- N° RG 22/00607 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQFB
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Minute n°24/702
N° RG 22/00607 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQFB
Date de l'ordonnance de
clôture : 22 avril 2024
le
CCC : dossier
FE:
-Me NEGREVERGNE
-Me MEURIN
-Me MALKA
-Me RABIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS
Monsieur [F] [W]
Monsieur [X] [W]
[Adresse 2]-[Localité 8]
représentés par Maître Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
DEFENDEURS
Monsieur [T] [O]
Madame [M] [D]
né le 13 Février 1983 à [Localité 9] (63)
[Adresse 1]-[Localité 6]
représentés par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
S.A.S. COUL’HOME exerçant sous l’enseigne ARTHURIMMO.COM
[Adresse 5]-[Localité 7]
représentée par Me Myriam MALKA, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante
Monsieur [P] [A]
Madame [I] [Z] épouse [A]
[Adresse 3]-[Localité 4]
représentée par Maître Emmanuel RABIER de la SELARL CABINET RABIER, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Mme BASCIAK, Juge
Greffière lors des débats : Mme CAMARO et Greffière lors du délibéré : Mme BOUBEKER
Jugement rédigé par : Mme VISBECQ, Juge
- N° RG 22/00607 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCQFB
DEBATS
A l'audience publique du 04 Juillet 2024, tenue en rapporteur à deux juges: M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 26 Août 2024.
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme VISBECQ, assesseur, ayant signé la minute pour M.BOURDEAU, Président régulièrement empêché avec Mme BOUBEKER, Greffière ;
******************
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS
Le 30 mars 2012, Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] épouse [A] (ci-après les époux [A]) ont vendu à Madame [M] [D] et Monsieur [T] [O] un bien immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 8] (77) au prix de 290 000 euros.
Le 11 juillet 2018, Madame [M] [D] et Monsieur [T] [O] ont vendu le bien immobilier à Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] épouse [W] (ci-après les époux [W]) au prix de 310 000 euros. Il s'agit d'une maison d'habitation et d'une extension de 24 mètres carrés comportant deux chambres.
La SAS COUL’HOME, exerçant sous l’enseigne ARTHURIMMO.COM, a assisté les époux [W] et les consorts [D] / [O] dans la vente de la maison.
Constatant d'importantes fissures extérieures et intérieures entre la maison et l'extension, les époux [W] ont fait établir un constat par huissier de justice le 25 octobre 2018 et ont saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 3 avril 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a ordonné une expertise judiciaire et désigné Monsieur [K] pour y procéder.
Par ordonnance du 10 juin 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a rendu les dispositions de l’ordonnance du 3 avril 2019 communes et opposables à la SAS COUL’HOME.
Le rapport d'expertise a été déposé le 6 février 2021.
L'expert a constaté la présence de nombreux désordres :
• à l'intérieur : décollement du doublage placo-plâtre, fissures des murs et plafonds, fissure du joint du carrelage, papier peint froissé, déformation du bâti de la porte de la chambre côté jardin empêchant sa fermeture,
• à l'extérieur : microfissures, fissures et crevasses sur les murs, affaissement de l'escalier d'accès à la terrasse, éclats d'enduit, tuiles disjointes, désafleur entre les deux constructions (maison et extension), affaissement côté jardin.
Il en a conclut que le bien immobilier présente des désordres importants et structurels à la jonction des deux constructions (pavillon/extension) qui provoquent un affaissement ainsi qu'une rotation de la partie extension au regard du pavillon originel.
L'expert a précisé que ces désordres s'aggravent entraînant à la fois un inesthétisme de l'ouvrage et une impropriété à destination de l'extension. Concernant ce dernier point, l'expert a précisé qu'il existe un risque pour les personnes et les biens, la solidité de l'ouvrage étant en péril, et qu'à terme, sans travaux réparatoires, les désordres risquent de rendre les deux chambres de l'extension impropres à leur destination en raison des venues d'eau parasites dans les maçonneries des deux constructions.
L'expert a identifié trois causes aux désordres :
- cause principale : inadaptation des fondations au terrain d'assise très sensibles aux phénomènes de retrait-gonflement,
- cause secondaire : infrastructures non-conformes aux règles de l'art,
- cause accessoire : présence d'arbres et d'une haie végétale à proximité immédiate de l'extension aggravant le phénomène de dessiccation des terres à leur endroit.
Aucune solution amiable n'a pu être trouvée entre les parties.
Par actes délivrés les 24 et 26 janvier 2022, les époux [W] ont assigné Monsieur [T] [O], Madame [M] [D] et les époux [A] devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins de résolution de la vente et d'indemnisation de leurs préjudices.
Par acte délivré le 30 mai 2022, les époux [A] ont assigné la SAS COUL'HOME aux fins d'intervention, de paiement au titre de sa responsabilité en tant qu'agent immobilier et de garantie.
Les deux instances ont été jointes le 12 septembre 2022.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2023 les époux [W] demandent au visa des articles 1792 et suivants, 1641 à 1648 et 1130 et 1137 du code civil, au tribunal de :
- déclarer leur demande recevable et bien fondée,
A titre principal,
- ordonner la résolution de la vente intervenue entre Monsieur [T] [O], Madame [M] [D] et les époux [W] avec toutes conséquences de droit,
- condamner solidairement Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] à leur restituer le prix de vente,
Subsidiairement,
- condamner in solidum Monsieur [T] [O], Madame [M] [D], Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] épouse [A], es qualité de constructeurs, à leur payer les sommes suivantes :
- 96 556,90 euros au titre des travaux réparatoires avec indexation en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 du coût de la construction depuis la date du devis jusqu’à la date du jugement,
- 18 000 euros d’honoraires d’architecte ou de bureau d’étude pour vérifier et contrôler l’exécution des travaux de réfection conformement aux règles de l’art,
- 15 000 euros au titre de la perte d’habitabilité entre octobre 2018 et décembre 2022 laquelle sera à parfaire jusqu’à réparation totale des désordres,
- 750 euros au titre de la perte d'habitabilité durant les travaux réparatoires,
- assortir lesdites condamnations des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
En tout état de cause,
- condamner in solidum Monsieur [T] [O], Madame [M] [D], Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] épouse [A] à leur payer les sommes de :
- 25 000 euros au titre du préjudice moral,
- 1938,34 euros au titre de la surconsommation électrique laquelle sera à parfaire jusqu’à réparation totales des désordres,
- assortir lesdites condamnations des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner in solidum Monsieur [T] [O], Madame [M] [D], Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] épouse [A] à leur payer la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum Monsieur [T] [O], Madame [M] [D], Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] épouse [A] aux entiers dépens dont les frais de réalisation de l’expertise judiciaire,
- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître [J] [L] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Pour s'opposer à l'irrecevabilité de leurs demandes, les époux [W] indiquent qu'ils ont régularisé la procédure en publiant leur assignation avant que le juge statue. Ils ajoutent que le délai de deux ans dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit être exercée est, selon la jurisprudence, un délai de prescription qui court à compter du dépôt du rapport d'expertise, puisqu'ils n'avaient pas connaissance de l'origine, de l'étendue et de l'imputabilité des désordres avant cette date. Ils rappellent que l'article 2239 du code civil prévoit en outre que le délai de prescription est suspendu pendant les opérations d'expertise.
Au soutien de leur demande en résolution de la vente, ils indiquent que le bien immobilier est affecté d'un vice caché. Ils précisent que l'expert a constaté que les désordres existent, étaient cachés pour les acquéreurs et s'aggravent de telle sorte que la solidité de l'ouvrage est en péril et qu'un risque pour les personnes est avéré. Ils font valoir que la jurisprudence considère qu'un risque pour la sécurité des personnes constitue une impropriété à destination caractérisant un vice caché. Ils ajoutent que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés doit être écartée, l'expert ayant souligné que les vendeurs avaient connaissance du vice puisqu'ils ont réalisé des travaux de maçonnerie et de rebouchage pour vendre le bien. Ils contestent être tenus à un devoir de vigilance et font remarquer que l'arrêt cité en défense rejette tout devoir de vigilance des acquéreurs et d'assistance par un homme de l'art lors des visites.
À titre subsidiaire, ils sollicitent la condamnation solidaire de Monsieur [T] [O], Madame [M] [D] et des époux [A] au titre de la réticence dolosive pour les premiers et de la responsabilité des constructeurs pour les seconds. Ils rappellent d'une part que les époux [A] ont construit eux-mêmes l'extension et qu'ils sont dès lors réputés constructeurs. Ils ajoutent que la solidité de l'ouvrage est compromise et que l'extension est impropre à sa destination en raison de l'existence d'un danger pour les personnes. Ils rappellent qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit dont les époux [A] ne peuvent s'exonérer en évoquant le caractère apparent du vice. Ils font valoir d'autre part que Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] ont dissimulé les désordres dans le but de vendre leur bien.
Ils sollicitent à titre de réparation le paiement des travaux de démolition/reconstruction. S'ils déclarent que cette solution n'était pas celle privilégiée par l'expert en raison de son coût estimé à 140 000 euros, ils justifient d'un devis de 96 566,90 euros, d'un montant inférieur à la solution de reprise et soulignent que la solution de démolition/reconstruction est la seule permettant de faire cesser de manière définitive les mouvements de l'extension et donc les désordres.
Ils demandent en outre la réparation de leur préjudice tiré de l'impossibilité de pouvoir utiliser les deux chambres de l'extension d'octobre 2018 à décembre 2022 (50 mois) et pendant la durée des travaux (2 mois). Ils précisent que les chambres servent uniquement de stockage en raison du danger potentiel, que leurs enfants occupent la chambre parentale et qu'eux dorment dans le salon. Ils se basent sur un loyer mensuel de 1500 euros auquel ils appliquent un taux d'inhabilité de 80% et un pourcentage des pièces affectées de 25% correspondant à la surface des chambres ramenée à celle de la maison en son entier.
Concernant les autres préjudices, ils considèrent que le stress et l'angoisse ressentie depuis 35 mois en raison de l'aggravation des fissures et du risque d'effondrement a dégradé leur état mental mais également physique, Monsieur [W] ayant été hospitalisé pendant 4 jours en février 2021 et leur fils de 11 mois étant souvent malade. Ils demandent en réparation de leur préjudice moral la somme de 25 000 euros. Ils font valoir en outre que leur consommation d'électricité a augmenté passant de 138 euros en 2018 à 240 euros en 2021 alors que celle-ci est évaluée par EDF à 197 euros pour une consommation normale. Ils demandent une indemnisation à hauteur de 21,83 % de leurs factures depuis 2018.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2023, Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] demandent, au visa des articles 1641 à 1648, 2239 et 2241 du code civil, 514 et 515, 695 à 700 du code de procédure civile, au tribunal de :
A titre liminaire,
- déclarer irrecevables les demandes des époux [W],
A titre principal,
- débouter les époux [W] de l’ensemble de leurs demandes,
- débouter les époux [A] de l’ensemble de leurs demandes,
A titre subsidiaire,
- condamner les époux [A] à leur verser la somme de 96 556,90 euros au titre de leur responsabilité en qualité de constructeur de l’ouvrage,
- condamner les époux [A] à les relever et garantir indemnes de toute condamnation prononcée à leur encontre,
En tout état de cause,
- condamner tout succombant à leur verser la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner tout succombant aux entiers dépens comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire,
- écarter l’application de l’exécution provisoire.
Pour soulever à titre liminaire l'irrecevabilité des demandes des époux [W], Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] indiquent d'une part que les époux [W] ne justifient pas avoir publié l'assignation en résolution de la vente immobilière au service en charge de la publicité foncière conformément aux articles 28 et 30 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 et d'autre part que leur action fondée sur les vices cachés est forclose pour ne pas avoir été intentée dans le délai de deux ans prévu par l'article 1648 du code civil. Il précisent que le délai, interrompu par la procédure de référé, a commencé à courir le 3 avril 2019, date de la décision ordonnant l'expertise judiciaire en application de l'article 2241 du code de procédure civile.
Sur le fond, ils s'opposent à titre principal à la demande de résolution de la vente sur le fondement des vices cachés dès lors qu'une clause d'exclusion de garantie figure dans l'acte de vente en application de l'article 1643 du code civil et que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils avaient connaissance du vice et l'ont sciemment dissimulé. Ils soulignent que la fissure était apparente lors des visites nonobstant son rebouchage au silicone et non évolutive de sorte qu'ils n'ont eu connaissance de l'ampleur du vice qu'à compter de l'expertise. Ils ajoutent que la cloison d'une des chambres de l'extension était mal fixée et qu'ils l'ont seulement reposée.
Si la clause d'exclusion de garantie des vices cachés était écartée, ils font valoir que, selon l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Ils précisent que les époux [W] ont visité le bien à trois reprises dont deux avec des professionnels du bâtiment, qu'ils ont pu voir la fissure à l'arrière de la maison et qu'en application du devoir de vigilance mis à leur charge par la jurisprudence, ils auraient dû effectuer des vérifications relatives à cette fissure. Ils relèvent d'ailleurs que l'expert a retenu une part de responsabilité des époux [W] de 5%.
Concernant la demande subsidiaire au titre de la responsabilité du constructeur, ils font valoir que l'extension a été construite par les époux [A] et qu'ils n'ont réalisé que de petits travaux de rebouchage de fissure au silicone et de repose d'une cloison mal fixée, de sorte qu'ils ne peuvent être qualifiés de constructeurs au sens de l'article 1792 du code civil. Ils ajoutent que l'article 1792-1 du code civil ne leur est pas non plus applicable et qu'ils n'ont pas fait preuve de réticence dolosive.
S'agissant de l'indemnisation du préjudice de jouissance, ils indiquent que celui-ci ne saurait débuter en octobre 2018 alors que les époux [W] n'avaient, à ce moment, pas connaissance de l'ampleur du vice et des risques pour leur famille. Ils ajoutent que les chambres de l'extension sont utilisées comme lieu de stockage. Ils sollicitent en outre le débouté des préjudices moral et de surconsommation électrique faute pour les demandeurs de prouver le lien entre ces préjudices et les désordres.
À titre reconventionnel, ils soulèvent que les époux [A] ont construit l'extension à l'origine des désordres et qu'ils sont dès lors responsables au titre des articles 1792 et 1792-1 du code civil. Ils rappellent que cette responsabilité est une responsabilité de plein droit et qu'en conséquence le caractère apparent du vice est inopérant. Ils demandent qu'ils soient condamnés à payer la somme de 96 556,90 euros au titre des travaux de démolition/reconstruction, solution réparatoire qui s'impose compte tenu du délai écoulé depuis l'expertise, et qu'ils les garantissent de toute condamnation prononcée à leur encontre. Ils font valoir par ailleurs qu'ils n'ont commis aucune faute et qu'ils ne doivent pas garantir les époux [A].
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2024, les époux [A] demandent au visa des articles 1240 et 1792 du code civil, au tribunal de :
A titre principal,
- débouter les époux [W] de l’ensemble de leurs demandes,
- débouter Madame [M] [D] et Monsieur [T] [O] de l’ensemble de leurs demandes,
- débouter la SAS COUL’HOME de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
- condamner in solidum Madame [M] [D], Monsieur [T] [O] et la SAS COUL’HOME, exerçant sous l’enseigne ARTHURIMMO.COM, à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,
- condamner la SAS COUL’HOME, exerçant sous l’enseigne ARTHURIMMO.COM, Madame [M] [D], Monsieur [T] [O], Madame [X] [W] et Monsieur [F] [W], dans les proportions de responsabilité retenues par l’expert judiciaire, soit :
- à la charge de la société COUL’HOME............................................ 30 %
- à la charge de Madame [D] et de Monsieur [O] .... 15 %
- à la charge des époux [W] : ......................................................... 5 %
En tout état de cause,
- condamner tout succombant à leur verser la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner tout succombant aux entiers dépens comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire.
Pour s'opposer aux demandes de condamnation en paiement ou de garantie au titre de leur responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil, les époux [A] indiquent que le vice était apparent au moment des visites et de la vente. Ils rappellent que les époux [W] ont visité le bien à trois reprises, dont deux avec des professionnels du bâtiment.
Ils sollicitent en outre le rejet des demandes de dommages et intérêts, les préjudices invoqués par les époux [W] n'étant pas démontrés ni dans leur existence ni dans leur quantum, faute de pièces.
Si leur responsabilité était retenue, ils demandent que le tribunal condamne la SAS COUL'HOME, les consorts [O]/[D] et les époux [W] selon les proportions retenues par l'expert, à savoir respectivement 30%, 15% et 5%.
Ils indiquent que la SAS COUL'HOME, en tant qu'agent immobilier, est tenue à une obligation d'information et de conseil et qu'elle doit à ce titre préciser l'origine des fissures apparentes et leur gravité quant à la structure de l'immeuble. Ils précisent que l'agence a fait visiter le bien à deux reprises aux époux [W], que deux fissures en façade (rue et jardin) étaient apparentes et que l'agence a déclaré aux acquéreurs que les fissures étaient des pathologies courantes et qu'elles ne présentaient aucun risque. Or, ils soulignent que les travaux de construction de l'extension ont été achevés le 12 octobre 2010 et que l'apparition de fissure avant l'expiration du délai de 10 ans présente un caractère d'anormalité identifiable pour un professionnel de l'immobilier. Ils considèrent dès lors que l'agence immobilière a commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil engageant sa responsabilité.
S'agissant de la responsabilité des consorts [O]/[D], ils indiquent qu'aucune fissure n'existait au moment de la vente de 2012 puisqu'elles sont apparues en 2016. Ils soulignent que deux fissures étaient apparentes en 2018 et ce malgré un rebouchage au silicone et qu'en l'absence de pièce permettant d'affirmer ou d'infirmer que les vendeurs ont informé les acquéreurs de l'existence de ces désordres, leur responsabilité doit être retenue.
Concernant les époux [W], ils font valoir que l'expert retient à leur égard une part de responsabilité de 5% car ils ont constaté lors de l'acquisition du bien en juillet 2018 l'existence de deux fissures.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2023, la SAS COUL'HOME demande, au visa de l'article 1240 du code civil, au tribunal de :
- débouter les époux [A] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, à son encontre,
- condamner les époux [A] à lui régler la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux [A] aux entiers dépens.
Pour s'opposer aux demandes des époux [A], la SAS COUL'HOME indique dans un premier temps qu'elle n'est pas à l'origine des désordres et dans un second temps qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil.
Elle rappelle que les époux [A] ont construit l'extension, que l'expert a détaillé les causes des désordres et qu'il en résulte que seuls les époux [A] ont concouru à la réalisation du dommage par la construction d'un ouvrage avec des fondations inadaptées au sol et de surcroît non conforme aux règles de l'art. Elle considère dès lors que seuls les époux [A] sont responsables au titre de la garantie constructeur prévue par l'article 1792 du code civil.
Elle ajoute qu'il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à son obligation de conseil des parties sur l'existence et l'ampleur des désordres alors que les fissures étaient infimes lors des visites, que les consorts [O]/[D] n'avaient pas conscience de leur gravité et que les époux [W] sont venus avec des professionnels du bâtiment. Elle souligne qu'elle n'est ni professionnel de la construction ni vendeur professionnel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 avril 2024.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 4 juillet 2024 et mise en délibéré au 26 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'exception de procédure tirée du défaut de publicité :
En l'espèce, Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] demandent au tribunal de déclarer l'assignation irrecevable faute pour les demandeurs de l'avoir publiée au service chargé de la publicité foncière en application des articles 28 et 30 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955.
Selon l'article 73 du code de procédure civile, cette demande constitue une exception de procédure.
Or, il résulte du 1° de l'article 789 du code civil, que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et que les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.
Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] ne font pas valoir que l'exception de procédure soit survenue ou ait été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état, ils ne sont dès lors plus recevables à soulever ladite exception.
La prétention tendant à ce que le tribunal déclare irrecevables les demandes des époux [W] sera jugée irrecevable.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action fondée sur les vices cachés :
En l'espèce, Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] demandent au tribunal de déclarer l'action fondée sur les vices cachés forclose en application des articles 1648, 2241 et 2239 du code civil.
Selon l'article 122 du code de procédure civile, cette demande constitue une fin de non-recevoir.
Or, il résulte du 6° de l’article 789 du code civil que, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] ne font pas valoir que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action en résolution de la vente sur le fondement des vices cachés soit survenue ou ait été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. Ils ne sont dès lors plus recevables à soulever ladite forclusion.
La prétention tendant à ce que le tribunal déclare irrecevables les demandes des époux [W] sera jugée irrecevable.
Sur la demande principale de résolution de la vente sur le fondement des vices cachés :
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché, inhérent à la chose vendue, antérieur à la vente et rendant la chose impropre à sa destination ou nuisant à son usage.
Il n'est pas contesté que :
- le bien immobilier est affecté de désordres (fissures, crevasses, décollement de doublage, porte qui ne ferme pas) importants et structurels à la jonction entre le pavillon et l'extension et qu'ils s'aggravent,
- ces désordres sont apparus en 2016, avant la vente du bien aux époux [W],
- ces désordres rendent l'extension impropre à sa destination.
Le caractère caché du vice et l'exclusion de garantie sont en revanche discutés.
Sur le caractère caché ou apparent du vice :
Il ressort du rapport d'expertise que les époux [W], acquéreurs réputés profanes, ont visité le bien immobilier à deux reprises avec l'agence immobilière. Ils ont pu constater sur les façades extérieures, une fissure au droit du joint de dilatation côté jardin ainsi qu'une fissure côté rue, toutes deux rebouchées avec du silicone. Les consorts [O]/[D] précisent que ces fissures sont apparues en 2016 et qu'ils les ont reprises à cette date. Aucune fissure intérieure n'était en revanche visible. Les époux [W] se sont interrogés sur les conséquences de ces fissures et l'agence les a rassurés en indiquant que ces fissures ne présentaient pas de risques.
Dès septembre 2018, les époux [W] ont constaté l'apparition de nombreuses fissures aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du bien immobilier qui sont, pour certaines, qualifiées de crevasses ou de lézardes et qui se sont rapidement aggravées de sorte que la solidité du bien est en péril et qu'à terme, l'extension ne pourra plus être habitée.
Ainsi, si deux fissures étaient apparentes lors de la visite du bien, il est relevé que la jurisprudence constante considère qu'un désordre apparent peut constituer un vice caché lorsqu'il ne peut être appréhendé dans son ampleur et sa gravité. Or, lors des visites seules deux fissures étaient apparentes. Elles avaient été traitées par les vendeurs et l'agent immobilier a rassuré les acquéreurs. Seule l'expertise a pu établir leur gravité.
En outre, si les consorts [O]/[D] indiquent que trois visites ont eu lieu dont deux en présence de professionnels du bâtiment, les époux [W] contestent ce fait et la jurisprudence constante rappelle que la loi n'impose pas aux acquéreurs de se faire assister d'un homme de l'art lors des visites.
En conséquence, il est considéré que les deux fissures apparentes lors de la vente n'ont pas permis aux acquéreurs d'appréhender l'ampleur et la gravité des désordres réels qui sont rapidement intervenus. Dès lors, le vice est qualifié de caché.
Sur la clause d'exclusion de garantie :
En application de l'article 1643 code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
L’acte de vente a prévu une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés rédigée en ces termes : « l’acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison
- des vices apparents,
- des vices cachés.
S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :
- si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel,
- s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices étaient en réalité connus du vendeur. »
Il appartient dès lors aux acquéreurs souhaitant écarter la clause de démontrer que les vendeurs sont de mauvaise foi en ce qu'ils avaient connaissance du vice affectant la chose vendue.
Il est souligné que l'expert, qui a répondu aux questions posées par le juge des référés, ne s'est pas prononcé sur la connaissance par les vendeurs du vice caché.
Il résulte cependant de l'expertise que si les désordres sont essentiellement dus à la construction de l'extension (fondations inadaptées et non respect des règles de l'art), seules deux fissures sont apparues en 2016 alors que les consorts [O]/[D] étaient propriétaires du bien immobilier. L'expert a qualifié ces fissures de « microfissures ». Elles ont été rebouchées avec du silicone à cette période et un raccord de ravalement a été réalisé sur une des façades. Le commissaire de justice a constaté en octobre 2018 que des coups de rouleau de peinture étaient visibles sur une bande de 60 à 65 cm de large. Ainsi, les reprises étaient visibles et n'ont pas été dissimulées pour la vente.
L'expert ajoute que les consorts [O]/[D] ont réalisé des travaux d'aménagement intérieur en 2016 :
- mise en place d'un parquet flottant dans le séjour et le hall en remplacement du carrelage originel,
- réfection du doublage côté pignon : remplacement de la colle originelle par une ossature métal.
Aucun élément ne permet d'établir que ces travaux sont en lien avec les désordres constatés, les consorts [O]/[D] indiquant que le doublage, mal fixé, se décollait. En outre, les consorts [O]/[D] n'ont pas réalisé d'autres travaux entre 2016 et la vente du bien immobilier, de sorte que s'ils avaient réalisé ces travaux en raison des désordres apparus en 2016, ils ont pu croire que ceux-ci avaient été traités faute d'évolution depuis lors.
Par ailleurs, l'acte de vente précise que des travaux d'extension d'habitation pour une surface hors-oeuvre nette créée de 24 m2 ont été effectués en 2009 par les époux [A], précédents propriétaires. La copie du permis de construire et la copie de la déclaration d'achèvement des travaux sont annexés à l'acte.
Ainsi, les acquéreurs ne démontrent pas que les vendeurs, qui ne sont pas à l'origine de la construction de l'extension, avaient connaissance du vice affectant le bien immobilier, seules deux fissures étant apparues en 2016, ayant été reprises et n'ayant pas évolué jusqu'à la vente.
En conséquence, la clause prévue à l'acte de vente produit son effet et exclut la garantie des vendeurs. Les époux [W] seront déboutés de leur demande de résolution de la vente sur le fondement des vices cachés.
Sur la demande subsidiaire en paiement sur le fondement de la responsabilité des constructeurs et de la réticence dolosive :
Sur la responsabilité des constructeurs :
Aux termes du premier alinéa de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il résulte de l'expertise et de l'acte de vente que les époux [A] ont réalisé par eux-mêmes une extension de leur maison en maçonnerie traditionnelle avec joint de dilatation sur vide sanitaire et semelles filantes afin de créer deux chambres. Les travaux ont débuté le 8 octobre 2009 et se sont achevés le 12 octobre 2010. Aucune assurance dommage ouvrage n'a été souscrite.
L'expert indique que la cause principale des désordres est l'inadaptation des fondations au terrain d'assise en argiles vertes très sensibles aux phénomènes de retrait-gonflement. La cause secondaire est la réalisation de cette extension sans respecter les règles de l'art.
L'expert ajoute que la solidité de l'ouvrage est en péril.
Ainsi, les époux [A] ont construit l'extension et les dommages en résultant compromettent la solidité de cet ouvrage. Ils sont dès lors responsables de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le caractère apparent du vice, ce moyen étant inopérant comme ne constituant pas une cause étrangère, seule susceptible d'écarter la responsabilité.
Sur la réticence dolosive des consorts [O]/[D] :
Selon l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1137 du code civil précise que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Il résulte des éléments développés ci-dessus que si les consorts [O]/[D] ont rebouché deux fissures et réalisé des travaux d'aménagement en 2016, rien ne permet d'établir qu'ils ont caché ces éléments dans le but de déterminer les époux [W] à conclure la vente.
En conséquence, les époux [W] seront déboutés de leurs demandes à l'égard des consorts [O]/[D].
Sur les préjudices :
Sur les travaux de reprise :
Dans son rapport du 6 février 2021, l'expert a étudié deux hypothèses de travaux de réparation et de sécurisation, une de réfections partielles et l'autre de démolition-reconstruction.
La solution de réfections partielles comprend une reprise en sous-oeuvre de l'extension, des réfections ponctuelles des superstructures et la remise en état des lieux. Elle est évaluée à la somme de 100 000 euros.
La solution de démolition-reconstruction est évaluée à la somme de 140 000 euros. Compte tenu de son coût et de sa technicité, elle n'a pas été retenue par l'expert. Cependant, celui-ci a indiqué que si les travaux de reprise en sous-oeuvre ne sont pas réalisés dans les plus brefs délais, les pathologies vont continuer à s'aggraver (affaissement et rotation de l'extension) jusqu'à fragiliser les structures de l'extension et rendre à terme l'extension impropre à sa destination. Dans ce cas, la solution de démolition-reconstruction de l'extension serait inévitable.
Les époux [W] communiquent un devis établi le 29 juin 2021 pour des travaux de démolition et reconstruction à l'identique de l'agrandissement de la maison individuelle pour un montant total de 96 556,90 euros.
Compte tenu du délai écoulé depuis l'expertise et du coût désormais identique voire moindre de la solution de démolition-reconstruction par rapport à la solution de reprise en sous-œuvre, il convient de faire droit à la demande des époux [W] et de condamner les époux [A] à leur payer la somme de 96 556,90 euros au titre des travaux réparatoires.
Le devis datant de 2021, cette somme sera réévaluée en fonction de l'indice BT 01.
Sur la maîtrise d'oeuvre :
L'expert a souligné que les époux [W] devront s'entourer des compétences de professionnels (maître d'œuvre, bureau d'études techniques, entreprise spécialisée...) pour non seulement définir mais aussi diriger et réaliser les travaux réparatoires. Il ne s'est en revanche pas prononcé sur le coût de cet accompagnement.
Les époux [W] demandent de leur allouer la somme de 18 000 euros sans produire de justificatif.
Il leur sera accordé la somme de 9655,69 euros correspondant à 10% de la valeur du devis, somme habituellement retenue pour la maîtrise d'œuvre.
Sur la perte d'habitabilité :
Les époux [W] sollicitent la somme de 15 000 euros pour la période comprise entre octobre 2018 et décembre 2022 outre 750 euros pendant les réparations en tenant compte d'un loyer mensuel de 1500 euros, d'un taux d'inhabitalité de 80% et d'un taux de pièces affectées de 25%. Ils produisent des avis d'agences immobilières évaluant la valeur locative de leur bien immobilier entre 1150 et 1250 euros (DESAINT), 1400 euros (CENTURY 21) et entre 1400 et 1450 euros (ORPI), soit une valeur locative moyenne de 1341 euros. Ils précisent que le taux d'inhabitabilité ne peut être inférieur à 80%, l'extension comportant deux chambres inutilisables et condamnées depuis mars 2021. Ils versent aux débats des attestations de proches établies en septembre 2021 témoignant du fait qu'ils ne se servent plus des chambres de l'extension et dorment avec leur enfant dans le salon. Ils ajoutent que la surface de l'extension représente 25% de la surface de la maison.
L'expert a indiqué dans sa note de synthèse du 28 septembre 2020 que les deux chambres de l'extension présentaient un risque pour les personnes et les biens. Il a retenu dans son rapport un préjudice de perte d'habitabilité qu'il évalue à la somme de 187,50 euros par mois, en prenant en compte un loyer mensuel de 1500 euros, un taux d'inhabitabilité de 50% et un taux de pièces affectées de 25%. Il précise deux périodes, une première originelle qui débute en octobre 2018 et une seconde pendant les travaux réparatoires (deux mois pour la solution de réfection).
Compte tenu des déclarations des parties, de l'expertise et des pièces produites, il convient de retenir une valeur locative de 1341 euros, de fixer le taux d'inhabilité à 50% jusqu'en février 2021, les chambres étant occupées et à 80% à compter de mars 2021, les chambres étant condamnées à cette date. Le taux de pièces inhabitées sera établi à 25%.
Ainsi, l'indemnité due au titre de la perte d'habitabilité correspond à :
- d'octobre 2018 à février 2021 (17 mois) : 1341 x 50% x 25% x 17mois = 2849,63 euros,
- de mars 2021 à juillet 2024 (28 mois) : 1341 x 80% x 25% x 28mois = 7509,60 euros,
- à compter d'août 2024 et jusqu'à réparation totale des désordres : 1341 x 80% x 25% = 268,20 euros par mois.
Sur le préjudice moral :
À l'appui de leur demande en réparation de leur préjudice moral, les époux [W] versent aux débats :
- l'attestation d'une amie faisant part de la fatigue physique et psychologique ressentie par l'épouse depuis les soucis rencontrés avec sa maison, de son anxiété, de son incapacité à se projeter et d'une perte de cheveux. Elle évoque aussi le renoncement des époux à recevoir leurs amis ou leur famille,
- l'attestation d'un ami constatant que la joie et la gaieté de l'épouse se sont évanouies et ont laissé place à la frustration et aux contrariétés,
- l'attestation du père de l'époux évoquant les contrariétés vécues par son fils en raison des fissures apparues sur la maison, la promiscuité dans laquelle il vit avec sa famille depuis que les chambres sont condamnées, l'impossibilité de pouvoir agrandir sa famille ou de recevoir des proches et la peur d'un effondrement de l'extension. Il remarque que son fils habituellement jovial et chaleureux est désormais stressé, au bord de l'énervement.
Si aucun élément ne permet de rattacher les problèmes de santé physique évoqués aux désordres apparus sur le bien immobilier, le préjudice moral est suffisamment établi par les pièces versées aux débats et leur lien avec la gravité des désordres est également démontré.
En conséquence, il sera accordé aux époux [W] la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
Sur la surconsommation électrique :
Les époux [W] produisent à l'appui de leur demande :
- les montants prélevés dans le cadre d'une mensualisation de septembre 2018 à février 2019 : 138 euros par mois,
- la facture de régularisation du 28 février 2019 de 393,88 euros pour une consommation réelle de 7631 kw/h,
- les montants prélevés dans le cadre d'une mensualisation d'avril 2019 à février 2020 : 169,32 euros par mois,
- les montants prélevés dans le cadre d'une mensualisation de septembre 2019 à février 2020 : 226,19 euros par mois,
- la facture de régularisation du 28 février 2021 de 214,93 euros pour une consommation réelle de 14583 kw/h. Un courrier est joint indiquant que la consommation a augmenté de 7% et que cette augmentation pourrait s'expliquer par des températures moyennes plus froides,
- les montants prélevés dans le cadre d'une mensualisation d'avril 2021 à février 2022 : 240,30 euros par mois.
Si la consommation d'électricité a en effet augmenté pour atteindre en 2021 le double de celle de 2018, aucun élément ne permet d'identifier les causes de cette augmentation, de sorte que les époux [W] ne rapportent pas la preuve d'un lien entre ce préjudice et les fissures. L'expert a d'ailleurs indiqué dans son rapport que rien ne permet d'affecter de façon irréfragable cette surconsommation aux seuls désordres constatés.
En conséquence, les époux [W] seront déboutés de leur demande.
Sur l'application du taux d'intérêt légal :
En application de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En l'espèce, il convient de dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les appels en garantie :
- des consorts [O]/[D] à l'égard des époux [A] :
Les consorts [O]/[D] n'étant pas condamnés au paiement, la demande est sans objet.
- des époux [A] à l'égard de la société COUL'HOME :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'agence immobilière COUL'HOME est intervenue à la vente en vertu d'un mandat signé avec les consorts [O]/[D] le 11 avril 2018. Elle était présente lors des visites du bien immobilier. Elle a reçu une rémunération de 10 000 euros.
Il est constant que l’agent immobilier, intermédiaire professionnel, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la vente, et ce même à l'égard de l'autre partie. Il est ainsi tenu d'une obligation d'information et de conseil à l'égard des acquéreurs, notamment sur l'existence des désordres apparents affectant le bien vendu, qu'en sa qualité de professionnel averti, il ne peut ignorer.
Il résulte des débats et de l'expertise que deux fissures étaient visibles lors des visites du bien immobilier en 2018. Celles-ci avaient été rebouchées au silicone en 2016. Il ressort de l'acte de vente que le bien est concerné par la cartographie de l'aléa retrait-gonflement des argiles établie par le Ministère de la transition écologique et solidaire.
Dès lors, la société COUL'HOME, professionnelle de l'immobilier sensibilisée aux risques affectant la structure des immeubles situés dans une zone de sols argileux, aurait dû, dans le cadre de son obligation d'information et de conseil, faire procéder à tout contrôle permettant de s'assurer que la structure du bien n'était pas en cause et qu'il pouvait dès lors faire l'objet d'une vente. En outre, il ne peut être exclu qu'en rassurant les acquéreurs sur l'absence de risque, elle a joué un rôle important dans la détermination du consentement des époux [W]. L'expert évoque d'ailleurs un « avis ayant valeur technique ».
L'agent immobilier ne peut s'exonérer de son obligation d'information et de conseil, en indiquant que les fissures étaient visibles. Par ailleurs, aucun élément ne permet d'établir que les acquéreurs ont été assistés pendant les visites de professionnels du bâtiment et que dès lors l'agent aurait été dispensé de son obligation d'information et de conseil.
Le défaut de conseil auprès des acquéreurs ne leur a pas permis de se rendre compte de l'ampleur des désordres, des conséquences sur l'habitabilité de l'extension et en conséquence de ne pas contracter la vente.
Le principe de réparation intégrale du dommage doit être appliqué au dommage subi qui a un lien avec la faute. Or, la faute commise par l'agent immobilier a concouru à la réalisation d'un préjudice pour l'acquéreur, préjudice qui s’analyse en une perte de chance de ne pas acquérir l’immeuble ou de l’acquérir à un prix moindre. Cette perte de chance peut être évaluée à 30% des préjudices subis et étudiés ci-dessus, conformément aux préconisations de l'expert.
En conséquence, la société COUL'HOME sera condamnée à garantir les époux [A] à concurrence de 30%.
- des époux [A] à l'égard des consorts [O]/[D] :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Il résulte de l'acte de vente du 30 mars 2012, que les époux [A], vendeurs, ont indiqué avoir effectué eux-mêmes les travaux d'extension du bien immobilier : agrandissement du pavillon sur la partie droite par la création d'une extension de 23,64m2 comprenant deux chambres. Ils ont précisé ne pas avoir souscrit d'assurance dommage ouvrage. Le permis de construire et la déclaration d'achèvement sont annexés à l'acte de vente.
Il est constant que les consorts [O]/[D] ont découvert deux fissures en 2016 et qu'ils les ont rebouchées avec du silicone. Alors qu'une des fissures se situe verticalement au niveau du joint de dilatation et que le délai de 10 ans depuis la création de l'extension n'était pas expiré, ils n'ont pas signalé les désordres aux époux [A] et à leur assurance et n'ont pas effectué de diligences auprès de professionnels ou de leur assurance pour en connaître la gravité. En outre, ils ont réalisé en 2016 des travaux intérieurs, en remplaçant le carrelage par du parquet flottant et en fixant avec une ossature en métal le doublage en placo-plâtre qui se décollait. S'ils indiquent que ces travaux ne sont pas en lien avec les fissures, la date de leur réalisation interroge.
Ainsi, en ne sollicitant pas l'avis de professionnel ou l'expertise de leur assurance pour connaître l'origine des fissures apparues en 2016 pendant le délai de la garantie constructeur, les consorts [O]/[D] ont commis une négligence à l'origine de l'aggravation des désordres.
L'expert a retenu pour leur part une responsabilité de 15%.
Ils devront en conséquence, garantir les époux [A] à hauteur de 15%.
- des époux [A] à l'égard des époux [W] :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'expert propose de retenir une part de responsabilité de 5% pour les époux [W]. Il souligne que les époux [W] ont acquis le bien immobilier alors que deux fissures rebouchées en silicone étaient visibles lors des visites et que l'acte de vente mentionne que le bien est concerné par l'aléa de retrait-gonflement des argiles, tout en reconnaissant leur qualité de non-sachants et le rôle de l'agence immobilière dans la détermination de leur consentement.
Si les époux [W] sont effectivement réputés non-sachants, ils se sont montrés négligents en faisant confiance à l'agent immobilier lorsqu'ils ont constaté la présence de fissures sur les façades des bâtiments.
Les époux [W] devront garantir les époux [A] à hauteur de 5%.
Sur les mesures de fin de jugement :
En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En l'espèce, compte tenu du délai écoulé depuis les différentes procédures et la nécessité d'effectuer rapidement les travaux, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.
Vu l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner les parties aux dépens selon la répartition de leur part de responsabilité dans le dommage :
- 50% pour les époux [A],
- 30% pour la société COUL'HOME,
- 15% pour les consorts [O]/[D],
- 5% pour les époux [W].
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à Maître [J] [L].
Chacune des parties étant condamnée à une part des dépens, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
Déclare irrecevables les demandes de Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] tendant à déclarer les demandes de Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] irrecevables pour défaut de publication et forclusion de l'action en garantie des vices cachés ;
Déboute Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] de leur demande de résolution de la vente conclue avec Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] sur le fondement des vices cachés ;
Déboute Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] de leur demande en paiement sur le fondement de la réticence dolosive de Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] ;
Condamne au titre de la responsabilité des constructeurs in solidum Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] à payer à Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] les sommes de :
- 96 556,90 euros au titre des travaux de démolition-reconstruction de l'extension avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction depuis la date du devis,
- 9 655,69 euros d'honoraires d'architecte ou de bureau d'étude,
- 2 849,63 euros au titre de la perte d'habitabilité entre octobre 2018 et février 2021,
- 7509,60 euros au titre de la perte d'habitabilité entre mars 2021 et juillet 2024,
- 268,20 euros par mois au titre de la perte d'habitabilité à compter d'août 2024 et jusqu'à la fin des travaux,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] de leur demande de réparation au titre de la surconsommation électrique ;
Dit que la société COUL'HOME devra garantir Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 30 % ;
Dit que Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] devront garantir Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 15 % ;
Dit que Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] devront garantir Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 5 % ;
Condamne les parties aux dépens dans les proportions suivantes :
- Monsieur [P] [A] et Madame [I] [Z] : 50%,
- la société COUL'HOME : 30%,
- Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] : 15%,
- Monsieur [F] [W] et Madame [X] [B] : 5% ;
Accorde à Maître [J] [L] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [T] [O] et Madame [M] [D] de leur demande tendant à écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE