- N° RG 22/03289 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCWQW
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Minute n°24/692
N° RG 22/03289 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCWQW
Date de l'ordonnance de
clôture : 11 mars 2024
le
CCC : dossier
FE:
-Me LE BONNOIS
-Me PAIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU UN AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR
Monsieur [C] [N] [J]
[Adresse 1]
représenté par Maître Colin LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
DEFENDERESSES
Compagnie d’assurance MATMUT
[Adresse 2]
représentée par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN/PAIN, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
Caisse CPAM DE SEINE ET MARNE
[Localité 7]-[Localité 4]
Organisme PRO BTP PREVOYANCE
[Adresse 3]
n’ayants pas constitués avocats
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Mme BASCIAK, Juge
Greffière lors du délibéré : Mme CAMARO
Jugement rédigé par : M. BOURDEAU, Juge
DEBATS
A l'audience publique du 06 Juin 2024, tenue en rapporteur à deux juges : M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière et en présence de M.[B] auditeur de justice; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 01 Août 2024.
JUGEMENT
réputé contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BOURDEAU, Président, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière.
Exposé du litige
Le 11 décembre 2007 [C] [N] [J] a été victime d’un accident du travail consistant en une chute d’un échafaudage. Un traumatisme crânien en a résulté, avec perte de connaissance, et fracture du rocher gauche. Le certificat du docteur [G], ophtalmologiste, établi le 20 juin 2008, concluait à une amélioration de l’état de son patient.
Puis, le 8 mai 2013, à [Localité 6] alors qu’il était conducteur d’un véhicule, il a été percuté par un véhicule assuré par la MATMUT au niveau de sa porte arrière gauche. M. [N] [J] a déploré un traumatisme crânien avec hématome pariétal gauche.
Le 19 mai 2013 M. [N] [J] a déploré des vertiges rotatoires intenses accompagnées de nausées et de vomissements. Il a été hospitalisé à l’hôpital de [Localité 7] pendant une journée aux urgences puis transféré au service de médecine interne du 20 au 25 mai 2013.
Le 18 juin 2013, M. [N] [J] a été victime d’un second accident de la route. Il a été hospitalisé a [Localité 5] et le certificat médical du jour de l’accident mentionne des céphalées ainsi que des douleurs latéro-thoraciques droites. Cet accident n’a pas causé de traumatisme crânien.
Le 20 juillet 2014 le docteur [W] [A] ophtalmologiste, à la demande de la victime, l’a examiné. Il estime notamment que la décompensation exophorique [note : déviation des globes oculaires] est fréquente après un traumatisme cervical et crânien et le lien de causalité ave l’accident du 8 mai 2013 doit être retenu. Cet accident a entraîné des vertiges et décompensé une insuffisance de convergence et une exophorie. Il estime en outre que l’état oculaire était consolidé le 8 mai 2014 un an après l’accident. Le taux d’AIPP dans le domaine oculaire, compte tenu des séquelles exophoriques persistantes après rééducation orthopédique est de 2%. Le médecin ajoute, s’agissant de l’accident du travail de 2007, que les antécédents comprenaient un traumatisme crânien en 2007 qui avait entraîné une fracture du rocher avec diplopie qui avait secondairement régressé selon les descriptifs présentés.
Le 17 juin 2015, le docteur [T], oto-rhino-laryngologue, a procédé à l’examen médical de la victime, à sa demande. Il a dressé un rapport le 19 juillet 2015 recueillant ses doléances. Elles ont consisté en une aggravation de ses déficits d’audition du côté gauche, des pertes d’équilibre le matin, une impossibilité de reprendre la conduite et des difficultés d’humeur justifiant la mise en place d’un traitement antidépresseur. Ce rapport constate l’existence d’une fistule périlymphatique [note : écoulement du liquide contenu dans le compartiment périlymphatique de l'oreille interne vers l'oreille moyenne]. Le docteur [T] mentionne, dans sa note d’évaluation technique, la question de la cause du trouble : les éléments décrits dans les certificats sont en faveur d’une souffrance labyrinthique gauche aigüe. Cette séméiologie vestibulaire bruyante signe, sur le plan clinique, le début de la fistule péri-lymphatique. Cela exclut toute responsabilité du troisième accident du 18 juin 2013 dans ce diagnostique. L’accident de travail du 11 décembre 2007 avec une fracture du rocher gauche pouvait effectivement avoir été responsable d’un mécanisme initial de fistule péri-lymphatique. Cependant, les test cochléo-vestibulaires présentés permettent de noter une normalité de la fonction vestibulaire le 6 juin 2008 et une disparition sur le plan audiométrique de tout élément de transmission. De ce fait, même si la fistule a existé en décembre 2007, la séméiologie postérieure montre que celle-ci était nécessairement colmatée, sans aucune expression clinique. Par ailleurs, l’accident du 8 mai 2013 a comporté un impact pariétal gauche à lui seul suffisant, indépendamment de tout état antérieur pour créer une fistule péri-lymphatique. Les signes cochléo-vestibulaires gauches doivent donc être considérés comme en relation unique, directe et certaine avec l’accident du 8 mai 2013.
Le 5 juin 2016, le docteur [T] a dressé un nouveau rapport réitérant pour l’essentiel ses constats antérieurs.
Le 16 janvier 2017 la victime a été examinée par les docteurs [E] et [F], respectivement mandatés par M. [N] [J] et par la MACIF son assureur. Après avoir rappelé les avis antérieurs et notamment l’avis du docteur [T], ils soulignent que le docteur [A] a conclu à un déficit fonctionnel permanent de 2% dans sa spécialité et que le docteur [T] aurait conclu à un déficit fonctionnel permanent de 12% dans sa spécialité. Ils estiment que l’état anxio dépressif du patient requiert un examen par un psychiatre.
Le 13 juin 2017, la victime a été examinée par le docteur [X], psychiatre, qui a dressé un rapport daté du 18 juin 2017. Les doléances de la victime consistent à indiquer qu’il ne tient pas debout, qu’il ne peut plus bricoler ou travailler (“lorsqu’on ne travaille pas on meurt”) ; qu’il ne supporte pas les images à la télévision et n’a plus le moral ; qu’il panique à l’idée de conduire et évoque souvent le souhait que “tout s’arrête”. Le psychiatre relève notamment que l’essentiel de la pathologie séquellaire actuelle est O.R.L. et à l’origine par exemple de l’impossibilité de monter, de travailler en hauteur, l’impossibilité de lever la tête brusquement, les difficultés lorsqu’il est baissé à se relever, tous mouvements et attitude qui sont évidemment indispensables dans une activité comme il aime en avoir une, et particulièrement dans le bricolage. [...] Il ne reprend pas la parole spontanément, et on note de façon certaine l’existence d’une dépression de l’humeur, ce sujet est à l’évidence en retrait, un peu perdu dans ses pensées. Il écoute sa fille évoquer les propos négatifs, sinon suicidaires qu’il a déjà tenus, et l’on note alors la survenue d’une altération émotionnelle c’est à dire quelques larmes. Les conclusions du médecin consistent à indiquer que la consolidation est au 15 septembre 2015 et que le déficit fonctionnel permanent doit être arrêté à 10%. Les souffrances endurées sont évaluées à 2,5/7.
Le 13 octobre 2017, les docteurs [E] et [F], respectivement mandatés par M. [N] [J] et par la MACIF, ont rendu leur rapport de synthèse relativement à l’accident du 8 mai 2013 et ont présenté leurs conclusions arrêtant notamment une date de consolidation au 15 septembre 2015, un déficit fonctionnel permanent à 23% et des souffrances endurées à 4/7. Ils soulignent l’existence d’un préjudice d’agrément, d’un retentissement professionnel et la nécessité d’une tierce personne temporaire.
Par actes délivrés notamment le 08 juillet 2022, M. [N] [J] a fait procéder aux assignations de la MATMUT, de la CPAM de Seine et Marne et de PRO BTP PREVOYANCE aux fins d’indemnisation de son préjudice corporel.
Par correspondance du 28 septembre 2022, la MATMUT a proposé une indemnisation d’un montant de 187 202,46 euros incluant une perte de grains professionnels actuels à hauteur de 16484,43 euros; une incidence professionnelle de 15 000 euros ; une assistance tierce personne sur une base de 18 euros de l’heure pour un montant de 37732,03 euros ; des souffrances endurées à hauteur de 4/7 pour 20 000 euros et un déficit fonctionnel permanent de 23%, indemnisé à 29 900 euros.
La MATMUT a provoqué un incident portant notamment sur une demande tendant à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée. Toutefois, la victime a refusé un nouvel examen.
Par ordonnance du 21 août 2023, le juge de la mise en état a débouté la MATMUT de sa demande tendant à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée et de sa demande de sursis à statuer subséquente; et débouté la MATMUT de sa demande tendant à ce qu’il soit fait injonction à M. [N] [J] de communiquer les justificatifs de l’indemnisation intervenue à la suite de l’accident du 18 juin 2013.
Par ordonnance du 11 mars 2024 la mise en état de l’affaire a été clôturée et l’affaire fixée à l’audience du 6 juin 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2024, M. [N] [J] demande au tribunal de
Condamner la MATMUT à payer à Monsieur [C] [N] [J] les indemnités suivantes en deniers ou quittances :
243.722,83 € au titre des préjudices patrimoniaux, décomposés comme suit : 2.780,00 € au titre des dépenses de santé actuelles ; 3.420,00 € au titre des frais divers ; 13.493,81 € au titre de la tierce personne temporaire ; 30.964,30 € au titre des pertes de gains professionnels actuels ; 132.890,12 € au titre de la tierce personne après consolidation ; 13.786,01 € au titre des pertes de gains futurs ; 44.869,15 € ou 58.655,16 € au titre de l’incidence professionnelle
73.295,00 € au titre des préjudices patrimoniaux, décomposés comme suit : 6.795,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 20.000,00 € au titre des souffrances endurées ; 35.000,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent ; 1.500,00 € au titre du préjudice esthétique permanent ; 10.000,00 € au titre du préjudice d’agrément
8.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la MATMUT au doublement des intérêts légaux sur les sommes allouées par le tribunal à compter du 8 janvier 2014 jusqu’au 28 septembre 2022, date de l’offre de la compagnie MATMUT,
Juger que la sanction du doublement des intérêts légaux a pour assiette la totalité de l’indemnisation avant imputation de la créance des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées,
Juger que les intérêts échus des capitaux produiront intérêt dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du Code civil à compter de la délivrance de l’assignation à la compagnie MATMUT,
Condamner la compagnie MATMUT aux entiers dépens ;
Rendre le jugement à intervenir commun à la CPAM de Seine et Marne ainsi qu’à la société PRO BTP
Mentionner dans le jugement que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par la MATMUT en sus de l’article 700 du CPC.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 janvier 2024, la MATMUT demande au tribunal de
DEBOUTER Monsieur [C] [N] [J] de l’ensemble de ses demandes commeétant mal fondées ;
Subsidiairement, ALLOUER à Monsieur [C] [N] [J] une indemnité totale de 65.048,50 euros en indemnisation de son préjudice corporel en lien avec l’accident du 8 mai 2013 ;
Très subsidiairement, si le tribunal estime que Monsieur [C] [N] [J] justifie d’un besoin en tierce personne définitive, lui ALLOUER la somme de 32.536,80 euros ;
En cas de condamnation à des indemnités à caractère viager, FAIRE application du barème de capitalisation BCRIV 2023 et subsidiairement, du barème 2022 de la Gazette du Palais à taux 0 % ;
DEBOUTER Monsieur [C] [N] [J] de sa demande de doublement des intérêts au taux légal ;
DEBOUTER Monsieur [C] [N] [J] de sa demande au titre des frais irrépétibles, subsidiairement, la réduire à de bien plus justes proportions ;
ECARTER l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
Subsidiairement, LIMITER l’exécution provisoire à 20 % maximum des condamnations qui seraient prononcées à l’égard de la MATMUT ;
CONDAMNER Monsieur [C] [N] [J] aux entiers dépens qui
seront recouvrés par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN PAIN, Avocat au Barreau de MEAUX, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
La CPAM et la société PRO BTP n’ont pas constitué avocat.
L’affaire, plaidée à l’audience du 6 juin 2024, a été mise en délibéré à la date du présent jugement.
Motifs
Sur la responsabilité
Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident. L’article 4 de la même loi précise que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.
En l’espèce, le principe de responsabilité revendiqué par M. [N] [J] n’est pas discuté par l’assureur dans le cadre de l’action directe exercée. Pour autant, il conteste l’opposabilité du rapport d’expertise amiable produit et dénonce l’absence de démonstration d’un rapport de causalité entre le fait générateur de responsabilité et de garantie, à savoir l’accident du 8 mai 2013, et le préjudice. Ces deux aspects feront l’objet des développements qui suivent.
Sur l’opposabilité des rapports d’expertise judiciaire et leurs valeurs probantes
M. [N] [J] indique que son propre assureur, la MACIF, était mandatée pour procéder à l’indemnisation de son assuré et qu’elle a organisé les opérations d’expertise amiable ; que dans le cadre de la convention IRCA, que la MATMUT a signé, ce second assureur est tenu par les termes du rapport antérieur.
La Matmut conteste l’opposabilité des rapports d’expertise, précisant n’avoir jamais participé à la réalisation des opérations d’expertise amiable et en contester les conclusions.
Sur ce,
Aux termes de l’article 1358 du code civil, hors les cas ou la loi en dispose autrement, la preuve peut être rapportée par tout moyen. De ces dispositions il s’infère que le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire. Il ne peut toutefois se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties (Cour de cassation, chambre mixte, 28 septembre 2012, 11-18710, publié au bulletin P+B+R+I).
En l’espèce, le demandeur produit une expertise amiable et des examens médicaux réalisés dans un cadre amiable n’impliquant pas la participation de la MATMUT.
La preuve du fait générateur de responsabilité, du préjudice comme du rapport causal entre ces deux premiers éléments est libre, de même que sa contestation. En effet, la MATMUT ne saurait être liée, sur le fondement d’une convention non versée aux débats, par les conclusions d’un médecin mandaté par un autre assureur. La question n’est pas celle de l’opposabilité des expertises et examens produits, qui ne sont pas des contrats, mais celle de l’appréciation de leurs valeurs probantes.
Le rapport causal entre l’accident du 8 mai 2013 et le préjudice de M. [N] [J]
La MATMUT indique que l’existence même du traumatisme crânien est contestable car il n’a jamais été constaté médicalement. Elle souligne que la déclaration de sinistre faite par M. [N] [J] à la suite de son accident ne fait état d’aucune blessure (cf. Sa pièce 2). L’assureur précise que dans le cadre de la plainte effectuée, les services enquêteurs n’ont pas adressé la victime aux U.M.J. Le service des urgences, le 19 mai 2013, affirme par ailleurs que “rien ne permet d’affirmer un lien de causalité entre l’AVP et les symptômes” [note : les vertiges et leurs suites]. La MATMUT met en évidence l’existence de deux autres épisodes traumatiques : l’accident du travail de 2007 (qui a causé des vertiges selon [T]) et le second accident de la route du mois de juin 2013 dans lequel M. [N] [J] a heurté le volant de la tête.
M. [N] [J] indique que le docteur [A] retient sans ambiguïté un rapport de causalité entre l’accident du 8 mai 2013 et l’accident lorsqu’il énonce que “la décompensation exophorique est fréquente après un traumatisme cervical et crânien et le lien de causalité avec l’accident du 8 mai 2013 doit être retenu”. Il ajoute que le docteur [T] a des conclusions identiques lorsqu’il énonce “l’accident du 8 mai 2013 a comporté un impact pariétal gauche, à lui seul suffisant, indépendamment de tout état antérieur, pour créer une fistule périlymphatique. Les signes cochléo-vestibulaires gauches doivent être considérés comme en relation unique, directe et certaine avec l’accident du 8 mai 2013".
Sur ce,
Il s’infère des articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et des principes généraux du droit des responsabilités délictuelle et quasi-délictuelle qu’ouvre droit à réparation le dommage en lien causal avec un accident de la route même si ledit événement n'en est pas la seule cause. Dans ces conditions, chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage des responsabilités auquel les juges du fond ont procédé entre les divers responsables, qui n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers et non l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.
En l’espèce, il n’est pas contesté par l’assureur que la victime a souffert, dans les suites immédiates de l’accident du mois de mai 2013, d’une importante crise de vertiges l’ayant conduit à une hospitalisation.
En outre, ainsi que le souligne M. [N] [J], deux médecins différents concluent dans l’existence d’un rapport causal entre l’accident du 8 mai 2013 et le préjudice.
Le docteur [A] indique que la décompensation exophorique [note : déviation des globes oculaires] est fréquente après un traumatisme cervical et crânien et le lien de causalité avec l’accident du 8 mai 2013 doit être retenu. Cet accident a entraîné des vertiges et décompensé une insuffisance de convergence et une exophorie.
Le docteur [T] est plus catégorique en précisant que : les éléments décrits dans les certificats sont en faveur d’une souffrance labyrinthique gauche aigüe. Cette séméiologie vestibulaire bruyante signe, sur le plan clinique, le début de la fistule péri-lymphatique. Cela exclut toute responsabilité du troisième accident du 18 juin 2013 dans ce diagnostique. L’accident de travail du 11 décembre 2007 avec une fracture du rocher gauche pouvait effectivement avoir été responsable d’un mécanisme initial de fistule péri-lymphatique. Cependant, les test cochléo-vestibulaires présentés permettent de noter une normalité de la fonction vestibulaire le 6 juin 2008 et une disparition sur le plan audiométrique de tout élément de transmission. De ce fait, même si la fistule a existé en décembre 2007, la séméiologie postérieure montre que celle ci était nécessairement colmatée, sans aucune expression clinique. Par ailleurs, l’accident du 8 mai 2013 a comporté un impact pariétal gauche à lui seul suffisant, indépendamment de tout état antérieur pour créer une fistule péri-lymphatique.
Le tribunal se gardera de conclure qu’il existe un rôle causal exclusif entre l’accident du 8 mai et le trouble. Les éléments médicaux mentionnés par le docteur [T] ne sont pas produits et les circonstances exactes des trois accidents ne sont pas déterminées avec suffisamment de précisions.
L’on comprend que ce mécanisme d’imputation intéresse au premier ordre l’assureur. Toutefois cette conclusion n’est pas nécessaire en l’espèce alors qu’aucun recours contre un co-obligé n’est exercé.En effet, comme rappelé supra il suffit d’indiquer que l’accident du 8 mai 2013 a partiellement causé le dommage pour que le principe de responsabilité de l’assuré, et donc l’action directe contre l’assureur, soit acquise. Or, il ressort des éléments produits que l’accident du 8 mai 2013 a nécessairement un rapport causal, non nécessairement exclusif mais direct, avec le préjudice de la victime.
Pour l’ensemble de ces motifs, le principe de l’action directe contre l’assureur sera retenu.
Sur la liquidation des préjudices
Sur les préjudices patrimoniaux
Sur les préjudices temporaires
Sur les dépenses de santé
Les parties s’accordent pour allouer à M. [N] [J] une somme de 2780 euros qui sera retenue.
Sur les frais divers
M. [N] [J] sollicite une somme de 3420 euros qui est contestée par La MATMUT motifs pris qu’il s’agit de frais d’assistance de la part de médecins conseils qui ont du être pris en charge par son assurance, les médecins en cause étant mandaté par la MACIF.
Sur ce,
M. [N] [J] verse aux débats diverses factures adressées par les docteurs [F], [A], [T] et [D], ce dernier pour un montant de 1200 euros. Ces factures lui sont directement adressées, ou à son avocat, sans intervention visible de la MACIF. Pour autant, il ressort des rapports produits que ces médecins sont intervenus en étant mandaté par l’assureur.
En s’absentant de produire les modalités de prise en charge par son assurance de l’intervention de ces médecins conseil, ou la preuve du versement effectif des sommes, M. [N] [J] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice certain, seul susceptible d’indemnisation. Il en sera débouté.
Sur la tierce personne temporaire
M. [N] [J] sollicite une somme de 15013,25 euros fondé sur un taux horaire de 25 euros pendant 23 jours à hauteur de 2 heures par jours soit la somme de 1012 euros ; outre deux voyages par an au portugal en voiture (15,25 x 2 x 2 x 25) soit la somme de 1525 euros ; outre une demi heure de déplacements quotidiens sur 2,30 années (26 mai 2013 au 15 septembre 2015) soit (2,3x365)x(0,5x25) : 14001,25.
L’assureur la conteste estimant que le taux horaire retenu et sollicite sont rapport à la somme de 16 euros. Il admet 736 euros à ce titre (16x2x23). En outre, l’assureur estime que l’impossibilité de conduire n’est pas rapportée autrement que par les doléances de la fille de la victime ; que le rapport de M. [X] ne conclu pas en ce sens et qu’il ressort de la page 5 de ce rapport qu’il prend l’avion pour se rendre au Portugal.
Sur ce,
Le rapport des docteurs [E] et [F] retiennent la nécessité d’une aide humaine non médicalisée à hauteur de 2 heures par jour du 8 mai 2013 au 26 mai 2013 puis du 26 mai 2013 au 8 juin 2013. Le docteur [X], psychiatre indique qu’il s’est présenté conduit par sa fille, qu’il conduit sa voiture sur “de très courts trajets”, et parait autonome dans les gestes de la vie quotidienne. La proposition d’indemnisation de la MATMUT retenait une tierce personne pour 18 euros par heure, du 15 mai 2015 au 15 septembre 2022 à hauteur de 2 heures par semaine.
Le taux horaire qui sera retenu sera de 20 euros. La première période de 23 jours ou une tierce personne était requise à hauteur de 2 heures par jours n’est pas discutée de sorte qu’une première somme de 920 euros peut être retenue. En revanche, M. [N] [J] ne rapporte pas la preuve de ses déplacement fréquent et en voiture, alors qu’il pouvait conduire, au Portugal. La somme de 1525 euros sera écartée. Enfin, il ressort des éléments produits que la victime se trouve en difficulté pour conduire. Toutefois, il a été fait une exacte quantification par l’assureur des nécessités de cet accompagnement à hauteur de 2 jours par semaine, soit 0,285 heure/jour, soit (2,3x365)x(0,285x20) = 4785,15 euros. Ce poste sera indemnisé par l’octroi d’une somme totale de 5705,15 euros.
Sur les pertes de gains professionnels actuels
M. [N] [J] indique qu’il était au chômage au moment de l’accident mais précise qu’il avait conclu un contrat de travail avec une EURL dénommée D.S.A. la veille de l’accident et évalue sa perte de gains professionnels à la somme de 30964,30 euros.
Ce poste de préjudice est contesté par l’assureur qui indique qu’en dépit de la longueur des opérations d’expertise ce contrat de travail n’a jamais été mentionné ; qu’à la suite de son accident il n’était pas en arrêt de travail ; qu’il ne justifie pas non plus d’un quelconque licenciement.
Sur ce,
Le tribunal s’accorde avec la MAMUT pour indiquer que le contrat de travail produit, qui est le seul élément qui serait relatif à la situation d’emploi du demandeur, n’est en tant que tel pas suffisant pour établir la réalité d’une perte de gains professionnels, à défaut de toute information sur la situation d’emploi de M. [N] [J]. Pour autant, il résulte des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile que le tribunal qui constate l’existence d’un préjudice est tenu de l’évaluer au besoin d’office et de manière forfaitaire (Cass. 3e civ. 6 février 2002, 00-10.543, publié au bulletin). Or, en l’espèce, l’existence d’un préjudice est acquise et ressort des différents examens médicaux. Il sera évalué d’office à la somme de 10 000 euros.
Sur les préjudice permanents
Sur les pertes de gains professionnels futurs
Pour des motifs identiques à ceux exposés au point 20.5.1.5.3. supra, ce poste sera rapporté à la somme de 4550 euros.
Sur l’incident professionnelle
M. [N] [J] indique souffrir d’une incidence professionnelle à raison d’un abandon du projet professionnel à hauteur de 5000 euros par mois et d’un placement anticipé à la retraite au 1er janvier 2014 et d’une perte de droits associés à hauteur de 39 869,15 euros. A ce titre, il est indiqué qu’il perçoit une retraite de 6943,08 euros par an. Il estime, sur la base d’un revenu annuel de 20560,97 euros, qu’il aurait dû percevoir une retraite annuelle d’un montant de 8931,17 euros, soit un différentiel de 1988,09 euros. Les pertes échues et à échoir au 31 décembre 2024 et depuis le 1er janvier 2017 sont de 15904,72 euros et, pour les pertes capitalisées à compter du 1er janvier 2025, une somme de 1988,09 x 12054 = 23964,43 euros.
La MATMUT indique que M. [N] [J] a occupé un emploi de maçon et avait suffisamment cotisé à 65 ans ; que tout au plus le préjudice n’a existé qu’entre le 8 mai 2013 et le 31 décembre 2013.
Sur ce,
L’évaluation de l’incidence professionnelle proprement dite, à savoir la dévalorisation subie sur le marché de l’emploi ne fait pas l’objet de contestation spécifique de la part de l’assureur et sera retenue à hauteur de 5000 euros. Sur la perte de droit à la retraite, il ressort de la correspondance du 25 mars 2014 que M. [N] [J] a cotisé 127 trimestre au régime général sur le fondement d’un salaire de base d’un montant de 17494,45 euros. Il n’avait pas suffisamment cotisé pour pouvoir prétendre à une retraite à l’âge de 65 ans. Pour autant, la quantification de la perte de revenue n’est pas suffisamment étayée pour les raisons précédemment avancée, la production d’un seul contrat de travail concomitant à l’accident et sans aucune autre pièce relative à cet emploi n’a pas été jugée probante. Aussi, et puisque ce préjudice est certain et que le tribunal est tenu de l’apprécier même d’office, il sera arrêté à la somme de 15 000 euros, ainsi qu’évalué dans a proposition d’indemnisation de l’assureur de l’année 2022. Le total de ce poste sera donc arrêté à la somme de 20 000 euros.
Sur la tierce personne
M. [N] [J] indique avoir dû abandonner la conduite et souligne, selon les calculs précédemment évoqués, que le poste de tierce personne annuel se monte à la somme de 6087,50 euros. Ce coût annuel est rapporté à 9 années, soit au 15 septembre 2024, et pour la tierce personne viagère, l’euro de rente viager retenu selon le barème de la Gazette du palais 2022 est de 12,830. Il est donc demandé une somme de (6087,50x9)+(6087,50x 12,830)=132890,12 euros.
L’assureur conclu au débouté et, subsidiairement, à l’inclusion d’une durée de 2 heures hebdomadaires à 15 euros et un euro de rente viagère BCRIV 2023 à 12,78, portant le montant total de l’indemnité à la somme de 32536,80€.
Sur ce,
Il est renvoyé aux développements supra 20.5.1.4. et il convient de retenir une évaluation annuelle du coût de la tierce personne de 0,285x20x365 = 2080,50euros, soit (2080,5x9)+(2080,5x12,830) = 45417,315 euros.
Sur les préjudices extra-patrimoniaux
Sur les préjudices temporaires
Sur le déficit fonctionnel
Les parties ne s’accordent pas sur ce poste à raison de l’évaluation du montant journalier arrêté à 30 euros pour M. [N] [J] et à 25 euros pour l’assureur. Le montant de 30 euros n’est pas surévalué et sera retenu pour arrêté ce poste de préjudice à la somme de 6795 euros.
Sur les souffrances endurées
Les souffrances endurées sont arrêté à 4/7e ce qui correspond à des souffrances parfois improprement qualifiées de “moyenne”. L’assureur les évalue à 16 000 euros tandis que M. [N] [J] estime qu’elles peuvent donner lieu à une indemnisation de 20 000 euros. Il importe de relever les importantes conséquences psychologiques des souffrances, relevées par le docteur [X], pour allouer à M. [N] [J] une somme de 20 000 euros à ce titre.
Sur les préjudices permanents
Sur le déficit fonctionnel permanent
La victime sollicite une somme de 35 000 euros pour un déficit fonctionnel permanent arrêté à 23%. L’assureur propose de retenir une valeur de point de 1300 euros, soit une somme de 29 900 euros.
Sur ce,
M. [N] [J] était âgé de 66 ans à la date de la consolidation, pour un déficit fonctionnel de 23 points. Une valeur de point arrêté à 1521,74 n’est pas surévaluée de sorte qu’il y a lieu de retenir la somme de 35000 euros.
Sur le préjudice esthétique
Les parties s’accordent sur une somme de 1500 euros qui sera retenue.
Sur le préjudice d’agrément
La grande difficulté à bricoler, qui est documentée par les éléments produit, justifie l’octroi d’une indemnité de 5000 euros à ce titre, les autres éléments constitutif éventuellement d’un préjudice d’agrément n’étant pas démontrés.
Sur le doublement de l’intérêt légal et la capitalisation des intérêts
Aux termes de l’article L211-9 du code des assurances quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande. [al.2] Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident.
L’article L211-13 du même code prévoit que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.
En l’espèce, il ressort des faits constants de l’espèce qu’aucune offre, ne serait-ce que provisionnelle, n’a été effectuée dans les délais précités, mais uniquement le 30 novembre 2017. Il y a donc lieu de retenir un doublement du taux de l’intérêt légal pour la période du 8 janvier 2014 au 28 septembre 2022 [date de l’offre], portant sur la totalité de l’indemnisation.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée à compter du 27 juillet 2022, date de l’assignation.
Sur les mesures de fin de jugement
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner La MATMUT aux dépens. Toutefois, le bénéfice de distraction ne saurait être accordé à la société d’exercice dont l’avocat du demandeur est membre, la Selarl n’étant pas avocat au sens des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il y a donc lieu de débouter M. [N] [J] de cette prétention.
La MATMUT sera condamnée à payer à M. [N] [J] une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.
L’exécution provisoire est de droit et il n’y a pas lieu de l’écarter, notamment en raison de l’ancienneté du litige.
Le tribunal ne dispose pas du pouvoir juridicionnel lui permettant de statuer sur un litige à venir relatif à l’exécution de la décision et M. [N] [J] sera débouté de sa prétention consistant à “Mentionner dans le jugement que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par la MATMUT en sus de l’article 700 du CPC”.
Enfin, Rendre le jugement à intervenir commun à la CPAM de Seine et Marne ainsi qu’à la société PRO BTP résulte d’un effet mécanique de la loi alors qu’il s’agit de parties au litige de sorte que la demande ne constitue pas une prétention. Il n’y a donc pas lieu de statuer à ce propos.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe au jour du délibéré,
Condamne la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutalistes à payer à Monsieur [C] [N] [J] une somme totale de 156 747,465 euros se décomposant ainsi qu’il suit (en euros) :
Dépense de santé: 2780Frais divers : 0Tierce personne temporaire : 5705,15Perte de gains professionnels :10000Perte de gains professionnels futurs : 4550Incidence professionnelle : 20 000Tierce personne permanente : 45417,315Déficit fonctionnel temporaire : 6795Souffrances endurés : 20000 Déficit fonctionnel permanent : 35000Préjudice esthétique : 1500Préjudice d'agrément : 5000
Dit que la somme de 156 747,465 euros sera soumise, pour la période du 8 janvier 2014 au 28 septembre 2022, au doublement du taux de l’intérêt légal ;
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 27 juillet 2022 ;
Condamne la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutalistes aux dépens ;
Déboute Monsieur [C] [N] [J] de sa demande tendant à ce que le bénéfice de distraction soit accordé à la Selarl Cabinet Rémy LE BONNOIS ;
Déboute Monsieur [C] [N] [J] de sa prétention tendant à “Mentionner dans le jugement que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par la MATMUT en sus de l’article 700 du CPC”;
Condamne la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutalistes à payer à Monsieur [C] [N] [J] une somme de 5000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Déboute la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutalistes de ses prétentions tendant à écarter ou minorer l’exécution provisoire ;
Déboute les parties de toutes autres prétentions.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT