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07/06/2024 | FRANCE | N°21/00958

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, Ctx protection sociale, 07 juin 2024, 21/00958


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 07 Juin 2024


N° RG 21/00958 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LJGL
Code affaire : 88E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Présidente: Frédérique PITEUX
Assesseur: Franck MEYER
Assesseur: Jérome GAUTIER
Greffière: Julie SOHIER

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 10 Avril 2024.


JUGEMENT

Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à

disposition au Greffe le 07 Juin 2024.


Demanderesse :

Madame [B] [N]
43 rue Maurice Daniel
Résidence Danaé - Appt 8
44230 SAINT-SEBAS...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 07 Juin 2024

N° RG 21/00958 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LJGL
Code affaire : 88E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Présidente: Frédérique PITEUX
Assesseur: Franck MEYER
Assesseur: Jérome GAUTIER
Greffière: Julie SOHIER

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 10 Avril 2024.

JUGEMENT

Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 07 Juin 2024.

Demanderesse :

Madame [B] [N]
43 rue Maurice Daniel
Résidence Danaé - Appt 8
44230 SAINT-SEBASTIEN-SUR-LOIRE
Comparante

Défenderesse :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE
Service contentieux
9 rue Gaëtan Rondeau
44958 NANTES CEDEX 9
Représentée par Madame [T] [E], audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial
La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le DIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE les parties présentes, en leurs observations, les ont avisées, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :

EXPOSE DU LITIGE

Par courrier du 06 juillet 2021, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) de Loire-Atlantique a notifié à Madame [B] [N] une décision de refus de remboursement de frais exposés lors de deux transports réalisés les 04 et 29 avril 2021, depuis son domicile à Nantes jusqu’au lieu de vaccination contre le COVID le plus proche.

Par courrier du 13 juillet 2021, Madame [N] a saisi la commission de recours amiable (CRA).

Par courrier du 22 juillet 2021, la CRA a accusé réception de sa contestation, et attiré l’attention de l’assurée sur les dispositions de l’article R. 142-6 du code de la sécurité sociale.

Par courrier expédié le 05 octobre 2021, Madame [N] a saisi le tribunal contre le rejet implicite de sa contestation.

Par courrier du 19 octobre 2021, la commission de recours amiable, lors de sa séance du même jour, a décidé de rejeter la demande.

Les parties ont été convoquées à l'audience qui s'est tenue le 10 avril 2024 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes.

Madame [B] [N] demande au tribunal d'ordonner la prise en charge des frais de transport litigieux.

Madame [N] expose que, compte tenu de sa pathologie, reconnue en ALD, et de ses difficultés respiratoires, elle a été considérée comme une personne à risque pendant l’épidémie de COVID, de sorte que son médecin traitant a établi des prescriptions en vue d’assurer son transport au centre de vaccination le plus proche. Son premier rendez-vous ayant été fixé le dimanche 04 avril 2021, les compagnies d’ambulance lui ont indiqué que leurs véhicules TPMR ne circulaient pas les jours fériés, si bien qu’elle s’est trouvée dans l’obligation de recourir aux services de la société PROXICAB, seule structure en mesure d’organiser son transport avec son fauteuil roulant électrique. Madame [N] ajoute qu’elle a contacté, préalablement, la CPAM afin de l’interroger sur le remboursement des transports effectués par la société PROXICAB, et qu’il n’a été fait état, à la faveur de cet échange, par l’organisme, d’aucune difficulté. Dans ces conditions, Madame [N] fait valoir que c’est en toute bonne foi qu’elle a sollicité le remboursement des frais de transport exposés lors des allers et retours entre son domicile et le centre de vaccination le plus proche.

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Loire-Atlantique demande au tribunal de :
-débouter Madame [N] de ses demandes,
-condamner la partie adverse aux dépens.

La caisse expose que, en application des dispositions de l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, les frais de transport effectués par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec l’organisme local d’assurance maladie. Or, la CPAM indique que la société PROXICAB n’a pas conclu une telle convention, et ajoute que, à aucun moment, elle n’a textuellement affirmé que les transports effectués par cette structure étaient pris en charge. L’organisme défendeur souligne que, bien au contraire, elle a invité Madame [N] à consulter, sur ce point, le site ameli.fr qui mentionne clairement que si l’assuré utilise un taxi non conventionné, le coût du déplacement ne sera pas remboursé par l’assurance maladie, et restera à sa charge.

Le délibéré a été fixé au 7 juin 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

L'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable du 28 décembre 2019 au 28 décembre 2023, dispose :

« Les frais de transport sont pris en charge sur prescription médicale, établie conformément aux articles L. 162-4-1 et L. 162-5-15. La prescription précise le mode de transport le plus adapté à l'état du patient et si cet état est incompatible avec un transport partagé, compris comme véhiculant ensemble au moins deux patients. Dans le respect de la prescription, les frais de transport sont pris en charge sur la base du trajet le moins onéreux, compte tenu des conditions de transport et du nombre de patients transportés.

Les frais d'un transport effectué par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie. Cette convention, conclue pour une durée au plus égale à cinq ans, conforme à une convention type établie par décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie après avis des organisations professionnelles nationales les plus représentatives du secteur, détermine, pour les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxis résultant de la réglementation des prix applicable à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l'assuré peut être dispensé de l'avance des frais. Elle peut également prévoir la possibilité de subordonner le conventionnement à une durée d'existence préalable de l'autorisation de stationnement (…). »

L'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 2020, dispose :

« Sont pris en charge les frais de transport de l'assuré ou de l'ayant droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer :

1° Pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à son état dans les cas suivants :

a) Transports liés à une hospitalisation ;

b) Transports liés aux traitements ou examens prescrits en application de l'article L. 324-1 pour les malades reconnus atteints d'une affection de longue durée et présentant l'une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l'article R. 322-10-1 ;

c) Transports par ambulance justifiés par l'état du malade dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 322-10-1 ;

d) Transports en un lieu distant de plus de 150 kilomètres dans les conditions prévues aux articles R. 322-10-4 et R. 322-10-5 ;

e) Transports en série, lorsque le nombre de transports prescrits au titre d'un même traitement est au moins égal à quatre au cours d'une période de deux mois et que chaque transport est effectué vers un lieu distant de plus de 50 kilomètres ;

f) Transports liés aux soins ou traitements dans les centres mentionnés au 3° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et dans les centres médico-psycho-pédagogiques, mentionnés au 19° de l'article L. 160-14 du présent code. »

L'article R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable depuis le 30 décembre 2006, dispose :

« Les transports pris en charge par l'assurance maladie peuvent être assurés par les moyens suivants :

1° L'ambulance ;

2° Le transport assis professionnalisé, véhicule sanitaire léger et taxi ;

3° Les transports en commun terrestres, l'avion ou le bateau de ligne régulière, les moyens de transport individuels.

Un référentiel de prescription arrêté par le ministre chargé de la sécurité sociale précise les situations dans lesquelles l'état du malade justifie respectivement la prescription des modes de transport prévus au présent article en fonction de l'importance des déficiences et incapacités et de leurs incidences (…). »

L'article R. 322-10-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 2020, dispose :

« La prise en charge des frais de transport est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale de transport ainsi que d'une facture délivrée par le transporteur ou d'un justificatif de transport. La prescription indique le motif du transport et le mode de transport retenu en application des règles de prise en charge mentionnées au premier alinéa de l'article L. 322-5. Elle est valable dans une limite d'un an (…). »

Par ailleurs, l’article R. 112-2 du code de la sécurité sociale dispose :

« Avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux. »

L’obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal Officiel de la République française.

Dans le cas présent, par courriel du 31 mars 2021, Madame [N] a interrogé sa caisse d’assurance maladie selon les termes suivants : « Je suis (…) en ALD et me déplace en fauteuil roulant électrique à cause de ma maladie des os de verre (…). Je dois me faire vacciner COVID au centre Nantes Erdre le 04/04/2021 et 29/04/2021. Pour m’y rendre, je vais devoir prendre un transport spécifique (PROXICAB) (…). Ce transport me permet de me rendre à ces RDV avec mon fauteuil roulant électrique qui m’est nécessaire pour me déplacer une fois arrivée sur place. J’ai une prescription TAXI par mon médecin, pouvez-vous me confirmer que vous allez me rembourser ce transport ? ».

La CPAM a répondu à Madame [N] le même jour dans les termes suivants : « La prise en charge concerne le transport aller et retour réalisé en ambulance ou en transport assis professionnel (VSL ou taxi) en fonction de l’état de santé du patient, de son niveau d’incapacité ou de déficience vers :
- le centre de vaccination le plus proche du lieu de prise en charge du patient (domicile ou assimilé) ».

Par courriel du même jour, Madame [N] précise sa demande : « j’ai effectivement une prescription pour un taxi car c’est uniquement dans ce transport adapté aux fauteuils roulants électriques que je peux me déplacer. Merci de me dire si, compte tenu de mes dates de vaccination, je serai remboursée ou non ? Il me faut une réponse personnalisée et non “le texte du décret” ».

Par courriel du 02 avril 2021, la CPAM a répondu à Madame [N] : « De plus, je vous informe que si la vaccination vous est accordée du fait de votre affection longue durée et que vous avez une prescription médicale de votre médecin, vos transports seront pris en charge ».

Le docteur [Y] certifie, le 10 mars 2021, que Madame [N] présente une « insuffisance respiratoire en raison d’une déformation osseuse majeure liée à une ostéogénèse imparfaite (…). Elle fait donc partie des patients à très fort risques de forme grave de COVID 19. Elle est éligible à une vaccination en très haute priorité ».

Les prescriptions médicales de transport en date des 25 et 26 mars 2021 prévoient un transport assis professionnalisé (VSL, taxi conventionné), avec la mention manuscrite « TPMR ».

Madame [N] ayant explicitement informé la CPAM sur l’identité du prestataire auquel elle allait recourir en vue de se faire transporter au centre de vaccination contre le COVID le plus proche, et ayant expressément sollicité une réponse personnalisée à sa demande se rapportant à la réunion des conditions de remboursement du transport, il incombait à la caisse d’indiquer à Madame [N] que la structure de transport sélectionnée par ses soins n’était pas conventionnée.

Cette obligation d’information pesait, effectivement, sur l’organisme de sécurité sociale vis-à-vis de son assurée compte tenu, notamment, de l’absence, à l’époque, explicitement évoquée par Madame [N] à l’audience et non contredite par la caisse, d’information disponible sur la liste des établissements de transport conventionnés par l’organisme.

L’organisme de sécurité sociale s’étant abstenu de singulariser cette difficulté, et ses services ayant, bien au contraire, informé, à deux reprises, Madame [N] que ses deux transports au centre de vaccination contre le COVID le plus proche seraient pris en charge, c’est à bon droit que, par courrier du 06 juin 2021, l’assurée a sollicité le remboursement de la somme de 149 euros, selon facture du 30 avril 2021.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de Madame [N] tendant à voir ordonner à la CPAM de lui rembourser le coût des prestations de transport des 04 et 29 avril 2021 consistant dans les allers-retours depuis son domicile jusqu’au centre de vaccination contre le COVID le plus proche.

La CPAM succombant dans le cadre de la présente instance, elle en supportera les dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONDAMNE la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Loire-Atlantique à rembourser à Madame [B] [N] le coût des prestations de transports des 04 et 29 avril 2021 d’un montant de 149 euros, facturé le 30 avril 2021 par la société PROXICAB ;

CONDAMNE la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Loire-Atlantique aux dépens ;

RAPPELLE que conformément aux articles 34, 612 du code de procédure civile, R211-3 du code de l'organisation judiciaire et R142-15 du code de la sécurité sociale, les parties disposent pour FORMER LEUR POURVOI EN CASSATION d’un délai de DEUX MOIS, à compter de la notification de la présente décision ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 7 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Madame Frédérique PITEUX, Présidente, et par Madame Julie SOHIER, Greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00958
Date de la décision : 07/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-07;21.00958 ?
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