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16/05/2024 | FRANCE | N°21/02322

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 16 mai 2024, 21/02322


MM

M-C P


LE 16 MAI 2024

Minute n°24/172

N° RG 21/02322 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LDR3




[F] [M]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/016721 du 19/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-30






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à


copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me F. POLLONO
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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HUITIEME CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroli...

MM

M-C P

LE 16 MAI 2024

Minute n°24/172

N° RG 21/02322 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LDR3

[F] [M]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/016721 du 19/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-30

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à

copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me F. POLLONO
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,

GREFFIER : Caroline LAUNAY, lors des débats et Mélanie MARTIN, lors de la mise à disposition

Débats à l’audience publique du 16 FEVRIER 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [F] [M], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Fleur POLLONO, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Fabienne BASSET, vice-procureur

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSÉ DU LITIGE

[F] [M] se disant né le 15 octobre 2001 au Tchad est arrivé en France en 2016. Il a fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire le 18 août 2016 suivi d’un jugement en assistance éducative en date du 25 août 2016.

Le 7 octobre 2019, [F] [M] a souscrit une déclaration de nationalité sur le fondement de l’article 21-12 du code civil.

Par décision du 4 mars 2020 la directrice de greffe judiciaire du tribunal judiciaire de Quimper lui a notifié un refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité au motif qu’il ne justifiait pas d’un état civil certain au moyen d’un acte de naissance probant au sens de l’article 47 du code civil.

Suivant exploit du 16 avril 2020, [F] [M] a fait assigner le procureur de la République devant le tribunal judiciaire de Nantes afin de voir dire et juger qu’il a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 7 avril 2019.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 mai 2022, [F] [M] demande au tribunal de :
A titre principal
- Constater que le refus d’enregistrement est forclos ;
A titre subsidiaire
- Dire que la décision d’irrecevabilité en date du 04.03.2020 est infondée ;
En tout état de cause
- Constater et juger que Monsieur [M] [F] est français à compter de sa déclaration de nationalité le 07.10.2019 ;
- Ordonner l’enregistrement de la déclaration formée le 07.10.2019 ;
- Ordonner toute mention utile du jugement à intervenir conformément aux dispositions de l’article 28 du code civil ;
- Condamner l’État français au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi sur l’aide juridique 
- Condamner le même aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 octobre 2022, le procureur de la République de Nantes conclut au rejet de la demande présentée par [F] [M].
 
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux termes de leurs dernières écritures.
 
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

L’assignation est caduque, les conclusions soulevant une question sur la nationalité irrecevable s’il n’est pas justifié des diligences qui précèdent.

 Le ministère de la justice a reçu le 29 avril 2021 copie de l’assignation selon récépissé du 8 juin 2021.

La procédure est dès lors régulière au regard de l’article 1040 du code de procédure civile.

Sur la date du refus d’enregistrement

L’article 26-3 du code civil précise en son alinéa 3 : « La décision de refus d’enregistrement doit intervenir six mois an plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires a la preuve de recevabilité de la déclaration. »

L’article 26-4 alinéa 1 du code civil dispose : « A défaut de refus d’enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l’enregistrement. »

Il ressort par ailleurs des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prise dans le cadre de la crise sanitaire liée au COVID 19 que : « Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l’union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés a l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n 'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er ».
L’article 6 de la même ordonnance prévoit que : « Le présent titre s 'applique aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu'aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ».

[F] [M] considère que le refus d’enregistrement est intervenu hors délai et que les dispositions de l’article 6 et 7 de l’ordonnance précitée ayant suspendu des délais pendant la période de crise sanitaire n’est pas applicable à la décision du service de greffe judiciaire qui revêt une nature judiciaire et non administrative.
En l’espèce si le récépissé prévu par l’article 26-3 alinéa 3 du code civil a été délivré le 7 octobre 2019, de sorte que le délai de 6 mois pour opposer une décision de refus d’enregistrement de la déclaration litigieuse expirait donc le 7 avril 2020, cette date était incluse dans la période courant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, fixée par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période sanitaire.
Contrairement à ce que soutient [F] [M] les dispositions de cette ordonnance qui s’appliquent à « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque » et qui aurait dû être accompli pendant la période située entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, sont applicables aux formalités d’enregistrement de souscription de nationalité française.
Ainsi en application de ces dispositions, le délai qui n’avait pas expiré le 12 mars 2020 a bénéficié d’une prorogation de délai, jusqu’au 23 juin 2020, de sorte que la directrice des services de greffe qui a notifié la décision de refus d’enregistrement le 29 mai 2020 a respecté le délai imparti.
Il s’ensuit que ce moyen sera écarté.

Sur le fond, sur la demande relative à la reconnaissance de la nationalité française de [F] [M]

Aux termes de l’article 21-12 du code civil, « L'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France. Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France. 

Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française:
1o L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2o L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État ».
 
En application de l’article 29-3 du Code civil, “Toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français.
Le procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne. Il est défendeur nécessaire à toute action déclaratoire de nationalité. Il doit être mis en cause toutes les fois qu'une question de nationalité est posée à titre incident devant un tribunal habile à en connaître.”
L’article 30 du même code dispose quant à lui que “La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.
Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.”
 
Il convient enfin de rappeler qu’en application de l’article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
 
Ces dispositions prévues par l’article 47 sont applicables à toute demande pour laquelle un acte d’état civil probant est requis.
 
En matière de nationalité, quel que soit le fondement de la demande, il est exigé de justifier de façon certaine de son état civil par la production d’un acte d’état civil conforme aux exigences de l’article 47 du code civil.

En l’espèce, s’agissant de son état civil, [F] [M] a produit à l’appui de sa demande de souscription de nationalité auprès de la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Quimper une copie établie le 29 juillet 2016 de l’acte de naissance n°13 300 de l’année 2016, dressé le 26 juillet 2016 sur autorisation d’un jugement supplétif d’acte de naissance rendu le 21 juillet 2016 sous le numéro 717/CAN/TGI-N.
Cependant [F] [M] n’a pas produit le jugement de 2016, rendant de fait impossible le contrôle de la régularité internationale du jugement supplétif. Il a en revanche produit une copie, non certifiée conforme par le greffier qui détient l’original de la décision étrangère, d’un jugement rendu le 13 décembre 2019 par le juge chargé des jugements supplétifs au tribunal de grande instance de N’Djamena qui expose que [E] [G], dont il n’est pas précisé la qualité, se serait trouvé dans l’impossibilité de retrouver le jugement supplétif n°717/CAN/TG1-N en date du 21 juillet 2016 et demande au tribunal de recevoir les déclarations de 4 témoins afin de « suppléer, par jugement à l'acte de naissance ».
Or force est de constater d’une part que cette copie ne permet pas de vérifier l’identité et la qualité de la personne ayant rendu le jugement du 13 décembre 2019, et d’autre part que la date de la copie et la qualité de celui l’ayant délivrée n’y est pas non plus mentionnée.
Par ailleurs c’est à juste titre que le procureur de la République de Nantes souligne que cette décision du 13 décembre 2019 ne fait pas état de ce que la cause aurait été communiquée au parquet, et ce en violation du principe de la contradiction. Il en découle que cette décision n’est pas opposable en France.
Enfin et surtout il y a lieu de relever que la décision du 13 décembre 2019 n’annule pas la précédente décision supplétive prononcée en 2016 de sorte que [F] [M] se trouve titulaire de deux actes supplétifs de naissance .
A ce titre il est constant que la naissance, évènement unique ne peut faire l’objet que d’une seule inscription authentique sur les registres d’état civil et que la coexistence de deux jugements supplétifs d’acte de naissance ôte à l’acte de naissance de [F] [M] toute force probante au sens de l’article 47 du code civil. Il en résulte que sans qu’il soit besoin de vérifier si les conditions posées à l’article 21-12 du code civil sont réunies, la demande de reconnaissance de la nationalité française de [F] [M] ne peut qu’être rejetée.

Sur les mesures de fin de jugement
 
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
 
En l’espèce, [F] [M] qui succombe supportera les dépens.

Il sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
 
Si l'exécution provisoire des décisions de première instance est de droit, il convient en l'espèce de l'écarter, apparaissant incompatible avec une matière relative à l'état des personnes, en ce qu'elle risque d'engendrer des conséquences difficilement réparables en cas de modification de la décision en appel.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les formalités de l’article 1040 du code de procédure civile ont été respectées ;

REJETTE l’ensemble des demandes de M. [F] [M], se disant ne le 15 octobre 2001 à [Localité 2] (République du TCHAD) ;

Dit que M. [F] [M], se disant ne le 15 octobre 2001 a [Localité 2] (République du TCHAD) n’est pas de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

CONDAMNE [F] [M] aux entiers dépens ;

ÉCARTE l'exécution provisoire de droit de la présente décision.
 
LE GREFFIER,LE PRESIDENT

MélanieMARTINNMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/02322
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.02322 ?
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