- N° RG 24/00640 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDNHT
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Minute n°24/705
N° RG 24/00640 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDNHT
le
CCC : dossier
FE :
-Me BOURGEONNEAU
-Me MOREAU DIDIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [X] [Y]
[Adresse 1]
représentée par Me Anne BOURGEONNEAU, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante
DEFENDEURS
Monsieur [N] [H]
Madame [M] [C] épouse [H]
[Adresse 2]
représentés par Maître Caroline MOREAU DIDIER de la SELEURL MOREAU DIDIER, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Mme BASCIAK, Juge
Greffière lors des débats : Mme CAMARO et Greffière lors du délibéré : Mme BOUBEKER
Jugement rédigé par : Mme VISBECQ, Juge
DEBATS
A l'audience publique du 04 Juillet 2024, tenue en rapporteur à deux juges: M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 26 Août 2024.
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme VISBECQ, assesseur, ayant signé la minute pour M.BOURDEAU, Président régulièrement empêché avec Mme BOUBEKER, Greffière
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 9 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Meaux a :
- condamné Madame [X] [Y] à payer à Madame [M] [H] et Monsieur [N] [H] une somme de 4000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage causé par Madame [X] [Y],
- débouté Madame [M] [H] et Monsieur [N] [H] du surplus de leurs demandes à ce titre, incluant les demandes de remise en état sous astreinte,
- condamné Madame [X] [Y] à payer à Madame [M] [H] et Monsieur [N] [H] une somme de 5000 euros en réparation de leur préjudice moral, en raison du caractère abusif de la résistance opposée par Madame [X] [Y],
- débouté Madame [X] [Y] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts fondée sur le caractère abusif de la procédure,
- condamné Madame [X] [Y] aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire,
- accordé à Maître Caroline MOREAU le bénéfice de distraction,
- condamné Madame [X] [Y] à payer à Madame [M] [H] et Monsieur [N] [H] une somme de 5000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, incluant les frais d’expertise technique,
- débouté les parties de toutes autres demandes.
Le 1er février 2024, Madame [X] [Y] a déposé au greffe du tribunal judiciaire de Meaux une requête aux fins de :
- retrancher sur le fondement des articles 5, 463 et 464 du code de procédure civile tant des motifs que du dispositif du jugement rendu 9 novembre 2023, les dispositions relatives à sa condamnation au paiement de la somme de 3000 euros à titre d'indemnisation du préjudice de jouissance consécutif aux infiltrations d'eau,
- limiter les effets de la décision aux seuls points compris dans les demandes respectives des parties,
- rétablir, si besoin est, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens,
- ordonner qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,
- dire que la décision complémentaire sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision modifiée,
Et le cas échéant,
- fixer les lieux jour et heure où les parties seront appelées pour être entendues sur la présente demande en retranchement,
- dire que les frais et dépens seront à la charge du trésor public.
Au soutien de sa demande, Madame [X] [Y] rappelle qu'aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives du 27 janvier 2023, les époux [H] ont sollicité la condamnation de Madame [X] [Y] au paiement de :
« la somme totale de 109.486,30 euros au titre de dommages et intérêts comprenant les réparations et remise en conformité des désordres et des préjudices subis ventilés de la manière suivante :
Désordre N°1 : constat d'infiltrations d'eau dans le sous-sol et couloir donnant sur la rue de la maison des époux [H]
Phase 1 : 100% de 6.500 € réactualisé au vu de l'indice 4eme trimestre 2022 soit 7. 020, 65 €,
Phase 2 : 100% de 12.500 € réactualisé au vu de l'indice 4eme trimestre 2022 soit 13.501,30 €,
Phase 3 : 100% de 6.500 € réactualisé au vu de l'indice 4eme trimestre 2022 soit 7020.65 €. »
Elle en conclut qu'ils n'ont dès lors demandé aucune somme, dans leurs écritures, en indemnisation d'un préjudice de jouissance consécutif aux infiltrations d'eau.
Or, elle indique que, dans ses motifs, le tribunal a retenu :
« Sur les demandes fondées sur le trouble anormal de voisinage :
(...)
Concernant les infiltrations, l’existence d’un trouble n’est pas discutée par les parties et est constatée par l’expert judiciaire ainsi que par les pièces versées aux débats. Les demandeurs dénaturent cependant les termes du rapport de l’expert judiciaire qui n’a pas établi l’existence de six causes. Ainsi que rappelé supra, il a identifié les causes suivantes : alimentation par la pluie en raison de la pente du terrain ; absence d’étanchéité entre le mur extérieur en sous-sol du n°7 et le sol en place ; étanchéité incomplète dans la jardinière du n°9 contre le mur du n°7 ; absence de drainage en fondation de la maison du n°7. Le tribunal insiste sur le fait que les autres causes ne sont pas établies, l’expert mentionnant des fuites possibles ou des fuites probables. Une décision de condamnation ne saurait être fondée sur des hypothèses.
Il n’est donc susceptible d’être reproché à Madame [Y] que l’étanchéité incomplète de la jardinière. Cette cause est néanmoins mineure : « l’humidité rencontrée dans le couloir du n°7 a pour cause principale l’absence de drainage et l’absence d’isolant entre le sol et les murs enterrés de la maison ». S’agissant de la jardinière, l’expert constate qu’elle est d’une hauteur de 40 cm et dispose d’une nappe à excroissance de protection qui isole la terre du mur mitoyen jusqu’au niveau du sol. Il observe néanmoins que le mur en sous-sol n’a pas été étanché et que le fond de la jardinière est en terre. Aucune évaluation des travaux requis n’est produite. Le tribunal n’est pas saisi d’une demande de démolition ou d’exécution de travaux, en dépit des photographies figurant dans un constat d’huissier démontrant la présence d’arbres en croissance dans ladite jardinière. Dès lors qu’il constate l’existence d’un préjudice non chiffré, le tribunal ne peut donc que le chiffrer d’office à une somme de 3000€.
(...)
S’agissant des « déchets toxiques » sont entreposés dans la cour, le tribunal n’en constate pas la présence. Les diverses photographies prises mettent en évidence la présence de nombreux jouets de plastiques, vélos et cartons dont la présence n’est pas actualisée. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de remise en état sous astreinte. L’état de désordre occasionné est de nature à créer un trouble anormal de voisinage et Madame [Y] ne démontre pas avoir mis en demeure son locataire de faire cesser ce trouble. Une somme de 1000€ sera retenue en réparation de ce trouble.
(…)
Pour l’ensemble de ces motifs, les demandeurs seront déboutés de leurs prétentions consistant à solliciter la remise en état sous astreinte et Madame [Y] sera condamnée à leur payer une somme de 4000€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »
et qu'ainsi, il a accordé plus que ce qui était demandé par les époux [H].
Le 13 février 2024, le greffe a avisé le conseil de Monsieur [N] [H] et Madame [M] [C] épouse [H] de la date à laquelle l'affaire serait appelée.
Par conclusions notifiées par RPVA le 3 juillet 2024, les époux [H] demandent au tribunal de :
- rejeter la requête en retranchement déposée par Madame [X] [Y] à l’encontre du jugement rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal de céans,
- condamner Madame [X] [Y] au paiement de la somme de 2400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappeler que le jugement rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal de céans ainsi que la décision à intervenir sont de droit exécutoires à titre provisoire au sens de l’article 514 du code de procédure civile.
Les époux [H] indiquent qu'ils ont saisi le tribunal en vue de condamner Madame [X] [Y] à leur régler la somme totale de 109 489,30 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le trouble anormal de voisinage et le caractère abusif de la procédure. Ils soutiennent qu'aucune erreur ou omission n'affecte le jugement puisque le tribunal leur a accordé :
- une somme de 4000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage causé par Madame [X] [Y],
- une somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral causé par le caractère abusif de la résistance opposée par Madame [X] [Y].
Ils sollicitent reconventionnellement la condamnation de Madame [X] [Y] à leur régler la somme de 2400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure où ils ont dû diligenter un conseil pour répliquer à l’argumentaire erroné de celle-ci.
Ils demandent en outre de rappeler que le jugement intervenu le 9 novembre 2023 et la décision à intervenir sont de droit exécutoires à titre provisoire conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
L’affaire a été évoquée à l'audience du 4 juillet 2024 et mise en délibéré au 26 août 2024.
MOTIFS
Sur la demande principale en retranchement :
L’article 463 du code de procédure civile dispose que la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.
Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.
La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.
L'article 464 du même code précise que les dispositions de l'article précédent sont applicables si le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé.
En l’espèce, il résulte des conclusions notifiées par RPVA le 27 mars 2023 visées par le jugement du 9 novembre 2023 que les époux [H] ont sollicité, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, des dommages et intérêts comprenant les réparations et remise en conformité des désordres et l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait d'infiltrations d'eau dans le sous-sol et le couloir donnant sur la rue de leur maison :
Phase 1 : 100% de 6.500 € réactualisé au vu de l'indice 4eme trimestre 2022 soit 7.020,65 €,
Phase 2 : 100% de 12.500 € réactualisé au vu de l'indice 4eme trimestre 2022 soit 13.501,30 €,
Phase 3 : 100% de 6.500 € réactualisé au vu de l'indice 4eme trimestre 2022 soit 7020.65 €.
Il résulte des conclusions de l'expertise que l'expert a identifié plusieurs causes aux infiltrations d'eau, dont l'étanchéité incomplète dans la jardinière du n°9 (Madame [Y]) contre le mur du n°7 (les époux [H]).
L'expert précise que les travaux préconisés dans la cour de Madame [Y] pour remédier à l'humidité due aux infiltrations d'eau doivent comprendre trois phases :
- la phase 1 correspondant à la réparation des sources des fuites d'eau : réparation de l'ensemble des réseaux enterrés et suppression de la jardinière construite contre le mur,
- la phase 2 correspondant au traitement par drainage vertical et horizontal des murs extérieurs,
- la phase 3 correspondant à la coupure capillaire pour la lutte contre la remontée capillaire dans les murs : injection de résine dans le mur ou installation d'une centrale d'assèchement. L'expert indique que la dépose de la jardinière est nécessaire avant de réaliser les travaux et que si celle-ci était réinstallée après les travaux, il faudrait étancher le mur selon le DTU 20-1.
Ainsi, la suppression de la jardinière fait partie des travaux à effectuer pour remédier au préjudice causé par l'humidité.
L'expert n'a pas précisé le coût de la démolition et, le cas échéant, de la reconstruction et de l'étanchéité du mur.
Le tribunal a indiqué qu'il n'était pas saisi d'une demande de démolition ou d'exécution de travaux relativement à la jardinière alors qu'il était valablement saisi d'une demande de réparation et remise en conformité des désordres conformément aux préconisations de l'expert au titre des phases 1, 2 et 3 comprenant la démolition de la jardinière. Il convient dès lors de retrancher cette phrase des motifs.
Le tribunal a ensuite précisé qu'il constatait l'existence d'un préjudice non chiffré et a fixé l'indemnisation à la somme de 3000 euros non pas au titre d'un préjudice de jouissance mais du préjudice causé par un trouble anormal de voisinage, au motif que l'étanchéité incomplète de la jardinière est une cause mineure de l'humidité du couloir. Les époux [H] ayant sollicité une somme supérieure au titre des travaux des phases 1 et 3, le tribunal n'a pas statué ultra petita.
En conséquence, la phrase « Le tribunal n'est pas saisi d'une demande de démolition ou d'exécution de travaux, en dépit des photographies figurant dans un constat d'huissier démontrant la présence d'arbres en croissance dans ladite jardinière » sera retranchée des motifs de la décision afin de rétablir le véritable exposé des prétentions des parties. La décision de condamnation sera en revanche maintenue, le tribunal ayant statué sur la demande sans accorder plus que ce qui était demandé en considération des débats et des pièces produites par les parties.
Sur la demande reconventionnelle relative à l'exécution provisoire :
Il résulte de l'article 514 du code de procédure civile que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Ainsi, une décision ne comportant pas de mention contraire est exécutoire à titre provisoire par application de la loi sans qu'il soit nécessaire de le rappeler.
En conséquence, la demande tendant à ce que l'exécution provisoire de droit soit rappelée sera rejetée.
Sur les mesures de fin de jugement :
Les dépens seront mis à la charge du trésor public.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des époux [H] les frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Ils seront déboutés de leur demande en ce sens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire,
Vu le jugement rendu le 9 novembre 2023 par la 1ère chambre du tribunal judiciaire de Meaux ;
Dit qu'il convient de retrancher des motifs du jugement du 9 novembre 2023 susvisé, la phrase « Le tribunal n'est pas saisi d'une demande de démolition ou d'exécution de travaux, en dépit des photographies figurant dans un constat d'huissier démontrant la présence d'arbres en croissance dans ladite jardinière » (page 8) ;
Déboute Monsieur [N] [H] et Madame [M] [C] épouse [H] de leur demande tendant à rappeler que le jugement rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal de céans ainsi que la décision à intervenir sont de droit exécutoires à titre provisoire au sens de l’article 514 du code de procédure civile ;
Laisse les dépens à la charge du trésor public ;
Déboute Monsieur [N] [H] et Madame [M] [C] épouse [H] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT