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16/05/2024 | FRANCE | N°20/03386

France | France, Tribunal judiciaire de Nantes, 4ème chambre, 16 mai 2024, 20/03386


SG




LE 16 MAI 2024

Minute n°


N° RG 20/03386 - N° Portalis DBYS-W-B7E-KYFO





SCI DE L’ECARTERIE

C/

Société LAFARGEHOLCIM GRANULATS





Autres demandes en matière de baux commerciaux





1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL - 22A
la SELARL LIGERA 1 - 58
Me Paul YON - C 347




délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
---------------------------------------------------


QUATRIEME CHAMBRE



JUGEMENT
du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président :Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur :Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur :Laëtitia FENAR...

SG

LE 16 MAI 2024

Minute n°

N° RG 20/03386 - N° Portalis DBYS-W-B7E-KYFO

SCI DE L’ECARTERIE

C/

Société LAFARGEHOLCIM GRANULATS

Autres demandes en matière de baux commerciaux

1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL - 22A
la SELARL LIGERA 1 - 58
Me Paul YON - C 347

délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
---------------------------------------------------

QUATRIEME CHAMBRE

JUGEMENT
du SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président :Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur :Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur :Laëtitia FENART, Vice-Présidente,

GREFFIER : Sandrine GASNIER

Débats à l’audience publique du 12 MARS 2024 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 16 MAI 2024.

Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.

---------------

ENTRE :

SCI DE L’ECARTERIE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
Rep/assistant : Maître Nicolas DE LA TASTE de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocats au barreau de NANTES
Rep/assistant : Me Paul YON, avocat au barreau de PARIS

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

Société LAFARGEHOLCIM GRANULATS, dont le siège social est sis [Adresse 1]
Rep/assistant : Maître François BOUYER de la SELARL LIGERA 1, avocats au barreau de NANTES

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de fortage signé le 02 août 1988, enregistré le 15 septembre 1988, Monsieur [W] [I] a confié à la société CARRIERES DES [Adresse 8], le droit d’extraire des matériaux dans la carrière du [Adresse 8] sur la Commune de [Localité 3] (44).
Par arrêté préfectoral du 20 novembre 2006, la société CARRIERES DES [Adresse 8] avait obtenu une nouvelle autorisation d’exploitation et de remblaiement de la carrière, jusqu’en novembre 2026. Cet arrêté a été complété par un arrêté du 27 avril 2018.
Par actes du 21 juin 2018, la SCI DE L’ECARTERIE venant aux droits de Monsieur [W] [I] et la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS, venant aux droits de la société CARRIERES DES [Adresse 8], ont conclu un avenant au contrat de fortage et un bail commercial.
La société LAFARGEHOLCIM GRANULATS a commencé le remblaiement en juin 2018.
Suite à un éboulement dans la zone de remblaiement de la carrière, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) des Pays de la Loire, a pris une décision d’arrêt temporaire d’activité, le 15 juillet 2019.
Par exploit en date du 10 août 2020, la SCI DE L’ECARTERIE venant aux droits de Monsieur [W] [I] a fait assigner, devant le tribunal judiciaire de NANTES, la SASU LAFARGEHOLCIM GRANULATS, venant aux droits de la société CARRIERES DES [Adresse 8], aux fins de résolution de l’avenant du 20 juin 2018 et du bail commercial conclu à cette même date et au paiement d’une somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts.
La SASU LAFARGEHOLCIM GRANULATS est devenue la SAS LAFARGE GRANULATS à compter du 1er janvier 2022.
Par dernières conclusions du 06 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI DE L’ECARTERIE venant aux droits de Monsieur [W] [I] a sollicité du tribunal, au visa de l’article 1217, des articles 1186 et 1187 nouveaux du code civil, des articles 1183, 1184 et 1234 anciens du code civil, de l’article 514-1 du code de procédure civile, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
A titre liminaire :
- Déclarer les demandes de la SCI DE L’ECARTERIE recevables ;
A titre principal :
- Dire et juger que la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS ne s’est pas mise en conformité avec l’arrêté du 15 juillet 2019 du Préfet de LOIRE-ATLANTIQUE ;
- Dire et juger que la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS n’a donc pas repris les travaux de remblaiement de la Carrière des [Adresse 8] ;
- Dire et juger que la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS a commis une faute à l’égard de la SCI DE L’ECARTERIE ;
- Prononcer la résolution de l’avenant du 20 juin 2018 ;
- Prononcer la résolution du bail commercial du 20 juin 2018 ;
- Prononcer la caducité du bail commercial du 20 juin 2018 ;
- Condamner la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS à payer la somme de 200.000 € à la SCI DE L’ECARTERIE à titre de dommages-intérêts ;
En tout état de cause :
- Condamner la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS à verser à la SCI DE L’ECARTERIE la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS au paiement des entiers de l’instance, dont distraction au profit de Maître Nicolas de LA TASTE, avocat au Barreau de NANTES, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
- Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
A l’appui de ses conclusions, la SCI DE L’ECARTERIE venant aux droits de Monsieur [W] [I] fait valoir l’application des articles du code civil issus de la réforme du 10 février 2016, comme des anciens textes, en matière de résolution.
Elle conteste l’existence d’une clause de conciliation préalable, considérant que la clause invoquée par la défenderesse, insérée dans l’avenant comme dans le bail initial, n’est qu’une invitation à procéder à une conciliation préalable pas une obligation conditionnant la recevabilité de l’action en justice.
Sur la résolution de l’avenant au contrat de fortage, la SCI DE L’ECARTERIE fait valoir la décision préfectorale d’arrêt temporaire d’activité, fondée sur la non-conformité de la situation du travail avec le règlement applicable selon un mode opératoire sécurisé pour les travailleurs, pour justifier l’application de la clause résolutoire fondée sur un arrêt définitif ou temporaire d’exploitation. Elle se fonde sur cette clause pour solliciter la résolution de l’avenant au contrat de fortage du 20 juin 2018.
Concernant le bail commercial, la SCI DE L’ECARTERIE fait valoir que dans la mesure où l’avenant au contrat de fortage est résolu, le bail n’a plus aucun objet car le preneur ne pourra plus exercer son activité.

Sur la demande d’indemnisation, la demanderesse indique qu’en ne se conformant pas à l’arrêté préfectoral du 15 juillet 2019, la société LAFARGEHOLCIM GRANULATS a laissé la situation s’aggraver, la privant de toute source de revenus, pour un montant de 200.000 euros.

Par dernières conclusions du 18 janvier 2023, la SAS LAFARGE GRANULATS, venant aux droits de la société CARRIERES DES [Adresse 8], a sollicité du tribunal, au visa des articles 1134 et 1142 anciens du code civil, de :
- Débouter la SCI DE L’ECARTERIE de l’intégralité de ses demandes et prétentions;
- Déclarer la SCI DE L’ECARTERIE mal-fondée ;
- Ecarter, s’il y avait lieu, l’exécution provisoire, non compatible avec la nature de l’affaire ;
- Condamner la SCI DE L’ECARTERIE à verser à la société LAFARGE GRANULATS la somme de 2 000 euros, sauf à parfaire, au titre de l’inexécution de la clause de conciliation préalable prévue au titre X de l’avenant du 7 juin 2004 ;
- Condamner la SCI DE L’ECARTERIE à verser à la société LAFARGE GRANULATS la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SCI DE L’ECARTERIE en tous les dépens dont distraction au profit de Maître BOUYER, Avocat.
A l’appui de ses conclusions, la SASU LAFARGEHOLCIM GRANULATS, venant aux droits de la société CARRIERES DES [Adresse 8], conteste la demande de résolution de l’avenant au contrat de fortage, dès lors que l’arrêté préfectoral du 15 juillet 2019 est intervenu suite à un éboulement dans la zone de remblaiement et que la reprise des activités de remblaiement était subordonnée à la délivrance par l’inspection du travail, d’une autorisation expresse. Elle souligne avoir tout mis en œuvre pour permettre une reprise de l’activité dans les meilleurs délais, en faisant notamment appel à un bureau d’études, pour mener un diagnostic géologique et géotechnique et faire des propositions de mesures pour permettre une reprise sécurisée du remblaiement. C’est sur la base de cette étude, qu’elle a déposé un dossier de porter à connaissance visant la mise en place d’une sauterelle jetant les remblais dans la fosse, qui a donné lieu à un arrêté préfectoral complémentaire du 23 février 2022 sur les conditions de modifications d’exploitation, préalable nécessaire à l’autorisation de reprise de l’activité par l’inspection du travail.
En outre, la défenderesse souligne que la clause résolutoire invoquée vise l’arrêt des activités « sauf par perte ou suspension de l’arrêté préfectoral autorisant les activités » et que l’arrêt de l’activité lui a été imposée par l’autorité administrative.
S’agissant de la demande de résolution du bail commercial, la défenderesse considère qu’elle n’est pas davantage fondée, dès lors qu’aucun grief et aucun manquement n’est formulé à son encontre et qu’il n’existe aucun lien entre le contrat de fortage et le contrat de bail, dès lors que le preneur exerce d’autres activités que celle d’extraction ou de remblaiement, sur le site loué, et qu’il l’a également sous-loué.
Sur le non-respect de la clause de conciliation préalable, si le non-respect de cette clause n’est pas une cause d’irrecevabilité, le fait de n’avoir pas tenté de conciliation est un manquement à une obligation de faire dont la méconnaissance ouvre droit à réparation, au titre du préjudice moral subi.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a eu lieu le 11 janvier 2024 et l’audience des plaidoiries est intervenue le 12 mars 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé que conformément à l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. A ce titre, le juge ne tranche que les prétentions qui lui sont soumises, il n’y a dès lors pas lieu de répondre aux demandes de constat, de « donner acte » ou de « dire et juger ».

L’article 12 prévoit notamment que “le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.”

Il convient également de rappeler les dispositions de l’article 768 du même code (anciennement 753) qui prévoit que “ les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte.
Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.” (Souligné par le tribunal).

C’est donc en considération de ces principes qu’il convient d’examiner le litige. Il apparaît ainsi que dans les dernières conclusions de la SASU LAFARGEHOLCIM GRANULATS, venant aux droits de la société CARRIERES DES [Adresse 8], n’a pas fait valoir la clause de préalable conciliation, à titre de fin de non-recevoir, mais comme une obligation contractuelle dont la méconnaissance justifierait une indemnisation des préjudices liés.

Sur la résolution de l’avenant au contrat de fortage
Selon l’article 9, alinéa 1er, de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, « les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016 », conformément à l’article 2 du code civil. S’agissant des avenants conclus après le 1er octobre 2016, les effets de l’avenant sont soumis à la loi nouvelle, alors que les effets non modifiés du contrat initial restent soumis à la loi ancienne.
Selon l’ancien article 1184 du code civil, applicable avant l’entrée en vigueur de la réforme du 10 février 2016, « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »
L’article 1217 du code civil applicable aux contrats conclus après l’entrée en vigueur de la réforme du 10 février 2016, dispose que « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ».
Selon l’article 1224, « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »
L’article 1225 prévoit que « La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »
L’article 1103 du code civil (ancien article 1134 alinéa 1er) dispose que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
L’article 1104 du même code (ancien article 1134 alinéa 3) prévoit que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public. »
Selon acte sous-seing privé du 02 août 1988, enregistré le 15 septembre 1988, Monsieur [W] [I], aux droits duquel intervient la SCI DE L’ECARTERIE, a conclu un contrat de fortage avec la SCI CARRIERE DES [Adresse 8], aux droits de laquelle est intervenue la SAS LAFARGE GRANULATS OUEST, devenue LAFARGE GRANULATS France puis la SASU LAFARGEHOLCIM GRANULATS et désormais LAFARGE GRANULATS (pièce n°14 défendeur), au lieu-dit « les [Adresse 8] » à [Localité 3]. Ce contrat a fait l’objet de deux avenants le 25 juillet 1990 et le 1er septembre 2000.
Par avenant du 07 juin 2004, les parties ont prévu la possibilité pour l’exploitant de procéder au remblaiement des excavations, dans l’hypothèse où les granulats ne seraient plus techniquement et économiquement exploitables, pour la carrière es [Adresse 8], celle de [Adresse 7] à [Localité 5] et celle de [Adresse 4] à [Localité 9]/ [Localité 6].
Par arrêté du 29 novembre 2006, l’exploitant a été autorisé à procéder au remblaiement de la carrière des [Adresse 8], les travaux d’extraction de la carrière ayant pris fin en juin 2017.
Un arrêté préfectoral du 31 octobre 2007 a transféré l’autorisation d’exploitation du 29 novembre 2006 à la société LAFARGE GRANULATS OUEST et l’arrêté du 18 août 2014 à la société LAFARGE GRANULATS France.
Un arrêté préfectoral du 27 avril 2018 a modifié les conditions de mise en place des remblais au sein de l’excavation (pièce n°1 demandeur).
Un nouvel avenant a été conclu le 21 juin 2018 entre la SCI DE L’ECARTERIE et la SAS LAFARGEHOLCIM GRANULATS, visant à exclure plusieurs parcelles du contrat de fortage relatif à la carrière des [Adresse 8] et à modifier les conditions de remblaiement (pièce n°2 défendeur).

Selon l’article 4 de cet avenant au contrat de fortage :
« L’Exploitant s’engage à commencer et à continuer sans s’arrêter, sauf par perte ou suspension de l’arrêté préfectoral autorisant les activités, le remblaiement de l’excavation au plus tard dans les douze mois de la réception de l’arrêté préfectoral. Au cas où cet engagement ne serait pas respecté, le présent contrat sera résilié de plein droit, sans indemnité de part et d’autre » (pièces n°2 demandeur et n° 10 du défendeur).
La clause résolutoire ainsi invoquée par la SCI DE L’ECARTERIE prévoit que le contrat de fortage conclu entre les parties est résilié de « plein droit, sans indemnité de part et d’autre », si l’exploitant n’a pas commencé ou a cessé son activité de remblaiement de l’excavation. Toutefois, cette stipulation précise que la clause s’appliquera sauf si le remblaiement a cessé « par perte ou suspension de l’arrêté préfectoral autorisant les activités ».
Suite à un effondrement survenu le 21 juin 2019, dans la zone de remblaiement, le préfet de la Loire-Atlantique a décidé de l’arrêt temporaire de l’activité conformément aux articles L4731-1 et R4731-1 et suivants du code du travail, le 15 juillet 2019 (pièce n°12 du défendeur). La reprise de l’activité étant conditionnée à une nouvelle autorisation préfectorale, dépendante de la mise en sécurité des lieux pour les salariés. Le remblaiement a ainsi cessé du fait de la suspension de l’arrêté préfectoral autorisant les activités.
La SAS LAFARGEHOLCIM GRANULATS justifie avoir fait intervenir un bureau d’étude (GEOLITHE) pour réaliser un diagnostic géologique et géotechnique de l’effondrement et de l’éperon rocheux en mars 2020, afin de permettre la reprise de l’activité de remblaiement. Sur la base de ce diagnostic, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) a missionné le bureau de recherche géologiques et minières (BRGM) pour émettre une expertise et des recommandations. L’exploitant a, sur la base de ces éléments, déposé une demande de modification des conditions d’exploitation de la phase de remblaiement par la mise en place d’une sauterelle, le 03 mai 2021, complétée le 22 novembre 2021 (pièces 13 à 15 défendeur). Par arrêté préfectoral du 23 février 2022, les nouvelles conditions d’exploitation ont été autorisées permettant à l’exploitant de solliciter de l’inspection du travail qu’elle donne son accord pour une reprise du travail (pièce n°16).
Il est regrettable que la SAS LAFARGE GRANULATS ne produise pas les échanges avec l’inspection du travail et l’autorisation de reprise d’activité. Toutefois, les éléments précédemment évoqués démontrent que la suspension de l’activité de remblaiement était liée à l’arrêté ayant suspendu cette activité le 15 juillet 2019, pour des raisons de sécurité au travail, suite à l’éboulement survenu le 21 juin 2019. L’exploitation a ainsi cessé du fait d’une suspension administrative des activités, qui n’est pas le fait de l’exploitant.
La SCI DE L’ECARTERIE ne démontre pas que l’activité de remblaiement a dû s’arrêter et n’a pas été reprise du fait de manquements imputables à l’exploitant. Elle ne ramène pas la preuve que les conditions de la clause résolutoire invoquée sont réunies.
Il convient de débouter la SCI DE L’ECARTERIE de ses demandes.
Sur la résolution du bail commercial conclu le 20 juin 2018
Selon l’article 1186 du code civil, « Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. »
L’article 1187 du même code prévoit que « la caducité met fin au contrat.
Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. »
La SCI DE L’ECARTERIE fait valoir les articles 1186 et 1187 du code civil relatifs à la caducité pour justifier de l’anéantissement du bail commercial conclu entre les parties, le 20 juin 2018, du fait de la résolution de l’avenant au contrat de fortage signé le 21 juin 2018. Dans la mesure où la clause résolutoire dudit avenant n’a pas été considérée comme acquise, la caducité invoquée n’est, en tout état de cause, pas fondée.
Il convient de débouter la SCI DE L’ECARTERIE de sa demande de résolution du bail commercial du 20 juin 2018.

Sur le non-respect de la clause de conciliation préalable

La SAS LAFARGE GRANULATS sollicite l’indemnisation du préjudice subi du fait du non-respect de la clause de conciliation préalable insérée dans l’avenant du 07 juin 2004.

Ainsi que la Cour d’appel de Rennes l’a indiqué dans son arrêt du 10 mars 2021, cette clause qui prévoit que « les parties d’efforceront de régler entre elles, de bonne foi et à l’amiable, tout litige qui surviendrait dans l’interprétation ou l’exécution des présents accords », ne constitue pas une cause d’irrecevabilité.

La SAS LAFARGE GRANULATS soutient qu’il s’agit d’une obligation de faire, qui n’a pas été respectée par la SCI DE L’ECARTERIE, qui l’a assigné le 10 août 2020, sans mise en demeure préalable. Elle prétend avoir ainsi subi un préjudice moral, à hauteur de 2000 euros, dont elle ne démontre ni la réalité, ni l’ampleur.

La demande formée par la SAS LAFARGE GRANULATS d’indemnisation d’un préjudice moral en lien avec la méconnaissance de la clause invitant les parties à régler leur litige à l’amiable est rejetée.

Sur les autres demandes

La SCI DE L’ECARTERIE, qui succombe à titre principal, est condamnée aux entiers dépens et à verser la somme de 2000 euros à la SAS LAFARGE GRANULATS, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
Il résulte de l’article 514 du code de procédure civile, que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au Greffe, contradictoire et en premier ressort,
REJETTE les demandes la SCI DE L’ECARTERIE fondées sur la clause résolutoire insérée dans l’avenant au contrat de fortage conclu le 21 juin 2018 avec la SAS LAFARGE GRANULATS ;
REJETTE la demande formée par la SCI DE L’ECARTERIE de résolution du bail commercial conclu le 20 juin 2018 avec la SAS LAFARGE GRANULATS ;
REJETTE la demande formée par la SAS LAFARGE GRANULATS d’indemnisation d’un préjudice moral en lien avec la méconnaissance de la clause invitant les parties à régler leur litige à l’amiable ;

CONDAMNE la SCI DE L’ECARTERIE aux entiers dépens;

CONDAMNE la SCI DE L’ECARTERIE à verser la somme de 2000 euros à la SAS LAFARGE GRANULATS, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandrine GASNIER Stéphanie LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/03386
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;20.03386 ?
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