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16/05/2024 | FRANCE | N°21/03139

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 16 mai 2024, 21/03139


MM

F.C


LE 16 MAI 2024

Minute n°24/174

N° RG 21/03139 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LFDL




M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES


C/

[C] [U]

NATIO 21-26






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me C. GUINEL-JOHNSON

copie certifiée conforme
délivrée à
PR




TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------



HUITIEME CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

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Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
...

MM

F.C

LE 16 MAI 2024

Minute n°24/174

N° RG 21/03139 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LFDL

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

C/

[C] [U]

NATIO 21-26

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me C. GUINEL-JOHNSON

copie certifiée conforme
délivrée à
PR

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,

GREFFIER : Caroline LAUNAY, lors des débats et Mélanie MARTIN, lors de la mise à disposition

Débats à l’audience publique du 16 FEVRIER 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Fabienne BASSET, vice-procureur

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

Monsieur [C] [U], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Céline GUINEL-JOHNSON de la SARL ALTG 19, avocats au barreau de NANTES

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 avril 2019, Monsieur [C] [U], né le 21 août 1983 à [Localité 3] (Tunisie), a souscrit une déclaration d’acquisition de la nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, en vertu de son mariage célébré le 10 octobre 2014 devant l’officier d’état civil de [Localité 3] (Tunisie) avec Madame [P] [M], de nationalité française.

Sa déclaration a été enregistrée le 20 janvier 2020, sous le numéro 01201/20.

Par acte d’huissier du 21 avril 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes a assigné devant la présente juridiction M. [C] [U], en annulation de l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française.

Dans le dernier état de ses conclusions communiquées au réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 16 septembre 2022, il requiert qu’il plaise au tribunal :
- dire que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
- annuler l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite ;
- juger que M [C] [U], né le 21 août 1983 à [Localité 3] (Tunisie) n’est pas de nationalité française ;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Il soutient que la présomption de fraude posée par l’article 26-4 du code civil trouve à s’appliquer, dès lors qu’un mois après l’enregistrement de la déclaration, M. [C] [U] a déposé une requête en divorce. Il estime qu’au vu de la date de la requête en divorce, la communauté de vie affective ne pouvait exister au moment de la souscription de la déclaration, d’autant qu’il évoque “une séparation en 2020". Il en conclut qu’il convient d’annuler l’enregistrement de la déclaration souscrite le 29 avril 2019 et de juger que M. [U] n’est pas de nationalité française, ne présentant aucun titre à la nationalité française.

*
* *

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 22 novembre 2022, M. [C] [U] demande au tribunal, sur le fondement des articles 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 21-2 du code civil, de :
- débouter le procureur de la République de toutes ses demandes ;
- constater qu’il est ressortissant français depuis sa déclaration ;
- condamner l’Etat aux entiers dépens et à la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il souligne qu’il réunissait dès le 10 octobre 2018 les conditions pour lui permettre de procéder au dépôt d’une déclaration de nationalité.

Il assure qu’à la date de la déclaration, soit le 29 avril 2019, il existait bien une communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux. Il soutient qu’il existait une communauté de vie matérielle jusqu’au 28 mai 2020 et qu’il existait une communauté de vie affective au moins jusqu’à la période de Noël 2019 (vacances d’été 2019, cadeaux entre époux, vie sociale et familiale commune dont l’organisation d’une fête d’anniversaire le 27 juillet 2019 pour leur fils, en présence d’amis et de membres de famille). Il en conclut qu’il renverse la présomption prévue par l’article 26-4 du code civil. Il fait observer que le ministère public n’apporte aucun autre élément que la séparation du couple en 2020. Il précise qu’il est parti vivre chez un ami le 28 mai 2020, soit une solution de logement temporaire et précaire, ce qui démontre que son départ n’était pas anticipé de longue date et que les époux partageaient les charges du mariage ensemble jusqu’à leur séparation en mai 2020. Il relève que l’administration, qui a procédé à l’enquête, n’a vu aucun élément l’invitant à refuser l’enregistrement de cette déclaration, qu’il ressort du jugement de divorce que le couple rencontrerait des dissensions sur les rôles éducatifs de chacun des parents dans l’éducation de leur enfant, qu’il a fait face à une période de chômage en 2020, ce qui a perturbé l’équilibre financier du couple. Il estime que ces éléments, outre le contexte anxiogène de pandémie du début de l’année 2020, ont conduit le couple à envisager le recours au divorce comme solution à cette période de crise. Il note que son ex-épouse a conservé l’usage du nom de famille [U], ce qui démontre qu’il reste un attachement à leur histoire de couple.

*
* *
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Le ministère de la justice a reçu le 19 mai 2021 copie de l’assignation selon récépissé du 20 mai 2021.

Il est ainsi justifié de l’accomplissement des formalités prévues par l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

En application de l’article 21-2 du code civil, l’étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française prévoit en son article 14-1 que le déclarant doit notamment fournir tous documents corroborant que la communauté de vie tant affective que matérielle n'a pas cessé entre les deux époux depuis leur mariage.

La communauté de vie, qui est une obligation qui découle du mariage selon l'article 215 du code civil, est constituée d'un élément matériel, le devoir de cohabitation, et d'un élément intentionnel, la volonté de vivre en union. Elle s'apprécie au jour de la déclaration de nationalité.

L’article 26-4 du code civil énonce qu’à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.
Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.
L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.

La présomption résultant de la cessation de la communauté de vie prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 26-4 ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration. Dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoquée.

En l'espèce, il n’est pas discuté que M. [C] [U] a épousé Mme [P] [M], de nationalité française, le 10 octobre 2014.

La déclaration de nationalité française souscrite par M. [U] a été enregistrée le 20 janvier 2020.

Le ministère public a assigné M. [U] en annulation de l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française le 21 avril 2021, soit moins de deux ans après cet enregistrement.

Ainsi, le ministère public peut se prévaloir de la présomption de fraude posée par l’article 26-4 du code civil.

Il produit la requête en divorce déposée par le conseil de M. [C] [U] le 27 février 2020 devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de la Rochelle, soit un mois après l’enregistrement de sa déclaration acquisitive de nationalité française.

Est ainsi établie la fraude visée par l’article 26-4 du code civil. La présomption de fraude s’applique donc.

Il appartient dès lors à M. [U] de combattre cette présomption de fraude.

Il justifie d’une communauté de vie matérielle au jour de la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité, dès lors que les époux ont continué de cohabiter jusqu’au 28 mai 2020, ainsi qu’il ressort des avis d’échéance de la société anonyme d’habitations à loyer modéré Immobilière Atlantic Aménagement et du jugement de divorce du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de la Rochelle du 14 janvier 2021.

Il établit que le couple et leur fils ont effectué un séjour en Tunisie du 31 juillet au 23 août 2019, par la production de la facture éditée par l’agence de voyage le 14 février 2019 au nom de M. [C] [U], la facture d’une nuit d’hôtel passée à [Localité 4] du 30 au 31 juillet 2019 au nom d’[C] [U], des trois billets aller-retour au nom d’[C], [X] et [P] [U], d’une réservation à l’établissement [2] du 13 au 16 août 2019 pour deux adultes et un enfant au nom d’[C] [U] effectuée à partir de l’adresse de messagerie de [P] [M]. Il verse également à la procédure une attestation, certes non conforme aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, faisant notamment état d’une fête familiale organisée pour l’anniversaire d’[X], le 27 juillet 2019, ainsi qu’une attestation établie le 19 octobre 2022 par l’ancien beau-frère du requérant, assurant avoir “partagé ensemble beaucoup de repas de famille durant l’année 2019 et également noël”.

Ces éléments démontrent qu’au jour de la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité française, soit le 29 avril 2019, M. [C] [U] continuait de partager une communauté de vie affective avec son épouse, en partageant des repas familiaux et des voyages en famille.

Il s’ensuit que M. [C] [U] parvient à renverser la présomption de fraude.

Par conséquent, il convient de rejeter les demandes du ministère public tendant à l’annulation de l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M [C] [U] et au constat de l’extranéité du défendeur.

Sur les autres demandes

Le ministère public succombant, le Trésor public supportera la charge des dépens.

Il apparaît, en revanche, équitable de rejeter la demande présentée par M. [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, compte tenu de l’application de la présomption de fraude.

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 1045 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au jour de l’acte introductif d’instance, le jugement qui statue sur la nationalité ne peut être assorti de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Le tribunal ,

CONSTATE que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

REJETTE les demandes présentées par le ministère public ;

REJETTE la demande présentée par Monsieur [C] [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le Trésor public aux dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement n’est pas assorti de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03139
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.03139 ?
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