N° RG 24/00244 - N° Portalis DBYS-W-B7I-M2R6
Minute N°2024/
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
du 16 Mai 2024
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S.C. COVIVIO HOTELS
C/
[P] [M]
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copie exécutoire délivrée le 16/05/2024 à :
la SELARL PARTHEMA AVOCATS - 49
copie certifiée conforme délivrée le 16/05/2024 à :
la SELARL A4 - 40
la SELARL PARTHEMA AVOCATS - 49
dossier
MINUTES DU GREFFE
DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
(Loire-Atlantique)
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ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
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Président : Pierre GRAMAIZE
Greffier :Florence RAMEAU
DÉBATS à l'audience publique du 11 Avril 2024
PRONONCÉ fixé au 16 Mai 2024
Ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe
ENTRE :
S.C. COVIVIO HOTELS (RCS Paris N°955515895), dont le siège social est sis [Adresse 4]
Rep/assistant : Maître Jean-philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
DEMANDERESSE
D'UNE PART
ET :
Monsieur [P] [M], demeurant [Adresse 1]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 44109-2024-002230 du 04/04/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)
Rep/assistant : Maître Pierre HURIET de la SELARL A4, avocats au barreau de NANTES
DÉFENDEUR
D'AUTRE PART
N° RG 24/00244 - N° Portalis DBYS-W-B7I-M2R6 du 16 Mai 2024
PRESENTATION DU LITIGE
La S.C.A. COVIVIO HOTELS est propriétaire d'un ensemble immobilier comprenant un restaurant COURTEPAILLE, une aire de stationnement sur une parcelle cadastrée section AT n° [Cadastre 3] et la moitié indivise d'un terrain cadastré section AT n° [Cadastre 2] situés [Adresse 5] à [Localité 6].
Se plaignant d'une intrusion et de l'occupation sans droit ni titre de ce terrain, la S.C.A. COVIVIO HOTELS a fait assigner M. [P] [M] en référé par acte de commissaire de justice du 1er mars 2024 pour solliciter :
- l’expulsion du défendeur et de tous occupants de son chef avec leurs matériels marchandises et biens mobiliers divers au besoin avec l'aide de la force publique et toute assistance nécessaire, sans sursis ni trêve par application des dispositions de l'article L 412-1, L 412-3, L 412-6 du code de procédures civiles d'exécution,
- la condamnation du défendeur aux dépens,
- l'exécution provisoire sur minute.
M. [P] [M] fait valoir qu'il vit dans une communauté de 13 personnes dont 5 mineurs dans des conditions précaires du fait de difficultés d'accès aux structures dédiées, que leur expulsion n'est pas une mesure proportionnée au sens de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme au titre de la protection du domicile garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, alors qu'aucune proposition de relogement n'a été envisagée pour ce groupe comprenant 5 enfants dont 4 scolarisés à [Localité 6], de sorte qu'en l'absence d'urgence à leur expulsion, la demanderesse devra être déboutée ou subsidiairement qu'un délai de 6 mois devra leur être accordé pour quitter les lieux.
La demanderesse soutient que l'urgence est caractérisée par la dangerosité des branchements, notamment les branchements électriques, les dégradations générées et l'impossibilité de relouer le site, que seul l'Etat et ses services sont tenus d'obligations au titre du droit au logement, que le droit de propriété a valeur constitutionnelle et que la cour de cassation en garantit la défense, que la mesure ne consiste pas à expulser les occupants de leurs caravanes mais à déplacer ces caravanes stationnées illégalement, que la présence d'enfants n'est pas démontrée et qu'il convient de préserver leur sécurité.
MOTIFS DE LA DECISION
La S.C.A. COVIVIO HOTELS rapporte la preuve, par un acte dressé le 16 octobre 2006 par Me [Y] [U], notaire associé à [Localité 7], qu'elle est propriétaire d'un ensemble immobilier comprenant un restaurant COURTEPAILLE, une aire de stationnement sur une parcelle cadastrée AT [Cadastre 3] et la moitié indivise d'un terrain cadastré AT [Cadastre 2] situés [Adresse 5] à [Localité 6], le numéro d'enregistrement de la société acquéreur (FONCIERE DES MURS) étant le même que le sien.
Il résulte d'un constat de commissaire de justice du 14 février 2024 et des photographies annexées que sur le terrain propriété de la S.C.A. COVIVIO HOTELS se trouvaient stationnés une quinzaine de véhicules et caravanes et même un bateau avec des raccordements précaires en eau et électricité, que seule l'identité de M. [P] [M] a été déclarée sur place et que les occupants des lieux n'avaient aucun projet de les quitter.
Le seul fait que les occupants se soient installés pour stationner durablement sur un terrain privé sans autorisation du propriétaire est constitutif d'une voie de fait, les textes invoqués ne garantissant pas au défendeur le droit de s'installer où bon lui semble quand il veut pour une durée indéterminée en vue d'y établir son domicile.
Il convient donc de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la violation du droit de propriété de la S.C.A. COVIVIO HOTELS en ordonnant l'expulsion du défendeur et de tous occupants de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique.
Dès lors que l'entrée dans les lieux s'est produite sans autorisation, les articles L 412-1, L 412-3 et L 412-6 du code de procédures civiles d'exécution ne peuvent s'appliquer.
Toutefois, l'article 510 du code de procédure civile autorise tout juge saisi d'une demande d'en différer l'exécution par l'octroi de délais de grâce et ainsi effectuer un contrôle de proportionnalité de la mesure d'expulsion avec le respect dû aux conditions de vie des personnes concernées au regard de l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Personne n'ignore l'insuffisance des capacités d'accueil des gens du voyage dans les aires dédiées et l'errance des familles de terrains en terrains, squattés temporairement, dans la région.
Le respect dû au mode de vie des populations nomades et à leur vie familiale impose de proportionner la mesure d'expulsion par rapport à la défense de la propriété privée, en octroyant un délai raisonnable permettant aux occupants du terrain de préparer et organiser leur déménagement, plutôt que de les obliger à partir dans l'urgence et nécessairement occuper un autre emplacement illégalement.
La demanderesse ne justifie d'aucun projet de location ou d'utilisation des locaux, ni de travaux envisagés, pas même de la recherche de locataires.
Le défendeur ne justifie pas pour sa part de la présence d'enfants, ni de leur scolarisation alléguée, pas plus que de son attache à la commune.
Un délai limité au 30 juin 2024 sera donc accordé, suffisant pour organiser un départ qui ne soit pas trop précipité et qui permettra au propriétaire de retrouver la jouissance de son bien.
Le défendeur devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile du fait qu'il ne faut pas oublier qu'il s'est introduit sans autorisation sur le terrain d'autrui.
L'urgence n'est pas telle que l'exécution provisoire sur minute soit nécessaire.
DECISION
Par ces motifs, Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Ordonnons l’expulsion de M. [P] [M], et celle de tous occupants de son chef ou autres occupants sans droit ni titre au besoin avec l’aide de la force publique des parcelles cadastrées AT [Cadastre 3] et AT [Cadastre 2] situées [Adresse 5] à [Localité 6], passé un délai jusqu'au 30 juin 2024,
Rejetons le surplus des demandes,
Condamnons M. [P] [M] aux dépens, sous réserve des dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffier, Le président,
Florence RAMEAU Pierre GRAMAIZE