La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2024 | FRANCE | N°21/00813

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, Ctx protection sociale, 07 juin 2024, 21/00813


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 07 Juin 2024


N° RG 21/00813 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LHRX
Code affaire : 89A

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président: Dominique RICHARD
Assesseur: Aurore DURAND
Assesseur: Sébastien HUCHET
Greffier: Sylvain BOUVARD

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 12 Mars 2024.


JUGEMENT

Prononcé par Dominique RICHARD, par mise à d

isposition au Greffe le 07 Juin 2024.


Demandeur :

Monsieur [E] [B]
80 route de la Motte Allemand
44600 SAINT-NAZAIRE
comparant


...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 07 Juin 2024

N° RG 21/00813 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LHRX
Code affaire : 89A

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président: Dominique RICHARD
Assesseur: Aurore DURAND
Assesseur: Sébastien HUCHET
Greffier: Sylvain BOUVARD

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 12 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé par Dominique RICHARD, par mise à disposition au Greffe le 07 Juin 2024.

Demandeur :

Monsieur [E] [B]
80 route de la Motte Allemand
44600 SAINT-NAZAIRE
comparant

Défenderesse :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE-ATLANTIQUE
Service contentieux
9 rue Gaëtan Rondeau
44958 NANTES CEDEX 9
Représentée par Mme [Z] [P], audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial

La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE les parties présentes, en leurs observations, les ont avisées, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [E] [B], salarié de la société IDEA en qualité de conducteur de véhicules et d’engins lourds de levage et de manœuvre – adjoint chef d’équipe, a été victime d’un accident du travail le 12 mars 2020.

Par formulaire complété le 5 novembre 2020, la société IDEA a effectué auprès de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (ci-après « CPAM ») de la Loire-Atlantique une déclaration d’accident du travail survenu le 10 mars 2020 en ces termes : « Lors du déchargement des bâches du MPV vers le bac présent en Alvéole 1 au Délivery Center, le salarié s’est claqué l’épaule droite suite à un mouvement non approprié par celle-ci. Il ressent une douleur immédiate mais continue ses activités […] Refus rechute AT du 20/05/2016 par CPAM donc information le 16/10 qu’il s’agit d’un AT du 10/03/2020 ».

Le certificat médical initial en date du 12 mars 2020 faisait était de « douleur épaule droite » et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 27 mars 2020.
Par courrier du 23 février 2021, la CPAM de la Loire-Atlantique a notifié à Monsieur [B] le refus de prise en charge de son accident au titre de la législation professionnelle.

Contestant cette décision, Monsieur [B] a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) le 26 mars 2021.

En l’absence de décision dans les délais impartis, Monsieur [B] a saisi la présente juridiction par lettre recommandée expédiée le 20 juillet 2021.

Puis, par décision prise en séance le 20 juillet 2021, notifiée à Monsieur [B] le 21 juillet 2020, la CRA a rejeté son recours.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du pôle social du tribunal judiciaire de Nantes du 12 mars 2024 au cours de laquelle, à défaut de conciliation, chacune d’elle a fait valoir ses prétentions.

Monsieur [B] demande au tribunal de reconnaître l’accident du 12 mars 2020 en qualité d’accident du travail.

La CPAM de la Loire-Atlantique demande au tribunal de :
- lui décerner acte de ce qu’elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;
- confirmer purement et simplement la décision rendue par la CRA ;
- débouter Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes ;
- débouter le demandeur de toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- condamner la partie adverse aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à la requête initiale valant conclusions de Monsieur [B] reçue le 21 juillet 2021, aux conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique reçues le 7 mars 2024 et à la note d’audience, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 7 juin 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 1er septembre 2023 applicable au litige, dispose que :
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Monsieur [B] expose que suite à son accident du travail du 12 mars 2020 lui ayant provoqué des lésions à l’épaule droite, il a d’abord pensé qu’il s’agissait d’une rechute de son premier accident du travail de 2016, mais qu’après examen du médecin expert de la CPAM, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un nouvel accident du travail.

Il précise qu’il a dû refaire tous les documents nécessaires (certificat d’accident du travail, déclaration par l’employeur et son médecin traitant, etc.) pour effectuer une nouvelle déclaration d’accident du travail et ce malgré la complexité d’obtenir des rendez-vous et examen médicaux en 2020 au regard des mesures prises pour faire face à la pandémie du Covid 19.

Il rappelle qu’il a été en arrêt de travail le 12 mars 2020 et qu’il n’a pu reprendre le travail à temps partiel que le 11 janvier 2021, puis à temps plein à compter du 28 février 2021.

Il s’étonne donc du refus de prise en charge opposé par la CPAM d’autant plus qu’il fait observer qu’il n’a jamais été examiné par le médecin de la caisse pour constater la douleur et la contrainte occasionnées, toujours présentes au jour de sa saisine contentieuse.

Par conséquent, il demande au tribunal de reconnaître l’évènement survenu le 12 mars 2020 en qualité d’accident du travail.

En réponse, la CPAM de la Loire-Atlantique entend, d’une part, porter à la connaissance du tribunal que Monsieur [B] a été victime d’un précédent sinistre le 20 mai 2016 qui a été pris en charge en tant qu’accident du travail.

Elle souligne que suite à ce nouvel accident du travail, un certificat médical de rechute a été établi le 12 mars 2020 mentionnant « douleur épaule droite » (pièce n° 9).

Cependant, le médecin-conseil de la caisse a estimé que la lésion décrite n’était pas imputable à l’accident du 20 mai 2016, de telle sorte qu’elle a alors refusé de prendre en charge cette lésion au titre de la législation professionnelle (pièce n° 10).

Elle relève que Monsieur [B] a contesté cette décision et sollicité la mise en place de l’expertise technique prévue aux article L.141-1 et suivants et code de la sécurité sociale.

Cette expertise a été réalisée le 15 septembre 2020 par le Docteur [T], qui a conclu qu’il n’y avait pas de lien de causalité direct entre l’accident du travail du 20 mai 2016 et les lésions et troubles invoqués à la date du 12 mars 2020 (pièce n° 11 et pièce adverse).

D’autre part, elle soutient que Monsieur [B] fait état d’une douleur à l’épaule droite qui serait survenue le 10 mars 2020 au temps et lieu du travail alors qu’aucun élément ne vient corroborer ses déclarations.

Elle indique qu’il ressort du questionnaire de Monsieur [B] que c’est en portant une charge avec son chef, Monsieur [W], qu’une douleur à l’épaule serait survenue (pièce n° 3), mais que lorsque ce dernier a été interrogé en qualité de témoin il a déclaré : « n’étant pas sur place, je n’ai pas été témoin en direct de l’accident » et précise que Monsieur [B] « se plaignait depuis le début de la semaine de douleurs similaires à son accident du travail précédent » (pièce n°5).

Elle considère donc, en l’occurrence, que l’existence d’un fait accidentel survenu au temps et lieu du travail le 10 mars 2020 n’a pas été confirmée par Monsieur [W].
Elle soulève également des contradictions dans les déclarations de Monsieur [B] qui indique avoir informé son employeur le 10 mars 2020 et avoir continué à travailler jusqu’au 12 mars 2020, date de son arrêt de travail, alors qu’il ressort de la déclaration d’accident du travail et du questionnaire employeur que ce n’est que le 16 octobre 2020 que celui-ci a eu connaissance dudit fait accidentel (pièces n° 1 et 4).

En tout état de cause, elle met en exergue que Monsieur [B] a déclaré qu’il s’agissait d’une rechute de son accident du travail du 20 mai 2016 mais que suite au refus de prise en charge par la caisse, il a déclaré à son employeur un accident du travail qui se serait produit le 10 mars 2020.

Par conséquent, elle maintient que la matérialité du fait accidentel n’est pas établie, pas plus que le faisceau de présomptions graves, précises et concordantes requises par la jurisprudence, si bien que Monsieur [B] doit être débouté de sa demande.

En l’espèce, il sera relevé que si la déclaration d’accident du travail faite par l’employeur de Monsieur [B] le 5 novembre 2020 mentionne un incident survenu le 10 mars 2020, le certificat médical initial établi le 12 mars 2020 détermine en revanche une date d’accident au 12 mars 2020 que Monsieur [B] confirme dans ses déclarations orales à l’audience.

Aussi, s’il est constant que Monsieur [B] a d’abord déclaré une rechute de son premier accident du travail du 20 mai 2016 avant de solliciter la reconnaissance d’un nouvel accident du travail, il convient cependant d’observer que ce dernier est profane en matière médicale et qu’il n’avait donc pas le recul nécessaire pour apprécier qu’il s’agissait de nouvelles lésions, quand bien même elles étaient identiques à celle ressenties lors d’un précédent accident.

En l’occurrence, la réalité des lésions de type « douleur épaule droite » ne fait aucun doute dans la mesure où elles ont été constatées médicalement par certificat médical du 12 mars 2020.

De même, si le Docteur [T], lors de l’expertise d’évaluation de l’état de rechute, a considéré qu’il n’existait aucun lien de causalité direct entre l’accident du travail dont Monsieur [B] a été victime le 20 mai 2016 et les lésions et troubles invoqués à la date du 12 mars 2020, il a cependant répondu par l’affirmative (OUI) à la question « dire si l’état de l’assuré est en rapport avec un état pathologique indépendant de l’accident, évoluant pour son propre compte, justifiant un arrêt de travail et/ou de soins ».

Dès lors, la réalité des lésions et leur localisation ne font aucun doute, de la même manière que le témoignage de Monsieur [W] n’est pas de nature à remettre en cause l’existence du fait accidentel puisqu’il se contente d’indiquer qu’il n’était pas un « témoin direct » de l’accident et qu’il n’a pas pu constater l’état de Monsieur [B] après cet accident (pièce n° 5 CPAM)

Il atteste, par ailleurs, que Monsieur [B] lui a décrit des « douleurs au bras suite à un effort physique excessif (rangements bâches) » et ajoute qu’il a appris le lendemain qu’il était en arrêt de travail, étant rappelé qu’il ressort tant du certificat médical de rechute que du certificat médical initial rectificatif que le médecin a constaté une douleur à l’épaule droite et lui a prescrit un arrêt de travail.

Dans ces conditions, il existe manifestement un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes de la survenance d’un événement soudain au temps et au lieu du travail ayant engendré des lésions constatées médicalement.

En tout état de cause, la CPAM de la Loire-Atlantique ne saurait valablement reprocher à Monsieur [B] d’avoir tenté de rectifier l’erreur d’appréciation qu’il a commise sur l’origine de ses lésions, et d’avoir sollicité la prise en charge autonome de cet accident du travail dès qu’il a obtenu l’assurance par un professionnel de santé de l’indépendance des lésions constatées.

Par conséquent, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [B] et de reconnaître l’accident du 12 mars 2020 en tant qu’accident du travail.

La CPAM de la Loire-Atlantique succombant dans le cadre de la présente instance, elle en supportera, par conséquent, les entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement, par décision rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe :

DIT que l’accident dont a été victime Monsieur [E] [B] le 12 mars 2020 doit être pris en charge par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la Loire-Atlantique au titre de la législation professionnelle ;

CONDAMNE la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la Loire-Atlantique aux dépens ;

RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R.211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS, à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 7 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Dominique RICHARD, présidente, et par Sylvain BOUVARD, greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00813
Date de la décision : 07/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-07;21.00813 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award