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16/05/2024 | FRANCE | N°21/04097

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 1ère chambre, 16 mai 2024, 21/04097


IC

F.C


LE 16 MAI 2024

Minute n°

N° RG 21/04097 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LGOM




[Y] [Z]
[K] [Z] née [I] épouse [Z]


C/

S.A.S. BDO [Localité 3](RCS NANTES 871 800 546)






Le

copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Augustin Moulinas



copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Bérengère Soubeille



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
-----------------------------------------



PREMIERE CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur...

IC

F.C

LE 16 MAI 2024

Minute n°

N° RG 21/04097 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LGOM

[Y] [Z]
[K] [Z] née [I] épouse [Z]

C/

S.A.S. BDO [Localité 3](RCS NANTES 871 800 546)

Le

copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Augustin Moulinas

copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Bérengère Soubeille

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
-----------------------------------------

PREMIERE CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

GREFFIER : Isabelle CEBRON

Débats à l’audience publique du 12 MARS 2024.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [Y] [Z]
né le 23 Octobre 1958 à [Localité 3] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Augustin MOULINAS de la SELARL AUGUSTIN MOULINAS, avocats au barreau de NANTES

Madame [K] [Z] née [I] épouse [Z]
née le 04 Avril 1964 à [Localité 3] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Augustin MOULINAS de la SELARL AUGUSTIN MOULINAS, avocats au barreau de NANTES

DEMANDEURS.

D’UNE PART

ET :

S.A.S. BDO [Localité 3](RCS NANTES 871 800 546) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège., dont le siège social est sis [Adresse 2]
Rep/assistant : Maître Bérengère SOUBEILLE de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES
Rep/assistant : Me Arnaud PERICARD, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur et Madame [Z] ont cédé leurs titres de la société Atlantique Auto Bilan (AAB) au profit de la société Ker Bleu le 4 janvier 2016.

Le 12 juin 2019, la direction générale des finances publiques a notifié à M. et Mme [Z] une proposition de rectification portant sur les gains de cession de valeurs mobilières et droits sociaux à imposer sur l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2016. Elle leur reprochait de ne pas avoir déclaré la plus-value de cession lors du dépôt de leur déclaration de revenus de l’année 2016 et d’avoir déposé leur déclaration de plus-value le 13 mai 2019, à la suite d’une relance du 6 mars 2019.
Reprochant à leur cabinet d’expertise-comptable, la SAS BDO France, d’avoir fait preuve de négligence ou d’imprudence à l’origine de ce redressement fiscal, M et Mme [Z] l’ont, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2019, mise en demeure de leur rembourser la somme de 15 303 euros qui leur était réclamée au titre des majorations et intérêts de retard résultant de la déclaration tardive.

La SAS BDO [Localité 3] les a informés par lettre recommandée avec accusé de réception le 18 juin 2020 qu’elle avait procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur responsabilité civile professionnelle, sans que cela ne constitue une reconnaissance de responsabilité de sa part.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 décembre 2020, M et Mme [Z] ont informé la SAS BDO France de leur décision de l’assigner devant la juridiction compétente et de confier la tenue de leurs comptabilités à un autre cabinet d’expertise comptable.

Par message électronique du 28 janvier 2021, l’assureur de la société BDO [Localité 3] a proposé un partage de responsabilité de moitié pour chacun, aux motifs que, d’une part, M et Mme [Z] ont été expressément informés que la plus-value dégagée devait être déclarée en 2017 au titre des revenus perçus en 2016 et, d’autre part, les intérêts de retard d’un montant de 4 390 euros n’ont pas en l’espèce le caractère d’une sanction, l’impôt en principal étant dû, et ne peuvent dès lors être considérés comme un préjudice indemnisable.

Par courrier du 7 juin 2021, l’ordre des experts-comptables de la région Pays-de-la-Loire a informé le conseil de M et Mme [Z] du classement de leur dossier, du fait de la transmission d’une proposition d’indemnisation de la part de l’assureur du cabinet BDO [Localité 3].

Par exploit d’huissier du 17 août 2021, M et Mme [Z] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Nantes la société d’expertise comptable BDO [Localité 3] en responsabilité civile professionnelle.

*
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En l’état de leurs dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 10 octobre 2022, M et Mme [Z] demandent au tribunal, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :
débouter la société BDO [Localité 3] de toutes ses demandes, fins et conclusions;condamner la société BDO [Localité 3] à leur payer la somme de 15 302 euros, en réparation du préjudice matériel subi;dire et juger que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure;dire et juger que ces intérêts seront capitalisés;condamner la société BDO [Localité 3] à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi;condamner la société BDO [Localité 3] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance;ordonner l’exécution provisoire.

Ils exposent que la faute du cabinet d’expertise-comptable qui a omis de faire les déclarations fiscales auxquelles il était tenu, ainsi que le paiement des pénalités sont prouvés.

Ils invoquent un préjudice moral, dans la mesure où ils ont été redressés fiscalement et où leur honneur et leur probité ont été mises en cause, alors qu’ils avaient fait appel à des professionnels pour les accompagner sereinement dans la cession de leur entreprise.

En réponse aux conclusions en défense, ils contestent être avertis sur les opérations de cessions de titres, rappelant qu’ils sont commerçants, gérant un contrôle technique.

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**

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par RPVA le 28 novembre 2022, la société BDO [Localité 3] conclut, au visa de l’article 1231-1 du code civil, au débouté de M et Mme [Z] et à leur condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société BDO [Localité 3] soutient en premier lieu que les demandeurs ne justifient pas d’un préjudice indemnisable.
Elle rappelle tout d’abord que les intérêts de retard appliqués par l’administration fiscale ne constituent pas un préjudice indemnisable, dans la mesure où ils ne font que compenser l’avantage d’avoir bénéficié d’une trésorerie jusqu’à la rectification et le paiement des sommes dues. Elle souligne qu’en tout état de cause, il leur appartient de démontrer le paiement effectif du montant du redressement ou de la rectification fiscale. Elle estime que si M et Mme [Z] démontrent avoir réglé la somme de 90 999 euros au titre de l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux de l’année 2016, ils n’établissent pas avoir payé le montant des intérêts et pénalités de retard, faute pour eux de produire le détail du calcul retenu par l’administration fiscale. Elle soutient enfin que les demandeurs ne démontrent pas que leur prétendu préjudice résulterait directement des manquements de sa part, dès lors qu’ils ne justifient pas d’un recours auprès de l’administration fiscale afin d’obtenir une remise ou une modération des pénalités de retard et qu’ils se sont ainsi privés de la chance d’obtenir une remise gracieuse sur les majorations et intérêts de retard.
Elle s’oppose à la demande formée au titre du préjudice moral, en l’absence de versement de tout justificatif.

Elle conteste en second lieu le lien de causalité entre la prétendu faute qui lui est reprochée et le préjudice invoqué. Elle rappelle, d’une part, que M et Mme [Z] avaient déjà réalisé dans le passé plusieurs opérations de cession de titres, de sorte qu’ils pouvaient aisément constater l’absence de mention du montant de la plus-value de cession dans leurs déclarations d’impôts, et d’autre part, que les demandeurs étaient assistés d’un cabinet d’avocats fiscalistes pour la cession de leurs titres en janvier 2016, qui les a informés par courrier du 22 septembre 2016 du montant à prendre en compte pour déterminer la plus-value de cession à déclarer en 2017 au titre des revenus perçus en 2016.

*
**

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux dernières conclusions susvisées des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la société d’expertise-comptable

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La responsabilité civile professionnelle des experts-comptables s’apprécie à l’aune de la mission qui leur a été confiée par leurs clients et qui définit le champ des obligations contractuelles auxquelles ils sont tenus, en fonction des données existantes.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la SAS BDO [Localité 3] était chargée des déclarations fiscales de M et Mme [Z], même si aucune des parties n'a été en mesure de produire la lettre de mission la mandatant.

Force est de constater qu’il ressort de la proposition de rectification adressée par l’administration fiscale le 12 juin 2019 que M et Mme [Z] n’ont pas déclaré la plus-value de cession lors du dépôt de leur déclaration de revenus au titre de l’année 2016 et qu’ils n’ont déposé une déclaration de plus-value que le 13 mai 2019, à la suite de l’envoi d’une relance le 6 mars 2019.

Il s’ensuit que le retard de déclaration est imputable à une faute de la SAS BDO [Localité 3].

Celle-ci ne peut se réfugier derrière la circonstance que M et Mme [Z] étaient assistés d’un cabinet d’avocat fiscaliste, dès lors qu’effectuer les déclarations fiscales dans le délai imparti faisait partie de sa mission.

C’est également en vain qu’elle invoque les précédentes cessions de titres opérées par M et Mme [Z], puisque s’ils étaient aussi avertis que la société d’expertise-comptable le prétend, ils n’auraient pas eu recours à ses services.

Ainsi, la faute commise par la SAS BDO [Localité 3] est caractérisée et elle apparaît en lien direct avec la rectification opérée par l’administration fiscale.

Sur les préjudices

La réparation d’un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice.

Les intérêts de retard mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale constituent un préjudice réparable dont l'évaluation commande de prendre en compte l'avantage financier procuré par la conservation, dans le patrimoine du contribuable, jusqu'à son recouvrement par l'administration fiscale, du montant des droits dont il était redevable.

En l’espèce, M et Mme [Z] n’établissent pas, et en tout état de cause ne l’invoquent pas, qu’ils n’ont pas tiré un avantage procuré par la conservation en trésorerie de la somme de 4 390 euros due au titre des intérêts de retard.

Ils seront dès lors déboutés de leur demande au titre des intérêts de retard.

En revanche, ils démontrent suffisamment par les pièces fiscales versées à la procédure et le justificatif de virement bancaire qu’ils ont acquitté les sommes de 4 226 et de 6 686 euros au titre des majorations.

La société défenderesse sera ainsi condamnée à leur verser la somme totale de 10 912 euros au titre des majorations fiscales. Cette somme portera intérêts à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2019.

Ils ne peuvent invoquer un préjudice moral, découlant notamment d’une atteinte à leur honneur et leur probité, dans le cadre d’un contentieux comptable. Ils seront dès lors déboutés de leur demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Succombant, la société défenderesse sera condamnée aux dépens. Elle ne peut dès lors prétendre à l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable qu’elle prennent en charge les frais que les requérants ont dû engager pour faire valoir leurs droits en justice, évalués à 3 000 euros.

Il sera rappelé l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,
Statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

Condamne la SAS BDO [Localité 3] à verser à Monsieur [Y] [Z] et à Madame [K] [I] épouse [Z] la somme de 10 912 euros;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2019;

Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil;

Condamne la SAS BDO [Localité 3] à verser à Monsieur [Y] [Z] et à Madame [K] [I] épouse [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SAS BDO [Localité 3] aux dépens;

Rappelle l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

Le Greffier, Pour la Présidente empêchée 

Isabelle CEBRONMarie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/04097
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.04097 ?
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