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16/05/2024 | FRANCE | N°21/03287

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 16 mai 2024, 21/03287


MM

F.C


LE 16 MAI 2024

Minute n°24/175

N° RG 21/03287 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LFUZ




[H] [S]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/6754 du 18/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-53






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me S. RODRIGUES DEVESAS

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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HUITIEME CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caro...

MM

F.C

LE 16 MAI 2024

Minute n°24/175

N° RG 21/03287 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LFUZ

[H] [S]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/6754 du 18/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-53

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me S. RODRIGUES DEVESAS

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,

GREFFIER : Caroline LAUNAY, lors des débats et Mélanie MARTIN, lors de la mise à disposition

Débats à l’audience publique du 16 FEVRIER 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [H] [S], domicilié [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Stéphanie RODRIGUES-DEVESAS, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Fabienne BASSET, vice-procureur

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [S], né le 15 novembre 2002 à [Localité 2] (Mali), a souscrit le 29 janvier 2021 auprès de la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal d’instance de Nantes une déclaration acquisitive de nationalité française sur le fondement de l’article 21-12 du code civil.

Il s’est vu notifier le 24 février 2021 une décision de refus d’enregistrement de sa déclaration, celle-ci étant jugée irrecevable, au motif que sa demande est forclose, sa demande d’acquisition de nationalité ayant été déposée le 13 novembre 2020, soit deux jours avant qu’il ne devienne majeur, et partant, dans un délai ne permettant pas son traitement avant sa majorité.

Par acte d’huissier du 15 juin 2020, M. [S] a fait assigner Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes devant la présente juridiction, en contestation de cette décision.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2022, M. [S] demande au tribunal, sur le fondement de l’article 22-12 1° du code civil, de :
- annuler la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité qu’il a souscrite ;
en conséquence,
- dire qu’il est de nationalité française ;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
- laisser les dépens à la charge du Trésor public.

Il expose justifier de trois années de prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Il indique qu’il ressort de l’article 21-12 du code civil que le déclarant peut faire sa demande jusqu’au dernier jour de sa minorité, qu’il a transmis son dossier de demande d’acquisition de la nationalité française le 10 novembre 2020 et que la directrice des services de greffe judiciaires précise elle-même avoir récupéré le dossier le 13 novembre 2020, peu importe la date à laquelle elle sera ensuite instruite. Il précise que le texte ne prévoit pas un délai raisonnable avant la majorité pour déposer la demande.

Il fait en outre valoir que le tribunal judiciaire de Nantes a rendu un jugement déclaratif de naissance le concernant le 10 mai 2021. Il en conclut qu’il bénéficie aujourd’hui d’un état civil opposable en France, jusqu’à inscription de faux. Il précise que cette décision, même si elle est intervenue postérieurement à la déclaration, est recevable dans le cadre de la présente procédure, en ce qu’elle n’est pas créatrice de droit mais vient seulement constater un fait antérieur.

*
* *

Dans le dernier état de ses conclusions communiquées par RPVA le 17 octobre 2022, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal :
- constater que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
- débouter M. [H] [S] de ses demandes ;
- dire que M. [H] [S], se disant né le 15 novembre 2002 à [Localité 2] (Mali), n’est pas français ;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Le ministère public fait valoir en premier lieu que le requérant n’a formé sa demande de souscription d’une déclaration de nationalité française par envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception que le 10 novembre 2020, soit cinq jours avant sa majorité, précisant que le 11 novembre est un jour férié, que s’il ne justifie pas de la date effective de réception de sa demande, celle-ci est arrivée au mieux le 12 novembre et que les 14 et 15 novembre sont un samedi et un dimanche, jours chômés. Il souligne que l’intéressé réunissait la condition des trois années de placement à l’ASE le 6 novembre 2020, qu’il pouvait donc se manifester dès cette date en vue d’obtenir un rendez-vous pour la souscription de la déclaration, qui est un préalable nécessaire et qu’aucun défaut de vigilance ne peut être reproché au directeur des services de greffe judiciaires, qui, contraint par son emploi du temps, n’est pas tenu de faire souscrire une déclaration le jour même de la réception de la demande. Il estime que si la déclaration n’a été souscrite qu’après la majorité, cette situation est imputable à M. [S].

Il invoque en second lieu que le requérant ne justifie pas d’un état civil faisant foi. Il relève que son acte de naissance a été établi suivant jugement supplétif du 2 août 2018 rendu par le tribunal de grande instance de [Localité 2], que ce jugement ne porte mention ni du nom du requérant, ni de la composition du tribunal, ni du nom du greffier présent aux débats, en violation de l’article 462 du code de procédure civile malien, qu’il a été rendu en violation du principe de la contradiction, le ministère public malien n’ayant pas été mis en mesure d’émettre ses observations sur le bien-fondé de la demande et qu’il n’est motivé, ni en fait, ni en droit, sans que des documents de nature à servir d’équivalents à la motivation défaillante ne soient produits. Il en déduit que ce jugement, contraire à la conception française de l’ordre public international, ne peut produire effet en France. Le ministère public en conclut que l’acte de naissance de M. [H] [S], dressé en exécution d’un jugement inopposable en France, ne peut faire foi au sens de l’article 47 du code civil. Il rappelle que les conditions posées par l’article 21-12 du code civil doivent être réunies au jour de la déclaration pour que cette dernière puisse être enregistrée et que le jugement tenant lieu d’acte de naissance a été rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 6 mai 2021.

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* *

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.


MOTIFS

Sur la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Le ministère de la justice a reçu le 28 juin 2021 copie de l’assignation selon récépissé du 8 décembre 2021.

Il est ainsi justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

Aux termes de l’article 21-12 code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.

Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
1° L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat.
Cette possibilité n'étant ouverte qu'aux enfants mineurs qui le sont encore au moment de leur déclaration, il importe de vérifier que cette condition est remplie.

A cet effet, l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française prévoit que le déclarant, pour souscrire la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil, doit fournir notamment son acte de naissance.

Cet acte de naissance doit être conforme aux exigences de l’article 47 du code civil.

Il résulte de cet article que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

En application de l’article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, soit, en l’occurrence, à M. [S].

En l’espèce, pour justifier de son état civil, le requérant produit dans le cadre de la présente instance :
- une copie du jugement déclaratif de naissance prononcé par le tribunal judiciaire de Nantes le 6 mai 2021, accompagnée du certificat de non appel,
- une copie d’acte de naissance dressé en exécution du jugement déclaratif de naissance, aux termes duquel il est né le 15 novembre 2002 à [Localité 2] (Mali).

Alors que le ministère public n’invoque pas une quelconque fraude, ces éléments établissent que l’intéressé justifie d’un état civil certain et fiable, sans qu’il puisse lui être reproché leur production tardive. En effet, si les conditions imposées par l’article 21-12 du code civil doivent être réunies au jour de la déclaration, le fait que la réunion d’une condition soit prouvée postérieurement à la déclaration ne peut faire obstacle à ce qu’il soit considéré qu’au jour de la déclaration, la condition était réunie. Ainsi, ce jugement déclaratif, qui a pour objet de suppléer à l’absence d'actes et de documents probants délivrés dans le pays d'origine, et l’acte de naissance dressé sur sa base prouvent que l’intéressé disposait d’un état civil probant au jour de sa déclaration acquisitive de nationalité française.

En outre, il n’est pas discuté et il ressort en tout état de cause de la décision de refus d’enregistrement que M. [S] a transmis sa demande d’acquisition de la nationalité française accompagnée des pièces justificatives le 13 novembre 2020, soit avant sa majorité, puisqu’il résulte des développements qu’il précède qu’il est établi qu’il est né le 15 novembre 2002.

Force est ainsi de constater qu’il a effectivement déclaré, alors qu’il était encore mineur, qu'il réclamait la qualité de Français, ainsi que l’exige l’article 21-12 du code civil, sans que les contraintes des services du tribunal judiciaire de Nantes puissent lui être opposées.

Il s’ensuit que M. [S] répond aux conditions posées par l’article 21-12, alinéa 3 1° du code civil et qu’il est de nationalité française. Il convient dès lors d’ordonner l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française qu’il a souscrite le 29 janvier 2021, ainsi que la mention prévue à l’article 28 du code civil.

Sur les autres demandes

Le ministère public succombant, le Trésor public supportera la charge des dépens.

Aux termes de l’article 1045 du code de procédure civile dans sa version applicable, le jugement qui statue sur la nationalité n’est pas de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

DIT que Monsieur [H] [S], né le 15 novembre 2002 à [Localité 2] (Mali), remplit les conditions posées par l’article 21-12, alinéa 3 1° du code civil et qu’il est donc de nationalité française ;

ORDONNE l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française que Monsieur Monsieur [H] [S], né le 15 novembre 2002 à [Localité 2] (Mali), a souscrite le 29 janvier 2021 ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

CONDAMNE le Trésor public aux dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement n’est pas de droit exécutoire à titre provisoire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03287
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.03287 ?
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