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16/05/2024 | FRANCE | N°21/00638

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 1ère chambre, 16 mai 2024, 21/00638


IC

M-C.P


LE 16 MAI 2024

Minute n°

N° RG 21/00638 - N° Portalis DBYS-W-B7F-K6ZS




S.A.R.L. NOGA


C/

S.A.S. CAFE DES PLANTES - INTERVENANT VOLONTAIRE
S.C.I. DE LA GARE




Le

copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Vincent Chupin
- Me Gwendal Rivalan




TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
-----------------------------------------



PREMIERE CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition

du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,



G...

IC

M-C.P

LE 16 MAI 2024

Minute n°

N° RG 21/00638 - N° Portalis DBYS-W-B7F-K6ZS

S.A.R.L. NOGA

C/

S.A.S. CAFE DES PLANTES - INTERVENANT VOLONTAIRE
S.C.I. DE LA GARE

Le

copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à :
- Me Vincent Chupin
- Me Gwendal Rivalan

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
-----------------------------------------

PREMIERE CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

GREFFIER : Isabelle CEBRON

Débats à l’audience publique du 12 MARS 2024.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

S.A.R.L. NOGA, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 7]
Rep/assistant : Maître Vincent CHUPIN de la SELARL PUBLI-JURIS, avocats au barreau de NANTES

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

S.A.S. CAFE DES PLANTES - INTERVENANT VOLONTAIRE dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 6]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Rep/assistant : Maître Gwendal RIVALAN de la SELARL AVOXA NANTES, avocats au barreau de NANTES

S.C.I. DE LA GARE dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 6]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Rep/assistant : Maître Gwendal RIVALAN de la SELARL AVOXA NANTES, avocats au barreau de NANTES

DEFENDERESSES.

D’AUTRE PART

Exposé du litige
La SCI de la Gare est propriétaire au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété situé à [Localité 6] [Adresse 4], [Adresse 1] et [Adresse 3], de deux lots qu’elle a donné à bail commercial à la SAS Café des Plantes qui y exploite un fonds de commerce de brasserie.
L’associé gérant de la SCI de la Gare est Monsieur [I] [B], lequel est par ailleurs président de la SARL de Beaumer, associée unique et société présidente de la SAS Café des Plantes. 
Monsieur [B] a souhaité s’inscrire dans un processus de cession de l’immeuble appartenant à la SCI de la Gare et des parts sociales de la SAS Café des Plantes, et a fait appel à la société HBC immobilier en qualité de mandataire immobilier.
La SARL Noga a émis une offre d’achat des murs de la SCI de la Gare le 28 octobre 2020 sans condition suspensive au prix de 1 150 000 euros net vendeur, acceptée par Monsieur [B] le 29 octobre 2020.
La SARL Noga a émis une offre d’achat du fonds de commerce de la SAS Café des Plantes le 30 décembre 2020 au prix de 900 000 euros avec condition suspensive d’obtention d’un prêt d’un montant de 2 230 000 euros en vue d’implanter et exploiter une enseigne de restauration rapide KFC.
Monsieur [B] a refusé cette offre et mis un terme aux négociations globales.
 
Suivant exploit du 26 janvier 2021, la société Noga a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nantes la SCI de la Gare aux fins notamment de voir déclarer parfaite la vente de l’ensemble immobilier situé [Adresse 4], [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 6] et dire que le jugement vaudra vente et acte authentique de vente des biens.
Par conclusions au fond notifiées par voie électronique le 15 février 2021, la SAS Café des Plantes est intervenue volontairement à l’instance au côté de la SCI de la Gare et sollicite subsidiairement, si la vente entre la société Noga et la SCI de la Gare était déclarée parfaite, la nullité de celle-ci à son égard dans la mesure où son droit de préférence en sa qualité de locataire commercial n’a pas été respecté.
Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 11 mai 2021, la société Noga a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la SAS Café des Plantes pour défaut d’intérêt à agir.
Suivant ordonnance d’incident du 18 novembre 2021, confirmée par la cour d’appel de Rennes suivant arrêt du 28 juin 2022, l’intervention volontaire de la société Café des Plantes a été déclarée recevable.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 novembre 2022, la société Noga demande au tribunal, au visa des articles 1113 et suivants du code civil, 1121, 1582 à 1592 du code civil, de :
- Constater la rencontre des volontés entre la SCI de la Gare et la société Noga ;
- Voir déclarer parfaite avec exécution provisoire entre la SCI de la Gare et la société Noga à effet au jour de l’assignation la vente des lots 1 et 14 de l’immeuble susvisé, moyennant le prix de 1 150 000 euros à charge pour la société Noga de régler les droits de mutation et autres frais en lien avec la vente ;
- Ordonner, avec exécution provisoire, que le jugement à intervenir vaudra vente et acte authentique de vente des biens désignés ci-dessus par la SCI de la Gare au profit de la société Noga ;
- Ordonner, avec exécution provisoire, que le prix de vente sera remis par la société Noga à son notaire pour être consigné à la Caisse des dépôts et consignation afin d’être remis à la la SCI de la gare, à sa demande et une fois que les formalités de mutation auront été accomplies ;
- Ordonner, avec exécution provisoire, que le jugement à intervenir sera publié à la conservation des hypothèques ;
- Condamner, avec exécution provisoire, la SCI de la Gare à régler une amende civile dans la limite du plafond légal de 10 000 € de l’article 32-1 du code de procédure civile ainsi que 200 000 € à la société Noga par application de l’article 1240 du code civil ;
- Condamner, avec exécution provisoire, la SCI de la Gare à payer à la société Noga la somme de 12 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner, avec exécution provisoire, la SCI de la Gare aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Vincent CHUPIN, avocat aux offres de droit, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
- Débouter la SCI de la Gare de l’intégralité de ses demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- Débouter la SAS Café des Plantes de l’intégralité de ses demandes, écrits, fins et conclusions, dont de sa demande de nullité de la vente ;
- Débouter la SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes des demandes de condamnation qu’elle présentent à l’encontre de la société Noga et s’il devait y être malgré tout fait droit en tout ou partie, dire n’y avoir lieu à exécution provisoire de ces chefs ;
A titre subsidiaire, dans l’impossible hypothèse où le Tribunal déclarerait nulle la vente au visa de l’article L145-46-1 du code de commerce :
- Condamner, avec exécution provisoire, la SCI de la Gare à régler à la société Noga 200 000 euros de dommages et intérêts ;
- Condamner, avec exécution provisoire, la SCI de la Gare à régler à la société Noga 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner, avec exécution provisoire, la SCI de la Gare aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Vincent CHUPIN, avocat aux offres de droit, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
- Débouter la SCI de la Gare de l’intégralité de ses demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Au soutien de ses demandes, la société Noga fait valoir en substance que par sa signature du 29 octobre 2020 contresignant l’offre d’achat présentée la veille, monsieur [B] a accepté l’offre sans réserve et qu’il y a eu accord sur la chose, le prix et les éléments essentiels du contrat, rendant la vente parfaite. La société Noga indique que monsieur [B] a engagé la SCI en sa qualité de représentant légal de celle-ci, et réfute par ailleurs que la SCI de la Gare ait indiqué conditionner cet accord à la vente du fonds de commerce, estimant que les échanges que la SCI a pu avoir à cet égard avec son mandataire immobilier sont indifférents. En réponse à l’argument de la SCI de la Gare sur la violation du droit de préférence du locataire elle admet qu’aucune lettre de notification préalable n’a été adressée au locataire des murs estimant cependant que l’exigence de notification a été satisfaite par la notification de conclusions dans le cadre de la présente instance. Elle considère que la SCI défenderesse développe en défense des arguments fantaisistes et que ce faisant elle abuse de son droit de se défendre, devant donner lieu à dommages et intérêts.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 octobre 2022, la SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes demandent au tribunal de:
- Dire et juger recevable et fondée la SCI de la Gare en ses demandes, fins et prétentions
- Dire et juger recevables et fondées la SAS Café des Plantes en son intervention volontaire, ainsi qu’en ses demandes, fins et prétentions,
A titre principal,
- Dire et juger que l’offre du 28 octobre 2020 émise par la société Noga et la possession par ses soins de la contresignature de M. [I] [B] du 29 octobre 2020, ne permet pas de caractériser une vente parfaite du bien immobilier de la SCI de la Gare, et,
- Débouter la société Noga de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire, si la vente litigieuse était jugée parfaite,
- Dire et juger que le droit de préférence de la SAS Café des Plantes encadré par l’article L. 145-46-1 du code de commerce n’a pas été respecté, et,
- Dire et juger nulle la vente du bien immobilier de la SCI de la Gare poursuivie par la société Noga, en conséquence,
- Débouter la société Noga de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre reconventionnel,
- Condamner la société Noga à payer tant à la SCI de la Gare qu’à la SAS Café des Plantes la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour procédure abusive.
En tout état de cause,
- Débouter la société Noga de ses demandes indemnitaires dirigées contre la SCI de la Gare et de sa demande d’amende civile,
- Débouter la société Noga de ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens, et, à l’inverse, condamner la société Noga à payer à la SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes la somme globale de 16 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.
- Écarter l’exécution provisoire sur les demandes formées par la société NOGA et, à l’inverse, l’ordonner sur les demandes dirigées contre la société NOGA.
Au soutien de leur position la SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes contestent pour l’essentiel l’accord des volontés, indiquant que monsieur [B] n’a d’une part pas accepté l’offre en sa qualité de gérant de la SCI, que d’autre part il a conditionné cet accord à la vente du fonds de commerce, ayant d’ailleurs indiqué à son mandataire immobilier que les deux ventes étaient indissociables. Dans l’hypothèse où la vente serait déclarée parfaite elle devrait en tout état de cause être annulée, en raison de la violation du droit de préférence de la SAS Café des Plantes, locataire des lieux, le non-respect de cette règle d’ordre public devant entraîner la nullité de le vente intervenue. La SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes rappellent que la cour d’appel de Rennes a écarté les arguments que la société NOGA persiste à développer à ce titre pour tenter d’échapper à la nullité. Elles estiment que son action est abusive et doit donner lieu à amende civile et dommages et intérêts.
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2024.
L’affaire appelée à l’audience du 19 mars 2024 a été mise en délibéré au 16 mai 2024.
 
Motifs de la décision
Sur la demande en vente parfaite
Aux termes de l’article 1113 du code civil « Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur ».
En outre il résulte de l’article 1121 du code civil que le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant.
Il résulte de l’article 1583 du code civil que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Par ailleurs l’article 1589 du code civil dispose : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. »
Il en découle que la vente revêt un caractère consensuel, et se forme dès la rencontre des consentements, via un accord sur ses conditions essentielles : la chose, le prix et, le cas échéant, d’autres conditions ayant pu être annoncées comme essentielles par l’une ou l’autre des parties.
En l’espèce, il n’est pas discuté que la société Noga a visité le bien immobilier par l’intermédiaire de l’agence HBC TRANSACTIONS, et que suite à cette visite, a formulé, le 23 octobre 2020, via l’agence immobilière, une première offre d’achat pour ces murs commerciaux, à hauteur de 1 150 000 € net vendeur avec une condition suspensive de prêt bancaire, et que la SCI de la Gare a signé cette offre le 26 octobre 2020 tout en demandant dans un premier temps à l’agence HBC TRANSACTIONS de ne pas le révéler à la société Noga. Ensuite, la société Noga a formulé une seconde offre le 28 octobre 2020 (cf. pièce Noga n°2), à hauteur de 1 150 000 € net vendeur, cette fois sans condition suspensive de prêt bancaire, les honoraires de négociations de l’agence étant fixés à 60 000 euros HT à la charge de l’acquéreur, en sus du prix de vente. Il était expressément stipulé que cette offre devait être contresignée par le vendeur au plus tard le 30 octobre 2020, que par cette signature le vendeur était considéré comme ayant accepté l’offre d’achat, emportant formation du contrat entre les parties, sous réserve de la ou des conditions suspensives indiquées à l’offre. Il était également précisé que si le vendeur acceptait cette offre en la contresignant, les actes de cession seraient rédigés par le notaire du vendeur (dont l’identité restait à préciser) avec la participation de Maître [X] [H], notaire de l’acquéreur.
La SCI de la Gare a accepté cette seconde offre que Monsieur [B] a contresignée le 29 octobre 2020.
L’agence immobilière a transmis cette offre contresignée par le vendeur à la SARL NOGA le jour même.
A ce titre, c’est en vain que la SCI de la Gare développe les échanges qu’il a pu avoir avec son agent immobilier sur la vente des murs et celle du fonds de commerce pour soutenir que dans son esprit cette vente des murs était indissociable de la vente du fonds, alors que d’une part son acceptation du 29 octobre 2020 n’a été assortie d’aucune réserve, et que d’autre part, cette absence de condition ressort des termes de la promesse de vente que la SCI de la Gare a fait rédiger par son propre notaire (pièce n°4 de la demanderesse). Il est également indifférent que la SCI de la Gare invoque une forme de trahison de son agent immobilier auquel il reproche via l’un de ses salariés une collusion frauduleuse avec la société Noga, alors que d’une part il n’a pas jugé utile d’attraire son mandataire à la cause et que d’autre part l’accord de vente a été conclu directement entre la société Noga qui a émis l’offre et la SCI de la Gare qui a accepté l’offre.
C’est encore en vain que la SCI de la Gare soutient que Monsieur [B] n’aurait pu engager la SCI par sa signature, alors qu’il n’est pas contesté qu’il est le représentant légal de la SCI, et qu’en cette qualité il a le pouvoir d’engager la société qu’il représente.
Il en résulte que la rencontre des volontés ne s’est faite que sur la vente des murs sans qu’aucune condition liée à la vente du fonds n’ait été expressément prévue.
En conséquence, il y a lieu de constater l’accord intervenu le 29 octobre 2020 entre la SCI DE LA GARE et la SARL NOGA sur les éléments de la vente, savoir sur la chose, le prix et les autres conditions de la vente. Il faut à cet égard souligner qu’aucune des parties n’a posé de condition suspensive particulière à la cession et que la SCI de la Gare n’a assorti son acceptation d’aucune réserve ni condition.
Il s’ensuit que la vente entre la SCI de la Gare et la société Noga est parfaite.
Sur la demande d’annulation de la vente intervenue entre la SCI de la Gare et la société Noga
L’article L. 145-46-1 du code de commerce dispose que : « Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification. »
Il est en outre constant que ces dispositions sont d’ordre public et qu’il ne peut y être dérogé.
En l’espèce, la SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes sont liées par un bail commercial dont le renouvellement a été constaté aux termes d’un acte reçu par Maître [V], Notaire à [Localité 10] les 28 décembre 2009 et 21 janvier 2010, pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 1er janvier 2010 pour se terminer le 31 décembre 2018, qui s’est prolongé tacitement depuis le 1er janvier 2019.
Il n’est pas contesté de part et d’autre qu’il n’a été procédé à aucune notification préalable du projet de vente par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en mains propres à la SAS Café des Plantes, titulaire d’un bail commercial sur le local vendu. A cet égard, c’est en vain que la société Noga persiste à soutenir, comme elle l’a fait devant la cour d’appel Rennes que les conclusions au fond signifiées par la SCI de la Gare et la SAS Café des Plantes le 15 février 2021, valent notification au sens de l’exigence de l’article L145-46-1 du code de commerce alors que l’objet desdites conclusions déposées dans le cadre d’une instance judiciaire n’est évidemment pas celui d’une notification d’un projet de vente de murs commerciaux. La cour d’appel a encore rappelé que l’offre d’achat des murs commerciaux fait mention d’une jouissance acquise le jour de la signature de l’acte de vente par « la prise de possession réelle » sans que l’alternative de la perception des loyers ne soit mentionnée alors qu’un bail commercial est en cours sur les locaux.
Il est dès lors établi que cette vente a été consentie en violation du droit de préférence du locataire des lieux et à ce titre, peu importe que Monsieur [B] soit également le dirigeant de la SARL de Beaumer, associée unique et société présidente de la SAS Café des Plantes, puisque les différentes structures ont des personnalités morales différentes. Au surplus, les dispositions de l’article L145-46-1 précité ne prévoient pas d’exception, et le fait que la SAS Café des Plantes et la SCI de la Gare aient de manière indirecte des associés et représentants communs ne dispensait pas de l’obligation légale de notification qui devait être régularisée au profit la SAS Café des Plantes ainsi que l’a d’ailleurs jugé la cour d’appel de Rennes dans son arrêt du 28 juin 2022.
Il ne peut être davantage soutenu par la société Noga que la SAS Café des Plantes a renoncé de manière non équivoque à son droit de préférence alors que la renonciation ne se présume pas et ne saurait ressortir d’une interprétation de l’attitude des parties, ainsi que l’a également jugé la cour d’appel de Rennes dans l’arrêt susvisé. A titre surabondant, il peut être souligné que le projet d’acte de vente établi par le notaire de la SCI de la Gare prévoyait une intervention de la SAS Café des Plantes et devait être complété à ce titre une fois la position de la SAS Café des Plantes connue.
Ainsi la société Noga ne démontre pas qu’une telle renonciation a eu lieu, la demande d’annulation présentée par le locataire pour non-respect de son droit de préférence marquant au surplus sa volonté de s’en prévaloir.
Le respect des dispositions de l’article L145-46-1 du code de commerce étant prévues à peine de nullité, il s’ensuit que la demande d’annulation de la vente formée par la SAS Café des Plantes, en sa qualité de locataire sera accueillie.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Noga à l’encontre de la SCI de la Gare
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 
En droit il est admis que ces dispositions puissent s’appliquer au défendeur d’une action pour abus du droit de se défendre.
En toute hypothèse il est constant qu’il appartient au demandeur à l’amende civile de caractériser une faute de l’autre partie faisant dégénérer en abus de droit d’agir ou de se défendre.
En l’espèce, la société Noga soutient que l’argumentation de la SCI de la Gare révèle un abus dans l’exercice du droit de se défendre, qualifiant cette argumentation de fantaisiste, sans pour autant caractériser la faute commise, ni l’intention de nuire. Sa demande à ce titre sera rejetée.
S’agissant de la demande complémentaire de dommages et intérêts à hauteur de 200 000 euros en réparation du préjudice que la société Noga prétend subir du fait de l’immobilisation de la somme de 1 150 000 euros consacrés à l’achat et du retard abusif de son entrée en possession, force est de constater qu’eu égard à l’annulation de la vente prononcée, le préjudice n’est pas né.
En conséquence, la société Noga sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCI de la Gare pour procédure abusive
La SCI de la Gare considère que la société Noga a fait preuve de témérité en engageant la présente procédure sur la base de son offre d’achat, qu’elle ne pouvait se méprendre sur le fait qu’elle était vouée à l’échec, ajoutant qu’en poursuivant sa procédure judiciaire en dépit des termes de l’arrêt définitif rendu par la cour d’appel de RENNES le 28 juin 2022, elle a fait preuve d’un abus réitéré.

Force est pourtant de constater que la SCI de la Gare ne caractérise pas la faute qu’aurait commise la société Noga en introduisant une instance en perfection de la vente, alors qu’elle disposait d’une offre acceptée, le fait de se borner à indiquer que la demande est téméraire ne suffisant pas à caractériser l’abus de droit d’agir, et ce d’autant qu’elle a été accueillie en sa demande de perfection de la vente.

Il en résulte que la SCI de la Gare sera également déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.
 
 
Sur les mesures de fin de jugement
 
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
 
Les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile permettent au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
 
En l’espèce, il y a lieu de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.
L’article 514 du Code de procédure civile prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
Aux termes de l’article 514-1, « le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. »
Ces textes sont applicables à toutes les instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l’espèce.
L’exécution provisoire est donc de droit.
                                                                                                                                            
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
 
DIT que la vente intervenue entre la SCI de la Gare et la société Noga du bien dont la désignation suit est parfaite :
I- IDENTIFICATION DU BIEN
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 6] (LOIRE-ATLANTIQUE) [Localité 6] [Adresse 4], [Adresse 1] et, [Adresse 3] comprenant :
1) A l'angle du [Adresse 8] et de la [Adresse 12], une maison de rapport, élevée sur cave composée d'un rez-de-chaussée et de quatre étages dont le dernier comporte des mansardes et greniers ; autres greniers au-dessus dans les combles
2) En façade sur la [Adresse 12] et [Adresse 13], une maison de rapport élevée sur terre-plein, composée d'un rez-de-chaussée et de quatre étages dont le dernier comporte plusieurs greniers mansardés ; autres greniers au-dessus dans les combles
3) [Adresse 13], un bâtiment contigu à la dernière maison et servant de garage
4) Derrière la maison ci-dessus et le garage, courette dans laquelle existe une construction légère ayant un rez-de-chaussée et un étage
Figurant ainsi au cadastre Section ES n°[Cadastre 5] sise [Adresse 1] pour une contenance
de 00 ha 05 a 42 ca
Les lots de copropriété suivants :
Lot numéro un (1)
Au rez-de-chaussée, deux salles de café formant l'angle du [Adresse 8] et de la [Adresse 12] et un logement de trois pièces avec débarras, caveau et water-closets
Au sous-sol, la cave n°1
Et les mille deux cent quatre-vingt-onze /dix millièmes (1291 /10000 èmes) des parties communes générales.
Lot numéro quatorze (14)
Au premier étage de l'immeuble, côté sud, un APPARTEMENT composé de trois pièces, entrée, cabinet de toilette et water-closets particuliers
Le grenier numéro 10 du même immeuble
Et les trois cent quatre-vingt-dix-sept /dix millièmes (397 /10000 èmes) des parties communes générales.
Tel que le BIEN existe, avec tous droits y attachés, sans aucune exception ni réserve.
Superficie de la partie privative :
La superficie de la partie privative des lots de copropriété, dans la mesure où ils sont soumis aux dispositions de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, est de :
- 162,07 m² pour le lot numéro UN (1)
- 51,34 m² pour le lot numéro QUATORZE (14)
II- ETAT DESCRIPTIF DE DIVISION REGLEMENT DE COPROPRETE
L’ensemble immobilier sus-désigné a fait l'objet d’un état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d'un acte reçu par Maître [J] [U], notaire à [Localité 6], le 1er mars 1950, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 6 avril 1950, volume 5828, numéro 26.
L'état descriptif de division - règlement de copropriété a été modifié :
- aux termes d'un acte reçu par Maître [J] [U], notaire à [Localité 6], le 12 février 1959, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 25 mars 1959, volume 7638, numéro 10.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [J] [U], notaire à [Localité 6], le 26 novembre 1959, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 29 décembre 1959, volume 7853, numéro 25.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [J] [U], notaire à [Localité 6], le 22 février 1963, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 4 avril 1963, volume 9021, numéro 2.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [Y] [O], notaire à [Localité 11], le 9 mai 1985, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 20 mai 1985, volume 1985P, numéro 2977.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [Y] [O], notaire à [Localité 11], le 20 octobre 1986 (et le 13 octobre 1986), publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 23 octobre 1986, volume 1986P, numéro 6619.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [O], notaire à [Localité 11], le 20 octobre 1986 (et le 13 octobre 1986), publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 23 octobre 1986, volume 1986P, numéro 6620.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [O], notaire à [Localité 11], le 17 février 1997, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1 le 17 mars 1997, volume 1997P, numéro 3060.
- aux termes d'un acte reçu par Maître [W], notaire à [Localité 14], le 22 juillet 2011, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1, le 19 septembre 2011, volume 2011P, numéro 11809.
III- IDENTIFICATION DE L’ACQUEREUR :
La société dénommée « NOGA », Société à responsabilité limitée, au capital de 1.551.000,00 €, €, dont le siège est à [Localité 11], [Adresse 2], identifiée au SIREN sous le numéro 514888148 et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTES.
IV- IDENTIFICATION DU VENDEUR :
La société dénommée « SCI DE LA GARE », Société civile immobilière, au capital de 1.000 €, dont le siège est à [Localité 6], [Adresse 4], identifiée au SIREN sous le numéro 819829763 et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTES.
V- ORIGINE DE PROPRIETE :
Acquisition suivant acte reçu par Maître [C] [R], alors notaire à [Localité 9], le 11 août 2016, publié au service de la publicité foncière de NANTES 1.
VI- PRIX DE VENTE :
Le prix de vente est de UN MILLION CENT CINQUANTE MILLE EUROS (1 150 000 EUR), à charge pour la SARL NOGA de régler les droits de mutation et autres frais en lien avec la vente

ORDONNE que le jugement vaut vente et acte authentique de vente des biens désignés ci-dessus par la SCI de la Gare au profit de la société Noga.

CONSTATE que la vente des biens désignés ci-dessus est intervenue en violation du droit de préférence de la SAS Café des Plantes locataire des lieux,

En conséquence,
ANNULE la vente des biens désignés ci-dessus par la SCI DE LA GARE au profit de la SARL NOGA.

ORDONNE la publication du jugement à la conservation des hypothèques,

DEBOUTE la société Noga de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

DEBOUTE la SCI de la Gare de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Le Greffier, Pour la Présidente empêchée 

Isabelle CEBRONMarie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00638
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.00638 ?
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