- N° RG 23/03757 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDFKD
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Minute n°24/704
N° RG 23/03757 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDFKD
Date de l'ordonnance de
clôture : 11 mars 2024
le
CCC : dossier
FE :
-Me NERESTAN (AJ)
-Me VANNIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [L] [F]
[Adresse 1]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003950 du 07/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MEAUX)
représentée par Me Cynthia NERESTAN, avocate au barreau de MEAUX, avocate plaidante
DEFENDEUR
Monsieur [M] [V]
[Adresse 2]
représenté par Maître Henrique VANNIER de la SELARL CHARRETON - VANNIER, avocats au barreau de MELUN, avocats plaidant
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Mme [R] [Z]
[Adresse 2]
représenté par Maître Henrique VANNIER de la SELARL CHARRETON - VANNIER, avocats au barreau de MELUN, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Mme BASCIAK, Juge
Greffière lors des débats : Mme CAMARO et Greffière lors du délibéré : Mme BOUBEKER
Jugement rédigé par : Mme VISBECQ, Juge
DEBATS
A l'audience publique du 04 Juillet 2024, tenue en rapporteur à deux juges: M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 26 Août 2024.
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme VISBECQ, assesseur, ayant signé la minute pour M.BOURDEAU,
Président régulièrement empêché avec Mme BOUBEKER, Greffière
*****************
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS
Madame [L] [F] réside [Adresse 1] à [Localité 4] (77).
Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] sont propriétaires du bien immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 4] (77).
Ces deux propriétés sont contiguës.
Madame [L] [F] se plaint de dommages dus à la plantation par son voisin, Monsieur [M] [V], d'arbres en limite séparative de son fonds.
Faute de solution amiable, Madame [L] [F] a assigné Monsieur [M] [V] par acte délivré le 25 août 2023 devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins de le condamner sous astreinte à mettre un terme au trouble du voisinage dont il est l'auteur en ramenant ses plantations limitrophes à sa propriété à une hauteur n'excédant pas celle imposée par la loi, au besoin en les coupant.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2023, Madame [R] [Z] est intervenue volontairement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2023, Madame [L] [F] demande, au visa des articles 671, 672, 673 et suivants du code civil, au tribunal de :
A titre principal,
- condamner Monsieur [M] [V] à mettre un terme au trouble du voisinage dont il est l’auteur à son égard en ramenant ses plantations limitrophes à sa propriété à une hauteur n’excédant pas celle imposée par la loi, au besoin en les coupant,
- assortir cette condamnation d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
A titre subsidiaire,
- désigner tel expert judiciaire qu’il plaira au tribunal avec mission de :
• se rendre sur place, [Adresse 1],
• se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission,
• relever et décrire les désordres allégués dans l’assignation et affectant l’immeuble litigieux,
• en détailler l’origine, les causes et l’étendue et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer si ces désordres sont imputables à Monsieur [M] [V] et dans quelles proportions,
• donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier telles que proposées par les parties,
• évaluer le coût des travaux utiles à l’aide de devis d’entreprises fournis par les parties,
• donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces et sur leur évaluation,
• fournir, de façon générale, tous éléments techniques ou de faits de nature à permettre à la juridiction, de se prononcer sur les responsabilités encourues par chacun des défendeurs et les préjudices subis par la demanderesse,
• entendre tout sachant,
• en cas d’urgence reconnue par l’expert judiciaire, autoriser les demandeurs à faire exécuter à ses frais avancés pour le compte de qui il appartiendra les travaux estimés indispensables par l’expert judiciaire, sous la direction du maître d’œuvre des demandeurs et par des entreprises de son choix,
• dire qu’en cas de difficultés, il nous en sera référé,
- fixer la provision à valoir sur les frais d’expertise.
En tout état de cause,
- condamner Monsieur [M] [V] à lui régler la somme de 12 140 euros en réparation de son préjudice financier,
- condamner Monsieur [M] [V] à lui régler la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamner Monsieur [M] [V] à lui régler la somme de 1800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, lesquels seront recouvrés par le cabinet Cynthia NERESTAN,
- condamner Monsieur [M] [V] aux dépens,
- rappeler que l’exécution provisoire du jugement à intervenir est de droit.
Au soutien de sa demande principale, Madame [L] [F] expose que ses voisins n'ont pas respecté la distance minimale de deux mètres entre les arbres qu'ils ont plantés en 2016 et 2021 et le mur de séparation entre leur propriété et la sienne prévu par l'article 671 du code civil. Elle soutient qu'ils ne peuvent se prévaloir de l'usage parisien y dérogeant, celui-ci étant applicable uniquement dans les grandes agglomérations et districts urbains et ne concernant pas la Seine et Marne. Elle ajoute, que même si l'usage parisien était applicable, cela ne dispense pas ses voisins de prendre toutes mesures pour faire cesser un trouble anormal de voisinage. Or, elle indique que les feuilles des arbres de ses voisins lui occasionnent des dommages dépassant le cadre normal, en ce qu'elles s'entassent sur le sol de son jardin, qu'elles bouchent ses gouttières et encrassent ses dalles de jardin. Elle ajoute que la proximité des arbres génère de l'humidité sur le mur de séparation qui présente de la mousse en hauteur et sur le mur du pignon de son garage qui verdit. Elle déclare qu'il est incontestable compte tenu de l'absence d'arbre et de végétaux sur sa propriété que les dommages sont causés par les arbres et végétaux des défendeurs.
Concernant ses demandes indemnitaires, elle fait valoir qu'elle est reconnue travailleur handicapé et qu'elle doit régulièrement faire appel à une société pour nettoyer les dégâts occasionnés par les arbres de ses voisins. Elle demande le versement de la somme de 12 140 euros en réparation du préjudice financier correspondant aux factures réglées de 2020 à 2022. Elle sollicite également la somme de 3000 euros au titre de son préjudice moral.
À titre subsidiaire, elle demande au tribunal d'ordonner une expertise judiciaire.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] demandent, au visa des articles 671, 672 et 673 du code civil, au tribunal de :
- à titre principal, débouter Madame [L] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre subsidiaire, débouter Madame [L] [F] de toute demande de réparation du préjudice financier et ramener à de plus justes proportions l'indemnisation au titre du préjudice moral,
- Ã titre reconventionnel,
* condamner Madame [L] [F] au paiement d'une somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral subi par les consorts [V],
* condamner Madame [L] [F] au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner Madame [F] aux entiers dépens,
* dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Henrique VANNIER pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Pour s'opposer à la demande fondée sur l'article 671 du code civil, Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] font valoir qu'un usage parisien exclut toute distance entre un arbre et la limite séparative de propriété compte tenu de l’exiguïté des terrains. Ils précisent que cet usage n'est pas limité à [Localité 5] et s'applique également en région parisienne et notamment à [Localité 4] où ils résident, cette commune étant la deuxième ville de la Seine et Marne en termes de nombre d'habitants et la neuvième en termes de densité de population. Ils précisent en outre que l'[Adresse 3] se situe dans le centre ville de [Localité 4].
Ils contestent en outre être à l'origine d'un trouble anormal de voisinage et énoncent que si leurs arbres plantés ont été plantés en limite de la propriété de Madame [L] [F], ils veillent à leur entretien et prennent toutes mesures pour éviter de causer des dommages à leur voisine. Ils élaguent ainsi chaque année leurs arbres, ont remplacé l'érable par des arbres à feuillage persistant et ont installé un filet de protection de 3,14 mètres de hauteur. Ils ajoutent que les pièces produites par Madame [L] [F] ne peuvent suffire à établir qu'ils sont responsables des dommages qu'elle allègue, les photos n'étant pas datées, le constat de commissaire de justice ne faisant pas état de la présence de feuilles en grande quantité ou de dégâts excessifs. Ils soulignent en outre que de nombreux arbres se situent dans les rues de la commune et qu'un cerisier présent chez un autre voisin est visible sur les photos, pouvant également perdre ses feuilles dans le jardin de la demanderesse.
S'agissant des demandes indemnitaires, ils font remarquer que les factures produites par Madame [L] [F] ont été émises par une société d'aide à la personne et comportent la mention « dépendance fidélité » de sorte qu'il ne peut être démontré que les sommes y figurant ont été dépensées exclusivement pour nettoyer son jardin. Ils ajoutent que le contrat n'a pas été produit malgré une sommation de communiquée du 13 septembre 2023. Ils sollicitent en outre de ramener le préjudice moral à de plus justes proportions.
À titre reconventionnel, ils demandent que Madame [L] [F] soit condamnée à réparer leur préjudice moral. Ils expliquent qu'elle entretient des relations conflictuelles avec eux mais également avec le voisinage. Ils considèrent être importunés depuis plusieurs années et ce malgré leur bonne volonté.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 4 juillet 2024 et mise en délibéré au 26 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le non-respect des limites prévues par les articles 671 et suivants du code civil :
Selon les dispositions de l'article 671 du code civil, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations. Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers.
L'article 672 du code civil permet au voisin d'exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.
L'article 673 du code civil ajoute que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.
Les photos et les procès-verbaux de constat de commissaire de justice produits par les parties établissent que les arbres plantés par Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] sont, pour certains, collés au mur de séparation et pour d'autres situés à l'arrière à au moins 27,6 cm du mur de séparation. L'arbre le plus haut se situe à plus de 6 mètres du mur de séparation, les arbres plantés en limite de propriété sont d'une hauteur comprise entre 2,65 m et 3,65 m. Les deux propriétés disposent d'un jardin de petite taille.
Ainsi, les arbres plantés par Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] ne respectent pas les limites réglementaires évoquées par l'article 671 du code civil.
Toutefois, les dispositions de l'article 671 précité renvoient également aux usages constants reconnus. Or, l'usage en banlieue parisienne, y compris à [Localité 4] (77), tenant à l’exiguïté des terrains permet d'y déroger, de sorte qu'il ne peut être reproché à Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] d'avoir contrevenu à l'article 671 du code civil.
Il convient cependant de s'assurer que les arbres et végétaux ne causent pas de trouble anormal de voisinage et ce, même lorsque les lois, règlements ou usages sont respectés.
Sur le trouble anormal de voisinage :
La théorie des troubles de voisinage, dégagée par la jurisprudence et consacrée par la loi n°2024-346 du 15 avril 2024 modifiant l'article 1253 du code civil, pose le principe selon lequel celui qui cause à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
Il s’agit d’une responsabilité objective qui s’appuie sur la constatation du dépassement d’un seuil de nuisance, indépendant de toute notion de faute, et indépendamment des autres régimes de responsabilité.
Le caractère anormal d’un trouble de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu tout en tenant compte de la perception ou de la tolérance de la personne qui s'en plaint.
Il incombe au demandeur de démontrer l’anormalité du trouble.
En l'espèce, Madame [L] [F] indique qu'elle subit un trouble anormal de voisinage du fait de plantation par son voisin d'arbres en limite séparative de son fonds. Elle précise que ce trouble lui occasionne plusieurs dommages, les feuilles s'entassant au sol, encrassant ses dalles de jardin et bouchant ses gouttières. Elle fait valoir qu'elle est reconnue travailleur handicapé et qu'elle doit dès lors mandater une société pour nettoyer son jardin et ses gouttières.
Elle verse aux débats, notamment :
- des photos de sa propriété et notamment de la limite séparative de son fonds et de celui de Monsieur [M] [V],
- des photos de feuilles de couleur verte, jaune et marron sur ses dalles de jardin,
- des courriers adressés à ses voisins au sujet des arbres,
- le procès-verbal de constat d'échec de la tentative de conciliation du 28 janvier 2021,
- la notification de décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 11 septembre 2019 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé,
- l'attestation d'une société qui intervient chaque année depuis mars 2020 pour débroussailler les arbres du voisin en dépassement chez Madame [L] [F], ramasser les feuilles, nettoyer les dalles et les gouttières ainsi que les factures de cette société pour les années 2020, 2021 et 2022,
- le procès-verbal dans lequel le commissaire de justice constate le 13 novembre 2023 :
* la présence de feuilles en grand nombre au pied du portail mais également dans la cour du pavillon de la requérante,
* la présence d'éléments de taille du laurier dans la gouttière arrière du pavillon et de feuilles de type platane dans la gouttière avant,
* les arbres du voisin dépassent sur l'allée et touchent les fils électriques en aérien,
* le laurier feuille implanté sur l'arrière du pavillon dépasse les 3 mètres,
* l'arbre du voisin au niveau du filet dépasse les 3 mètres,
* le revêtement du garage est verdi en partie basse,
* les végétaux plantés par les voisins sont collés au mur de séparation sur toute la longueur, les arbres à l'arrière sont plantés à 27,6 cm du mur de séparation, entre le mur et le filet, le télémètre indique 16,1 cm.
Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] s'y opposent. Ils considèrent qu'aucun trouble anormal du voisinage ne peut leur être reproché en ce sens qu'ils élaguent régulièrement leurs arbres et ont pris des mesures (filet, remplacement d'arbres qui perdent leurs feuilles par des arbres au feuillage persistant) pour éviter tout dommage excessif. Ils ajoutent que d'autres arbres se situent en limite de la propriété de leur voisine et dans la rue et que rien ne permet d'établir que les feuilles se situant chez Madame [L] [F] proviennent uniquement de leurs arbres.
Ils produisent à l'appui de leurs allégations :
- les attestations du paysagiste qui intervient depuis 2019 chaque année à l'automne pour élaguer les haies, les arbustes et l'érable et éviter que les feuilles se retrouvent chez Madame [L] [F]. Il est précisé qu'en 2021, il a coupé définitivement un des deux érables trentenaire, haut de plus de 10 mètres qui perdait trop de feuilles. En remplacement, il a planté deux lauriers du Portugal et un magnolia au feuillage persistant. Depuis deux ans, il intervient deux fois par an pour tailler la végétation du mur mitoyen, il prévient en amont Madame [L] [F] afin d'enlever les éventuels feuillages tombés dans son jardin, ainsi que vérification des gouttières et nettoyage si nécessaire. Il enlève également les branchages qui auraient été projetés chez Madame [L] [F] et a pu remarquer à cette occasion la présence de feuilles de cerisier qui viennent d'une autre propriété, à l'arrière,
- des photos de la rue après la tempête Ciaran sur lesquelles on peut apercevoir de nombreuses feuilles au sol et la présence d'arbres le long de la rue,
- des photos de l'élagage à nu de l'érable en janvier 2024
- des factures pour la taille des haies et arbustes en date des 27 novembre 2023 et 13 janvier 2021,
- des photos de la rue les 28 octobre 2023 et 24 décembre 2023 ne montrant aucune feuille au sol ou sur les toits,
- des photos de morceaux de branches taillées avec des feuilles vertes dans la gouttière de Madame [L] [F],
- des attestations de voisins qui témoignent des nuisances causées par le chien de Madame [L] [F] et de son attitude menaçante, insultante et procédurière. Une ancienne voisine précise qu'elle a dû refaire une partie du mur mitoyen et faire abattre un saule pleureur suite à une assignation en justice de Madame [L] [F]. Les auteurs des attestations soulignent en revanche l'attitude respectueuse de Monsieur [M] [V] qui balaye le trottoir, passe le souffleur ou le jet d'eau pour qu'il reste propre,
- des factures de rognage de souche, d'achat de prunus lusitonica et de magnolias et de plantation de mai 2021,
- la facture de pose de filet du 17 avril 2023,
- le constat de commissaire de justice du 25 septembre 2023Â :
* haie d'arbustes plantée à proximité du mur de séparation, arbres soigneusement taillés, aucun dépassement,
* présence d'un filet anti-feuilles dont le haut du poteau se situe à 3,14 m du sol,
* l'arbre le plus haut se situe à plus de 6 mètres du mur de la voisine (6,23 m),
* le magnolia mesure 3,01 m, les lauriers du Portugal entre 2,85 et 3,03 m et le phillyrea latifolia 2,65 m de hauteur, le lilas 3,12 m, les lauriers boules 3,51 et 3,65m, le bambou 3,17 m,
* gouttière propre, pelouse propre,
* l'arbre à l'arrière de la propriété de Madame [L] [F] appartient à un autre voisin.
Il résulte de ces éléments que si les photos et le procès-verbal de constat de commissaire de justice produit par Madame [L] [F] démontrent que son jardin ne comporte aucun arbre, arbuste ou végétal susceptible de perdre des feuilles sur sa propriété, il n’est pas établi que les arbres des défendeurs sont la cause exclusive des dommages allégués par Madame [L] [F] et que ces dommages ont un caractère anormal.
En effet, le procès-verbal de constat de commissaire de justice qu’ils produisent ainsi que les attestations du paysagiste qui intervient chaque année permettent d'établir qu'ils ont pris les mesures nécessaires pour limiter le trouble éventuellement causé à leur voisine par les feuilles de leurs arbres. Ils élaguent leurs arbres chaque année, ont installé un filet jusqu'à une hauteur de 3,14 m, hauteur supérieure à la plupart de leurs arbres et ils ont remplacé l'érable qui était trop haut et perdait ses feuilles par des arbres plus petits au feuillage persistant. Ils prennent également soin de ramasser les branches et feuilles qui auraient pu tomber dans la parcelle voisine lors de l'entretien de leurs arbres.
En outre, les attestations du voisinage, les photos de la rue et des procès-verbaux de constat de commissaires de justice révèlent la présence d'un arbre d'une grande hauteur à l'arrière de la propriété de Madame [L] [F] et qui n'appartient pas aux défendeurs ainsi que la présence d'arbres le long de la rue appartenant à la commune. Il ne peut être exclu que les feuilles présentes sur la propriété de Madame [L] [F] proviennent de ces arbres.
Enfin, il est relevé que la chute de feuilles mortes à l'automne sur un fonds voisin ne constitue pas un trouble anormal de voisinage, le nettoyage des jardins et gouttières relevant de l'entretien normal de toute habitation. Or, Madame [L] [F] ne produit pas de pièces permettant de rapporter la preuve de l'intervention de la société pour des travaux autres que ceux d'entretien classique.
Ainsi, Madame [L] [F] ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité exclusive des dommages allégués à Monsieur [M] [V] et Madame [L] [F] ni du caractère anormal des dommages.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande.
Sur la demande d'expertise judiciaire :
Madame [L] [F] demande à titre subsidiaire qu'une mesure d’expertise judiciaire soit ordonnée afin notamment de relever et décrire les désordres affectant l'immeuble, d'en détailler l'origine, les causes et l'étendue et de donner son avis sur les solutions et préjudices.
Il est rappelé que la demande d'expertise judiciaire ne peut avoir pour objet de suppléer aux carences des parties dans la charge de la preuve qui leur incombe.
Or, Madame [L] [F] n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de démontrer que l'expertise judiciaire serait de nature à établir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, celle-ci ne justifiant pas de troubles excédant l'entretien normal d'une habitation.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande.
Sur la demande de dommages et intérêts formulée par Madame [L] [F] :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La mise en œuvre de cette responsabilité suppose la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice.
Or, il a été démontré ci-dessus que Madame [L] [F] n'a pas rapporté la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre les dommages qu'elle allègue et un fait imputable aux défendeurs.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts formulée par les défendeurs à titre reconventionnel :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La mise en œuvre de cette responsabilité suppose la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice.
En l'espèce, les défendeurs indiquent que Madame [L] [F] les a assignés devant le tribunal judiciaire de Meaux sur le fondement des articles 671 et suivants du code civil alors qu'ils ne sont pas applicables en région parisienne et qu'ils ont fait preuve de bonne volonté. Ils ajoutent que Madame [L] [F] entretient des rapports conflictuels avec l'ensemble de ses voisins.
Ils produisent à l'appui de leur demande des attestations de voisins témoignant des difficultés rencontrées avec Madame [L] [F].
Il est relevé qu'une action en justice est un droit et ne peut donner lieu à indemnisation que lorsqu'elle est exercée abusivement. Le fait d'être débouté ne présume pas d'un abus.
En l'absence de preuve d'un abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice, les défendeurs seront déboutés de leur demande sur ce point.
S'agissant de l'attitude de Madame [L] [F], les attestations de voisins sur leurs différends avec Madame [L] [F] ne peuvent démontrer l'existence d'un préjudice personnel aux défendeurs. Ils seront également déboutés sur ce point.
Sur les mesures de fin de jugement :
En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire par provision.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner Madame [L] [F], partie qui succombe, aux dépens ainsi qu’au paiement à Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] d’une somme de 1500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En outre, Madame [L] [F] sera déboutée de ses demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles.
Il convient d'accorder à Maître Henrique VANNIER, avocat au barreau de Melun, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
Déboute Madame [L] [F] de ses demandes principales fondées sur les articles 671 et suivants du code civil et sur la théorie des troubles anormaux du voisinage ;
Déboute Madame [L] [F] de sa demande subsidiaire tendant à ordonner une expertise judiciaire ;
Déboute Madame [L] [F] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financier et moral ;
Déboute Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] de leur demande de dommages et intérêts ;
Condamne Madame [L] [F] aux dépens ;
ACCORDE le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à Maître Henrique VANNIER, avocat au barreau de Melun ;
Condamne Madame [L] [F] à payer à Monsieur [M] [V] et Madame [R] [Z] la somme de mille cinq cents euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT