- N° RG 24/01775 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQFW
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date : 31 Juillet 2024
Minute n° 24/00031
Affaire : N° RG 24/01775 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQFW
Formule Exécutoire délivrée
le : 31-07-2024
à : Me François DAUPTAIN + dossier
Copie Conforme délivrée
le : 31-07-2024
à : Me Christine BALDUCCI-GUERIN + dossier
PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
JUGEMENT DU TRENTE ET UN JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSES
Madame [M] [F] née [W] représentée par Madame [L] [O] et Monsieur [H] [K]
EHPAD
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]
représentée par Me François DAUPTAIN, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant, substitué par Me Adeline LADOUBART, avocat au barreau de MEAUX
Madame [D] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me François DAUPTAIN, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant, substitué par Me Adeline LADOUBART, avocat au barreau de MEAUX
DEFENDEUR
Monsieur [N] [E] [S] [F]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Christine BALDUCCI-GUERIN, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré : Mme Catherine MATHIEU, Présidente du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond
DEBATS
A l'audience publique du 03 Juillet 2024,
GREFFIER
Lors des débats et du délibéré : Madame Béatrice BOEUF, Greffière
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme Catherine MATHIEU, Présidente du tribunal judiciaire, ayant signé la minute avec Madame Béatrice BOEUF, Greffière ;
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon acte authentique en date du 30 juin 1982, Monsieur [E] [F] et Madame [M] [W] [A] épouse [F] ont acquis, avec Monsieur [N] [F], leur fils, et Madame [P] [U] épouse [F], un bien immobilier situé [Adresse 5] (devenue [Adresse 4]) à [Localité 6].
A la suite du décès de Monsieur [E] [F] le 22 mai 2004 et du divorce de Monsieur [N] [F] et de son épouse Madame [U], le bien immobilier est devenu la propriété indivise de Monsieur [N] [F], de Madame [M] [W] [A] veuve [F] et de Madame [D] [F] épouse [K], fille de Monsieur [E] [F] et de Madame [M] [W].
Selon jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de Lagny-sur-Marne en date du 17 février 2023, Monsieur [H] [K] et Madame [L] [K] épouse [O], enfants de Madame [D] [F] et petits-enfants de Madame [M] [W] [A] veuve [F], ont été habilités à représenter cette dernière pour l'ensemble des actes relatifs à ses biens pour une durée de 120 mois et à la représenter lors de la vente immobilière de son logement situé [Adresse 4] à [Localité 6] (77410).
Par acte de commissaire de justice en date du 17 avril 2024, Madame [D] [F] épouse [K] et Madame [M] [W] [A] veuve [F], représentée par Madame [L] [K] épouse [O] et par Monsieur [H] [K], ont fait délivrer une assignation à comparaître à Monsieur [N] [F] devant le président du tribunal judiciaire de Meaux, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins, sur le fondement des articles 815 et suivants et 1240 du code civil et 700 et 1070 du code de procédure civile, de :
- les autoriser à vendre seuls le bien sis [Adresse 5] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros net vendeur ou pour tout prix supérieur,
- A défaut de signature d'un compromis de vente dans les trois mois qui suivent la date du jugement, les autoriser à proposer le-dit bien à la vente au prix de 170 000 euros,
- condamner Monsieur [N] [F] à payer à Madame [D] [F] épouse [K], Madame [L] [K] épouse [O] et Monsieur [H] [K], la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- condamner Monsieur [N] [F] à payer à Madame [D] [F] épouse [K], Madame [L] [K] épouse [O] et Monsieur [H] [K], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Ils exposent que la vente est nécessaire pour financer le séjour en EPHAD de Madame [M] [W] [A] veuve [F]. Ils prétendent que cette vente urgente est de l'intérêt de l'indivision dès lors que sa situation financière ne lui permet plus d'entretenir le bien indivis et que Monsieur [N] [F] n’y réside pas de sorte que le bien se trouve inoccupé et présente un risque d'être squatté. Ils lui reprochent de faire une obstruction abusive à la vente.
Après renvois à la demande des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 3 juillet 2024.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, Madame [D] [F] épouse [K] et Madame [M] [W] [A] veuve [F] ont maintenu leurs demandes.
Aux termes de ses écritures déposées et soutenues à l'audience, Monsieur [N] [F] soulève l’irrecevabilité de la saisine à défaut d’autorisation du juge des tutelles à introduire la procédure au nom de Madame [M] [W] [A] veuve [F]. Il sollicite du juge des référés qu'il déboute les demanderesses et qu'il les condamne à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Il soutient que les conditions d’urgence et d’intérêt commun de l’indivision ne sont pas réunies dès lors que le bien est suffisamment entretenu et qu’il se propose de le racheter, un compromis de vente ayant d’ailleurs été signé le 26 août 2023, qui fait obstacle à la signature d’un autre compromis tant qu’il n’a pas été annulé.
L’affaire a été mise en délibéré au 31 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de représentants de Madame [K] épouse [O] et de Monsieur [H] [K] :
Aux termes du jugement d'habilitation familiale rendu le 17 février 2023 par le juge des contentieux de la protection de Lagny-sur-Marne, Madame [L] [K] épouse [O] et Monsieur [H] [K] ont été habilités à représenter Madame [M] [W] [A] veuve [F] pour l'ensemble des actes relatifs à ses biens pour une durée de 120 mois et à la représenter lors de la vente immobilière de son logement situé [Adresse 4] à [Localité 6]. En outre, il leur a été donné mission, en application de l'article 459-2 du code civil, de représenter Madame [W] [A] pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne.
En l’espèce, la présente instance a pour objet l’autorisation de la vente du bien abritant le logement de Madame [W] [A] veuve [F] et dont elle est l'une des indivisaires.
L’autorisation expresse du juge des tutelles donnée à Madame [L] [K] épouse [O] et Monsieur [H] [K] pour représenter Madame [W] [A] veuve [F] lors de la vente de son logement inclut nécessairement la présente instance, indispensable à la réalisation de cette vente.
En conséquence, ils seront déclarés recevables à agir en qualité de représentants de Madame [W] [A] veuve [F] dans la présente procédure.
Sur la demande d'autorisation :
L'article 815-5 du code civil dispose qu' : « Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coindivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun.
Le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier.
L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut.».
L'article 815-6 du même code ajoute que : « Le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge.».
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En outre, l'article 1380 du code de procédure civile précise que : « Les demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et du deuxième alinéa de l'article 814, des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.».
En l’espèce, il résulte du compromis de vente à titre de licitation faisant cesser l'indivision en date du 26 août 2023 et des déclarations des parties que Monsieur [N] [F] a manifesté la volonté d'acquérir le bien indivis.
Il ressort toutefois du-dit compromis (p.11) qu'un terme extinctif était expressément prévu, la signature de l'acte authentique de vente devant avoir lieu, au plus tard, le 25 septembre 2023. Monsieur [N] [F] n’ayant pas réuni les fonds nécessaires, aucun acte authentique de vente n'a été signé à la date du 25 septembre 2023. La promesse de vente est donc caduque et Monsieur [N] [F] ne saurait s'en prévaloir.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le bien immobilier est inoccupé depuis que l’état de santé de Madame [W] [A] veuve [F] ne lui permet plus d’y vivre seule, cette dernière ayant été admise en EPHAD en janvier 2023. Il est constant que Monsieur [N] [F] n’y réside pas non plus.
Il n'est pas plus contesté que Madame [W] [A] veuve [F] assume seule les charges du bien indivis et que sa situation financière ne lui permet pas de faire face seule aux dépenses de son hébergement en EPHAD, ses enfants et petits-enfants s'étant engagés à payer une partie des frais d'hébergement.
Il ressort du procès-verbal de constat dressé le 15 mars 2023 par maître [B] [Y] que le bien indivis est inoccupé et n'est pas entretenu.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la situation financière de la seule indivisaire sur qui pèse la charge de l’entretien du bien immobilier est gravement et définitivement obérée, qu’en raison de son inoccupation, la dégradation de l’immeuble est inévitable et que les risques d’occupation illicite ne peuvent être écartés. Il s’en déduit qu’il est urgent et conforme à l’intérêt commun de mettre en vente ce bien qui ne profite à personne et dont le produit de la vente pourra être partiellement affecté aux besoins de Madame [W] [A] veuve [F].
L’estimation de la valeur du bien réalisée par Madame [J] [V] de la société L'AGENCE DE [Adresse 7] se monte à la somme de 230 000 à 240 000 euros. Selon l'avis de valeur réalisé par Madame [G] [I] de la société IAD, il s’élève à la somme de 260 000 à 300 000 euros. Ces éléments justifient que le prix de vente minimal soit fixé à 220 000 euros.
L'urgence de la situation justifie que si aucun compromis de vente n'était signé pendant un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement, les indivisaires soient autorisés à présenter le bien à la vente au prix minimum de 170 000 euros.
Sur la demande de dommages-intérêts :
Au terme de l'article 1240 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
Il résulte des dispositions de cet article que l'engagement de la responsabilité d'un individu nécessite qu'il ait commis une faute et que cette faute soit en lien de causalité direct et certain avec la survenance d'un dommage.
En l'espèce, il résulte des échanges de courriels et du compromis de vente produits que les indivisaires ont tenté, en vain, de trouver un accord s'agissant de la vente du bien indivis, Monsieur [N] [F] ayant manifesté son intention de l'acquérir. Il ne saurait toutefois être déduit de l'échec de cette vente que Monsieur [N] [F] a commis une faute au sens de l'article susvisé et il ne résulte nullement des pièces versées aux débats que ce dernier ait abusivement refusé que le bien indivis soit vendu.
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En conséquence, la demande de dommages-intérêts n'apparaît pas fondée et sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [N] [F], qui succombe, sera condamné aux dépens.
En considération de l’équité, il y a lieu de condamner Monsieur [N] [F] à payer aux demandeurs la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le président, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré après débats en audience publique,
Déclare Madame [L] [K] épouse [O] et par Monsieur [H] [K] recevables à représenter Madame [M] [W] [A] veuve [F] dans la présente procédure,
Autorise Madame [D] [F] épouse [K] et Madame [M] [W] [A] veuve [F], représentée par Madame [L] [K] épouse [O] et par Monsieur [H] [K] à vendre seules le bien sis [Adresse 4] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros net vendeur ou pour tout prix supérieur,
Autorise, à défaut de signature d'un compromis de vente dans les 6 mois qui suivent la signification du présent jugement, Madame [D] [F] épouse [K] et Madame [M] [W] [A] veuve [F], représentée par Madame [L] [K] épouse [O] et par Monsieur [H] [K] à proposer le-dit bien à la vente au prix minimum de 170 000 euros,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de Monsieur [N] [F],
Condamne Monsieur [N] [F] aux dépens,
Condamne Monsieur [N] [F] à payer à Madame [D] [F] épouse [K] et Madame [M] [W] [A] veuve [F], représentée par Madame [L] [K] épouse [O] et par Monsieur [H] [K] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Le Greffier, Le Président,