- N° RG 24/00408 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQXM
Date : 31 Juillet 2024
Affaire : N° RG 24/00408 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQXM
N° de minute : 24/00438
Formule Exécutoire délivrée
le : 31-07-2024
à : Me Isabelle POIRIER + dossier
Copie Conforme délivrée
le : 31-07-2024
à : Me Fatima ALLOUCHE + dossier
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
Par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées, a été rendue, le TRENTE ET UN JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE, par Mme Catherine MATHIEU, Présidente du tribunal judiciaire au Tribunal judiciaire de MEAUX, assistée de Madame Béatrice BOEUF, Greffière lors des débats et du délibéré, l’ordonnance dont la teneur suit :
Entre :
DEMANDERESSE
S.C.I. RFDS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Isabelle POIRIER, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant
DEFENDERESSE
S.A.S. ATELIER S.E.V.E.C
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Fatima ALLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
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Après avoir entendu les parties lors de l’audience de plaidoirie du 03 Juillet 2024 ;
EXPOSE DU LITIGE, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par contrat en date du 1er juin 2021, la société civile immobilière SCI RFDS (le bailleur) a donné à bail commercial à la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. (le preneur) des locaux situés [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 45 600 euros, hors charges et hors taxes, payable mensuellement par avance.
Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, par acte de commissaire de justice du 13 mars 2024 pour une somme de 18 560 euros, au titre de l’arriéré locatif arrêté au mois de février 2024 inclus.
Exposant que les causes du commandement sont demeurées totalement ou partiellement impayées, le bailleur a, par acte de commissaire de justice du 3 mai 2024, fait assigner le preneur devant la présente juridiction des référés aux fins de :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et, en conséquence, la résiliation du-dit bail à la date du 13 avril 2024,
- ordonner l'expulsion, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, de la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. et celle de tous occupants de son chef des lieux loués, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
- condamner la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. à lui payer la somme provisionnelle de 24 240 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 13 avril 2024,
- condamner la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. à lui payer une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du loyer augmenté des charges, à compter du 14 avril 2024 et jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur,
- condamner la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.
Après renvois à la demande des parties, l'affaire a été retenue à l’audience du 3 juillet 2024.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, la société civile immobilière SCI RFDS a actualisé sa demande au titre de la dette locative à la somme de 28 160 euros arrêtée au mois de juin 2024 inclus, a maintenu ses autres demandes et s’est opposée aux demandes formées par la société ATELIER S.E.V.E.C. et notamment aux délais de paiement sollicités.
Selon ses écritures déposées et soutenues oralement à l’audience, la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. a reconnu devoir la somme de 24 000 euros et a demandé au juge des référés de lui accorder un délai de 24 mois pour s’acquitter de sa dette.
A titre reconventionnel, elle a sollicité la condamnation du bailleur à lui payer la somme provisionnelle de 7 560 euros au titre des services de domiciliation fournis.
En tout état de cause, elle a demandé le rejet de la demande d'acquisition de la clause résolutoire, à défaut, la suspension de ses effets et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, ainsi que la condamnation du bailleur à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle expose que le bailleur ne verse aucun décompte justifiant du montant des sommes réclamées, que le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi et elle indique qu'elle a commencé à apurer ses arriérés par des virements mensuels d'un montant de 1 200 euros.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
L’affaire a été mise en délibéré au 31 juillet 2024.
SUR CE,
- Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et les demandes qui en découlent :
L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d'un bail.
Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, si l’existence et le montant de l’obligation ne sont pas sérieusement contestables, le juge des référés peut accorder une provision au bailleur à valoir sur le passif locatif du preneur.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'octroi des délais de paiement autorisés par l'article 1343-5 du code civil, n'est par ailleurs nullement conditionné à la seule existence d'une situation économique catastrophique de celui qui les demande, mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
Sur la validité du commandement de payer :
La société ATELIER S.E.V.E.C. soutient que le bailleur a fait preuve de mauvaise foi dans la délivrance du commandement de payer qui ne peut donc produire les effets d’acquisition de la clause résolutoire.
Il y aura lieu de relever que le fait que le commandement de payer ne comprenne pas le dépôt de garantie, qui n’avait pas été payé, ne fait pas grief au locataire et ne constitue pas une irrégularité dès lors que les sommes réclamées étaient effectivement dues.
En outre, la volonté manifestée par le bailleur de ne pas reconduire le bail au-delà de la première période triennale ne permet pas de fonder, à elle seule, la mauvaise foi du-dit bailleur dès lors que des loyers demeuraient effectivement impayés et que ces impayés justifiaient la délivrance d'un commandement de payer selon les dispositions du bail.
Enfin, il importe peu que le preneur ait sollicité l'octroi de délais de paiement auprès du bailleur et qu'un premier virement ait été effectué antérieurement à la délivrance du commandement de payer dès lors que le bailleur n'était pas tenu d'accorder les délais sollicités et qu'il n'a pas non plus accepté l'échéancier proposé et mis en oeuvre unilatéralement par le preneur.
En conséquence, en faisant délivrer ce commandement, la société civile immobilière SCI RFDS n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.
Ce commandement porte sur une créance d'un montant de 18 560 euros, arrêtée au 1er février 2024, après déduction du coût du commandement de payer, qui n’est pas une créance locative.
Il résulte du décompte joint à l’assignation que les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance. La clause résolutoire est donc acquise.
Sur la demande de provision au titre de la dette locative
Selon le décompte produit aux débats, la créance s’élève désormais à 28 160 euros.
Il y a donc lieu de condamner par provision la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. au paiement de cette somme arrêtée au 1er juin 2024.
Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement :
La société locataire explique cette absence de paiement par des difficultés financières et un passif élevé au moment de la conclusion du bail.
- N° RG 24/00408 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQXM
Compte tenu des circonstances de la cause qui démontrent un réel effort du locataire pour la continuation de son commerce, des règlements effectués depuis le mois de mars et poursuivis depuis lors et de la situation de la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C., la bonne foi du preneur doit être reconnue tandis que la résiliation du bail entraînerait de très lourdes conséquences économiques.
Ainsi, il y a lieu d’accorder un délai de 24 mois à la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. pour s’acquitter de sa dette, dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance et de suspendre, pendant le cours de ces délais, les effets de la clause résolutoire.
A défaut de paiement à échéance et en sus des loyers courant, la clause résolutoire sera acquise, le preneur sera expulsé, sans qu’il soit justifié de la nécessité de prononcer une astreinte, le recours à la force publique étant suffisamment comminatoire, et sera redevable, à défaut de quitter les lieux, d'une indemnité d'occupation.
L’indemnité d’occupation due par la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires.
- Sur la demande de provision formée par la société ATELIER S.E.V.E.C. :
L’article 835 du code de procédure civile dispose que : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
La preuve de l'obligation, en son principe, c'est à dire en tous ses caractères (certitude, liquidité, exigibilité), et en son quantum, repose sur le demandeur. Le défendeur pourra à l'inverse s'exonérer en justifiant de contestations sérieuses susceptibles d'affecter l'un ou plusieurs de ces éléments. Il est rappelé que la contestation est réputée sérieuse lorsqu'un débat au fond du litige est nécessaire pour la trancher.
En l'espèce, la société ATELIER S.E.V.E.C. verse aux débats une facture en date du 14 mai 2024 relative aux frais administratifs imputés par elle au bailleur.
Il convient toutefois de relever que si le siège social de la société civile immobilière SCI RFDS est effectivement l'adresse des locaux loués, celle-ci dispose d'une adresse administrative au [Adresse 3] à [Localité 4], adresse connue du preneur pour être celle figurant, au titre de l'expéditeur, sur les accusés réception des courriers recommandés qui lui ont été adressés par le bailleur. En outre, le preneur ne justifie nullement effectuer les tâches administratives alléguées au profit du bailleur. Enfin, il ressort des écritures du preneur ainsi que du courrier en date du 14 mai 2024 adressé au conseil du bailleur, que la prestation alléguée a été estimée par la seule société ATELIER S.E.V.E.C. , sans que les modalités de cette estimation ne soient explicitées.
En conséquence, l'obligation au paiement de la société civile immobilière SCI RFDS au titre des frais de domiciliation apparaît sérieusement contestable et il n'y aura pas lieu à référé sur la demande de provision formée par la société ATELIER S.E.V.E.C.
- Sur les demandes accessoires :
L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 du même code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C., qui succombe, supportera la charge des dépens, conformément aux dispositions sus-visées, qui comprendront le coût du commandement de payer du 13 mars 2024.
En considération de l’équité, la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. sera condamnée à payer à la société civile immobilière SCI RFDS la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sa demande formée sur ce même fondement sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant en référé, par décision contradictoire et en premier ressort, remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,
Condamnons la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. à payer à la société civile immobilière SCI RFDS la somme provisionnelle de 28 160 euros au titre de l’arriéré locatif au 1er juin 2024,
Disons que la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. pourra s’acquitter de cette somme, en plus des loyers courants, en 24 mois mensualités égales et consécutives, le premier versement devant intervenir au plus tard le 15 du mois suivant la signification de l’ordonnance et les versements suivants au plus tard le 15 de chaque mois, le solde restant dû étant exigible avec la dernière mensualité,
Ordonnons la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais,
Disons que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial,
Disons que, faute pour la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,
° le tout deviendra immédiatement exigible,
° la clause résolutoire sera acquise,
° il sera procédé à l’expulsion immédiate de la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués située [Adresse 1],
° en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié, et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l’expiration duquel il sera procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens paraissant avoir une valeur marchande, les autres biens étant réputés abandonnés, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sur ce point,
° une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges et taxes sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu’à libération effective des lieux par remise des clés, et condamnons en ce cas la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. à payer à titre provisionnel cette somme à la société civile immobilière SCI RFDS,
Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C.,
Condamnons la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 13 mars 2024,
Condamnons la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. à payer à la société civile immobilière SCI RFDS la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejetons la demande formée par la société par actions simplifiée ATELIER S.E.V.E.C. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejetons les autres demandes des parties,
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Le Greffier Le Président