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30/05/2024 | FRANCE | N°21/05408

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 30 mai 2024, 21/05408


MM

F.C


LE 30 MAI 2024

Minute n°24/205

N° RG 21/05408 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LJSA




[C] [N]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 20219/022792 du 12/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-101






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à


copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me S. RODRIGUES DEVESAS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES>----------------------------------------------



HUITIEME CHAMBRE


Jugement du TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :F...

MM

F.C

LE 30 MAI 2024

Minute n°24/205

N° RG 21/05408 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LJSA

[C] [N]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 20219/022792 du 12/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-101

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à

copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me S. RODRIGUES DEVESAS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

GREFFIER : Mélanie MARTIN

Débats à l’audience publique du 22 MARS 2024 devant Florence CROIZE, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 30 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [C] [N], domicilié : chez Mme [D], [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Stéphanie RODRIGUES-DEVESAS, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Céline MATHIEU-VARENNES, procureur adjoint

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [N], né le 24 décembre 1999 à [Localité 2] (Maroc), s’est vu opposer le 21 octobre 2019 un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française, au motif que les documents produits ne permettent pas d’établir son lien de filiation avec Monsieur [E] [P] [V] [N], dans la mesure où selon le droit marocain, il aurait fallu un aveu de paternité de ce dernier au moment de sa naissance. La directrice des services de greffe judiciaires du tribunal d’instance de Nantes relevait également que l’intéressé n’avait pas fourni le jugement de déclaration tardive de naissance qui est obligatoire lorsqu’un enfant est déclaré plusieurs années après sa naissance.

Par acte d’huissier en date du 23 novembre 2021, M. [N] a dès lors fait assigner Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes devant la présente juridiction aux fins de voir dire qu’il est de nationalité française en vertu de l’article 18 du code civil.

En l’état de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 19 septembre 2022, M. [C] [N] demande au tribunal, sur le fondement des articles 18, 30 et 47 du code civil, de :
- dire qu’il est de nationalité française ;
- ordonner les mesures de publicité prévues par l’article 28 du code civil ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- délivrer ou lui faire délivrer par l’administration compétente un certificat de nationalité française sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- condamner le Trésor public au paiement d’une somme de 1200 euros à Maître Rodrigues Devesas, son avocat, en application de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle, ainsi qu’aux entiers dépens e la présente instance.

Il estime rapporter la nationalité française de son père tant par la mention figurant à ce sujet dans l’acte de confirmation de mariage des époux que par la production d’une copie de sa pièce d’identité.

Il considère qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas établir le lien de filiation qui l’unit à son père, alors qu’il est né d’une union matrimoniale légitime entre ses parents, confirmée après sa naissance, mais établissant que le couple était bien marié avant sa naissance et est toujours en couple depuis. Il en déduit qu’il n’a pas à produire d’aveu de paternité pour établir son lien de filiation paternelle, ses parents étant mariés au jour de sa naissance. Il fait en outre observer qu’il porte uniquement le nom de [N] et non celui d’[D], correspondant à sa filiation maternelle, de sorte que le nom patronymique de [N] vient confirmer l’existence du lien de filiation paternelle. Il indique produire une attestation manuscrite de la part de son père, ainsi que des documents d’état civil appartenant à son père et qui étaient en possession de sa mère.

*
* *

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par RPVA le 16 janvier 2023, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal :
- dire que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré;
- dire que M. [C] [N], se disant né le 17 août 1998 à [Localité 2], n’est pas français;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Après avoir rappelé que la charge de la preuve incombe à M. [N], le ministère public soutient que l’acte de naissance du demandeur ne fait pas foi au sens de l’article 47 du code civil, comme ne répondant pas aux exigences de la loi marocaine d’état civil. Il relève qu’une simple copie d’acte de naissance est produite et non une copie certifiée conforme en original, qu’au surplus, l’acte a été dressé 18 ans après la naissance de l’intéressé, sans faire référence à un jugement supplétif de naissance et que par ailleurs, les mentions relatives à l’heure et à la minute de la naissance, au lieu de naissance, à la profession et à l’adresse des parents donc du père font défaut.

Il fait en outre valoir que le requérant ne rapporte pas la preuve d’un lien de filiation légalement établi à l’égard de M. [E] [N]. Il estime que l’acte de confirmation de mariage ne peut prouver le mariage allégué, faute de production d’une copie certifiée conforme de l’acte original en arabe, que cet acte n’est pas opposable en France, sa traduction n’émanant pas d’un expert traducteur assermenté auprès d’une cour d’appel française ou européenne et qu’en tout état de cause, la filiation du requérant ne saurait être établie sans production de l’acte de naissance du père allégué.

Il soutient enfin que le demandeur ne prouve pas la nationalité française de M. [E] [N], la pièce d’identité et le passeport ne constituant au mieux que de simples éléments de possession d’état de Français.

*
* *

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 février 2024.

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Le ministère de la justice a reçu le 10 février 2022 copie de l’assignation selon récépissé du 4 avril 2022.

Il est ainsi justifié de l’accomplissement des formalités prévues par l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

Aux termes de l’article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à M. [N] qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, dès lors qu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

Il doit notamment établir qu'il dispose d'un état civil fiable et probant au regard des dispositions de l'article 47 du code civil, qui énoncent que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

ll doit également établir que son père jouit de la nationalité française.

L'article 20-1 du code civil précise que la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle établie durant sa minorité.

En l’espèce, M. [N] produit une copie intégrale de son acte de naissance n° 710-2016-4 de l’année 2016, dressé le 23 décembre 2016 sur déclaration de sa mère, aux termes duquel il est né le 24 décembre 1998.

Ainsi que le relève le ministère public, cet acte de naissance a été dressé 18 ans après l’évènement qu’il atteste.

Or, l’acte 30 de la loi marocaine n° 37-99 relative à l’état civil énonce que si la déclaration de naissance n’a pas été faite dans le délai fixé par voie réglementaire, l’acte relatif à ce fait ne sera enregistré que sur la base d’un jugement déclaratif de naissance prononcé par le tribunal de première instance compétent.

Selon l’article 15 du décret n° 2-99-665 du 2 chaabane 1423 (9 octobre 2002) pris pour l’application de la loi n° 37-99 relative à l’état civil, ce délai est de 30 jours et l’article 18 de ce même décret précise qu’en cas d’un jugement déclaratif de naissance, il est fait mention de ses références et du tribunal qui l’a prononcé dans l’acte de naissance.

Force est de constater que la naissance de M. [N] n’a pas été déclaré dans le délai imparti et que son acte de naissance a été dressé sur la déclaration de sa mère et non en exécution d’un jugement déclaratif de naissance.

En outre, l’article 18 du décret n° 2-99-665 du 2 chaabane 1423 (9 octobre 2002) pris pour l’application de la loi n° 37-99 relative à l’état civil précise que l’acte de naissance comprend notamment l’heure et la minute de la naissance, ainsi que le lieu de naissance et la profession des parents.

Or, l’acte de naissance produit ne précise pas l’heure et la minute de la naissance de l’intéressé, ni le lieu de naissance et la profession de son père.

M. [N] n’a apporté aucune précision dans ses conclusions sur les modalités suivant lesquelles son acte de naissance a été dressé.

Il s’ensuit que l’acte de naissance marocain de M. [N] n’a pas été dressé dans les formes imposées par la législation marocaine et qu’il est irrégulier, ce qui lui retire toute force probante quant à l’établissement de son état civil, et ce, alors que nul ne peut prétendre à aucune titre à la nationalité française s’il ne justifie pas d’état civil certain et fiable par la production d'un acte de naissance répondant aux exigences de l'article 47 du code civil.

M. [N] sera dès lors débouté de ses demandes, sans qu’il ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par le ministère public et son extranéité sera constatée.

Sur les autres demandes

Succombant à l’action, il supportera la charge des dépens. Il ne peut dès lors prétendre à l’octroi d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que le récépissé prévu à l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré;

DÉBOUTE Monsieur [C] [N] de l’intégralité de ses demandes, y compris de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que Monsieur [C] [N], se disant né le 17 août 1998 à [Localité 2], n’est pas de nationalité française ;

ORDONNE en conséquence la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

CONDAMNE Monsieur [C] [N] aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINFlorence CROIZE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05408
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;21.05408 ?
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