- N° RG 22/04806 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC27Q
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Minute n°24/699
N° RG 22/04806 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC27Q
Date de l'ordonnance de
clôture : 27 juin 2024
le
CCC : dossier
FE :
-Me NOACHOVITCH
-Me MEURIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU DEUX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR
Monsieur [Y] [V]
[Adresse 3]
représenté par Maître Sylvie NOACHOVITCH de la SELARL SYLVIE NOACHOVITCH & ASSOCIE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
DEFENDERESSE
S.A.S. PV-CP CITY venant aux droits de la société PV RESI DENCES & RESORT FRANCE
L’ARTOIS ESPACE PONT DE FLANDRE
[Adresse 1]
représentée par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Me Géraldine MACHINET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Assesseurs: Mme BASCIAK Juge
Greffière lors du délibéré : Mme CAMARO
Jugement rédigé par : M. BOURDEAU, Juge
DEBATS
A l'audience publique du 02 Mai 2024, tenue en rapporteur à deux juges : M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 04 Juillet 2024.
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BOURDEAU, Président, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;
Exposé du litige
Par acte sous seing privé du 26 septembre 2012, [B] [O] a donné à bail à la société PV-CP Résidence Exploitation (SIREN 508 321 155) un lot 0170-01, n° physique 326 parking P25, dépendant d’une résidence de tourisme Adagio [5] sise [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de 9 années, à compter du 1er octobre 2012 pour se terminer le 30 septembre 2021 moyennant un loyer annuel d’un montant H.T. de 7824 euros, révisable annuellement en fonction de l’indice de révision des loyers (indice de base deuxième trimestre 2011) sans pouvoir excéder 2 % de variation.
Le bail comporte un article 5 intitulé « conditions » dont le 9° énonce que le bailleur « autorise le preneur à utiliser librement les lieux loués dans le cadre de l’exercice de son commerce tel que défini à l’article 4 et à céder son bail librement, à charge cependant de rester garant pendant toute la durée du bail et répondant solidairement avec son cessionnaire ou les cessionnaires successifs du paiement du loyer et de ses charges. Toute substitution devra toutefois recevoir au préalable l’accord écrit du Bailleur ».
Par acte authentique du 13 mai 2020, [B] [O] a vendu à [Y] [V] (ci-après le bailleur) et [D] [M] le lot donné à bail, l’acte authentique précisant page 7 le BIEN est actuellement loué au profit de la société PV-CP Résidence exploitation, le contrat de bail étant annexé. L’acte authentique précise qu’il s’agit d’un appartement d’une superficie de 43,63 m².
Par correspondance du 1er août 2020, la société PV-CP CITY (SIREN 513 635 987) a notamment indiqué au bailleur que pour la période de 15 mars 2020 au 1er juin, “la fermeture administrative, les restrictions de circulation et d’activité décrétées ont fait obstacle à l’obligation de délivrance du bailleur, nous avons été contraints d’interrompre le paiement des loyers”.
Par acte enregistré le 5 février 2021 et daté du 16 décembre 2020, le preneur alors renommé PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE (SIREN 508 321 155) a apporté à la société dénommée PV-CP CITY (SIREN 513 635 987), sous le régime des scissions, l’activité d’exploitation et de gestion des résidences ou hôtels de tourisme, résidences hôtelières ou para-hôtelières se rapportant à l’activité CITY, et dont la liste figure en annexe 1 de l’acte, pour un montant de 25 572 125,64 euros. L’annexe 1 de l’acte fait mention de la “Résidence [5] [Adresse 2]”.
Par acte délivré le 23 mars 2021, le bailleur a fait délivrer à la société dénommée PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE, un congé avec refus de renouvellement sans paiement d’indemnité d’éviction.
Par correspondance du 5 mai 2021, la directrice du département gestion des baux et des renouvellements de la société PV-CP CITY a indiqué au bailleur que le bail était soumis aux dispositions applicables aux baux commerciaux de sorte qu’une indemnité d’éviction est due et que le preneur dispose, en application des dispositions de l’article L145-28 du code de commerce, de la faculté de se maintenir dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité.
Par correspondance du 23 septembre 2021, la société PV-CP CITY a réitéré sa position, indiquant qu’en raison de la contestation du motif du congé, aucune reprise du bien objet du bail ne pouvait avoir lieu.
Par acte du 1er octobre 2021, [Y] [V] a fait constater par huissier, [Adresse 2] à [Localité 4], la présence d’un homme déclarant s’appeler [X] [G], directeur régional ADAGIO, indiquant qu’il n’avait pas pour instruction de remettre les clefs du local donné à bail.
Par acte du 23 octobre 2021, le preneur a fait constater par huissier de justice le changement de serrures de l’appartement objet du bail.
Par correspondance du 19 novembre 2021, le preneur a indiqué au bailleur avoir constaté un changement de serrures et a mis en demeure ce dernier de lui remettre les clefs.
Par acte délivré le 8 mars 2022, la société PV EXPLOITATION FRANCE, venant aux droits de la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE, a fait procéder aux assignations de 14 bailleurs incluant [Y] [V] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de MEAUX aux fins d’obtenir leur condamnation à remettre les clefs des locaux sous astreinte.
La société PV-CP CITY est intervenue volontairement à l’instance devant le juge des référés, arguant de l’existence du traité d’apport du 1er février 2021.
Par ordonnance du 22 juillet 2022, le juge des référés a notamment reçu l’intervention volontaire de la société PV-CP CITY, a ordonné à [Y] [V], propriétaire du lot 170 (appartement 326), de remettre à cette société les clefs des serrures concernées sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; ordonné l’expulsion à défaut de remise volontaire des clefs dans les 8 jours de la signification de l’ordonnance de M. [V] et de tous occupants de leur chef ; condamné [Y] [V] à payer une somme provisionnelle de 2771 euros au titre de son préjudice de jouissance ; condamné la société PV-CP CITY à payer, à titre provisionnel, une somme de 12 195,23 euros au titre des loyers impayés et des indemnités d’occupation.
Par arrêt du 7 juillet 2023, la cour d’appel de PARIS a notamment confirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a reçu l’intervention volontaire de la société PV-CP CITY et condamné le bailleur à remettre les clefs sous astreinte d’un montant réformé à 1000 euros par jour ; condamné la société PV-CP CITY à payer, à titre provisionnel, une somme de 12 195,23 euros au titre des loyers impayés et des indemnités d’occupation. Elle a en revanche dit n’y avoir lieu à ordonner l’expulsion des propriétaires de leurs appartements, condamné [Y] [V] à payer à la société PV-CP CITY une somme de 16 000 euros à titre provisionnel, au titre du préjudice de jouissance du preneur.
*
En parallèle de l’action portée par le preneur devant le juge des référés, et par acte délivré le 1er juillet 2022, [Y] [V] a fait procéder à l’assignation de la société PV CP CITY devant le tribunal judiciaire de MEAUX aux fins de validation du congé délivré, de condamnation du preneur à lui régler une somme de 12 195,23 euros au titre des loyers impayés, de fixation d’une indemnité d’occupation.
Par ordonnance de clôture du 11 décembre 2023, la mise en état de l’affaire été clôturée et l’affaire fixée à l’audience collégiale du 2 mai 2024.
À cette audience, l’ordonnance de clôture a été révoquée pour admission des dernières conclusions des parties.
Les parties ont été autorisées à produire, dans le cadre du délibéré, un K-bis à jour.
Par message RPVA du 24 mai 2024, le preneur a fait produire un extrait K-bis du 20 mai 2024 mentionnant l’apport partiel d’actif du 1er février 2024.
*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 avril 2024, [Y] [V] demande au tribunal de :
Confirmer les condamnations de la société PV CP CITY prononcées par la cour d’appel de Paris soit 12 195,23 euros au titre de l’arriéré locatif et 785,97 euros au titre de l’indemnité d’occupation ;
Constater que la résiliation du bail est intervenue au 30 septembre 2021, selon les moyens repris au dispositif que, d’une part, le congé délivré le 23 mars 2021 est valide et a été accepté par le preneur ;
Fixer à la somme de 785,97 euros l’indemnité d’occupation due mensuellement par la société PV-CP CITY à compter du 30 septembre 2021 jusqu’au 30 septembre 2023 puis à la somme de 821,96 euros à compter du 1er octobre 2023 jusqu’à libération effective des lieux et condamner la société PV CP CITY au paiement de cette somme à titre d’indemnité d’occupation et de loyer à titre subsidiaire;
Débouter le preneur de sa prétention au titre d’une indemnité d’éviction, motifs pris de la violation des dispositions de l’article L321-3 du code du tourisme par le preneur; du motif grave et légitime invoqué par M. [V]; de la carence du preneur dans l’administration de la preuve;
Subsidiairement, condamner le preneur à des dommages et intérêts d’un montant identique à l’indemnité d’éviction et ordonner la compensation, motifs pris de l’absence de mention relative à l’existence de cette indemnité dans le bail et de la violation de l’obligation pré-contractuelle d’information;
Plus subsidiairement, fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 60 087,71 euros ;
Écarter des débats la pièce adverse n°14 ;
Débouter la société PV-CP CITY de ses demandes reconventionnelles
Condamner la société PV-CP CITY à payer à Monsieur [V] la somme de 15 000 euros au titre de sa résistance abusive ;
Prononcer la compensation des créances mutuelles entre société PV-CP CITY et Monsieur [Y] [V], tant prononcé par l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de MEAUX, que le jugement à intervenir.
Condamner la société PV-CP CITY à payer à Monsieur [V] la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral ;
Condamner la société PV-CP CITY à payer à Monsieur [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
Prononcer la compensation des éventuelles condamnations pécuniaires mutuelles entre les parties.
Dire que la décision ne revêtira pas l’exécution provisoire pour toute condamnation prononcée au bénéfice de PV-CP CITY.
Dire que la décision revêtira l’exécution provisoire uniquement sur la question de la validation du congé, en dehors toute question financière.
Les moyens intervenant au soutien de la demande tendant à ce que le tribunal constate la résiliation du bail consistent à indiquer, en substance, que le congé est valable en la forme et a été délivré à la bonne personne puisque son destinataire était immatriculé. Le demandeur ajoute qu’aucun changement de locataire n’a été notifié alors même que le 9° de l’article 5 précise que « toute substitution du preneur devra recevoir l’accord préalable écrit du bailleur » de sorte que le congé a été valablement délivré. Le bailleur souligne en outre que le preneur initial a été absorbé et que l’ensemble des actes signifiés à la société absorbée sont opposables à l’absorbante. Enfin, il précise que le congé a été accepté par le preneur, qui a volontairement remis les clefs.
S’opposant à la demande reconventionnelle tendant au paiement d’une indemnité d’éviction, le bailleur indique, en premier lieu avoir invoqué un motif grave tenant à l’absence de paiement des loyers. Ensuite, il met en évidence que le bail déroge au statut des baux commerciaux en ce qu’il s’agit d’une résidence de tourisme de sorte que l’existence d’une indemnité d’éviction doit figurer au bail, par application de l’article L321-3 du code du tourisme. Au fond, sur cette demande reconventionnelle, le bailleur conteste les conclusions de l’expertise [U] procédant à l’évaluation d’une indemnité d’éviction, le rapport ne correspondant pas au lot dont il s’agit. Il conteste en outre ses modalités de calcul.
Discutant la demande reconventionnelle tendant à leurs condamnations à payer une indemnité au titre du préjudice de jouissance, le bailleur indique que la cour d’appel de Paris a d’ores et déjà tranché la question de l’indemnisation pour perte de chiffre d’affaires et que depuis les clés ont été remises de sorte que le préjudice a cessé. Il ajoute que le montant demandé n’est pas sérieux et conteste le chiffrage effectué. Expliquant leur moyen subsidiaire tendant à la condamnation du preneur à des dommages et intérêts se compensant avec l’indemnité d’éviction éventuellement accordée, le bailleur indique que le preneur l’a trompé en omettant de faire figurer au bail l’existence d’une telle indemnité et en envoyant un courrier à un dénommé M. [E] le 4 avril 2019 précisant qu’il n’y avait pas d’indemnité d’éviction de due.
Au soutien de sa demande additionnelle tendant à l’octroi de dommages et intérêts à raison d’une résistance abusive du preneur, le bailleur indique que la société PV-CP CITY a une position contraire au droit et qu’il a été contraint d’initier une action en justice, justifiant l’octroi d’une indemnité de 15 000 euros.
Au soutien de sa demande additionnelle tendant à l’octroi de dommages et intérêts à raison d’un préjudice moral, il met en évidence sa situation d’endettement et le stress occasionné par l’absence de perception des loyers. Il sollicite une indemnisation à hauteur de 5000 euros.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 23 avril 2024, la société PV-CP CITY demande au tribunal de
Juger que le congé délivré pour le 30 septembre 2021 par Monsieur [V] est nul et dépourvu d’effet, motifs pris de l’erreur sur le destinataire du congé et de l’absence de remise volontaire des clés par le preneur, PV-CP CITY ;
Fixer la date de tacite reconduction au 1er octobre 2021 ;
A titre subsidiaire,
Juger que le preneur à droit au paiement d’une indemnité d’éviction et condamner [Y] [V] à payer une somme de 130 000 euros à ce titre, motifs pris de l’absence d’application des dispositions de l’article L321-3 du code du tourisme et de leur absence de violation ; de la requalification du congé en congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction ;
Fixer l’indemnité d’occupation au montant du loyer en cours diminué d’un abattement de précarité de 30 % ;
A titre plus subsidiaire,
Désigner un expert avec pour mission d’évaluer l’indemnité d’éviction ;
En tout état de cause,
Débouter [Y] [V] de ses prétentions ;
Condamner [Y] [V] à payer à la société PV-CP CITY une somme de 5 406 380 euros TTC de dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance du preneur ;
Ordonner la compensation entre le montant des loyers dus et les dommages et intérêts alloués ;
Condamner [Y] [V] à payer à la société PV-CP CITY une somme de 4000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur la prétention tendant à ce que le tribunal constate l’irrégularité des congés délivrés, la société PV-CP CITY, se fondant sur les dispositions de l’article L145-9 du code de commerce, indique que le congé ne lui a pas été délivré. Elle souligne que la branche d’activité CITY, incluant la résidence de [Localité 4], a fait l’objet d’un apport partiel d’actif préalablement à la notification du congé de sorte que ce dernier est irrégulier à raison de la substitution opérée, opposable au bailleur sans signification dès lors que l’opération a été soumise au régime des scissions ; qu’en outre le bailleur, qui a assigné la bonne personne, en était informé et l’information était publiée. La société PV-CP CITY conteste avoir volontairement remis les clefs, ainsi que cela ressort des constats dans lesquels son représentant refuse une telle remise. Elle ajoute que les éléments sensés attester d’une telle remise ne sont pas probants.
La société PV-CP CITY estime avoir le droit à une indemnité d’éviction et en sollicite le paiement sur le fondement de l’article L145-14 du code de commerce. Elle produit un rapport évaluant l’indemnité d’éviction à la somme de 130 000 euros. À ce titre, le preneur s’oppose au moyen tiré de la violation des dispositions de l’article L321-3 du code du tourisme, faisant obligation de mentionner au bail l’existence d’une indemnité d’éviction. La société PV-CP CITY indique que cette obligation a été instituée par la loi 2009-888 du 22 juillet 2009 et n’est pas applicable au bail qui lui est antérieur. De même, le preneur considère qu’il n’y a pas de méconnaissance d’une obligation pré-contractuelle d’information. Il ajoute que le motif grave invoqué, constitué par le non-paiement des loyers, n’a pas été précédé d’une mise en demeure conformément aux dispositions de l’article L145-7 du code de commerce, de sorte qu’il ne peut justifier l’absence de paiement d’une indemnité d’éviction (cf. Cass. 3e civ 15 mai 2008, 07-12.669). En outre, la crise sanitaire a justifié économiquement l’absence de paiement des loyers.
Enfin, et à titre reconventionnel, la société PV-CP CITY sollicite la condamnation de [Y] [V] à lui payer une somme de 5 406 380 euros TTC en réparation de son préjudice de jouissance. Revenant, en premier lieu, sur ce qu’il estime être une voie de fait consistant en la reprise de possession des lieux, il évalue son préjudice sur la base d’un chiffre d’affaires non réalisé sur une période de 23 mois, avec pour recettes mensuelles une somme de 235 060 euros.
L’affaire a été mise en délibéré, prorogé au 2 août 2024.
Motifs
A titre préliminaire
Sur la saisine du tribunal
Par application de l’article 484 du code de procédure civile, l’ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. Le premier alinéa de l’article 488 du même code précise que l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée.
De ces dispositions il résulte que le juge du fond, qui statue sur un litige porté en tout ou partie devant le juge des référés, conserve sa souveraineté d’appréciation des éléments qui lui sont soumis.
En l’espèce, [Y] [V] formule des prétentions tendant à la « confirmation » des décisions des juges des référés. Le tribunal ne dispose pas de la faculté de confirmer, ou d’infirmer, les décisions du juge des référés, de première instance ou d’appel.
Le jugement statuant au fond sur les mêmes prétentions a vocation à se substituer aux décisions provisoires, antérieurement entreprises. Il ne sera donc répondu à cette prétention tendant à la confirmation que par dispositions induites par la position de fond de la formation de jugement, statuant sur les questions de l’existence d’un arriéré locatif et la fixation éventuelle d’une indemnité d’occupation.
Sur les éléments soumis à la discussion contradictoire
Aux termes de l’article 1358 du code civil, hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen.
En l’espèce, la prétention tendant à ce que la pièce n°14 produite par la société PV-CP CITY soit écartée n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le caractère bien fondé. Le rapport d’évaluation dont il s’agit a été versé aux débats et a fait l’objet de discussions contradictoires. Il n’est pas allégué qu’il porte une atteinte quelconque aux droits des parties et le tribunal appréciera sa valeur probante. Il y a lieu de rejeter la prétention tendant à ce que cette pièce soit écartée des débats.
Au fond
1. Sur la validité du congé
Aux termes de l’article L145-9 du code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement. [Al. 2] A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. [Al.3] Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l’effet d’une notification faite six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l’événement prévu au contrat. [Al.4] S’agissant d’un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l’expiration de l’une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l’alinéa premier ci-dessus. [Al.5] Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
De ces dispositions il résulte que pour être valablement donné, le congé doit notamment être délivré par acte extrajudiciaire à la personne du preneur. Le défaut de délivrance au preneur constitue une cause de nullité de l’acte pour vice de fond au sens des dispositions de l’article 117 du code de procédure civile, non susceptible de régularisation et non soumis à grief.
Aux termes du premier alinéa de l’article L236-27 du code de commerce, la société qui apporte une partie de son actif et, le cas échéant, une partie de son passif à une ou plusieurs sociétés existantes ou nouvelles et la ou les sociétés qui bénéficient de cet apport peuvent décider d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions de la section 2 du présent chapitre [note : de la scission], à l’exclusion de sa sous-section 2 lorsque les sociétés ne sont pas concernées par cette dernière. Le premier alinéa de l’article L236-18 du code de commerce énonce que : une société peut, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles.
De ces dispositions combinées il résulte qu’une société peut décider d’apporter une branche de son activité à une société existante, par voie d’apport partiel d’un ou plusieurs actif(s), en soumettant l’opération au régime juridique des scissions. L’opération a pour effet de transmettre le patrimoine concerné à l’actif de la société bénéficiaire de l’apport. Les éléments de l’actif sont susceptibles de concerner les droits incorporels, incluant le droit au bail, le bénéficiaire de l’apport devant alors le titulaire du droit concerné par l’opération.
La combinaison des dispositions des articles L145-9, L236-18, L236-27 du code de commerce et 117 du code de procédure civile impose au bailleur de donner congé, par acte extra-judiciaire, au titulaire du droit à l’instant du congé, i.e. au bénéficiaire de l’apport si l’opération d’apport partiel d’actif considéré est antérieure à la délivrance du congé. À défaut le congé est entaché de nullité pour irrégularité de fond, non susceptible de régularisation et non soumise à la démonstration d’un grief.
Enfin le 2e alinéa de l’article L145-16 du code de commerce énonce qu’en cas de [...] d'apport d'une partie de l'actif d'une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24 du présent code, la société issue [...] de l'apport sont, nonobstant toute stipulation contraire, substituées à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail. La substitution prévue par les textes est d’ordre public et s’opère de plein droit nonobstant toute clause contraire.
En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé supra, par acte enregistré le 5 février 2021 et daté du 16 décembre 2020, la société dénommée PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE (SIREN 508 321 155) a apporté à la société PV-CP CITY (SIREN 513 635 987), sous le régime des scissions, l’activité d’exploitation et de gestion des résidences ou hôtels de tourisme, résidences hôtelières ou para-hôtelières se rapportant à l’activité CITY. L’annexe 1 de l’acte fait mention de la « Résidence [5] [Adresse 2] ». Il ressort du K-bis produit dans le cadre de la note en délibéré autorisée que l’opération a fait l’objet d’une publication. La titularité du droit au bail a donc été transférée à la société PV-CP CITY.
Ce n’est que postérieurement à cette opération que, par acte délivré le 23 mars 2021, le bailleur a fait délivrer à la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE (SIREN 508 321 155), un congé avec refus de renouvellement sans paiement d’indemnité d’éviction. Ainsi, le congé n’a pas été délivré au preneur.
Il résulte des faits de l’espèce que le congé n’a pas été délivré au preneur. Il est entaché d’une cause de nullité pour irrégularité de fond.
Le bailleur se fonde sur une série de moyens pour contester cette nullité, moyen auxquels les paragraphes qui suivent répondront :
En premier lieu, le bailleur indique que le congé est valable en la forme et a été délivré à la bonne personne en ce que son destinataire était immatriculé. Le moyen doit être écarté en ce que, d’une part, l’irrégularité formelle de l’acte n’est pas la cause de sa nullité et que, d’autre part, il n’est pas fait grief au bailleur d’avoir délivré l’acte à une société non immatriculée.
Ensuite le bailleur indique que le preneur initial a été absorbé de sorte que l’ensemble des actes signifiés à la société absorbée sont opposables à l’absorbante. Cette analyse constitue une erreur dans l’interprétation des pièces produites. En effet, la société PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE persiste à l’issue de l’opération d’apport qui n’emporte pas de transmission universelle de patrimoine au bénéfice du nouveau titulaire du bail. Il s’agit d’un transfert ciblé, qui n’a aucune incidence sur l’opposabilité d’un congé délivré à la mauvaise personne. Le moyen sera écarté.
Le bailleur soutien que le congé a été accepté par le preneur qui a remis les clefs. Il n’est pas nécessaire de suivre les parties dans le détail de leurs argumentations respectives à propos de la remise des clefs, alors que l’irrégularité dont il s’agit constitue une irrégularité de fond (117 CPC) non susceptible de régularisation. A titre surabondant, il est précisé que le tribunal se positionnera sur cet aspect infra, dans le cadre de l’analyse de la demande reconventionnelle relative au préjudice de jouissance.
Enfin, le bailleur indique qu’aucun changement de locataire n’a été préalablement notifié alors même que le 9° de l’article 5 précise que « toute substitution du preneur devra recevoir l’accord préalable écrit du bailleur ». Il s’agit, en substance, d’indiquer que le défaut de notification du changement d’identité du preneur emporte inopposabilité de la situation juridique nouvellement constituée, de sorte que le congé a produit un effet. Toutefois, la substitution opérée par l’apport est effectuée de plein droit conformément aux dispositions du 2e alinéa de l’article L145-16 du code de commerce de sorte que la clause n’est pas de nature à produire un tel effet.
Pour l’ensemble de ces motifs, le congé délivré le 23 mars 2021 avec refus de renouvellement et sans paiement d’indemnité d’éviction sera annulé. Le bail se poursuit tacitement, depuis le 1er octobre 2021.
En raison de la poursuite du bail, il n’y a pas lieu de statuer sur l’indemnité d’éviction, serait-elle présentée en tout état de cause ; pas plus que sur la fixation d’une indemnité d’occupation.
2. Sur la demande additionnelle de condamnation à payer un arriéré locatif pour un montant de 12 195,23 euros
Pages 10 et 11 des conclusions de [Y] [V], il est indiqué que le juge des référés a condamné la société PV-CP CITY à lui payer l’arriéré locatif de sorte que la demande est devenue sans objet. Pour autant, les prétentions sont maintenues dans le dispositif des écritures.
Pages 21 et 22 des conclusions de la société PV-CP CITY, il est indiqué qu’au jour des conclusions n°2, le bailleur n’avait pas communiqué son RIB au preneur de sorte que le paiement n’avait pas été effectué mais que la dette est désormais apurée, ce que reconnaît le bailleur aux termes de ses dernières écritures.
Sur ce,
Aux termes du second alinéa de l’article 1353 du code civil, “celui qui se prétend libéré [d’une obligation] doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation”.
En l’espèce, il ressort des pièces 22 et 23 du demandeur qu’une compensation a été opérée entre l’arriéré locatif et les dommages et intérêts mis à la charge de [Y] [V], en réparation du préjudice de jouissance de la société PV-CP CITY (soit 16 000 euros). C’est ainsi qu’un virement est intervenu en janvier 2024, au bénéfice de la société PV-CP CITY, et pour un montant de 3018,80 euros. Cette compensation est venue éteindre le rapport d’obligations de sorte qu’il y a lieu de débouter [Y] [V] de sa prétention.
Il est relevé que ces mouvements emportent paiement de l’indemnité provisionnelle octroyée par le juge des référés à la société PV-CP CITY au titre du préjudice de jouissance (cf. infra).
3. Sur la demande reconventionnelle tendant à la condamnation de [Y] [V] au titre du préjudice de jouissance de la société PV-CP CITY
Sur le principe de la responsabilité
Par application du 1° de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée. De ces dispositions il s’infère que le défaut de délivrance de l’objet du bail est de nature à fonder l’action responsabilité contractuelle exercée par le preneur contre le bailleur, notamment au titre d’un préjudice de jouissance. L’obligation de délivrance constitue une obligation de résultat.
En l’espèce, il a été précédemment établi que le bail s’est poursuivi tacitement à compter du 1er octobre 2021. Il n’est donc pas nécessaire de suivre les parties dans le détail de leurs argumentations respectives sur la question de savoir si le preneur disposait d’un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction. En effet, la question de la titularité du droit d’occupation du preneur, en présence d’un bail, ne se pose pas.
Le bailleur ne conteste pas la matérialité de l’absence de délivrance entre novembre 2021 et octobre 2023.
Pour justifier la méconnaissance de l’obligation de délivrance, le bailleur indique que le preneur a accepté de remettre les clefs. Le demandeur se prévaut de deux attestations d’un dénommé [W] [J] qui se présente comme technicien de maintenance au sein de la résidence Adagio [5].
Dans la première de ces deux attestations, M. [J] indique « avoir constaté la remise en mains propres de l’ensemble des serrures électroniques des appartements [...]. Ces serrures ont été remises intactes en mains propres à la réception de l’hôtel Adagio [5] courant novembre 2021 par l’ensemble des propriétaires de ces appartements, en accord avec la direction de l’hôtel. Je confirme donc par la présente qu’il n’y a eu aucune effraction au sein des appartements cités plus haut […]. Ce document dactylographié démontre que les bailleurs ont bien changé la serrure de l’appartement. Pour autant, la mention à discuter est la suivante : « en accord avec la direction de l’hôtel ». Cet accord de la direction, ne ressort d’aucun autre élément sinon des déclarations qui seraient celles de M. [J], technicien de maintenance et, de ce fait, non membre de ladite direction.
La seconde attestation, manuscrite et datée du 25 mai 2022, est également signée de M. [J]. Elle est éclairante sur les conditions de signature du premier document: « je soussigné […] atteste sur l’honneur avoir signé de mon propre chef la lettre remise par [S] [E], propriétaire à l’Adagio [5], sans l’accord de la direction, attestant la remise en mains propres des anciennes serrures. De plus je reconnais avoir signé le document mais le tampon PV-CP présent sur cette dernière n’a pas été mis par ma main ».
Il ressort de ces deux pièces que la première attestation n’a pas été rédigée par M. [J]. Elle lui a été présentée par Mme. [E]. Le technicien l’a volontairement signée en ce qu’elle atteste de la remise des serrures. Il n’est pas à l’origine du tampon figurant sur la version dont il garde la mémoire, version au demeurant non produite aux débats.
Ces éléments ne sont pas de nature à démontrer un accord de la société PV-CP CITY sur le changement des serrures.
Toujours dans l’optique de justifier la méconnaissance de l’obligation de délivrance, le bailleur se prévaut d’un constat du 20 avril 2023, effectué à la requête d’une dénommée [L] [P], tiers absolu à la relation contractuelle. Il s’agit de constater le contenu d’un fichier audio intitulé « AUDIO-2023-03-29-16-49-57 ». Le commissaire de justice retranscrit les paroles prononcées par une voix féminine non identifiée : « il n’y a aucun soucis pour que tu récupères… tu fasses comme les autres, de récupérer, parce que, apparemment la direction s’en fout… euh, en tout cas ils disent rien pour que tu récupères tes appartements […] on te fera la clé pour que tu puisses rentrer et que ça soit propre, que tu esquintes pas les… les… les serrures et pour que ce soit fait proprement… ben comme avec les autres. Tu vois ce que je veux dire. Donc voilà. ». Ce document non identifié qui ne concerne pas le demandeur ne saurait constituer la preuve d’une remise volontaire des clés.
La méconnaissance de l’obligation de délivrance ne trouve donc pas de fait justificatif. Dès lors, il y a lieu d’indemniser le préjudice de jouissance de la société PV-CP CITY.
Sur l’évaluation du préjudice
Le montant sollicité se fonde sur une pièce unique qui est le rapport d’évaluation de l’indemnité d’éviction. La somme demandée résulte du produit suivant:
= CA TTC mensuel x durée éviction
= 235 060 × 23
= 5 406 380 euros.
Si les recettes mensuelles de l’appartement est de 235 060 euros, alors le prix de la nuitée doit s’établir au 30e de ces sommes environ soit ce qui est contredit par les pièces produites par le preneur à savoir le rapport d’évaluation de l’indemnité d’éviction. En réalité, la pièce n°14 permet d’établir que le chiffre d’affaires revendiqué n’est pas le chiffre d’affaires mensualisé d’un appartement, mais est relatif à des milliers de nuitées. L’évaluation est donc manifestement incohérente, ainsi que l’avaient relevé les juges des référés de première instance et d’appel et comme le rappelle le bailleur avec pertinence dans ses conclusions. L’évaluation doit être retraitée selon les principes suivants:
Sur la durée d’éviction : elle doit être exprimée en nuitées. Les parties ne discutent pas la remise des clés intervenue en octobre 2023, à l’issue de la procédure de référé. La période de 23 mois doit donc être prise en considération. Toutefois, il convient d’affecter à cette durée un taux de remplissage car retenir les 23 mois (soit 23 × 30 nuitées) revient à dire que le taux de remplissage du local est de 100 % sur la période, ce qui est irréaliste. À défaut de toute indication, un taux de remplissage de 40 % sera retenu.
Sur le chiffre d’affaires: il ressort de la page 15 du rapport d’expertise produit par le preneur que son offre commerciale comprend des tarifications de nuitées variables et non seulement les prix maximums mentionnés dans ses conclusions. Le prix dépend de la catégorie du logement en question, preuve qui n’est pas rapportée. Le prix de la nuitée sera retraité ainsi qu’il suit: moyenne pour un 4 personnes (appartement de 43,63) 129 euros TTC. Toutefois, on ne perçoit pas pourquoi des dommages et intérêts résultant d’un préjudice de jouissance seraient assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. En effet, les indemnités qui sont de véritables dommages-intérêts, c’est-à-dire qui ne font que sanctionner l’inexécution d’une obligation ou, à titre général, la lésion d’un intérêt quelconque ne constituent pas la contrepartie d’opérations imposables à la TVA (Bofip TVA – Base d’imposition – Règles applicables à l’ensemble des opérations imposables – Subventions et indemnité, 300). C’est donc le montant hors taxe de la nuitée qu’il importe de prendre en considération soit la somme de 129 /1,2 = 107,5 euros.
A cela s’ajoute le fait qu’il n’existe pas d’identité entre le préjudice de jouissance et la perte de chiffre d’affaires H.T. en ce que certaines charges n’ont pas été exposées à raison de la privation de jouissance, ce qu’indique à juste titre le demandeur. C’est ainsi que si certaines charges fixes ont été exposées, d’autres sont intrinsèquement liées à l’occupation: les frais de ménage, les frais de chauffage et d’électricité (vraisemblablement réduits), les achats, le pressing, les commissions bancaires sur les opérations non effectuées, etc. Le tribunal ne dispose pas des éléments précis lui permettant d’apprécier la minoration intervenue à raison de ces charges non exposées. Il y a lieu d’arrêter un taux forfaitaire de minoration à 20 %.
Enfin, la réalisation d’un chiffre d’affaires n’est jamais certaine, ainsi que la période dite COVID a pu le rappeler. Un coefficient de perte de chance doit s’appliquer à hauteur de 90 %.
Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice peut être arrêté ainsi qu’il suit:
Préjudice = Nuitées évincées x Marge H.T. non réalisée par nuitée
dans laquelle
Nuitées évincées
= nuitées x taux de remplissage
= 23 (mois) x30 (jours)x0, 4 (remplissage à 40 %)
= 276
Marge non réalisée par nuitée
= prix H.T. de la nuitée – charges liées à l’exploitation x coefficient de perte de chance
= 107,5 × 0,8 × 0,9
= 77,4
Soit
Préjudice = 276 × 77,4
= 21 362,4 euros
Indemnité provisionnelle déduite, puisque payée par compensation (cf. supra), il demeure à la charge de [Y] [V] une somme de 21 362,4 – 16 000 = 5362,40 euros.
Pour l’ensemble de ces motifs, [Y] [V] sera condamné à payer à la société PV-CP CITY une somme de 5362,40 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.
3. Sur les demandes additionnelles tendant à la condamnation de la société PV-CP CITY au titre du caractère abusif de sa résistance et à raison du préjudice moral de [Y] [V]
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En l’espèce, [Y] [V] succombe dans sa prétention principale tendant à la validation du congé délivré de sorte qu’il ne saurait se prévaloir d’une faute de la société PV-CP CITY dans la conduite de l’instance.
À supposer que le préjudice moral allégué constitue un préjudice distinct de celui qui aurait été réparé par l’octroi d’une indemnité liée au caractère abusif de la procédure, il est relevé qu’aucune faute n’est susceptible d’être reprochée à la société PV-CP CITY.
[Y] [V] sera débouté de ses prétentions tendant à l’octroi de dommages et intérêts.
4. Sur les mesures de fin de jugement
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner [Y] [V] aux dépens ainsi qu’à payer à la société PV-CP CITY une somme de 2000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La prétention tendant à écarter partiellement l’exécution provisoire n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le caractère bien fondé, pour n’être soutenu par aucun moyen, et [Y] [V] en sera débouté.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal
Rejette la prétention soutenue par M. [V] tendant à ce que la pièce n°14 produite par la société PV-CP CITY soit écartée des débats ;
Annule le congé délivré le 23 mars 2021, par [Y] [V] et [D] [V], à la société dénommée PV RESIDENCE & RESORTS FRANCE (SIREN 508 321 155), avec refus de renouvellement sans paiement d’indemnité d’éviction ;
Fixe la date à laquelle le bail s’est poursuivi tacitement au 1er octobre 2021 ;
Dit n’y avoir lieu de statuer sur les prétentions tendant à la fixation et à la condamnation au titre d’une indemnité d’éviction et sur la fixation d’une indemnité d’occupation;
Déboute [Y] [V] de sa demande tendant à la condamnation de la société PV-CP CITY au paiement d’une somme de 12 195,23 euros au titre de l’arriéré locatif;
Condamne [Y] [V] à payer à la société PV-CP CITY une somme de 5362,40 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance de la société PV-CP CITY;
Déboute [Y] [V] de sa prétention tendant à condamner la société PV-CP CITY à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de sa résistance abusive;
Déboute [Y] [V] de sa prétention tendant à condamner la société PV-CP CITY à lui payer la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral;
Condamne [Y] [V] aux dépens;
Condamne [Y] [V] à payer à la société PV-CP CITY une somme de 2000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
Déboute [Y] [V] de sa prétention tendant à condamner la société PV-CP CITY à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance;
Déboute [Y] [V] de ses prétentions tendant à dire que la décision ne revêtira pas l’exécution provisoire pour toute condamnation prononcée au bénéfice de PV-CP CITY et à dire que la décision revêtira l’exécution provisoire uniquement sur la question de la validation du congé, en dehors toute question financière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT