- N° RG 23/05640 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDKUL
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l'ordonnance de
clôture : 22 Avril 2024
Minute n°24/683
N° RG 23/05640 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDKUL
le
CCC : dossier
FE :
-Me LEFEBVRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU TRENTE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D’ILE DE FRANCE,
[Adresse 1]
représentée par Maître Bernard-claude LEFEBVRE de l’ASSOCIATION LEFEBVRE HATEM-LEFEBVRE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
DEFENDEUR
Monsieur [K] [R] [B]
[Adresse 2]
N’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré : Mme ZEDDOUN, Vice-présidente statuant comme Juge Unique
DEBATS
A l'audience publique du 07 Mai 2024,
GREFFIERES
Lors des débats : Mme BOUBEKER, greffière et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière
JUGEMENT
Réputé contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré et après prorogation du délibéré initialement prévu le 05 juillet 2024, Madame ZEDDOUN , Présidente, ayant signé la minute avec Madame CAMARO, Greffière ;
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 19 novembre 2021, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France a consenti à M. [K] [B] deux prêts immobiliers destinés à financer l’acquisition d’un bien immobilier, le premier (n°00002840556) d’un montant de 223.000 €, au taux d’intérêt annuel fixe de 1,35 %, remboursable en 300 mensualités, le second (n°00002840557) d’un montant de 24.000 €, au taux d’intérêt annuel de 0 %, remboursable en 300 mensualités.
A compter du mois d’avril 2025, les échéances du prêt sont revenues impayées.
Par lettre recommandée du 13 septembre 2023 (pli avisé et non réclamé), la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France a mis en demeure M. [K] [B] de régler la somme de 5.887,87 € au titre des échéances impayées.
A défaut de règlement, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France a prononcé la déchéance du terme des prêts et mis en demeure l’emprunteur de lui régler dans un délai de quinze jours à compter de la réception du courrier, la somme de 256.449,88 € au titre des échéances impayées, du capital restant dû, des intérêts de retard et des frais.
Aucun règlement n’est intervenu.
C’est dans ces circonstances que, par acte de commissaire de justice du 07 décembre 2023, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France a fait assigner M. [K] [B] devant le tribunal judiciaire de Meaux, sur le fondement des articles 1103, 1343-2, 1124 à 1230 du code civil et l’article L.313-51 du code de la consommation, aux fins de :
A titre principal,
déclarer acquise la déchéance du terme des prêts de 223.000 € et 24.000 €,A titre subsidiaire, si le tribunal considérait que la déchéance du terme des prêts n’a pas été valablement prononcée
ordonner, en application des articles 1124 à 1230 du code civil, la résolution judiciaire des prêts de 223.000 € et 24.000 € aux torts exclusifs de M. [K] [B] en raison de son manquement réitéré à son obligation de règlement des échéances de remboursement à bonne date,En conséquence,
condamner M. [K] [B] à lui payer 231.902,09 € au titre du prêt de 223.000 € outre les intérêts postérieurs au 26 octobre 2023 au taux contractuels de 1,35%,condamner M. [K] [B] à lui payer 24.547,79 € au titre du prêt de 24.000 € outre les intérêts postérieurs au 26 octobre 2023, au taux légal,En tout état de cause,
ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,condamner M. [K] [B] à lui payer 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner M. [K] [B] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la banque fait valoir qu’elle a vainement tenté de poursuivre M. [K] [B] afin de recouvrer les sommes qui lui sont dues.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à cette assignation pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens de la demanderesse.
Bien que régulièrement assigné à l’étude de commissaire de justice, le défendeur n’a pas constitué avocat. Le jugement sera en conséquence réputé contradictoire.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 avril 2024.
L’affaire a été évoquée oralement à l’audience de juge unique du 07 mai 2024, lors de laquelle le tribunal a soulevé le moyen tiré de la régularité de la déchéance du terme prononcée par la banque au regard de la législation et de la jurisprudence sur les clauses abusives et invité la demanderesse à présenter ses observations par note en délibéré.
L’affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2024, prorogée au 30 juillet 2024.
Par note en délibéré en date du 21 mai 2024, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France précise que M. [K] [B] a été informé par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 septembre 2023 des conséquences de sa défailleance dans la régularisation des impayés et du délai imparti pour ce faire. Elle ajoute que le délai de 15 jours contractuellement accordé à l’emprunteur à compter de la réception de la mise en demeure de payer les échéances apparaît raisonnable, comme étant de nature à lui permettre de régulariser sa situation.
MOTIFS
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement :
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l’article 1310 du code civil la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.
Aux termes articles 1892 et 1902 du code civil, le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. L'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu.
L’article 1353 du code civil dispose, quant à lui, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l’espèce, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France verse aux débats les éléments suivants afin de justifier sa créance :
le contrat des prêts immobiliers d’un montant de 223.000 € (prêt n°00002840556), au taux d’intérêt annuel fixe de 1,35 %, remboursable en 300 mensualités, et d’un montant de 24.000 € (prêt n°00002840557) au taux d’intérêt annuel de 0 %, remboursable en 300 mensualités, signé le 19 novembre 2021,la preuve du versement des fonds (247.000 €) en l’étude de Maître [N], notaire à [Localité 3] le 18 janvier 2022, la lettre recommandée du 13 septembre 2023 émise par le prêteur, mettant en demeure l’emprunteur de régler la somme de 5.5887,97 € au titre des échéances impayées au 13 septembre 2023, sous peine de déchéance du terme ; la lettre simple en date du 10 octobre 2023, comportant copie du courrier de mise en demeure adressé le 13 septembre 2023,la lettre recommandée du 26 octobre 2023 émise par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France notifiant à l’emprunteur la résiliation du contrat de prêts et le mettant en demeure de régler la somme de 256.449,88 € selon décompte joint, les historiques de remboursement des deux prêts, les décomptes de la créance au titre des deux prêts arrêtée au 26 octobre 2023 d’un montant de 231.902,09 € et 24.547,79 €.
* Sur la régularité de la déchéance du terme :
Le prêt prévoit au titre « Déchéance du terme » que « En cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visé ci-après, le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours :
en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du/des prêts du présent financement,(…) »
la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France a mis en œuvre cette clause de déchéance et a adressé à M. [K] [B] un courrier recommandé avec accusé de réception (pli avisé mais non réclamé) daté du 13 septembre 2023 mettant en demeure l’emprunteur de régler la somme de 5.887,87 € représentant six échéances impayées, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de ce courrier. Le 10 octobre 2023, le prêteur a réadressé à l’emprunteur le courrier recommandé du 13 septembre 2023, cette fois-ci par lettre simple.
La banque n’a prononcé l’exigibilité des sommes dues au titre des prêts que le 26 octobre 2023, soit plus d’un mois après la mise en demeure du 13 septembre 2023, ce qui apparaît comme un délai raisonnable au regard des sommes réclamées, délai qui a laissé à l’emprunteur la faculté de proposer à la banque une modification des mensualités en application de la clause « option souplesse » ou une suspension du paiement d’une mensualité selon la clause « pause mensualité », ou encore un accord moyennant des garanties de paiement.
Au vu de ces développements, la mise en œuvre de la clause de déchéance du terme apparaît régulière.
Le tribunal ayant fait droit à la demande principale, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat de prêt.
La Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France justifie ainsi d’une créance liquide, certaine et exigible à l’encontre M. [K] [B] au titre des prêts immobiliers s’élevant à la somme de 216.730,93 € au titre des échéances impayées et du capital restant dû du prêt n°00002840556 de 223.000 € et à la somme de 22.941,86 € au titre des échéances impayées et du capital restant dû du prêt n°00002840557 de 24.000 €.
M. [K] [B], qui ne vient pas se défendre, ne rapporte pas la preuve qu'il s’est acquitté de son obligation de paiement.
Par conséquent, M. [K] [B] sera condamné à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France :
la somme de 216.730,93 € au titre du prêt n°00002840556 de 223.000 € avec intérêts au taux conventionnel de 1,35 % sur le capital compris dans cette somme, à compter du 26 octobre 2023,et la somme de 22.941,86 € au titre du prêt n°00002840557de 24.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2023.
* Sur l’indemnité forfaire de 7 % :
Il est prévu au contrat une indemnité de 7% des sommes dues en capital et en intérêts échus en cas de déchéance du terme. La Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France réclame un indemnité forfaitaire de 15.171,16 € au titre du prêt de 223.000 € et une indemnité forfaitaire de 1.605,93 € au titre du prêt de 24.000 €.
L’article 1231-5 du code civil dispose que le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle apparaît manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice du précédent alinéa. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
La clause précitée vise incontestablement à la réparation forfaitaire d'un dommage causé à la banque par un manquement contractuel du débiteur et a une finalité tant coercitive que comminatoire. Dès lors, il s'agit d'une clause pénale.
Les premiers incidents de paiement sont apparus en avril 2023. Le contrat de prêt a été conclu en novembre 2021. Les échéances des prêts ont donc été réglées à bon termes pendant près d’un an et demi.
Aussi, au vu du montant déjà remboursé, le montant de la clause pénale apparaît manifestement excessif et il convient de réduire cette indemnité à la somme de 2.000 euros, le préjudice financier de la banque étant compensé par le cours des intérêts.
M. [K] [B] sera en conséquence condamné à payer à la banque la somme de 2.000 € au titre de l’indemnité de résiliation du contrat.
* Sur la demande de capitalisation :
La règle édictée par l'article L. 313-49 du code de la consommation fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1343-2 du code civil.
La Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Sur les dépens :
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Succombant, M. [K] [B] sera condamné aux entiers dépens de l’instance.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Condamné aux dépens, M. [K] [B] sera condamné à payer 800 € à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur l’exécution provisoire :
En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Aucun élément ne justifie de faire échec à l’exécution provisoire de droit prévue par cet article.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant après débats public, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition du greffe :
Condamne M. [K] [B] à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France, société civile coopérative à personnel et capital variables :
la somme de 216.730,93 € au titre du prêt n°00002840556 de 223.000 € avec intérêts au taux conventionnel de 1,35 % sur le capital compris dans cette somme, et ce, à compter du 26 octobre 2023,la somme de 22.941,86 € au titre du prêt n°00002840557de 24.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2023,la somme de 2.000 € au titre de l’indemnité de résiliation.
Déboute la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France, société civile coopérative à personnel et capital variables, du surplus de ses demandes.
Déboute la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France, société civile coopérative à personnel et capital variables, de sa demande de capitalisation des intérêts.
Condamne M. [K] [B] aux dépens de l’instance.
Condamne M. [K] [B] à payer la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] et d’Ile-de-France, société civile coopérative à personnel et capital variables, la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelle que le présent jugement bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE