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16/05/2024 | FRANCE | N°21/00985

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 16 mai 2024, 21/00985


MM

F.C


LE 16 MAI 2024

Minute n°24/168

N° RG 21/00985 - N° Portalis DBYS-W-B7F-K7VS




[D] [Y] [P]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/015682 du 05/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-06






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me L. GUILBAUD

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
-------------

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HUITIEME CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Carolin...

MM

F.C

LE 16 MAI 2024

Minute n°24/168

N° RG 21/00985 - N° Portalis DBYS-W-B7F-K7VS

[D] [Y] [P]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/015682 du 05/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 21-06

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me L. GUILBAUD

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,

GREFFIER : Caroline LAUNAY, lors des débats et Mélanie MARTIN, lors de la mise à disposition

Débats à l’audience publique du 16 FEVRIER 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [D] [Y] [P], domicilié : chez [Adresse 2] - [Localité 1]
Rep/assistant : Me Louise GUILBAUD, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Fabienne BASSET, vice-procureur

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 mars 2020, [D] [Y] [P], né le 1er janvier 2003 à Konduz (Afghanistan), a souscrit auprès de la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal d’instance de Rennes une déclaration de nationalité française en vertu de l’article 21-12 du code civil.

Il s’est vu opposer le 1er juillet 2020 une décision refusant d’enregistrer sa déclaration de nationalité française, celle-ci étant jugée irrecevable, au motif que son acte de naissance non valablement légalisé n’est pas probant et ne fait pas foi au sens de l’article 47 du code civil, de sorte que son état civil ne peut pas être considéré comme valablement démontré.

M. [P] a, par acte d’huissier du 9 février 2021, assigné Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes devant la présente juridiction, en contestation de cette décision.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 novembre 2022, M. [P] demande au tribunal, sur le fondement des articles 26-3, 21-12 et 47 du code civil, de :
le déclarer recevable en son recours contre la décision des services de greffe judiciaire du tribunal judiciaire de Rennes en date du 1er juillet 2020 ;lui décerner acte de ce qu’il produit un document d’état civil conforme à l’article 47 du code civil ;constater que, mineur au moment de sa demande de déclaration de nationalité française, il vivait sur le territoire français depuis plus de trois années en étant placé sous la protection d’un service de l’aide sociale à l’enfance ;en conséquence,
le recevoir en sa demande et, l’y déclarant fondé :- Le déclarer comme étant de nationalité française,
- Dire que mention du présent jugement sera portée sur ses actes de naissance ;
allouer à son conseil la somme de 1200 euros sur le fondement combiné des articles 700 du code de procédure civil et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait tout d’abord valoir qu’il n’est pas contesté qu’il ait été confié à l’aide sociale à l’enfance pendant au moins trois années, ni qu’il résidait bien sur le territoire national au jour de la demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française.

Il souligne ensuite qu’il est indiqué de façon constante comme étant né le 1er janvier 2003 à [Localité 3] et que le verso de sa taskera anglaise comporte le tampon de légalisation des autorités consulaires afghanes apposé le 3 juillet 2018, soit avant la souscription de sa déclaration. Il fait observer que cette légalisation a été apposée avant l’entrée en vigueur du décret n° 2020-1370, que le consulat de France à Kaboul a suspendu ses activités depuis le 2 septembre 2021, qu’aucune compétence n’a été transférée aux consulats de France en Iran, Pakistan et en Inde pour procéder aux légalisations des documents délivrés par les autorités afghanes et que le décret n° 2020-1370 n’a pas envisagé le cas particulier de la fermeture d’un poste consulaire français en cas de conflit. En réponse aux moyens développés par le ministère public, il entend préciser que sa taskera a été légalisée conformément aux règles applicables par les autorités afghanes, que la taskera en langue pachto et celle en langue anglaise sont un seul et unique document et qu’il est bien impuissant à obtenir un changement de pratique des autorités afghanes. Il estime que de nombreux ressortissants afghans se retrouvent ainsi bloqués, ce qui revient de facto à les priver d’un accès à la nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil et à créer une discrimination à l’accès à la déclaration de nationalité française. Il souhaite enfin indiquer qu’il s’est récemment vu admettre au statut de réfugié par l’OFPRA et qu’il lui est désormais interdit de prendre attache avec les autorités afghanes, dont il est protégé, pour leur soumettre un document à légaliser. Il entend par ailleurs préciser qu’il n’a jamais connu sa date de naissance avec certitude, que c’est la raison pour laquelle son passeport et son certificat de naissance précisent qu’il est né le 1er janvier 2003 conformément à l’Instruction générale relative à l’état civil et que ce n’est pas parce que sa taskera a été délivrée le 28 octobre 2017 que sa date de naissance devrait être le 28 octobre 2003. Il relève qu’il s’est vu remettre un titre de séjour, ce qui démontre que le préfet d’Ile-et-Vilaine a considéré que son identité était établie par sa taskera et son passeport.

Il en conclut que son état civil et son identité sont établis avec certitude.

*
* *

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 23 janvier 2023, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal :
constater que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré ;débouter l’intéressé de ses demandes et constater l’extranéité de l’intéressé;ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.
Il soutient que la taskera produite par l’intéressé ne comporte pas de mention de légalisation valable, puisque l’ambassade d’Afghanistan à [Localité 5] a légalisé le “cachet du ministère des affaires étrangères afghan”, sans savoir sur quoi portait le cachet du ministère des affaires étrangères afghan, que si ce cachet porte sur la signature de l’officier d’état civil qui a délivré la copie le 28 octobre 2017, il s’agirait d’une surlégalisation, qu’au demeurant, la légalisation ne peut porter que sur une signature et que le nom du signataire appartenant à l’ambassade d’Afghanistan à [Localité 5] n’est pas non plus précisé. Il fait valoir que la pratique adoptée par les autorités afghanes en matière de légalisation ne peut être invoquée pour contourner les exigences posées par la coutume internationale et plus généralement, pour contraindre l’Etat à recevoir dans son ordre juridique des pièces dépourvues de valeur probante, surtout lorsqu’elles sont produites aux fins d’obtention de la nationalité française. Il ajoute que le certificat de naissance de l’ambassade d’Afghanistan en France n’est pas un acte de l’état civil mais une simple attestation administrative établie sur les seules déclarations de l’intéressé, puisqu’elle mentionne une date de naissance complète ainsi que le nom de sa mère, alors que ces informations ne figurent pas dans la taskera.

Il fait valoir qu’en tout état de cause, l’acte de naissance de l’intéressé n’est pas probant au sens de l’article 47 du code civil. Il souligne que les deux taskeras n’ont pas les mêmes mentions quant à la date de naissance de l’intéressé, mention substantielle de l’acte et que sa taskera a été établie 14 ans après l’évènement à constater, sur la seule apparence physique de l’intéressé, de sorte que la taskera ne peut se voir qualifier d’acte d’état civil au sens du droit français. Il fait valoir que si à la date d’établissement de la taskera, le 28 octobre 2017, il est âgé de 14 ans au vu de son apparence physique, il est censé être né le 28 octobre 2003, cette date de naissance étant contredite par son certificat de naissance et son passeport afghan. Il en déduit que sa date de naissance n’est pas certaine. Il fait également état des mentions divergentes entre la taskera en langue pachto et celle en langue anglaise. Il précise que la délivrance d’un titre de séjour n’implique pas que le caractère probant de son acte de naissance a été contrôlé, ni qu’il ait produit un acte d’état civil légalisé. Il soutient que la légalisation est obligatoire, que les difficultés pour obtenir la légalisation d’un document ne sauraient justifier de passer outre cette formalité et qu’à supposer que l’intéressé ne puisse effectivement pas faire légaliser auprès de l’ambassade de France en Afghanistan ou au Pakistan, la légalisation de sa taskera par l’ambassade d’Afghanistan à [Localité 5] pourrait exceptionnellement être acceptée.

Il rappelle enfin que les conditions exigées pour acquérir la nationalité française par déclaration doivent être réunies au jour de la souscription de la déclaration. Il en déduit que si l’état civil de l’intéressé doit être établi seulement postérieurement à la souscription de sa déclaration, il ne le sera que pour l’avenir, la situation du déclarant et son état civil ne pouvant pas être régularisées. Il fait également valoir que les certificats de l’OFPRA ne font foi que jusqu’à preuve du contraire, qu’il importe peu que l’identité de l’intéressé soit la même dans la taskera et dans le certificat délivré par l’OFPRA, les deux actes étant établis sur les déclarations de l’intéressé et qu’il incombe au déclarant de produire, à l’appui de sa déclaration de nationalité, un acte de naissance présentant toutes les garanties d’authenticité, de régularité et d’exactitude pour faire la preuve d’un état civil certain lors de la souscription.

Le ministère public en conclut que M. [P] ne justifie pas d’un état civil fiable et certain et qu’il doit donc être débouté de ses demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française et son extranéité, constatée.

*
* *

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé du litige aux dernières conclusions susvisées des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.

MOTIFS

Sur la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Le ministère de la justice a reçu le 1er mars 2021 copie de l’assignation selon récépissé du 22 avril 2021.

Il est ainsi justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile.

Sur le fond

Selon l’article 21-12 du code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.
Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.
Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
1° L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat.

Cette possibilité n'étant ouverte qu'aux enfants mineurs qui le sont encore au moment de leur déclaration, il importe de vérifier que cette condition est remplie.

A cet effet, l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que le déclarant, pour souscrire la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil, doit fournir notamment l’extrait de son acte de naissance.
Cet acte de naissance doit être conforme aux exigences de l’article 47 du code civil.
Il résulte de cet article que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
En l'absence de convention permettant une dispense de légalisation avec l’Afghanistan, l'acte d'état civil produit par le demandeur, pour produire effet en France, doit, selon la coutume internationale reprise dans l'Instruction générale relative à l'état civil, respecter la formalité de la légalisation.

Selon l’Instruction générale relative à l’état civil, peuvent être acceptés en France, les copies ou extraits :
- soit légalisés, à l’étranger, par un consul de France ;
- soit légalisés, en France, par le consul du pays où ils ont été établis ;
- soit établis, en France, par un consul étranger sur la base d’actes de l’état civil conservés par lui.

Ce principe de légalisation a été de nouveau inscrit dans la loi récemment.

Aux termes de l’article 16 II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.

Le décret n° 2024-87 du 7 février 2024 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, certes postérieur aux actes produits, est venu rappeler le principe de la légalisation et préciser les modalités de légalisation découlant de l’usage international, prenant ainsi la suite du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, dont les dispositions avaient été annulées par une décision du Conseil d’Etat du 7 avril 2022, annulation prenant effet au 31 décembre 2022.

Selon l’article 1er de ce décret, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet.
La légalisation est la formalité par laquelle sont attestées la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères.

L’article 3 de ce même décret énonce que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français est compétent pour légaliser :
1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence ;
2° Les actes publics émis par les autorités diplomatiques et consulaires d'Etats tiers présents sur le territoire de son Etat de résidence.
A moins que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français ne dispose d'un spécimen des signature, sceau ou timbre original dont l'acte est revêtu, celui-ci doit être préalablement légalisé par l'autorité compétente de l'Etat dont il émane.
De façon exceptionnelle, le ministre des affaires étrangères peut légaliser les actes publics émanant d'agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national et destinés à être produits devant d'autres agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national.

L’article 4 précise néanmoins que par dérogation au 1° du I de l'article 3, peuvent être produits en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français les actes publics émis par les autorités de l'Etat de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France.
Le ministre des affaires étrangères rend publique la liste des Etats concernés.

Suivant l’annexe 8 du tableau récapitulatif de l’état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation, dont la dernière mise à jour date du 1er avril 2024, les Etats dans lesquels les actes publics sont émis dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d’en assurer la légalisation sont l’Angola, les Comores et la Guinée. Les Etats dans lesquels l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire français est matériellement empêché de légaliser les actes publics qui y sont émis
sont: l’Afghanistan, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen.

En application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe au demandeur qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, et plus particulièrement de sa minorité au jour de la souscription de sa déclaration acquisitive de nationalité française, M. [P] produit notamment aux débats une copie du certificat de naissance tenant lieu d’acte d’état civil délivré le 3 mars 2023 par le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, aux termes duquel [D] [Y] [P] est né le 1er janvier 2003 à [Localité 4] (Afghanistan), de [L] [H] [P] et de [U] [P].

L’article L. 721-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile, devenu l’article L. 121-9 du même code, prévoit en effet que l’Office est habilité à délivrer, après enquête s’il y a lieu, aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou les accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil. Le directeur généal de l’office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu’il établit ont la valeur d’actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l’absence d’actes et de documents délivrés dans le pays d’origine.

Il a été jugé que les actes authentiques établis par le directeur de l'OFPRA, dont le certificat de naissance délivré à M. [P], ne font foi que jusqu'à preuve contraire des événements que celui-ci n'avait pas personnellement accomplis ou constatés, devant le juge civil saisi d'une action déclaratoire de nationalité française.

Le ministère public ne fait pas état d’éléments contraires aux énonciations contenues dans le certificat de naissance établi par l’OFPRA. Au-delà des informations supplémentaires mentionnées par rapport à la taskera initialement produite, le ministère public s’interroge sur la date de naissance de l’intéressé. Néanmoins, le fait que sa taskera en anglais, délivrée le 28 octobre 2017, mentionne “né en 2003, 14 ans en 2017", ne permet pas d’en inférer, à la suite du ministère public, qu’il serait né le 28 octobre 2003 et que la date de naissance mentionnée dans ce certificat, à savoir le 1er janvier 2003, serait inexacte.

Il n’est donc pas établi par le ministère public que les énonciations contenues dans le certificat délivré par le directeur de l’OFPRA soient fausses.

S’il est admis que les conditions posées par l'article 21-12 du code civil doivent être réunies au jour de la déclaration d'acquisition de la nationalité française pour que celle-ci puisse être enregistrée, ce que l'article 8 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité française est venu indiquer, et s’il est constant que le certificat tenant lieu d’acte de naissance a été délivré par le directeur de l’OFPRA postérieurement à la souscription de la déclaration litigieuse le 10 mars 2020, cette pièce vient seulement prouver que le requérant dispose d’un état civil fiable et que la condition de minorité posée par l’article 21-12 du code civil était réunie au jour de la souscription de la déclaration litigieuse, peu important dès lors que cette pièce en elle-même ait été établie postérieurement.

Ce certificat ayant vocation à se substituer aux autres actes, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens développés par le ministère public, notamment le défaut de légalisation de la taskera.

Au regard de ces éléments, il peut être considéré que le requérant justifie d’un état civil certain et fiable et partant, de sa minorité au jour de la souscription de sa déclaration acquisitive de nationalité française le 10 mars 2020.

Le ministère public ne conteste pas que M. [P] réunit les autres conditions posées par l’article 21-12 du code civil.

Il s’ensuit que le demandeur justifie réunir les conditions posées par l’article 21-12 du code civil.

Il sera dès lors ordonné l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 10 mars 2020 par M. [P] au titre de l'article 21-12 du code civil, dit qu’il est de nationalité française et ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Sur les autres demandes

Le ministère public succombant, le Trésor public supportera la charge des dépens.

Il n’apparaît, en revanche, pas équitable de le condamner à verser une somme à M. [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dès lors que le certificat tenant lieu d’acte de naissance a été délivré par le directeur de l’OFPRA postérieurement à la souscription de sa déclaration de nationalité français.

Aux termes de l’article 1045 du code de procédure civile dans sa version applicable, le jugement qui statue sur la nationalité ne peut être assorti de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

ORDONNE l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Monsieur [D] [Y] [P] le 10 mars 2020, au titre de l’article 21-12 du code civil ;

DIT que Monsieur [D] [Y] [P], né le 1er janvier 2003 à Konduz (Afghanistan), est de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

REJETTE la demande présentée par Monsieur [D] [Y] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le Trésor public aux dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement ne peut être assorti de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 21/00985
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.00985 ?
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