la charge du demandeur M. [J] les frais irrépétibles qu’il a dû engager pour faire valoir ses droits et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle
M. [P] demande que M. [J] soit condamné à verser la somme de 3 500 euros à son avocat sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Cet article dispose que “les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.”

En l’espèce, M. [P] est condamné aux dépens. En conséquence, sa demande sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peut prospérer.

Sur l’exécution provisoire
Enfin, il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit sans qu’il ne soit besoin de l’ordonner.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la résolution de la vente du véhicule de marque Volkswagen, modèle Touareg, immatriculé [Immatriculation 3], intervenue le 9 novembre 2020 entre M. [B] [J] et M. [W] [P],
CONDAMNE M. [W] [P] à restituer la somme de 9000 euros à M. [B] [J] correspondant au prix de vente du véhicule de marque Volkswagen, modèle Touareg, immatriculé [Immatriculation 3],
ORDONNE la reprise à ses frais du véhicule de marque Volkswagen, modèle Touareg, immatriculé [Immatriculation 3] par M. [W] [P] à l’endroit où il se trouve entreposé,
DIT que M. [W] [P] devra s’exécuter dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte provisoire d’un montant de 50 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE M. [W] [P] à payer à M. [B] [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [W] [P] aux entiers dépens, en ce qui comprend les frais d’expertise,
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Isabelle CEBRONGéraldine BERHAULT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/04116
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;22.04116 ?
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