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16/05/2024 | FRANCE | N°20/03404

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 8eme chambre, 16 mai 2024, 20/03404


MM

M-C P


LE 16 MAI 2024

Minute n°24/167

N° RG 20/03404 - N° Portalis DBYS-W-B7E-KYG2




[R] [O] en sa qualité de tuteur et de représentant légal de [Z] [D] [O]
[W] [U] épouse [O] en sa qualité de tutrice et de représentante légale de [Z] [D] [O]


C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 20-60






copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Ma A. LE ROY

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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HUITIEME CHAMBRE


Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Mari...

MM

M-C P

LE 16 MAI 2024

Minute n°24/167

N° RG 20/03404 - N° Portalis DBYS-W-B7E-KYG2

[R] [O] en sa qualité de tuteur et de représentant légal de [Z] [D] [O]
[W] [U] épouse [O] en sa qualité de tutrice et de représentante légale de [Z] [D] [O]

C/

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES

NATIO 20-60

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Ma A. LE ROY

copie certifiée conforme
délivrée à
PR
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
----------------------------------------------

HUITIEME CHAMBRE

Jugement du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président :Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur :Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur :Florence CROIZE, Vice-présidente,

GREFFIER : Caroline LAUNAY, lors des débats et Mélanie MARTIN, lors de la mise à disposition

Débats à l’audience publique du 16 FEVRIER 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

Monsieur [R] [O] en sa qualité de tuteur et de représentant légal de [Z] [D] [O], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Amandine LE ROY, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

Madame [W] [U] épouse [O] en sa qualité de tutrice et de représentante légale de [Z] [D] [O], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Amandine LE ROY, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDEURS.

D’UNE PART

ET :

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Fabienne BASSET, vice-procureur

DEFENDEUR.

D’AUTRE PART

EXPOSÉ DU LITIGE
[Z] [D] [O] né le 31 décembre 2013 de parents inconnus, a été recueilli par l’aide sociale à l’enfance algérienne en vue de son placement. Le 5 mars 2014, il a fait l’objet d’un placement auprès de Monsieur et Madame [O], lesquels ont obtenu sa [J] suivant une ordonnance 11 mars 2014 rendue par le tribunal de Bir Mourad Rais.
Suivant jugement du juge des tutelles de Rennes du 29 avril 2016, une mesure de tutelle a été ouverte le 29 avril 2016 pour [Z] [O].
Le 22 février 2018, Monsieur et Madame [O] ont déposé une demande de nationalité française pour [Z] au titre de l’article 21-12 du Code Civil, refusée par la directrice des services de greffe judiciaires suivant décision du 22 février 2018, au motif d’une part que la copie de l’acte de naissance de l’enfant n’était pas probant au sens de l’article 47, et que d’autre part s’agissant du recueil de l’enfant par le tuteur, la décision du conseil de famille confiant la tutelle de l’enfant au tuteur ne constituait pas une décision de justice.
Monsieur et Madame [O] ont alors obtenu du tribunal de BIR MOURAD RAIS une demande de rectification de l’ordonnance de [J] en date du 10 mai 2018.
Ils ont souscrit une nouvelle demande de nationalité française et un refus leur a été à nouveau opposé le 5 novembre 2019 au motif d’une part que l’une des décisions mentionnées en marge de l’acte de naissance de [Z] (ordonnance 01811/14) n’était pas opposable en France en ce qu’elle ne mentionne pas le nom du juge qui l’a rendue, ce qui ôte sa force probante à l’acte de naissance qui en est indissociable, et d’autre part que la décision du conseil de famille confiant la tutelle de l’enfant au tuteur ne constituait pas une décision de justice.

Suivant exploit du 10 août 2020, les époux [O] ont fait assigner le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes afin que soit constatée la nationalité française de l’enfant [Z] et que soit ordonnée la délivrance de son certificat de nationalité française.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 septembre 2022, ils demandent au tribunal au visa de l’article 21-12 du code civil de :
- DIRE que Monsieur [Z] [D] [O] est de nationalité française ;
- ORDONNER la délivrance d’un certificat de nationalité française à Monsieur [Z] [D] [O] ;
- ENJOINDRE au procureur de la République de faire établir et parvenir l’acte de naissance français à Monsieur [Z] [D] [O] avec mention de sa nationalité française ;
- VOIR transcrire le jugement à intervenir sur les registres d'état civil et dire que mention en sera faite en marge de l'acte de naissance de Monsieur [Z] [D] [O].
- CONDAMNER l’État à verser à Monsieur et Madame [O] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER le procureur de la République aux dépens.  
 
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 juillet 2022, le procureur de la République de Nantes demande au tribunal de débouter les époux [O] de leurs demandes, de constater l’extranéité de [Z] [O], et d’ordonner la mention prévue à l’article 28 du code civil.
 
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux termes de leurs dernières écritures.
 
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile
Aux termes des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
L’assignation est caduque, les conclusions soulevant une question sur la nationalité irrecevable s’il n’est pas justifié des diligences qui précèdent.
Le ministère de la justice a délivré récépissé de l’assignation le 16 novembre 2020.
La procédure est dès lors régulière au regard de l’article 1040 du code de procédure civile.

Sur la demande relative à la reconnaissance de la nationalité française

Aux termes de l’article 21-12 du code civil, « L'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France. Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France. 
Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française:
1o L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2o L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État »

En application de l’article 29-3 du Code civil, “Toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français.
Le procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne. Il est défendeur nécessaire à toute action déclaratoire de nationalité. Il doit être mis en cause toutes les fois qu'une question de nationalité est posée à titre incident devant un tribunal habile à en connaître.”
L’article 30 du même code dispose quant à lui que “La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.
Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.”
 
Il convient enfin de rappeler qu’en application de l’article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
 
Ces dispositions prévues par l’article 47 sont applicables à toute demande pour laquelle un acte d’état civil probant est requis.
 
En matière de nationalité, quel que soit le fondement de la demande, il est exigé de justifier de façon certaine de son état civil par la production d’un acte d’état civil conforme aux exigences de l’article 47 du code civil.
 
En l’espèce, les demandeurs produisent les originaux de l’ordonnance de [J], de la décision de rectification d’erreur matérielle, de l’ordonnance d’attribution d’un nom de famille ainsi que la décision de rectification d’un document d’état civil, ainsi que des traductions des dites décisions étrangères.
Notamment ils exposent avoir saisi le tribunal de [Localité 2] pour que leur nom de famille et un prénom soient attribués au jeune [Z] [D], et ont sollicité la rectification de son état civil en ce qu’il soit indiqué [Z] [D] [O]. Par une décision en date du 5 mai 2014, il a été fait droit partiellement à leur demande, le tribunal de [Localité 2] ayant indiqué [O] [D] de sorte qu’ils ont sollicité la rectification d’erreur matérielle, qui a été acceptée le 6 mai 2014, l’ensemble de ces décisions ayant pu être transcrit sur l’acte de naissance du jeune [Z] [D] [O].
Pour répondre à la directrice des services de greffe et au procureur de la République de Nantes qui relèvent que la décision rectificative ne comporte pas le nom du juge l’ayant prononcée, les demandeurs produisent une attestation du président du tribunal de [Localité 2] du 26 février 2020 précisant le nom de la magistrate ayant rendu la décision du 6 mai 2014 n° 14/1811 portant rectification du nom de [O] [D] par [O] [Z] [D], savoir madame [H] [M].
Les demandeurs produisent en outre la copie conforme de la minute de la décision du 6 mai 2014, sur laquelle apparaît la signature de madame [H].
Il convient à ce titre de relever que dans l’ordre public français, si l'article 454 du code de procédure civile impose à peine de nullité la mention du nom des juges ayant délibéré, cette nullité n'est pas absolue, l'article 459 du code de procédure civile précisant que "L'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. "
Dès lors que le nom du juge ayant statué est établi, c’est en vain que le procureur de la République de Nantes excipe de l’absence du nom du juge sur la décision rectificative, laquelle est régulière et par conséquent opposable en France.

S’agissant de la [J] remise en cause par le procureur de la République de Nantes au nom de la régularité internationale, au motif que cette décision ne mentionne pas le recueil de l’avis du ministère public, les demandeurs produisent l’ordonnance de rectification d’erreur matérielle rendue par le tribunal de Bir Mourad Raïs le 10 mai 2018, qui rappelle qu’il faut désormais lire s’agissant de l’ordonnance de la [J] prononcée le 11 mars 2014 sous le numéro 1497/14 « qu’après consultation de l’avis de Monsieur le Procureur et représentant du Ministère public, celui-ci a demandé l’application de la loi ». Au surplus les demandeurs versent aux débats une attestation du procureur de la République de Bir Mourad Raïs datée du 14 avril 2022, confirmant avoir vérifié le dossier de prise en charge [J] déposé par les époux [O]. Il est donc établi que le procureur de la République a été consulté au sujet de cette [J] et qu’il a sollicité l’application de la loi, de sorte que le principe du contradictoire a à ce titre été pleinement respecté et la régularité internationale de la décision de [J] ne peut être contestée pour ce motif.

S’agissant des conditions de recueil de l’enfant depuis plus de trois ans, par des ressortissants français, dès lors que l’ordonnance de [J] du 11 mars 2014 est opposable en France, la condition de délai requise par l’article 21 -12 du code civil est remplie.
Par ailleurs il doit être considéré que la délibération du conseil de famille confiant l’enfant à ses tuteurs est une décision de nature judiciaire, pour laquelle le juge des tutelles a voix délibérative s’agissant notamment l’hypothèque légale du mineur, étant rappelé qu’une première délibération du conseil de famille est consignée dans un procès-verbal signé par le juge des tutelles et le greffe, cette décision étant revêtue de l’exécution provisoire et susceptible d’appel, ainsi qu’en dispose l’article 1239 du code de procédure civile.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que [Z] [D] a été recueilli pendant trois ans au moins sur le fondement d’une décision de justice, et que dès lors les époux [O] sont fondés à solliciter la délivrance d’un certificat de nationalité française au visa de l’article 21-12 du code civil pour l’enfant [Z] [D] [O].

Sur les mesures de fin de jugement
 
Le procureur de la République succombe à l’instance de sorte que le Trésor public sera condamné aux dépens. S’agissant de la demande au titre des frais irrépétibles, les époux [O] en seront déboutés, le refus initial de transcription étant motivé par les erreurs matérielles ayant affecté le jugement de [J] et le jugement de transcription du nom. 
 
Enfin, sur l’exécution provisoire, si elle est en principe de droit pour les décisions de première instance il convient en l'espèce de l'écarter, apparaissant incompatible avec une matière relative à l'état des personnes, en ce qu'elle risque d'engendrer des conséquences difficilement réparables en cas de modification de la décision en appel.
                                                                                                                                     
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

DIT que [Z] [D] [O] né le 31 décembre 2013 à [Localité 2] (Algérie) est de nationalité française ;

ORDONNE la délivrance d’un certificat de nationalité française à [Z] [D] [O] ;  

ORDONNE la mention du jugement en marge de l’acte de naissance de l’intéressé en application de l’article 28 du code civil ; 

CONDAMNE le Trésor public aux entiers dépens ; 

ÉCARTE l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

Mélanie MARTINMarie-Caroline PASQUIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 8eme chambre
Numéro d'arrêt : 20/03404
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;20.03404 ?
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