- N° RG 24/02565 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDSBL
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MEAUX
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Juge de l'Exécution
N° RG 24/02565 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDSBL
Minute n° 24/
JUGEMENT du 23 AOUT 2024
Par mise à disposition, le 23 août 2024, au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux, a été rendu le présent jugement, par Mme Fatima ZEDDOUN, Vice-présidente au tribunal judiciaire de Meaux, désigné par ordonnance du président de cette juridiction pour exercer les fonctions de juge de l’exécution, assistée de Mme Drella BEAHO , greffier, lors des débats et de Mme Fatima GHALEM greffier, au prononcé de la décision ;
Dans l'instance N° RG 24/02565 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDSBL
ENTRE :
DEMANDERESSE :
Madame [B] [P] épouse [V]
née le 15 Juin 1982 à [Localité 5] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante et assistée de Me Corinne MAGALHAES, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant
ET :
DÉFENDEURS :
Monsieur [K] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant
Madame [S] [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante représentée par son fils [I] [D] [F] muni d’un pouvoir
Après avoir entendu à l’audience publique du 11 juillet 2024, puis en avoir délibéré conformément à la loi en faisant préalablement connaître que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe à la date d’aujourd’hui, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile ;
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 16 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne a notamment validé le congé donné par Mme [S] [D] et M. [K] [F] à Mme [B] [P] épouse [V] et M. [U] [V] portant sur un bail d’habitation ayant pour objet un bien situé [Adresse 4], à compter du 15 avril 2022, ordonné l’expulsion des occupants et les a condamnés à payer 6.243,24 € au titre de l’arriéré locatif.
Le jugement a été signifié le 29 décembre 2022.
Par acte de commissaire de justice du 29 décembre 2022, Mme [S] [D] et M. [K] [F] ont fait délivrer un commandement de quitter les lieux.
Par jugement en date du 27 avril 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux a accordé à Mme [B] [P] épouse [V] un délai de 15 mois, soit jusqu’au 27 juillet 2024 inclus, avant de devoir quitter le logement qu’elle occupe et a conditionné le maintien de ces délais au paiement de l’indemnité d’occupation.
Par requête reçue par le greffe le 06 juin 2024, Mme [B] [P] épouse [V] sollicite un délai de 12 mois pour quitter les lieux.
L’affaire a été appelée à l’audience du 11 juillet 2024.
Mme [B] [P] épouse [V] assistée de son conseil, lequel a déposé des conclusions qu’il a soutenues oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer par application de l’article 455 du code de procédure civile, maintient sa demande de délai d’un an.
Au soutien de sa demande, elle expose qu’elle est séparée de son époux qui est incarcéré ; qu’elle vit seule avec trois enfants en bas âge; qu’elle a déposé un dossier de surendettement et obtenu un moratoire de 24 mois pour la dette locative. Elle explique encore que depuis 2023, elle est à jour du “loyer résiduel” courant et ajoute qu’elle a effectué des démarches pour se reloger.
Les défendeurs assistés de leur conseil lequel a déposé des conclusions qu’il a soutenues oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer par application de l’article 455 du code de procédure civile, s’opposent à la demande de délais en faisant valoir que la requérante a déjà obtenu un délai de 15 mois, que cette dernière est de mauvaise foi et qu’elle et ses enfants troublent le voisinage en raison de nombreuses incivilités, désagréments et menaces au sein de la résidence.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 23 août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de délais :
L'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.
En vertu de l'article L. 412-4 du même code, ces délais doivent être compris entre 1 mois et 1 an, et ils sont fixés en tenant compte, notamment, de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Il résulte de ces articles que le juge de l'exécution doit apprécier l'équilibre entre les intérêts du propriétaire et le droit de l’occupant à un logement décent et indépendant, et que ce droit seul ne suffit pas à accorder les délais, qui doivent au contraire être fondés sur des éléments concrets qui tiennent compte du comportement de l'occupant et celui du propriétaire.
En l'espèce, un commandement de quitter les lieux a été délivré à Mme [B] [P] épouse [V] le 29 décembre 2022. Par jugement du 27 avril 2023, cette dernière a obtenu un délai de 15 mois avant de devoir quitter le logement qu’elle occupe.
Il y a lieu de rechercher si la situation personnelle de Mme [B] [P] épouse [V] lui permet de bénéficier à nouveau d’un délai avant l’expulsion qui doit être entreprise et dont le principe n’est pas contestable.
Il ressort des pièces produites que la requérante a trois enfants à charge nés en 2015 et 2020, qu’elle perçoit des prestations servies par la Caisse d’allocation familiales d’un montant de 1.162,86 € par mois, qu’elle travaille à temps partiel depuis le mois de décembre 2023 et perçoit un revenu mensuel de l’ordre de 366 €.
Mme [B] [P] épouse [V] établit avoir obtenu un moratoire de 24 mois pour régler la dette locative dans le cadre de la procédure de surendettement. Elle justifie par ailleurs que depuis le mois de janvier 2023, elle règle l’indemnité résiduelle, qu’elle avait évalué à 300 €, faute d’avoir pu obtenir des propriétaires le montant exact de l’indemnité due. En outre, il ressort d’un courrier des propriétaires en date du 30 janvier 2024, que le compte de Mme [B] [P] épouse [V] est créditeur de 227,64 €.
Enfin, Mme [B] [P] épouse [V] justifie avoir effectué des diligences pour obtenir un nouveau logement et il n’est pas démontré que depuis le 19 janvier 2024, date à laquelle les propriétaires ont été informés par le syndic des incivilités des enfants de Mme [B] [P] épouse [V] et de son comportement inaproprié, que de tels agissements se soient renouvelés.
Mme [S] [D] et M. [K] [F] justifient de leur situation même si celle-ci n’a pas été actualisée depuis 2022 (avis d’imposition 2023 sur les revenus de 2022). Il ressort des éléments produits que ces derniers perçoivent une retraite mensuelle moyenne de 2.885 €, outre des revenus fonciers nets annuels de 4.820 €. Ils ne justifient d’aucun crédit immobilier et leur relevé de compte bancaire montre un solde créditeur de 34.327,24 € au 27 mai 2024.
A la lumière de ces développements, Mme [B] [P] épouse [V] sera autorisée à se maintenir dans les lieux durant quatre mois à compter de la présente décision, à charge pour elle de s'acquitter à échéance de l'indemnité d'occupation.
En cas de défaillance de Mme [B] [P] épouse [V] et quinze jours après l'envoi d'une mise en demeure infructueuse, le délai en sus accordé sera caduc, et il pourra de nouveau être procédé à son expulsion.
Vu l'article 696 du code de procédure civile, Mme [S] [D] et M. [K] [F] seront condanmés aux dépens.
Il convient de rappeler que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
PAR CES MOTIFS,
Le juge de l'exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
ACCORDE à Mme [B] [P] épouse [V] un délai de quatre mois pour quitter le logement qu'elle occupe sis [Adresse 4], soit jusqu’au 23 décembre 2024 inclus.
DIT que ce délai est subordonné au paiement mensuel de l’indemnité d’occupation égale au loyer et aux charges,
DIT que faute de s'acquitter à échéance de l'indemnité d'occupation courante, et 15 jours après l'envoi d'une mise en demeure par voie recommandée restée partiellement ou totalement infructueuse, les délais seront caducs, et il pourra de nouveau être procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, si besoin est avec le concours de la force publique ;
CONDAMNE Mme [S] [D] et M. [K] [F] aux dépens;
RAPPELLE que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
Et le présent jugement a été signé par Fatima ZEDDOUN, juge de l’exécution, et par Fatima GHALEM, greffier.
Le greffier Le juge de l’exécution