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29/05/2024 | FRANCE | N°22/01744

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 4ème chambre, 29 mai 2024, 22/01744


SG




LE 29 MAI 2024

Minute n°


N° RG 22/01744 - N° Portalis DBYS-W-B7G-LRO6





S.C.I. JANESY

C/

S.A.R.L. RIKA [Localité 4]





Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l’expulsion





1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
Me Axel DUCLEUX-FARCY - 72B
la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES - 150 B




délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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QUATRIEME CHAMBRE


JUGEMENT
du VINGT NEUF MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président :Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur :Nathalie CLAVIER, Vice Prés...

SG

LE 29 MAI 2024

Minute n°

N° RG 22/01744 - N° Portalis DBYS-W-B7G-LRO6

S.C.I. JANESY

C/

S.A.R.L. RIKA [Localité 4]

Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l’expulsion

1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
Me Axel DUCLEUX-FARCY - 72B
la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES - 150 B

délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
---------------------------------------------------

QUATRIEME CHAMBRE

JUGEMENT
du VINGT NEUF MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président :Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur :Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur :Laëtitia FENART, Vice-Présidente,

GREFFIER : Sandrine GASNIER

Débats à l’audience publique du 12 MARS 2024 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024 prorogé au 29 MAI 2024.

Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.

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ENTRE :

S.C.I. JANESY, dont le siège social est sis [Adresse 3]
Rep/assistant : Me Axel DUCLEUX-FARCY, avocat au barreau de NANTES

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

S.A.R.L. RIKA [Localité 4], dont le siège social est sis [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Nicolas VILLATTE de la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

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EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 24 septembre 2012, la SCI JANESY a donné à bail commercial à la SARL RIKA [Localité 4], un local commercial et sa place de stationnement, situés [Adresse 2] et [Adresse 5] aux [Localité 6] pour une durée de neuf ans.

La société RIKA [Localité 4] a présenté à la société bailleresse une offre de cession de droit au bail qui a été refusée par celle-ci.

Par constat du 3 mai 2021, un huissier de justice a constaté l'abandon du local commercial.

Par acte du 29 septembre 2021, la société JANESY a délivré à la société RIKA [Localité 4] un commandement de payer l’arriéré de loyers et une sommation de réintégrer les lieux.

La société RIKA [Localité 4] a restitué les clés à la société JANESY le 9 octobre 2021.

Un état des lieux contradictoire a été réalisé par huissier de justice le 26 octobre 2021.

En l'absence de résolution amiable du litige, la société JANESY a, par assignation du 9 février 2022, fait citer la société RIKA [Localité 4] devant le Président du tribunal judiciaire de Nantes statuant en référé afin de la voir condamnée au paiement à titre provisionnel de la somme de 6.074,41 euros au titre des loyers et charges impayés au 29 septembre 2021 et la somme de 7.727,44 euros au titre des loyers et charges dus du 29 septembre 2021 jusqu'à l'assignation, outre les dépens et frais irrépétibles.

Par ordonnance du 31 mars 2022, le Président du tribunal judiciaire de Nantes statuant en référé la condamné la société RIKA [Localité 4] à verser à la société JANESY une somme provisionnelle de 6.356,38 euros au titre des loyers et charges impayés jusqu'au 8 octobre 2021 inclus et rejeté les autres demandes.
Par exploit en date du 12 avril 2022, la SCI JANESY a fait assigner la SARL RIKA [Localité 4] devant le tribunal judiciaire de Nantes en paiement des arriérés de loyers et en indemnisation des préjudices subis.
Par dernières conclusions du 11 janvier 2024, la SCI JANESY a sollicité du tribunal, au visa des articles 1101 et s. du code civil, des articles 1217 et suivants du code civil, des articles L 145-4 du code de commerce, de :

Recevoir et déclarer recevables et bien fondées les demandes formées par la société JANESY à l’encontre de la société RIKA [Localité 4].

Constater la résiliation du bail litigieux à l’initiative de la société RIKA [Localité 4],

Subsidiairement prononcer la résiliation judicaire du bail commercial aux torts du preneur à effet au 31 janvier 2022.

En tout état de cause :

Condamner la Société RIKA [Localité 4] à payer à la société JANESY les sommes suivantes :

- Sommes dues jusqu’au commandement de payer : 6.074,41 €
- Sommes dues du commandement de payer au 31 janvier 2022 : 7.791,84 €
- Total : 13.866,25 €
Déduire de cette somme la somme de 6.356,38 €, allouée par le Juge des référés à titre provisionnel, soit un solde de 7.509,87 €.
Condamner la société RIKA [Localité 4] au paiement de la somme de 5.000 € en réparation du préjudice matériel et moral subi par la société JANESY.
Condamner la société RIKA [Localité 4] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Inclure expressément dans les dépens :
- Les frais de constat du 3 mai 2021 relatif au défaut d’exploitation des lieux
- Les frais de constat du 3 mai 2021 en recherche de la nouvelle adresse du preneur
- Les frais du commandement de payer du 29 septembre 2021 pour un montant de 158,44 €
- Les frais de l’état des lieux de sortie du 26 octobre 2021
Débouter la société JANESY de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, article 700 et dépens ains que de toutes fins et conclusions.

A l’appui de ses conclusions, la SCI JANESY fait valoir que la SARL RIKA [Localité 4] a abandonné le local loué en début d’année 2021, cessé de verser les loyers, pour indiquer au moment de la restitution des clés, qu’elle entendait donner congé du bail commercial. Elle sollicite sur cette base le versement des loyers impayés, jusqu’au nouveau bail conclu par le bailleur le 1er février 2022.
Elle précise s’être opposée à la cession du droit au bail proposée par le défendeur, du fait de l’absence de garanties sérieuses du cessionnaire.
Elle sollicite également l’indemnisation du préjudice financier et du préjudice moral subis du fait de la cessation d’exploitation des lieux à compter de janvier 2021, dès lors qu’elle a dû engager des frais d’huissier et de commandement de payer pour obtenir le paiement des loyers.

A titre subsidiaire, elle demande le prononcé de la résiliation judiciaire du bail aux torts du preneur, eu égard aux manquements commis.
Sur la demande reconventionnelle de la société RIKA [Localité 4] en paiement d’une indemnité d’éviction d’un montant de 773.292,01 euros, elle fait valoir que le défaut de paiement des loyers et l’abandon des locaux privent le preneur de toute demande à ce titre. Elle souligne que cette indemnité ne peut intervenir qu’en cas de refus de renouvellement du bail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce et que le preneur s’étant réinstallé a poursuivi son exploitation, sans préjudice.

Par dernières conclusions du 10 janvier 2024, la SARL RIKA [Localité 4] a sollicité du tribunal, au visa des articles L 145-1 et suivants du code de commerce, de :

Recevoir la SARL RIKA [Localité 4] en ses demandes, fins et conclusions.

Y faire droit.

En conséquence,

A titre principal et reconventionnel

Constater l’absence de congé donné par la SCI JANESY à la SARL RIKA [Localité 4] ;

En conséquence,

Fixer l’indemnité d’éviction due par la SCI JANESY à la somme de 773.297,01 euros ;

Condamner la SCI JANESY à verser à la SARL RIKA [Localité 4] la somme de 773.297,01 euros au titre de l’indemnité d’éviction ;

Ordonner la compensation de l’indemnité d’éviction avec les arriérés locatifs restant dus jusqu’au 31 janvier 2022, à savoir la somme de 7.509,87 euros ;

A titre subsidiaire, si le tribunal judiciaire de Nantes venait à estimer que l’indemnité d’éviction n’est pas égale à la somme de 773.297,01 euros ;

Désigner tel expert qu’il plaira au Tribunal de céans ayant la mission décrite ci-dessous:

- Se rendre sur place, visiter les lieux, entendre les parties, fournir tous les éléments permettant d'apprécier l'indemnité d'éviction due à la SARL RIKA [Localité 4] du fait du non renouvellement de son bail commercial, en précisant notamment :

• la valeur marchande du fonds de commerce
• les frais normaux de déménagement et de réinstallation
• les frais de droit de mutation à payer pour un fonds de même valeur
• les préjudices éventuellement engendrés par la perte des contrats de fourniture, par les indemnités de résiliation ou de remboursement anticipé des prêts attachés au fonds par les frais et indemnités de licenciement du personnel, par la perte du mobilier ou tout autre préjudice induit par le non renouvellement du bail ;


En tout état de cause

Débouter la SCI JANESY de l’intégralité de ses demandes,

Ordonner la restitution du dépôt de garantie,

Condamner la SCI JANESY à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SCI JANESY aux entiers dépens ;
Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Nicolas VILLATTE pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

A l’appui de ses conclusions, la SARL RIKA [Localité 4] fait valoir le refus du bailleur d’accepter la cession de bail proposée, comme étant constitutif du non renouvellement du bail justifiant l’attribution d’une indemnité d’éviction. Elle conteste ainsi être à l’origine de la fin du bail et souligne que la remise des clés ne suffit pas à mettre fin au contrat. Elle soutient que la SCI JANESY a reloué le local sans lui avoir préalablement donné congé.

Sur cette base, elle sollicite une indemnité d’éviction qu’elle estime à 773.297,01 euros, qui devra être compensée avec les arriérés locatifs ou demande subsidiairement la désignation d’un expert judiciaire pour évaluer cette indemnité.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a eu lieu le 11 janvier 2024 et l’audience des plaidoiries est intervenue le 12 mars 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024 et prorogée au 29 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le paiement des loyers impayés par le preneur
Selon l’article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. » 
Selon l’article L145-4 du code de commerce, « La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire. Les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux des locaux construits en vue d'une seule utilisation, les baux des locaux à usage exclusif de bureaux et ceux des locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l’article L231 ter du code général des impôts peuvent comporter des stipulations contraires.
Le bailleur a la même faculté, dans les formes et délai de l'article L145-9, s'il entend invoquer les dispositions des articles L145-18, L145-21, L145-23-1 et L145-24 afin de construire, de reconstruire ou de surélever l'immeuble existant, de réaffecter le local d'habitation accessoire à cet usage, de transformer à usage principal d'habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l'immeuble dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain. (…)»
Tout comme le bailleur, le preneur peut délivrer un congé à son bailleur, sachant que cet acte unilatéral aura nécessairement pour objet de mettre fin au bail, le preneur étant tenu de quitter les lieux sans indemnité.
En l’espèce, le bailleur a fait constater par procès-verbal d’huissier du 03 mai 2021, que le preneur avait cessé d’occuper le local loué et le preneur a remis les clés au bailleur le 08 octobre 2021. Cette remise des clés a été suivie de l'établissement par le bailleur d'un état des lieux contradictoire le 26 octobre 2021, ce qui équivaut à un congé, qui vient conforter le courrier adressé par lettre recommandée avec accusé de réception par la SARL RIKA [Localité 4], le 08 octobre 2021, dans lequel elle a indiqué en des termes non équivoques que « nous nous voyons contraints de vous donner par la présente lettre RAR notre congé du bail commercial signé le 25 septembre 2012 ». 
Le fait que le preneur ait quitté les lieux et donné congé, parce que le bailleur avait refusé la cession du droit au bail, ne remet pas en cause les effets de ce congé. En effet, les éléments produits par la SARL RIKA [Localité 4], à savoir l’attestation de l’agent immobilier et les échanges de messages, ne suffisent pas à démontrer le caractère abusif du refus opposé par la SCI JANESY à la cession du droit au bail.
Il convient de reconnaître la validité du congé délivré par le preneur par courrier recommandé avec accusé de réception du 08 octobre 2021. Ce congé avait déclenché un délai de préavis de six mois, qui a été interrompu par la location du local à un nouveau preneur à compter du 1er février 2022.
La SARL RIKA [Localité 4] est redevable des loyers et charges impayés, ayant fait l’objet du commandement de payer du 29 septembre 2021, pour les mois de juillet à septembre 2021, d’un montant de 5795,58 euros pour les loyers et charges, auquel a été ajouté les intérêts et les frais du commandement de payer, soit une somme totale 6074,41 euros, ce qu’elle ne conteste pas.
Elle est également redevable des loyers et charges impayés pour les mois de janvier 2022, soit 1931,86 euros x 4 mois, à savoir la somme de 7727,44 euros.
Il convient de condamner la SARL RIKA [Localité 4] à verser la somme de 13.801,85 euros de laquelle il convient de déduire la somme de 6356,38 euros déjà versée à titre provisionnel, soit un solde de 7445,47 euros.
Sur l’indemnisation du préjudice moral de la SCI JANESY
La SCI JANESY sollicite l’indemnisation du préjudice moral lié aux manquements du preneur. Elle fait valoir que la SARL RIKA [Localité 4] a cessé d’exploiter les lieux sans la prévenir, lui imposant de faire constater par huissier l’abandon des lieux, sa nouvelle adresse, l’état des lieux et de délivrer un commandement de payer pour les loyers et charges des mois de juillet à septembre.

La SCI JANESY ne démontre pas avoir subi un préjudice moral en lien avec les manquements imputés à la SARL RIKA [Localité 4] et sa demande doit dès lors être rejetée.

Sur l’indemnité d’éviction demandée par la SARL RIKA [Localité 4]

Dès lors que le bail a cessé du fait du congé délivré par la SARL RIKA [Localité 4], cette dernière ne peut prétendre à aucune indemnité d’éviction. Sa demande à ce titre doit être rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dépens seront mis à la charge de la SARL RIKA [Localité 4] qui succombe. Ces dépens ne comprennent pas les frais d’huissier exposés par la demanderesse qui relèvent des frais irrépétibles.
La SARL RIKA [Localité 4] est condamnée à verser la somme de 2000 euros au profit de la SCI JANESY, au titre des frais irrépétibles, comprenant les frais d’huissier.
En application de l’article 514 du Code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, après débats en audience publique

CONDAMNE la SARL RIKA [Localité 4] à verser à la SCI JANESY la somme de 7445,47 euros au titre des loyers et charges impayées et frais du commandement de payer;
REJETTE la demande d’indemnisation de la SCI JANESY au titre du préjudice moral subi;
REJETTE la demande d’indemnité d’éviction formée par la SARL RIKA [Localité 4] ;
CONDAMNE la SARL RIKA [Localité 4] à verser à la SCI JANESY la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais d’huissier ;

CONDAMNE la SARL RIKA [Localité 4] aux dépens ;

RAPPELONS que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandrine GASNIER Stéphanie LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01744
Date de la décision : 29/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-29;22.01744 ?
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