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30/05/2024 | FRANCE | N°21/04405

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 30 mai 2024, 21/04405


MM

F.C


LE 30 MAI 2024

Minute n°24/203

N° RG 21/04405 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LIK3




[X] [V]


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21/87






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me F. POLLONO

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------



HUITIEME CHAMBRE


Jugement du TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du T

ribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,



GREFFIE...

MM

F.C

LE 30 MAI 2024

Minute n°24/203

N° RG 21/04405 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LIK3

[X] [V]

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21/87

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me F. POLLONO

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

GREFFIER : Mélanie MARTIN

Débats à l’audience publique du 22 MARS 2024 devant Florence CROIZE, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 30 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [X] [V], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Fleur POLLONO, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Céline MATHIEU-VARENNES, procureur adjoint

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 avril 2019, Monsieur [X] [V] a souscrit une déclaration d’acquisition de la nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, en vertu de son mariage contracté le 8 novembre 2014 à [Localité 2] (Ain) avec Madame [W] [J], de nationalité française.

Le récépissé lui a été délivre le 11 mars 2020.

Par courrier du 11 mars 2021, la direction générale des étrangers en France du ministère de l’intérieur a refusé l’enregistrement de sa déclaration acquisitive de nationalité française, au motif que la communauté de vie tant affective que matérielle avec son conjoint français ne pouvait être considérée comme stable et convaincante, compte tenu de son comportement à son égard, et notamment des violences qu’il lui a faites subir le 7 novembre 2019 à [Localité 3].

Par exploit en date du 15 octobre 2021, M. [V] a dès lors fait assigner Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes devant la présente juridiction en annulation de cette décision.

En l’état de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 septembre 2022, M. [V] demande au tribunal, sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, de :
- annuler la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité en date du 11 mars 2021;
- constater qu’il est français à compter de sa déclaration de nationalité souscrite le 9 avril 2019 ;
- ordonner l’enregistrement de la déclaration souscrite le 9 avril 2019 ;
- ordonner toute mention utile du jugement à intervenir conformément aux dispositions de l’article 28 du code civil ;
- condamner l’Etat français au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi sur l’aide juridique ;
- condamner le même aux entiers dépens.

Il estime justifier d’une communauté de vie tant matérielle qu’affective continue depuis la date de son mariage avec son épouse le 8 novembre 2014. Il assure démontrer que le couple n’a jamais cessé de cohabiter et qu’ils entretiennent une relation stable, empreinte d’affection mutuelle et animée de divers projets communs pour l’avenir. Il rappelle que l’appréciation de la communauté de vie du déclarant avec son conjoint se fait au jour où la déclaration est soumise, et non au jour où l’administration rend sa décision d’enregistrement ou de refus d’enregistrement. Il souligne que les faits de violence ont été commis sept mois après la souscription de la déclaration de nationalité française, que ces faits sont isolés et de courte durée et qu’ils n’ont pas abouti à une rupture de la cohabitation ou de la communauté affective des époux. Il fait observer que son épouse a retiré sa plainte très peu de temps après son dépôt et que ces faits n’ont débouché sur aucune procédure judiciaire.

*
* *

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par RPVA le 16 janvier 2023, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal :
- dire que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré;
- débouter l’intéressé de sa demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité et constater l’extranéité de l’intéressé ;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Après avoir rappelé que la charge de la preuve incombe au requérant, le ministère public se demande si les faits de violence commis au cours de l’instruction du dossier ne sont pas révélateurs de tensions de longue date dans le couple. Il rappelle qu’il appartient à M. [V] de rapporter la preuve d’une communauté de vie avec son épouse constante depuis leur mariage.

*
* *

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé du litige aux dernières conclusions susvisées des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 février 2024.

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a reçu le 21 octobre 2021 copie de l’assignation suivant récépissé du 30 décembre 2021.

Il est ainsi justifié de l’accomplissement des formalités de l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

En application de l’article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause. Il appartient donc à M. [V] qui ne bénéficie pas d'un certificat de nationalité française de justifier de sa qualité de française.

Aux termes de l’article 21-2 du code civil, l’étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
La communauté de vie, qui est une obligation qui découle du mariage selon l'article 215 du code civil, est constituée d'un élément matériel, le devoir de cohabitation, et d'un élément intentionnel, la volonté de vivre en union.
Il résulte de ce texte, d'une part, que c'est à la date de la déclaration de nationalité française que la communauté de vie doit exister dans ses deux composantes et, d'autre part ,qu'une interruption de la communauté de vie pendant la durée du mariage fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française.
En l’espèce, il n'est pas contesté que M. [V] et son épouse ont toujours matériellement cohabité.
Il n’est pas davantage discuté et en tout état de cause cela ressort des pièces produites par le ministère public que M. [V] a commis des violences sur son épouse n’ayant pas entraîné une incapacité supérieure à 8 jours le 7 novembre 2019.
Il n’est toutefois pas fait état d’un autre épisode de violences. Au contraire, la mère de l’épouse de M. [V] atteste ainsi le 5 juillet 2021 que sa fille et son gendre “se sont tous les deux disputé fortement ce jour là, suite à des soucis d’argent, de travail et également de fatigue. Cela était la première fois qu’ils se disputent ainsi.[...] C’est une chose qui ne s’est jamais reproduit.” Dans sa lettre du 28 juin 2021, Mme [V] expose qu’ils ont eu une dispute en 2019 et que “depuis ceci, il n’y a jamais eu autre chose entre mon mari et moi-même.”
Il n’est pas établi que la plainte déposée par Mme [V] ait donné lieu à des poursuites judiciaires.
Il n'est pas non plus démontré que l'un ou l'autre des époux ait quitté, ne serait-ce que pour une brève période, le domicile conjugal.
Il résulte de ces éléments qu’un fait unique de violences de la part de M. [V] sur sa femme est établi, dont la gravité n’est pas démontrée, en l’absence de certificat médical et de toute suite donnée à la plainte, qui n’a entraîné aucune séparation du couple, même temporaire. Ce seul fait, intervenu sept mois après la souscription de déclaration acquisitive de nationalité française, certes révélateur de dissensions au sein du couple, est insuffisant à caractériser une interruption de la communauté de vie au sens de l’article 21-2 du code civil.
Au contraire, Mme [V] expose dans sa lettre que son mari et elle ont “le projet de déménager, de trouver une maison, car nous aimerions avoir un deuxième enfant d’ici 2022. Nous aimerions agrandir notre famille.”
Ainsi, M. [V] démontre que le 9 avril 2019, date de souscription de sa déclaration de nationalité, une réelle communauté de vie matérielle et affective non interrompue existait avec son époux. Il remplit donc les conditions posées par l’article 21-2 du code civil. Il convient par conséquent d’ordonner l’enregistrement de sa déclaration acquisitive de nationalité française.

Sur les dépens

Le ministère public succombant, le Trésor public supportera la charge des dépens. En revanche, il ne paraît pas équitable de le condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer une somme au demandeur, le refus d’enregistrement apparaissant fondé par des violences conjugales non contestées.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les formalités prévues par l’article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies ;

CONSTATE que Monsieur [X] [V] remplit les conditions prévues par l’article 21-2 du code civil pour acquérir la nationalité française ;

ORDONNE l’enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par Monsieur [X] [V] le 9 avril 2019 ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

REJETTE la demande présentée par Monsieur [X] [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE les dépens au ministère public.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINFlorence CROIZE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04405
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;21.04405 ?
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