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17/05/2024 | FRANCE | N°21/00416

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, Ctx protection sociale, 17 mai 2024, 21/00416


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
PÔLE SOCIAL

Jugement du 17 Mai 2024


N° RG 21/00416 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LB6H
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président: Dominique RICHARD
Assesseur: Frédéric FLEURY
Assesseur: Dragan JONOVIC
Greffier: Loïc TIGER

DÉBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 06 Février 2024.


JUGEMENT

Prononcé par Dominique RICHARD, par mise à

disposition au Greffe le 17 Mai 2024.


Demanderesse :

Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Clotilde LABARRERE, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
PÔLE SOCIAL

Jugement du 17 Mai 2024

N° RG 21/00416 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LB6H
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président: Dominique RICHARD
Assesseur: Frédéric FLEURY
Assesseur: Dragan JONOVIC
Greffier: Loïc TIGER

DÉBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 06 Février 2024.

JUGEMENT

Prononcé par Dominique RICHARD, par mise à disposition au Greffe le 17 Mai 2024.

Demanderesse :

Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Clotilde LABARRERE, du Barreau de NANTES, substituant Maître Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON

Défenderesse :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU MAINE-ET-LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante, dispensée de comparution

La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le SIX FEVRIER DEUX MIL VINGT QUATRE la partie présente en ses observations, l’ont avisée, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le DIX SEPT MAI DEUX MIL VINGT QUATRE, dans les termes suivants :

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [I] [G], salariée de la société [5] (ci-après « la société ») a été victime d’un accident du travail le 9 mai 2018, le certificat médical initial du même jour mentionnant « dorsalgie et contracture musculaire épaule gauche. « Il a été pris en charge par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE du Maine et Loire (ci-après « la CPAM ») le 22 mai 2018.

Madame [G] a été déclarée consolidée le 15 novembre 2023.

La société [5] a saisi le 9 octobre 2020 la commission médicale de recours amiable.

La société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 9 avril 2021.

Les parties ont été convoquées devant le pôle social et l’affaire a été retenue à l’audience du 6 février 2024.

La société [5] demande au tribunal de : 
Infirmer la décision implicite de rejet rendue par la commission médicale de recours amiable.
En conséquence
A titre principal
Dire que la commission médicale de recours amiable a violé les dispositions des articles R 142-8 et suivants du Code de la sécurité sociale en omettant de notifier le rapport médical visé par l'article L 142-6 du Code de la sécurité sociale au médecin mandaté par l'employeur au stade amiable,
Prononcer l'inopposabilité des lésions, soins et arrêts de travail prescrits à Madame [I] [G] au titre de son accident du 9 mai 2018,

A titre subsidiaire
Ordonner une des mesures d'instruction légalement admissibles aux frais avancés le cas échéant de la société, en demandant au consultant ou à l'expert de :
-tirer toutes les conséquences d'un défaut de transmission du rapport médical par l'organisme de sécurité sociale et /ou le service médical lui étant rattaché,
-rechercher l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, d'un état pathologique préexistant ou d'une pathologie intercurrente à l'origine des lésions contractées des suites de l'accident,
-indiquer si les lésions initiales ou postérieures en résultant sont dues à une cause totalement étrangère au travail
-déterminer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l'accident en cause, en dehors de tout état antérieur ou indépendant,
et notifier son éventuel rapport écrit au Docteur [O] en application des dispositions de l'article R 142-16-4 du Code de la sécurité sociale,
Statuer sur le fond du litige à l'issue de la mesure d'instruction,
Condamner la CPAM aux dépens et au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La CPAM du Maine-et-Loire, dispensée de comparution, demande au tribunal de:

Juger le recours mal fondé,
En débouter la société [5],
Confirmer la présomption d'imputabilité de l’ensemble des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail de Madame [G] survenu le 9 mai 2018,
En conséquence
Les déclarer opposables à la société [5]
Condamner la société aux dépens.

Elle demande à titre subsidiaire au cas où le tribunal ordonnerait une mesure d'expertise, que la définition de la mission d'expertise prenne en compte la présomption d'imputabilité commandant tout au plus à l'expert de se prononcer sur l'éventualité à un moment donné de l'existence d'une cause totalement étrangère à l'accident du travail et de mettre à la charge de la société l'ensemble des frais d'expertise qu'elle que soit l'issue du litige.

Pour un exposé complet des prétentions et des moyens développés par les parties, il sera renvoyé aux conclusions de la société [5] reçues le 31 janvier 2024, aux conclusions de la CPAM du Maine-et-Loire reçues les 17 janvier et 5 février 2024 et à la note d’audience, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 17 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L142-6 du Code de la sécurité sociale dispose :
Pour les contestations de nature médicale, hors celles formées au titre du 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention exclusive de l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.
La société [5] soutient que la CMRA a violé les dispositions des articles R 142-8 du code de la sécurité sociale en omettant de notifier le rapport médical visé par l'article L 142-6 à son propre médecin, le Docteur [O], qu'elle avait mandaté, de sorte qu'elle-même a par conséquent été privée de l'effectivité de son recours juridictionnel.

Elle relève que de surcroit la Caisse lui a finalement transmis un rapport incomplet n'incluant pas l'ensemble des éléments médicaux requis et notamment les certificats médicaux de prolongation à compter du 15 mai 2022 empêchant ainsi son médecin de s'exprimer sur la base de l'ensemble des documents ayant permis au médecin conseil de prendre ses décisions et soutient qu'il en résulte une atteinte aux droits contradictoires de l'employeur dans le cadre de sa contestation d'ordre médical.

La CPAM rappelle que depuis le 7 mai 2022 les certificats de prolongation en AT/MP (accident du travail/maladie professionnelle) adressés aux caisses n'existent plus, la distinction entre arrêts "maladie " et "AT/MP " étant supprimée au bénéfice de l'avis d'arrêt de travail, document unique pour toutes les prescriptions d'arrêt.
Elle fait valoir que s'agissant d'une décision de rejet implicite de la CMRA, le respect ou non des dispositions par celle-ci ne peut être apprécié et qu'en outre celle-ci n'étant pas une instance juridictionnelle soumise au principe du contradictoire, le non-respect de celui-ci ne peut être sanctionné par une décision d'inopposabilité.

Elle ajoute que l'accident de Madame [G] bénéficiant de la présomption d'imputabilité en application de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale ,c'est à l'employeur d'apporter la preuve contraire pour la renverser, que les prolongations d'arrêts de travail qui ont suivi l'accident jusqu'à la date de la consolidation fixée au 15 novembre 2023 permettent de constater l'exclusivité du lien avec la lésion initialement constatée, que le médecin conseil a rendu plusieurs avis justifiant médicalement les arrêts et a relevé deux nouvelles lésions comme étant imputables à l'accident soit une tendinopathie de l'épaule gauche le 27 juillet 2018 et une capsulite rétractile de l'épaule gauche le 10 septembre 2019.

L’absence de transmission du rapport prévu par l'article L 142-6 dans le cadre de la procédure précontentieuse ne peut entraîner l’inopposabilité de la décision initiale dès lors que l’employeur a la possibilité de contester cette décision devant le pôle social.

Toutefois la Caisse a alors l’obligation de transmettre ce rapport pour respecter le contradictoire dans le cadre de la procédure judiciaire.

En l'espèce la société [5] ne conteste pas que son médecin ait eu communication du rapport après l'engagement de la procédure contentieuse mais soutient que celui-ci était incomplet.

Dans sa note du 14 janvier 2024 le Docteur [O] indique avoir reçu "le 11 janvier 2024 de BLR Avocats des pièces médicales fournies par la CPAM en vue de l'audience devant le TJ de NANTES le 3 février 2024" et liste les certificats médicaux d'arrêts de travail fournis par la CPAM avant l'audience, le dernier certificat étant du 15 mars 2022 (et non 2021) au 17 mai 2022.
Il précise que "la CPAM n'a pas fourni les arrêts de travail suivant mais dans son LM2 A du 13 novembre 2023 nous comprenons que la salariée est toujours en arrêt de travail, accident du travail, à cette date, que la consolidation avec un taux d'IP $gt; 10 % est prévisible et qu'après le 15 novembre 2023, date de consolidation, la salariée poursuit des arrêts justifiés en maladie".

Dans les pièces versées aux débats par la CPAM, ne figurent en effet que les certificats médicaux de prolongation jusqu'au 17 mai 2022.

La CPAM ne s'explique pas sur ce point sauf en rappelant la disparition depuis le 7 mai 2022 des certificats de prolongation en AT/MP adressés aux caisses du fait de la suppression de la distinction entre arrêts "maladie " et "AT/MP " au bénéfice de l'avis d'arrêt de travail, document unique pour toutes les prescriptions d'arrêt.

Cependant ce qui est relevé à juste titre par le médecin de l'employeur est l'absence des avis d'arrêt de travail (et non des certificats de prolongation) entre le 17 mai 2022 et le 15 novembre 2023 alors que les pièces de la Caisse n'ont été transmises qu'au mois de janvier 2024 et qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que la Caisse n'en ait pas été destinataire.

Or l'intégralité du rapport médical doit reprendre les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision, il apparait que le rapport était incomplet.

Dans ces conditions il ne peut qu'être constaté que la CPAM n'a pas respecté le principe du contradictoire.

L'inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits à Madame [G] au titre de son accident du 9 mai 2018 doit par conséquent être prononcée.

La CPAM qui succombe dans ses prétentions devra supporter les entiers dépens de l’instance conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [5] la totalité de ses frais irrépétibles. La CPAM sera par conséquent condamnée à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement, par décision rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe :

DÉCLARE inopposable à la société [5] l’ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à Madame [I] [G] au titre de son accident du 9 mai 2018;

REJETTE les demandes de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE du Maine-et- Loire;

CONDAMNE la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE du Maine et Loire aux entiers dépens de l’instance ;

CONDAMNE la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE du Maine-et-Loire à verser à la société [5] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34, 538 et 544 du code de procédure civile et R211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS, à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 17 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Dominique RICHARD, présidente, et par Loïc TIGER, greffier.

LE GREFFIERLA PRéSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00416
Date de la décision : 17/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-17;21.00416 ?
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