TRIBUNAL JUDICIAIRE
de MEAUX
Pôle Social
Date : 02 septembre 2024
Affaire :N° RG 22/00673 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC35U
N° de minute : 24/00522
RECOURS N° :
Le
Notification :
Le
A
1 CCC aux parties
1 CCC à Me MEURIN
JUGEMENT RENDU LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [I] [K] épouse [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par MaîtreVéronique MEURIN, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant, substitué par Maître Fanny MARNEAU, avocat au barreau de MEAUX
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ET MARNE
[Localité 3]
Représentée par Madame [L] [U], agent audiencier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE L’AUDIENCE
Présidente : Madame Murielle PITON, Juge
Assesseur : Madame Cristina CARRONDO,
Assesseur : Monsieur Didier AOUIZERATE,
Greffier : Madame Emilie NO-NEY lors des débats, et Madame Diara DIEME, adjointe administrative faisant fonction de greffier, lors du délibéré
DÉBATS
A l'audience publique du 10 juin 2024.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 12 novembre 2021, Madame [I] [K] épouse [G], exerçant la profession d'agent de production, a effectué une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour la pathologie suivante : "tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ", inscrite au tableau n° 57.
Par courrier daté du 21 mars 2022, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne (ci-après, la Caisse) a informé Madame [I] [K] épouse [G] que son dossier allait être transmis à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Par courrier du 29 juin 2022, la Caisse a notifié à Madame [I] [K] épouse [G] d'un refus de prise en charge de sa pathologie, après avis défavorable du CRRMP, celui-ci ayant considéré qu'elle ne présentait pas de lien direct établi avec son travail.
Par courrier daté du 25 août 2022, Madame [I] [K] épouse [G], par l'intermédiaire de son conseil, a saisi la Commission de recours amiable en contestation de cette décision.
Puis, par requête déposée à l'accueil du tribunal le 23 novembre 2022, Madame [I] [K] épouse [G] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Meaux en contestation de la décision de la Commission de recours amiable ayant implicitement rejeté sa demande.
L'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2023.
Par jugement mixte rendu le 02 mai 2023, le tribunal a notamment :
- Débouté Madame [I] [K] épouse [G] de sa demande au titre du bénéfice de la reconnaissance de plein droit du caractère professionnel de la maladie du fait de l'irrespect de l'article R.461-9 du code de la sécurité sociale ;
Et, avant-dire droit,
- Ordonné la saisine du CRRMP des Hauts-de-France aux fins qu'il donne son avis sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle de Madame [I] [K] épouse [G] ;
- Sursis à statuer sur les autres demandes dans l'avis du CRRMP ;
- Réservé les dépens.
Le 07 septembre 2023, le CRRMP des Hauts-de-France a émis un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, au motif que : " A la lecture attentive des pièces médicales et administratives du dossier, les pièces complémentaires fournies à l'appui du recours rapportent dans les pièces 4 et 6 une pathogénèse de l'atteinte qui conforte la décision du CRRMP précédent.
Au total, en l'absence de données de latéralité dominante de l'assurée, ainsi que de la caractérisation de l'activité sur l'année précédant la survenue de la pathologie, il ne peut être retenu de lien direct entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle. "
L'affaire a été rappelée à l'audience du 12 février 2024 et renvoyée à celle du 10 juin 2024, au cours de laquelle Madame [I] [K] épouse [G] et la Caisse étaient toutes deux représentées.
Au terme de ses conclusions n°2, soutenues oralement, Madame [I] [K] épouse [G], par l'intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de :
À titre principal,
- Annuler les décisions de la Caisse du 29 juin 2022 et de la Commission de recours amiable du 25 octobre 2022 refusant la reconnaissance de sa pathologie en maladie professionnelle ;
- Déclarer que la Caisse n'a ni statué ni informé l'assurée de la saisine d'un CRRMP dans les 120 jours de sa saisine ;
En conséquence,
- Reconnaître le caractère professionnel de sa maladie ;
À titre subsidiaire,
- Reconnaître l'origine professionnelle de l'affection déclarée ;
- Ordonner la prise en charge par la Caisse de la pathologie qu'elle a déclarée à titre de maladie professionnelle hors tableau ;
À titre infiniment subsidiaire,
- Ordonner une expertise médicale confiée à un expert judiciaire inscrit près la Cour d'appel de Paris, avec pour mission […] ;
En tout état de cause,
- Renvoyer son dossier devant la Caisse pour la liquidation de ses droits ;
- Condamner la Caisse à la somme de 1 200 € au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la Caisse aux entiers dépens.
Elle produit plusieurs documents médicaux à l'appui de ses prétentions.
En défense, la Caisse, par la voix de son agent audiencier, sollicite oralement l'entérinement de l'avis du CRRMP des Hauts-de-France et le débouté de l'ensemble des prétentions adverses.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
À l'issue des débats, les parties ont été avisées que l'affaire était mise en délibéré au 23 septembre 2024, avancé au 02 septembre 2024, date du présent jugement.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au tribunal de confirmer ou d'annuler la décision de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance maladie alors que, si l'article du R.142-1-A-III code de la sécurité sociale subordonne la saisine du pôle social du tribunal à la mise en œuvre préalable d'un recours non contentieux devant la Commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur la validité de la décision de cette commission qui revêt un caractère administratif.
Sur le moyen tiré de l'irrespect du délai d'étude :
En application de l'article 1355 du code civil, il y a autorité de la chose jugée à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la chose demandée est la même, que la demande est fondée sur la même cause, et que la demande concerne les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
En l'espèce, Madame [I] [K] épouse [G] soutient que la Caisse n'a pas respecté le délai d'étude de 120 jours prévu par les articles R.461-9 et R.441-18 du code de la sécurité sociale, imposant qu'elle bénéficie d'une reconnaissance de plein droit du caractère professionnel de sa maladie.
Il ressort toutefois des débats que Madame [I] [K] épouse [G] a déjà soulevé ce moyen au cours du présent litige et que le jugement rendu le 02 mai 2023 en premier ressort l'a déboutée de sa demande de reconnaissance de plein droit du caractère professionnel de sa maladie du fait de l'irrespect de l'article R.461-9 du code de la sécurité sociale.
Ce moyen ne saurait donc être soutenu, dès lors qu'il a déjà été tranché par jugement du 02 mai 2023, lequel n'a fait l'objet d'aucun appel et a ainsi acquis force de chose jugée.
Il s'ensuit que la demande de reconnaissance de plein droit du caractère professionnel de la maladie de Madame [I] [K] épouse [G] du fait de l'irrespect de l'article R.461-9 est irrecevable.
Sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle :
L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dispose que " les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;
3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ".
En application de l'article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie relevant d'un des tableaux annexés à la partie réglementaire du code de la sécurité sociale dont l'une ou plusieurs conditions ne sont pas remplies, il incombe au tribunal de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse. Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches.
En l'espèce, le 12 novembre 2021, Madame [I] [K] épouse [G], exerçant la profession d'agent de production, a effectué une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour la pathologie " tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ".
Cette maladie figure au tableau n° 57 A des maladies professionnelles, lequel prévoit, au titre de la liste limitative des travaux susceptibles de la provoquer, les " travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé ".
La Caisse estimant que Madame [I] [K] épouse [G] n'avait pas effectué les travaux limitativement mentionnés au tableau n°57, a transmis son dossier au CRRMP de la région Ile-de-France, lequel a émis, le 27 juin 2022, un avis défavorable, au motif que : " L'analyse du poste de travail, des tâches et des mouvements effectués au cours de celui-ci tels que décrits par l'enquête administrative ne permet pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical initial du 09/11/2021. "
Sur saisine du tribunal, le CRRMP des Hauts-de-France a également émis, le 07 septembre 2023, un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, au motif que : " A la lecture attentive des pièces médicales et administratives du dossier, les pièces complémentaires fournies à l'appui du recours rapportent dans les pièces 4 et 6 une pathogénèse de l'atteinte qui conforte la décision du CRRMP précédent.
Au total, en l'absence de données de latéralité dominante de l'assurée, ainsi que de la caractérisation de l'activité sur l'année précédant la survenue de la pathologie, il ne peut être retenu de lien direct entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle. "
Si, en tout état de cause, le tribunal n'est pas lié par l'avis des CRRMP, il appartient au requérant de rapporter la preuve du lien direct qu'il invoque entre sa pathologie et son travail. Or, en l'espèce, Madame [I] [K] épouse [G] n'apporte pas d'éléments nouveaux permettant de passer outre les deux avis défavorables des CRRMP.
En effet, les différents documents médicaux, ainsi que la décision de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), qu'elle verse aux débats, attestent tous de l'existence de la maladie qu'elle a déclarée, laquelle n'est au demeurant pas contestée, mais ne permettent aucunement d'établir un lien direct et certain entre cette pathologie et son activité professionnelle d'agent de production.
En outre, si la requérante allègue d'un défaut de motivation du CRRMP de la région Ile-de-France, force est cependant de constater que pour rendre son avis, le comité a pris connaissance de sa demande motivée accompagnée du certificat établi par son médecin traitant, ainsi que de l'enquête et du rapport du contrôle médical tous deux réalisés par la Caisse. D'ailleurs, le CRRMP des Hauts-de-France, désigné à sa suite, a également émis un avis défavorable à sa demande de prise en charge, après lecture non seulement des documents susvisés, mais aussi de l'avis motivé du médecin du travail et du rapport circonstancié de l'employeur. À cet égard, il a considéré que les pièces complémentaires fournies par Madame [I] [K] épouse [G] à l'appui de sa demande confortaient l'avis du premier CRRMP.
Dans ces circonstances, il ne saurait être soutenu que l'avis des deux CRRMP ne seraient pas motivés.
Par suite, à défaut pour Madame [I] [K] épouse [G] d'apporter de nouveaux éléments qui remettraient en cause les avis des deux CRRMP précédemment rendus et qui attesteraient d'un commencement de preuve d'un lien direct et certain entre son activité d'agent de production et sa maladie déclarée, il y a lieu de débouter la requérante, tant de sa demande de prise en charge de sa pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels, que de sa demande subsidiaire d'expertise.
Sur les frais irrépétibles :
L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce, l'équité et les situations économiques respectives des parties commandent qu'aucune condamnation ne soit prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [I] [K] épouse [G] sera donc déboutée de cette demande.
Sur les dépens :
Succombant à l'instance, Madame [I] [K] épouse [G] sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile applicable, en vertu du paragraphe II de l'article R.142-1-A du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire de Meaux, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort,
DÉCLARE irrecevable la demande de Madame [I] [K] épouse [G] de reconnaissance de plein droit du caractère professionnel de sa maladie du fait de l'irrespect de l'article R.461-9 du code de la sécurité sociale pour autorité de la chose jugée ;
DÉBOUTE Madame [I] [K] épouse [G] de l'ensemble de ses demandes ;
DÉBOUTE Madame [I] [K] épouse [G] de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [I] [K] épouse [G] aux entiers dépens ;
RAPPELLE que ce jugement est susceptible d'appel dans le délai d'un mois à compter de sa notification aux parties.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 02 septembre 2024, et signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Diara DIEME Murielle PITON