- N° RG 22/05301 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC3RM
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Minute n°24/707
N° RG 22/05301 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC3RM
Date de l'ordonnance de
clôture : 11 mars 2024
le
CCC : dossier
FE :
-Me CHOISEZ
-Me MEURIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [F] [N]
[Adresse 4]-[Localité 3]
représentée par Maître Stéphane CHOISEZ de la SELARL CHOISEZ & ASSOCIES Société d’avocats, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
DEFENDERESSE
S.A.S. SOCIÉTÉ PV RESIDENCES ET RESORTS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ PV CP CITY
sis [Adresse 6]-[Localité 2]
représentée par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Mme BASCIAK, Juge
Greffière lors des débats : Mme CAMARO et Greffière lors du délibéré : Mme BOUBEKER
Jugement rédigé par : Mme VISBECQ, Juge
DEBATS
A l'audience publique du 04 Juillet 2024, tenue en rapporteur à deux juges: M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 26 Août 2024.
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme VISBECQ, assesseur, ayant signé la minute pour M.BOURDEAU, Président régulièrement empêché avec Mme BOUBEKER, Greffière
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par acte sous seing privé du 17 septembre 2012, Monsieur [D] [H] et Madame [I] [L] ont donné à bail à la société PV-CP Résidences exploitation un studio meublé de 4 personnes constituant le lot n°0309-01 de la résidence de tourisme Val d’Europe sise [Adresse 1] à [Localité 7] pour 9 ans à compter du 1er octobre 2012 aux fins d'activité commerciale d'exploitation d'une résidence de tourisme ou para-hôtelière de résidence de loisirs. Ledit contrat prévoit en son article 6.1 un loyer annuel de 3744 euros HT payable à terme échu au plus tard dans les 30 jours suivant la date d’arrêté du loyer.
La société PV-CP Résidences exploitation a été renommée PV Résidences et Resorts France.
Par acte reçu le 23 juillet 2018 par Maître [E] [G], notaire associé à [Localité 5] (77), Monsieur [D] [H] et Madame [I] [L] ont vendu à Madame [F] [N] le lot n°0309-01 dépendant de la résidence de tourisme Val d’Europe sise [Adresse 1] à [Localité 7].
Par avenant du 10 novembre 2018, Madame [F] [N] a repris le bail portant sur le lot n°0390-01.
La société PV Résidences & Resorts France a suspendu le paiement des loyers durant toute la période du premier confinement, soit du 15 mars 2020 au 13 juin 2020.
À compter du 30 septembre 2020, la société PV Résidences & Resorts France a de nouveau suspendu le paiement des loyers.
Par ordonnance du 2 février 2021, le président du tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de conciliation en faveur notamment des sociétés PV Résidences et Resorts France et PV-CP CITY et nommé la SCP d'administrateurs judiciaires ABITBOL & ROUSSELET pour une durée de 4 mois. Par ordonnance du 1er juin 2021, la mission des co-conciliateurs a été prorogée de 6 mois à compter du 2 juin 2021, soit jusqu’au 2 décembre 2021.
Le 25 mars 2021, Madame [F] [N] a fait signifier par commissaire de justice à la société PV Résidences & Resorts France un congé avec refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction au 30 septembre 2021 ainsi qu’une sommation de payer dans le délai d'un mois les loyers dus pour la période du 15 mars 2020 au 13 juin 2020, soit la somme de 1104,07 euros en principal outre les frais de l'acte, la présente sommation valant mise en demeure.
Par courrier du 8 septembre 2021, le directeur général du groupe Pierre et Vacances CenterParcs a adressé à Madame [F] [N] une proposition d'avenant intitulée « Conciliation – Proposition Améliorée ».
Considérant cette proposition déséquilibrée, Madame [F] [N] a refusé de la signer.
Par acte délivré le 21 novembre 2022, Madame [F] [N] a assigné la SAS PV Résidences & Resorts France (désormais dénommée PV HOLDING) venant aux droits de la société PV CP CITY devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins notamment de :
- condamner la société PV CP à régler les loyers impayés avec intérêt au taux légal,
- constater que le bail est arrivé à son terme le 30 septembre 2021, fixer l'indemnité d'occupation due par la société PV CP CITY et ordonner l'expulsion de la société PV CP,
- condamner la société PV CP CITY à régler les frais de remise en état du logement.
Par acte délivré le 16 juin 2023, Madame [F] [N] a assigné la société PV-CP CITY en intervention forcée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2023, Madame [F] [N] demande, au visa des articles L.145-9 et suivants, L.145-17, L.145-28 du code de commerce, L.321-3 et D.321-1 du code du tourisme, 1217 à 1220, 1719, 1722, 1728, 1732 à 1735 du code civil et 699 et 700 du code de procédure civile, au tribunal de :
- juger valide sur le fond et en la forme le congé qu'elle a délivré portant sur le lot n° 0390-01,
- juger n’y avoir lieu au paiement d’une indemnité d’éviction,
À titre principal,
- confirmer l’obligation de paiement des loyers par la société PV-CP CITY pour la période du 15 décembre 2020 au 30 septembre 2021,
- condamner la société PV-CP CITY au paiement de la somme de 5.573,69 € TTC correspondant aux loyers impayés, majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision et ce, jusqu’à parfait paiement,
- constater que le bail est arrivé à son terme le 30 septembre 2021,
- juger que la société PV-CP CITY est occupant sans droit ni titre du lot n° 0390-01, à compter de ladite date,
- condamner la société PV-CP CITY au paiement de la somme de 4.469,62 € TTC (à parfaire) au titre de l’indemnité d’occupation,
- ordonner la restitution des clés du lot n°0390-01 situé au [Adresse 1] à [Localité 7],
- ordonner l’expulsion de la société PV-CP CITY et de tous occupants de son chef de ladite résidence dans le mois de la décision à intervenir, avec le concours de la force publique et d’un serrurier si nécessaire,
- condamner la société PV-CP CITY au paiement de la somme de 40.000 € HT (à parfaire) au titre des travaux de remise en état du lot n°0390-01,
Sur les demandes reconventionnelles formulées par les défenderesses,
- ordonner une expertise judiciaire et désigner l’expert de justice qu’il plaira au tribunal de céans pour rechercher tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle pourrait prétendre la société PV-CP CITY à raison du congé avec refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction délivré le 25 mars 2021 et le montant de l’indemnité d’occupation due par la société preneuse à compter du 30 septembre 2021 et jusqu’à la libération effective des lieux,
avec pour mission de :
o se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
o visiter les lieux sis [Adresse 1] à [Localité 7], les décrire, dresser, le cas échéant, la liste des personnels employés par le locataire,
o rechercher, en tenant compte de la nature de l’activité autorisée par le bail (activité d’exploitant de résidence de tourisme consistant en la sous-location meublée des logements), de la situation et de l’état des locaux, en fournissant et justifiant de toutes ses références, tous éléments permettant de :
1. déterminer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle pourrait prétendre la société PV-CP CITY par référence aux critères posés par l’article L.145-14 du Code de commerce, à savoir les usages, le trouble commercial lié à la disparition du fonds de commerce, les frais de réinstallation, les frais de mutation, le trouble commercial résultant du transfert,
2. déterminer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société PV-CP CITY pour l’occupation des biens, objets du bail, à compter du 30 septembre 2021 et jusqu’à leur libération effective, ladite indemnité d’occupation devant être fixée à la valeur locative telle qu’elle est définie aux articles L.145-33 et suivants du Code de commerce,
o communiquer aux parties un pré-rapport afin de recueillir leurs observations préalablement au dépôt du rapport final,
o dresser et déposer un rapport de ses constatations fournissant les éléments de nature à permettre de fixer l’indemnité d’éviction à laquelle pourrait prétendre la PV-CP CITY et l’indemnité d’occupation due par la société PV-CP CITY pour l’occupation des biens, objets du bail, à compter du 30 septembre 2021 et jusqu’à leur libération effective,
o répondre, conformément aux dispositions de l’article 276 du Code de procédure civile, à tous dires ou observations des parties, de justifier de ses références en distinguant les nouvelles locations, les renouvellements et les cessions intervenues dans le même périmètre et pour des locaux aux caractéristiques équivalentes à celles des biens loués à la société PV-CP CITY sis [Adresse 1] à [Localité 7].
- dire que les frais d’expertise seront avancés aux frais du preneur puisque ce dernier a sollicité en premier lieu cette expertise par conclusions en date du 17 avril 2023,
En tout état de cause,
- condamner la société PV-CP CITY à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société PV-CP CITY aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande tendant à juger le congé délivré au preneur valide, elle expose qu'elle a respecté les conditions de forme prescrites par l'article L145-9 du code du commerce en délivrant le congé le 25 mars 2021, soit au moins six mois avant la fin du bail prévue au 30 septembre 2021, par acte de commissaire de justice et en précisant le motif du congé, à savoir le non-renouvellement du bail, et la procédure pour contester le congé ou solliciter une indemnité d'éviction. Elle ajoute qu'elle a adressé ce congé au preneur ayant signé le bail et qu'elle n'a pas été informée de l'apport partiel d'actifs de la branche d'activité comprenant son lot à la société PV-CP CITY. Elle précise qu'elle n'a pas approuvé ce changement de preneur et qu'aucun avenant n'a été signé postérieurement à cet apport partiel d'actif. Elle fait valoir par ailleurs que le congé a été reçu par l'assistante juridique du groupe Pierre et Vacances, dont les sociétés PV HOLDING et PV-CP CITY sont des filiales et qu'elle a reçu deux courriers de réponse les 5 mai et 23 septembre 2021 du groupe Pierre et Vacances. Elle affirme que l'identité de siège social, de logo et de papier à entête entre le groupe Pierre et Vacances et ses filiales donne l'apparence d'agir en étroite interdépendance et a pu la tromper sur son cocontractant.
Elle s'oppose au versement de toute indemnité d'éviction au motif que le bien exploité est une résidence de tourisme au sens de l'article D321-1 du code du tourisme et que le régime des résidence de tourisme déroge au statut des baux commerciaux. Elle expose qu'en application de l'article L321-3 du code du tourisme, les documents de commercialisation d'une résidence de tourisme doivent explicitement mentionner l'existence du droit à indemnité d'éviction. Or, elle souligne que le bail commercial ne mentionne pas le droit à une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement du bail ni les modalités de calcul. Elle indique que dès lors aucune indemnité d'éviction n'est légalement due.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, le non-paiement des loyers justifie un refus de renouvellement de bail sans paiement d'une indemnité d'éviction sur le fondement de l'article L145-17 du code du commerce. Elle précise qu'elle a délivré une sommation de payer valant mise en demeure le 25 mars 2021 et que celle-ci est restée infructueuse pendant plus d'un mois. Elle rappelle que la jurisprudence considère qu'aucun motif tenant aux mesures sur l'état d'urgence ne suffisait à remettre sérieusement en cause le principe de l'obligation de paiement de loyer par les grands groupes exploitant des résidences hôtelières et de tourisme comme la société PV-CP CITY. Elle ajoute que le preneur n'a pas non plus réglé l'indemnité d'occupation alors que la jurisprudence constante considère que le maintien dans les lieux se fait aux clauses et conditions du contrat et que l'indemnité d'occupation est due même par le preneur détenant les clés du local, même s'il est déchu du droit au renouvellement et de l'indemnité d'éviction et même s'il n'exploite pas le local.
À l'appui de sa demande de condamnation au paiement des loyers, elle indique qu'en application de l'article 1728 du code civil, le preneur a l'obligation notamment de payer le prix du bail aux termes convenus. Elle rappelle que le bail prévoit le versement d'un loyer annuel de 3744 euros HT ainsi qu'une révision annuelle. Elle précise que le preneur a suspendu le paiement des loyers du 15 mars 2020 au 13 juin 2020 puis du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021, date de fin du bail. Elle sollicite la somme de 1104,07 euros pour l'année 2019/2020 et 4469,62 pour l'année 2020/2021, soit un total de 5573,69 euros HT.
Elle ajoute que le bail étant arrivé à son terme le 30 septembre 2021 mais que son lot continuant à être exploité sans que les clés ne lui soient restituées, le preneur est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2021. Elle évalue celle-ci à la somme de 4469,62 euros pour la période débutant le 1er octobre 2021 et s'achevant le 1er décembre 2023.
Concernant les travaux de remise en état, elle indique qu'en application des articles 1732 et 1735 du code civil, le preneur répond des dégradations ou pertes causées de son fait ou de celui des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires. Elle précise que la copropriété a constaté que les locaux n'ont pas été maintenus en état durant toute la durée du bail ainsi que durant l'occupation sans droit ni titre de l'exploitant. Elle sollicite à titre de réparation intégrale de son préjudice, la somme de 40 000 euros HT.
Si le tribunal considérait qu'une indemnité d'éviction était due, elle sollicite une expertise judiciaire pour déterminer le montant de cette indemnité et de l'indemnité d'occupation.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2024, la société PV HOLDING et la société PV-CP CITY demandent, au visa des articles L.145-9, L.145-17, L. 145-28, et L. 145-60 du code de commerce et L.321-3 du code de tourisme, au tribunal de :
A titre principal,
- juger le demandeur mal fondé en son action à l’encontre de la société PV Résidences & Resorts France aujourd’hui dénommée PV HOLDING,
- débouter le propriétaire-bailleur demandeur à l’instance de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société PV Résidences & Resorts France, aujourd’hui dénommée PV HOLDING,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal venait à considérer la demande fondée,
- juger que le congé n’a pas été délivré au preneur à bail, la société PV-CP CITY,
- juger que le congé délivré pour le 30 septembre 2021 est irrégulier sur le fond,
- juger que le bail se poursuit en tacite prolongation à compter du 1er octobre 2021,
- débouter le bailleur de sa demande de résiliation du bail et d’expulsion,
- débouter la demande d’indemnisation pour travaux de remise en état du bailleur,
A titre très subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal venait à considérer le congé régulier sur le fond,
- juger que le bailleur n’a pas délivré de mise en demeure préalable et régulière,
- juger que les motifs allégués ne peuvent être invoqués comme motif grave et légitime justifiant un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction,
- juger que le congé délivré pour le 30 septembre 2021 est irrégulier,
- débouter le bailleur de sa demande de résiliation du bail et d’expulsion,
- débouter la demande d’indemnisation pour travaux de remise en état du bailleur,
A TITRE RECONVENTIONNEL,
A titre principal,
- juger que le congé délivré pour le 30 septembre 2021 est irrégulier,
- juger que le bail se poursuit en tacite prolongation à compter du 1er octobre 2021,
- débouter le bailleur de sa demande de résiliation du bail et d’expulsion et de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal considérait que l’irrégularité du congé pour motif grave et légitime n’entraînait pas la poursuite du bail :
- juger que le preneur a droit au paiement d’une indemnité d’éviction par Madame [N],
- fixer l’indemnité d’éviction globale due au preneur au montant de 130.000€ pour chaque lot de copropriété,
A titre très subsidiaire sur ce point, si par extraordinaire le Tribunal estimait nécessaire d’obtenir une définition plus précise des travaux devant être réalisés :
- désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de :
o visiter les lieux décrits dans le bail commercial, les décrire,
o dresser le cas échéant la liste du personnel employé par la locataire,
o apprécier l’indemnité d’éviction en fonction des caractéristiques propres du fonds dans le cadre de la poursuite d’une activité normale et en conséquence exclure les années 2020-2021,
o rechercher tous éléments permettant de déterminer l’indemnité d’éviction, à la date la plus proche possible du départ du locataire (à l’exclusion des années 2020-2021), et notamment :
▪ La valeur marchande du fonds de commerce exploité, déterminée suivant les usages pratiqués en matière d’hôtels et de résidences de tourisme,
▪ Les frais de déménagement, ainsi que tous autres frais supportés par le preneur,
▪ L’indemnité pour trouble commercial,
- dire que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux articles 263 et suivants du code de procédure civile relatives aux mesures d'instruction et prendra en compte dans son avis, selon les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, les observations qui lui seront éventuellement faites dans un délai qu'il aura imparti, de l'ordre de 4 à 6 semaines, au vu d'une synthèse écrite, des constatations, opérations et de ses orientations comportant les méthodes de calcul retenues, et qu'il déposera l'original de son rapport au Greffe du Tribunal judiciaire de céans,
- dire que les frais d’expertise seront avancés aux frais du bailleur,
En tout état de cause,
- condamner le défendeur au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour s'opposer aux demandes formulées à l'encontre de la société PV Résidences et Resorts France, désormais dénommée PV HOLDING, les défenderesses indiquent qu'en raison d'un apport partiel d'actifs à effet du 1er février 2021, la société PV Résidences et Resorts France a apporté à la société PV-CP CITY son activité d'exploitation des résidences urbaines dites résidences « City » dont le lot appartenant à Madame [F] [N] fait partie. Elle fait valoir que le preneur est par conséquent la société PV-CP CITY.
Concernant l'irrégularité du congé, la société PV-CP CITY indique que la jurisprudence constante fondée sur l'article L145-9 du code du commerce considère que la mauvaise identification du destinataire est une cause de nullité du congé. Elle rappelle que le congé a été délivré à une entité du groupe PV-CP et non au preneur et que compte tenu de cette irrégularité, le bail s'est poursuivi par tacite prolongation à compter du 30 septembre 2021.
Elle s'oppose à tout paiement de travaux de remise en état, soulignant que Madame [F] [N] n'apporte aucun élément susceptible d'établir la nécessité de ces travaux et de leur coût. Elle ajoute qu'aucun état des lieux de sortie n'a été effectué.
À titre subsidiaire, elle soutient qu'elle est fondée à recevoir une indemnité d'éviction.
Elle indique qu'en application de l'article L145-14 du code du commerce, l'indemnité d'éviction est d'ordre public et que l'article L145-28 du code du commerce permet au preneur de se maintenir dans les lieux tant qu'elle n'est pas versée. Elle souligne en outre que l'article L321-3 du code du tourisme est issu de la loi du 22 juillet 2009 et n'est pas applicable à la situation d'espèce, la commercialisation de la résidence ayant eu lieu en 2001.
Elle ajoute que l'article L145-60 du code du commerce accorde au preneur un délai de 2 ans à compter de la date d'effet du congé pour contester son motif et pour solliciter une indemnité d'éviction, ce qu'elle fait en l'espèce. Elle fait valoir que le motif du congé, à savoir « le manquement aux paiements des loyers », sans autre précision, est insuffisant au regard de l'article L145-9 du code du commerce pour en apprécier la portée et le discuter. Elle énonce ensuite que l'article L145-17 du code du commerce impose au bailleur de mettre le preneur en demeure de faire cesser le manquement à ses obligations. Elle précise qu'aucune mise en demeure ne lui a été adressée avant la délivrance du congé le 25 mars 2021 et souligne que le congé a été délivré en pleine crise sanitaire et en période de conciliation judiciaire. Elle considère que les mesures prises par le gouvernement pendant la crise sanitaire constitue un fait du prince qui a fortement impacté sa situation financière. Elle affirme avoir été dans l'impossibilité de régler les loyers et estime dès lors que la suspension des loyers n'est pas un manquement suffisamment grave pour justifier un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.
Reconventionnellement, elle rappelle que la nullité du congé est une nullité relative et qu'il appartient au preneur soit de se prévaloir de la nullité et de solliciter la poursuite du bail soit d'y renoncer et de demander une indemnité d'éviction. Elle opte à titre principal pour la nullité du congé et la poursuite du bail et à titre subsidiaire pour une indemnité d'éviction. Elle indique que celle-ci est fixée, en application de l'article L145-14 du code du commerce, par référence à la valeur du fonds de commerce exploité au sein du local concerné. Elle propose le montant de 130 000 euros tel qu'évalué par un expert pour un duplex dans la même résidence ou sollicite, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire avec maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction sur le fondement de l'article L145-28 du code du commerce.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 4 juillet 2024 et mise en délibéré au 26 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la communication d'une note en délibéré :
Selon les dispositions de l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
L'article 442 énonce que le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.
L'article 444 prévoit que le président peut ordonner la réouverture des débats et qu'il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. En cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats.
Selon l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables, notamment, les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
À l'audience, le tribunal a autorisé les sociétés PV HOLDING et PV-CP CITY a adresser une note en délibéré afin de préciser si la pièce 1.3 communiquée pendant la mise en état correspond au traité d'apport partiel d'actif entre la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE et la société PV-CP CITY ou au traité d'apport partiel d'actif entre la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE et la société PIERRE ET VACANCES INVESTISSEMENT 60, non partie à la présente procédure, et figurant au dossier de plaidoiries.
Le 5 juillet 2024, le conseil des sociétés PV HOLDING et PV-CP CITY a adressé un courrier au greffe de la juridiction afin de transmettre le traité d'apport partiel d'actif entre la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE et la société PV-CP CITY et de le substituer à la pièce précédemment communiquée en pièce 1.3.
Il ressort de la lecture de cette note que le traité d'apport partiel d'actif entre la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE et la société PV-CP CITY n'a pas été communiqué lors de la mise en état et n'a ainsi pas été soumis au débat contradictoire.
En conséquence, la pièce annexée à la note en délibéré sera écartée des débats.
Sur la société PV HOLDING :
Selon les dispositions du dernier alinea de l'article 768 du code de procédure civile, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
En l'espèce, par acte délivré le 21 novembre 2022, Madame [F] [N] a assigné « la société PV Résidences & Resorts France (désormais dénommée PV HOLDING) venant aux droits de la société PV-CP CITY ». Puis par acte délivré le 16 juin 2012, Madame [F] [N] a assigné la société PV-CP CITY afin qu'elle intervienne à l'instance.
Dans ses dernières conclusions, Madame [F] [N] ne formule aucune demande à l'égard de la société PV HOLDING, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la débouter de ses demandes à l'encontre de cette société.
Sur la validité du congé délivré par Madame [F] [N] :
L'article 5 du bail commercial prévoit que le bailleur autorise le preneur à utiliser librement les lieux loués dans le cadre de l'exercice de son commerce tel que défini ci avant à l'article 4 et à céder son bail librement, à charge cependant de rester garant et répondant solidairement avec son cessionnaire ou les cessionnaires successifs du paiement du loyer et de ses charges. Toute substitution devra toutefois recevoir au préalable l'accord écrit du bailleur.
En l'espèce, Madame [F] [N] a signifié le congé avec refus de renouvellement à la société ayant signé l'avenant au bail, la société PV Résidences et Resorts France immatriculée au RCS sous le numéro 508 321 155. Elle sollicite que ce congé soit déclaré valide tout en formant ses prétentions uniquement à l'égard de la société PV-CP CITY.
Le conseil des sociétés PV Résidences et Resorts France et PV-CP CITY indique que le congé n'a pas été délivré au bon preneur. Il précise que par l'effet d'un apport partiel d’actifs publié au registre du commerce et des sociétés le 10 mars 2021, le bail conclu avec la société PV Résidences et Reosrts France a été transmis à la société PV-CP CITY avec effet au 1er février 2021.
S'il produit un extrait K-Bis de la société PV-CP CITY comportant une mention en date du 9 mars 2021 relative à un apport partiel d'actif de la branche d'activité complète et autonome « City » par la société PV Résidences et Resorts France (508 321 155 RCS Paris) et un extrait K-Bis de la société PV HOLDING (anciennement PV Résidences et Resorts France) comportant une mention en date du 10 mars 2021 relative à un apport partiel d'actif de la branche complète et autonome « City » à la société PV-CP (513 635 987 PCS Paris), il ne produit pas le projet de traité d'apport partiel d'actifs. La pièce 1.3 versée aux débats concernant le projet de traité d'apport partiel d'actifs entre la société PV Résidences & Resorts France et la Société Pierre et Vacances Investissement 60 et non la société PV-CP CITY.
Or, en application de l'article L145-16 du code du commerce, seul l'apport partiel d'actif que les parties décident de placer sous le régime des scissions, entraîne de plein droit la transmission universelle des biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité transférée et permet à la société bénéficiaire de l'apport d'acquérir la qualité de partie au bail précédemment conclu par la société apporteuse, à laquelle elle se trouve substituée sans que le consentement du bailleur ne soit exigé.
En outre, la date d'effet de l'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions est fixée par l'article L236-4 du code du commerce à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date.
Enfin, l'article L236-6 du code du commerce prévoit que le projet d'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions est déposé au greffe du tribunal de commerce du siège des sociétés apporteuse et bénéficiaire et fait l'objet d'une publicité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Les articles R236-2 et R236-2-1 précisent ces modalités. Ces formalités de publicité sont nécessaires pour que l'apport partiel d'actif puisse être opposable au bailleur, qui est tiers à cette opération.
En conséquence, à défaut de produire le projet de traité d'apport partiel d'actif conclu entre la société PV Résidences & Resorts France, la décision de d'assemblée générale l'approuvant et les formalités de publicité de cette opération, le tribunal n'est pas en mesure de déterminer qui est le preneur du bail souscrit avec Madame [F] [N] pour le lot n°0309-01 de la résidence de tourisme Val d’Europe sise [Adresse 1] à [Localité 7] et ainsi de statuer sur l'irrégularité du congé délivré à la société PV Résidences & Resorts France.
Il convient dès lors, en application des dispositions des articles 444 et 803 du code de procédure civile, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoyer les parties à la mise en état afin que le défendeur puisse produire le projet de traité d'apport partiel d'actifs entre la société PV Résidences & Resorts France et la société PV-CP CITY, le procès-verbal de l'assemblée générale approuvant cette opération et les formalités de publicité de celle-ci et que les parties concluent sur la détermination du preneur à la date du congé et en tirent les conséquences en termes de prétentions.
Sur les mesures de fin de jugement :
Les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
Vu l'assignation délivrée le 21 novembre 2022 par Madame [F] [N] à la SAS PV Résidences & Resorts France (désormais dénommée PV HOLDING) ;
Vu l'assignation délivrée le 16 juin 2023 par Madame [F] [N] à la société PV-CP CITY ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2023 par Madame [F] [N] ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2024 par la société PV HOLDING et la société PV-CP CITY ;
Vu les pièces produites aux débats ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 mars 2024 par le juge de la mise en état du tribunal ;
Vu la note en délibéré adressée le 5 juillet 2024 ;
ÉCARTE des débats la pièce annexée à la note en délibéré adressée par le conseil des sociétés PV HOLDING et la société PV-CP CITY ;
RÉVOQUE l'ordonnance de clôture du 11 mars 2024 ;
RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 14 octobre 2024 pour permettre aux défendeurs de produire le projet de traité d'apport partiel d'actifs entre la société PV Résidences & Resorts France et la société PV-CP CITY, le procès-verbal de l'assemblée générale approuvant cette opération et les formalités de publicité de celle-ci et aux parties de conclure sur la détermination du preneur à la date du congé et d'en tirer les conséquences en termes de prétentions ;
RÉSERVE les dépens ;
LA GREFFIERE LE PRESIDENT