La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°22/00441

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 1ère chambre, 30 mai 2024, 22/00441


C.L

M-C P


LE 30 MAI 2024

Minute n°

N° RG 22/00441 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LLPL




[E] [B]


C/

S.A. Assurance CREDIT MUTUEL IARD


[O]-[N] [K]

MASCF

CPAM 44 -









Le 30.05.2024

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Maître Delphine ADAMCZYK

copie certifiée conforme
délivrée à
Me Mathieu CARPINTERO


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------



PREMIERE CH

AMBRE


Jugement du TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur ...

C.L

M-C P

LE 30 MAI 2024

Minute n°

N° RG 22/00441 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LLPL

[E] [B]

C/

S.A. Assurance CREDIT MUTUEL IARD

[O]-[N] [K]

MASCF

CPAM 44 -

Le 30.05.2024

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Maître Delphine ADAMCZYK

copie certifiée conforme
délivrée à
Me Mathieu CARPINTERO

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

PREMIERE CHAMBRE

Jugement du TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Constance DESMORAT, Juge commis,

Greffier : Caroline LAUNAY

Débats à l’audience publique du 19 MARS 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 30 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement Réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Madame [E] [B]
née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]
Rep/assistant : Maître Delphine ADAMCZYK de la SELEURL AD CONSEIL, avocats au barreau de NANTES, avocats postulant
Rep/assistant : Maître Emmanuelle DECIMA, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

S.A. Assurance CREDIT MUTUEL IARD
dont le siège social est sis [Adresse 4]
non comparante, non représentée,

Monsieur [O]-[N] [K], demeurant [Adresse 6]
Rep/assistant : Maître Mathieu CARPINTERO, avocat au barreau de NANTES

MASCF Assurances agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège., dont le siège social est sis Société d’assurances mutuelles entreprise [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Mathieu CARPINTERO, avocat au barreau de NANTES

CPAM 44 - Caisse Primaire d’assurance Maladie de Loire-Atlantique,
, dont le siège social est sis [Adresse 5]
non comparante, non représentée

DEFENDEURS.

D’AUTRE PART

Exposé du litige
Le 11 janvier 2017, Madame [E] [B] a subi une intervention chirurgicale sous anesthésie générale réalisée par le Docteur [T][N] [K], stomatologue, consistant en l’extraction de trois dents de sagesse et deux prémolaires.
A son réveil, Madame [B] a ressenti une perte de sensibilité au niveau de la lèvre inférieure droite ainsi que sur une partie du menton et des dents, et le Docteur [K] a diagnostiqué une lésion d'un nerf à l’origine de cette perte de sensibilité.
Après plusieurs échanges amiables Mme [B] a saisi le juge des référés du tribunal de NANTES aux fins d’expertise judiciaire et de se voir allouer une provision de 5000 euros a valoir sur son préjudice.
Par ordonnance en date du 20 juin 2019, une expertise confiée au Docteur [H] a été ordonnée aux fins de déterminer l'existence d'une faute médicale en lien avec le préjudice de Mme [B] et le cas échéant d'évaluer le préjudice de Mme [B] selon la nomenclature habituelle. L'expert a déposé son pré-rapport le 25 mai 2021, qui n’a suscité aucune observation des parties. 
Suivant exploit du 17 JANVIER 2022, Mme [B] a assigné le Docteur [K], et sa compagnie d’assurance MACSF, les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL et la CPAM de Loire Atlantique aux fins de voir déclarer le Docteur [K] responsable de son préjudice et l’entendre condamner solidairement avec son assurance MACSF à réparer son préjudice selon détail suivant :
- Déficit fonctionnel temporaire : 3 240 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 7 080 euros
- Souffrances endurées : 3 500 euros
- Préjudice financier : 540 euros
 
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 septembre 2022, le Docteur [K] et la MACSF demandent au tribunal de donner acte au Docteur [K] qu’ils s’en rapportent à justice sur l’existence d’une faute, réduire à de plus justes proportions l’indemnisation de Madame [B], et l’indemnité sollicitée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La CPAM et les ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL n’ont pas constitué avocat.
Mme [B] a cependant justifié des débours de la CPAM en lien avec l’accident médical qu’elle invoque, à hauteur de 44 ,55 euros.
 
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
 
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2024.
 
Motifs de la décision
 
Aux termes de l'article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
 
Sur la responsabilité du Docteur [K]
Aux termes de l’article L1142-1 du code de la santé publique, en dehors du cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
En l’espèce, l’expert judiciaire a considéré que le Dr [K] avait commis une faute en procédant à l'intervention sur la seule base d'une radio panoramique dentaire de 2016 dont la qualité médiocre ne permettait pas une analyse fiable des structures osseuses, de la localisation du canal du nerf dentaire inférieur et de sa proximité avec les racines de la dent 48.
L'expert estime que faute d’avoir demandé une nouvelle radio panoramique dentaire avant l’extraction des dents, et en se fiant à une radio médiocre, le Dr [K] s'est placé dans la situation de léser le nerf dentaire inferieur et a commis une faute médicale.
Ni le Docteur [K] ni son assureur ne contestent l’analyse de l’expert ni la faute retenue.
En conséquence, il sera déclaré responsables des conséquences de la lésion du nerf dentaire de Mme [B] survenue au décours de l’intervention chirurgicale pratiquée.
Sur la liquidation du préjudice de Mme [B]
L’expert a procédé à sa mission et a conclu au terme de son rapport ce qui suit :
- blessures subies :
- déficit fonctionnel temporaire partiel : de classe I du 11 janvier 2017 au 11 janvier 2020
- souffrances endurées : 1,5/7
- préjudice esthétique temporaire : néant
- consolidation des blessures : 11 janvier 2020
- déficit fonctionnel permanent : 4 %
Il n’existe aucune critique sérieuse de nature à remettre en cause l’analyse et les conclusions de l’expert claires, précises et détaillées. Ce rapport servira de base valable d’appréciation au tribunal pour évaluer le préjudice corporel de Mme [B] consécutif à la faute commise par le Dr [K], sous réserve des observations des parties.

1) sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires
●  le déficit fonctionnel temporaire partiel
Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, ainsi que, le cas échéant, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.
Il convient de préciser que le tribunal retient une évaluation à hauteur de 26 euros de la journée de déficit fonctionnel temporaire total soit 788,06 euros par mois.
L’expert fixe la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I (10%) du 11 janvier 2017 au 11 janvier 2020, soit pendant 36 mois ; il résulte de la nature des blessures initiales médicalement constatées que la partie civile a incontestablement subi une gêne pour accomplir les actes de la vie courante; ces troubles justifient de lui allouer la somme de [788,06 x 10 % ] x 36 = 2 837,01 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.
●  les souffrances endurées
Ce poste de préjudice vise à indemniser les souffrances tant physiques que morales subies.
Il résulte des certificats médicaux établis lors des faits et de l’expertise qu’à la suite de l’intervention, Mme [B] a ressenti des décharges électriques pendant six mois à un an dans la lèvre inférieure droite, la conduisant à se mordre la lèvre. Cette douleur est accentuée au contact du froid. Cela a généré un tic de morsure, et a un temps entraîné une bave non contrôlée durant son travail ce qui l’a impactée psychologiquement.
Les souffrances endurées sont évaluées par l’expert à 1,5 sur une échelle de 0 à 7 ; elles seront indemnisées par la fixation d’une indemnité d’un montant de 2 500 euros.
2) sur les préjudices extra patrimoniaux permanents
●  le déficit fonctionnel permanent
Ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales, sociales).
L’expert retient un taux d’incapacité permanente partielle de 4 %, compte tenu de la persistance de fuites liquidiennes lors de l’alimentation, de douleurs au froid et de difficultés de brossage des dents. Un tic de morsure s’est installé qui soulage les douleurs en générant un signal neurologique d’une autre nature, et l’expert relève que ce tic inconscient est à l’origine d’une douleur morale post-consolidation.
Au vu de l’âge de la victime au moment de la consolidation (35 ans), la valeur du point retenue sera de 1 660 euros
Le déficit fonctionnel permanent sera donc évalué à la somme de 4 x 1 660 = 
6 640  euros

3) sur son préjudice financier

La demanderesse justifie être allée consulter un médecin légiste pour préparer son dossier, ce qui a occasionné un coût de 540 euros.

Le Docteur [K] et son assureur ne contestent pas que le recours à un médecin légiste pour la conseiller est en lien direct avec l’accident médical subi, et que Mme [B] est fondée à en demander le remboursement au Docteur [K] et sa compagnie d’assurance.

En conséquence, il sera fait droit à sa demande à ce titre.
 
Sur les mesures de fin de jugement
 
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
 
Les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile permettent au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
 
En l’espèce, le Docteur [K] et la MACSF qui succombent à la présente instance seront condamnés aux dépens et tenus de verser à Mme [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
L’article 514 du Code de procédure civile prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
Aux termes de l’article 514-1, « le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. »
Ces textes sont applicables à toutes les instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l’espèce.
 
L’exécution provisoire est donc de droit.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de la SA d’assurance CREDIT MUTUEL IARD ; 
DIT que le Dr [O]-[N] [K] est intégralement responsable du préjudice subi par Mme [B] suite a l'opération du 11 janvier 2017 ;

CONDAMNE in solidum le Dr [O]-[N] [K] et la société MACSF en sa qualité d’assureur responsabilité professionnelle à payer a Mme [B] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
- déficit fonctionnel temporaire :  2 837,01 euros
- souffrances endurées : 2 500 euros
- déficit fonctionnel permanent : 6 640 euros
- préjudice financier : 540 euros

CONDAMNE in solidum le Dr [O]-[N] [K] et la société MACSF en sa qualité d’assureur responsabilité professionnelle à payer a Mme [B] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

CONDAMNE in solidum le Dr [O]-[N] [K] et la société MACSF en sa qualité d’assureur responsabilité professionnelle aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Caroline LAUNAYMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00441
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;22.00441 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award