La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°21/02009

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 16 mai 2024, 21/02009


MM

M-C P


LE 16 MAI 2024

Minute n°24/169

N° RG 21/02009 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LC6W




[I] [T]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000101 du 06/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-08






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à


copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me F. POLLONO

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
-----

-----------------------------------------



HUITIEME CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Carol...

MM

M-C P

LE 16 MAI 2024

Minute n°24/169

N° RG 21/02009 - N° Portalis DBYS-W-B7F-LC6W

[I] [T]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000101 du 06/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-08

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à

copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me F. POLLONO

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,

GREFFIER : Caroline LAUNAY, lors des débats et Mélanie MARTIN, lors de la mise à disposition

Débats à l’audience publique du 16 FEVRIER 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [I] [T], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Fleur POLLONO, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Fabienne BASSET, vice-procureur

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

EXPOSÉ DU LITIGE
[I] [T] se disant né le 17 novembre 2002 en Côte d’Ivoire est arrivé en France en 2017. Il a fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire le 7 avril 2017 suivi d’un jugement de placement à l’ASE en date du 11 avril 2017.
Le 17 septembre 2020, [I] [T] a souscrit une déclaration de nationalité sur le fondement de l’article 21-12 du code civil.
Par décision du 6 octobre 2020 la directrice de greffe judiciaire du tribunal judiciaire de Rennes lui a notifié un refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité au motif qu’il ne justifiait pas d’un état civil certain au moyen d’un acte de naissance probant au sens de l’article 47 du code civil.

Suivant exploit du 16 février 2021, [I] [T] a fait assigner le procureur de la République devant le tribunal judiciaire de Nantes afin de voir dire et juger qu’il a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 17 septembre 2020.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 12 janvier 2023, [I] [T] demande au tribunal de :
- annuler la décision d’irrecevabilité en date du 04.03.2020 ;
- constater que [I] [T] est français à compter de sa déclaration de nationalité le 17.09.2020 ;
- ordonner l’enregistrement de la déclaration formée le 17.09.2020 ;
- ordonner toute mention utile du jugement à intervenir conformément aux dispositions de l’article 28 du code civil ;
- condamner l’État français au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi sur l’aide juridique 
- condamner le même aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 octobre 2022, le procureur de la République de Nantes conclut au rejet de la demande présentée par [I] [T].

 Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux termes de leurs dernières écritures.
 L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile
Aux termes des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
L’assignation est caduque, les conclusions soulevant une question sur la nationalité irrecevable s’il n’est pas justifié des diligences qui précèdent.
Le ministère de la justice a reçu le 3 mars 2021 copie de l’assignation selon récépissé du 3 aout 2021.
La procédure est dès lors régulière au regard de l’article 1040 du code de procédure civile.

Sur le fond, sur la demande relative à la reconnaissance de la nationalité française de [I] [T]

Aux termes de l’article 21-12 du code civil, « L'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France. Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France. 

Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
1o L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2o L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État ».

En application de l’article 29-3 du Code civil, “Toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français.
Le procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne. Il est défendeur nécessaire à toute action déclaratoire de nationalité. Il doit être mis en cause toutes les fois qu'une question de nationalité est posée à titre incident devant un tribunal habile à en connaître.”
L’article 30 du même code dispose quant à lui que “La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.
Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.”
 
Il convient enfin de rappeler qu’en application de l’article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
 
Ces dispositions prévues par l’article 47 sont applicables à toute demande pour laquelle un acte d’état civil probant est requis.
 
En matière de nationalité, quel que soit le fondement de la demande, il est exigé de justifier de façon certaine de son état civil par la production d’un acte d’état civil conforme aux exigences de l’article 47 du code civil.

Aux termes de l’article 29 de la loi ivoirienne n°64-374 du 7 octobre 1964 relative à l’état civil, modifiée notamment par la loi n°83-799 du 2 août 1983, « les actes sont signés par l’officier ou l’agent de l’état civil, les comparants, les témoins et l’interprète s’il y a lieu, ou mention est faite de la cause qui a empêché les comparants et les témoins de signer ».  

En l’espèce, s’agissant de son état civil, [I] [T] produit une copie intégrale certifiée conforme de son acte de naissance n°34, délivrée le 7 septembre 2020 par M. [J] [A] [O] [W] [Z], sous-préfet par intérim, l’acte précisant qu’il est né le 17 novembre 2002 à [Localité 3] (Cote d’lvoire) de M. [V] [T], né le 31 août 1979 a [Localité 3], étudiant, domicilié a [Localité 2] (Cote d’lvoire), et de Mme [S] [T], née le 27 juillet 1972 à [Localité 2], ménagère, domiciliée à [Localité 3].
Sur la copie de cet acte figure également la mention selon laquelle l’acte de naissance a été dressé le 10 mai 2013 par M. [L] [K], agent du centre de [Localité 3], sur déclaration du père de l’enfant, ainsi que la mention indiquant que l’officier de l’état civil a signé seul « le déclarant ne le sachant“.
Or cette dernière mention constitue une incohérence avec la mention selon laquelle le père revendiqué est étudiant, ce qui implique qu’il sait nécessairement lire et écrire, et comme tel est en mesure de signer l’acte de naissance.
Il en résulte que ces éléments tirés de l’acte lui-même établissent l’irrégularité de l’acte et lui ôte tout caractère probant.
A ce titre c’est en vain que [I] [T] produit une nouvelle copie intégrale de son acte de naissance, cette fois portant en sus une mention de légalisation, cette légalisation n’étant pas en elle-même de nature à régulariser l’incohérence de la mention sur l’incapacité de signer du déclarant et par suite à conférer à l’intéressé un état civil fiable.
Il s’ensuit que [I] [T] ne justifie pas d’un état civil probant et sans qu’il soit besoin de vérifier si les conditions posées à l’article 21-12 du code civil sont réunies, la demande de reconnaissance de la nationalité française de [I] [T] ne peut qu’être rejetée.

Sur les mesures de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
 
En l’espèce, [I] [T] qui succombe supportera les dépens.
Il sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
 
Si l'exécution provisoire des décisions de première instance est de droit, il convient en l'espèce de l'écarter, apparaissant incompatible avec une matière relative à l'état des personnes, en ce qu'elle risque d'engendrer des conséquences difficilement réparables en cas de modification de la décision en appel.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les formalités de l’article 1040 du code de procédure civile ont été respectées ;

Dit que M. [I] [T], se disant né le 17 novembre 2002 à NANGAOUNKAHA (Côte d’Ivoire) n’est pas de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

CONDAMNE [I] [T] aux entiers dépens ;

ÉCARTE l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/02009
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.02009 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award