- N° RG 23/04235 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDHOQ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l'ordonnance de
clôture : 29 Avril 2024
Minute n°24/682
N° RG 23/04235 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDHOQ
le
CCC : dossier
FE :
-Me FERREIRA HOUDBINE
-Me DESCHAMPS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU TRENTE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Le comité social et économique de l’établissement MARCHE DES SERVICES DE L’UES AUCHAN RETAIL EXPLOITATION (CSEE)
[Adresse 1]
représentée par Maître Bettina FERREIRA HOUDBINE de la SELAS JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
DEFENDERESSE
Madame [V] [Z] [S] épouse [H]
[Adresse 2]
représentée par Me Florence DESCHAMPS, avocate au barreau de MEAUX, avocate plaidante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré : Mme ZEDDOUN, Vice-présidente statuant comme Juge Unique
DEBATS
A l'audience publique du 07 Mai 2024,
GREFFIERES
Lors des débats : Mme BOUBEKER, greffière et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière
JUGEMENT
Réputé contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré et après prorogation du délibéré initialement prévu le 05 juillet 2024, Madame ZEDDOUN , Présidente, ayant signé la minute avec Madame CAMARO, Greffière ;
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FAITS ET PROCÉDURE :
Reprochant à sa trésorière d’avoir détourné une somme de 73.000,69 € entre le 25 janvier 2021 et le 30 juin 2023, le comité social et économique de l’établissement Marché des Services de l’unité économique et sociale Auchan Retail Exploitation (ci-après le CSEE Marché des Services de l’UES Auchan Retail Exploitation) a, par acte de commissaire justice en date du 13 septembre 2023, fait assigner Mme [V] [S] devant le tribunal judiciaire de Meaux pour obtenir le paiement de la somme de 73.000,69 € en réparation de son préjudice financier, la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice moral et la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens.
Au soutien de sa demande, le CSEE Marché des Services de l’UES Auchan Retail Exploitation expose que Mme [V] [S], salariée de la société Auchan Hypermarché et élue du CSEE Marché des Services, a occupé les fonctions de trésorière du CSEE à compter du 15 novembre 2019, qu’elle a eu à ce titre la responsabilité de la gestion des comptes bancaires et disposait dans le cadre de son mandat des moyens de paiement du CSEE.
Il fait valoir que dans le courant du deuxième trimestre 2023, M. [G] [O], trésorier adjoint, a constaté des dépenses anormales sur les comptes affectés aux activités sociales et culturelles et sur ceux affectés au budget de fonctionnement du CSEE. Il explique encore que le président du CSEE a alors sollicité l’expert-comptable du CSEE qui a indiqué n’avoir plus de nouvelles du CSEE depuis ses relances concernant la justification de 377 dépenses sur la période 2022 et 2003. Il ajoute, qu’interrogée sur les dépenses litigieuses, Mme [V] [S] n’a apporté aucune réponse claire. Il précise qu’à la date du mois de juin 2023, le montant des sommes détournées s’élevait à 73.000,69 €, soit 53.862,66 € sur le budget de fonctionnement et 19.138,03 € sur le budget des activités sociales et culturelles. Il soutient qu’au préjudice financier s’ajoute un préjudice moral, Mme [V] [S] ayant trompé la confiance du comité et de ses élus et qu’elle a entaché l’image du CSEE auprès des salariés au profit desquels il est censé œuvrer.
Bien qu’assignée à personne, Mme [V] [S] n'a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 avril 2024. L’affaire a été appelée à l’audience du juge unique du 07 mai 2024 et mise en délibéré au 05 juillet 2024, prorogé au 30 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur les fautes de gestion de Mme [V] [S] :
L’article 1991 du code civil dispose que le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexecution.
L’article 1992 du même code précise que le mandataire répond non seulement du dol mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion.
Enfin, en vertu de l’article 1993 du code civil, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion.
Il ressort du procès-verbal du comité économique et social du 15 novembre 2019 que Mme [V] [S] a été désignée en qualité de trésorière du CSEE et M. [G] [O] en qualité de trésorier adjoint.
Aux termes de l’article 2.3 du règlement intérieur du comité social et économique de l’établissement Marché des Services « Le trésorier est responsable de la bonne tenue des livres comptables du CSE et de ses fonds :
il établit le budget, tient la comptabilité du CSE et rend compte régulièrement aux membres du CSE et au Président de l’utilisation des fonds et de la situation de trésorerie ;il gère les comptes bancaires du CSE qu’il a fait ouvrir au nom du CSE ;il perçoit toutes les sommes dues au CSE et en règle les factures ;il archive les documents comptables du CSE.
Le trésorier est l’interlocuteur privilégié de l’expert-comptable du CSE. Une fois par an il organise avec lui la réunion spécifique d’arrêté des comptes et dirige l’établissement du rapport d’activité et de gestion qu’il présentera en réunion plénière du CSE pour obtenir son approbation. »
Il ressort des relevés de comptes du bugdet de fonctionnement du CSEE et de ceux du compte des activités sociales et culturelles du CSEE produits aux débats que durant le mandat de Mme [V] [S], des dépenses étrangères au fonctionnement et au financement des œuvres sociales du CSEE ont été effectués par les moyens de paiement mis à la disposition du trésorier.
L’examen des comptes montre que sur la période du 25 janvier 2021 au 30 juin 2023, les sommes détournées s’élèvent à 53.862,66 € sur le budget de fonctionnement et à 19.138,03 € sur le budget des activités sociales et culturelles, soit un montant global de 73.000,69 €. Les dépenses anormales portent notamment sur des retraits d’espèces dont certains ont été effectués au Portugal, un virement de 5.000 € réalisé au profit d’un compte intitulé « [V] [S] », des locations de voiture en Espagne, des dépenses à Center Parcs (2.000 €), des dépenses chez Amazon (2.300 €), à la station U (1.200 €), au Super U (1.600 €), à Carrefour, à l’office du tourisme de la Vienne, à l’hôtel [3], aux restaurants, outre des dépenses effectuées à l’étranger.
L’étude des relevés de comptes a permis d’établir qu’il existait un écart entre les comptes présentés par Mme [V] [S] et les relevés de comptes bancaires.
Lors de la séance du CSEE Marchés des Services du 20 juin 2023, Mme [V] [S] n’a pas contesté être seule titulaire des moyens de paiement du CSEE. Elle n’a toutefois apporté aucune explication crédible sur les anomalies de trésorerie relevées sur la période 2021-2023 se contentant de déclarer, que les comptes du CSEE avaient été piratés et qu’elle avait porté plainte estimant le préjudice à cette époque à environ 20.000 €. Elle expliquait encore que pour certaines dépenses non justifiées, elle avait par inadvertance utilisé la carte bancaire Société Générale du CSEE croyant qu’il s’agissant de sa carte bancaire personnelle puisqu’elle a un compte ouvert dans la même banque que le CSEE. Elle n’a produit lors de cette séance aucune pièce sur les débits injustifiés constatés sur le compte de fonctionnement et sur le compte des activités sociales et culturelles ni justifié son silence aux relances de l’expert-comptable concernant les dépenses anormales.
Mme [V] [S], qui aurait pu se saisir de cette procédure pour s’expliquer, ne vient pas se défendre et ne rapporte donc pas la preuve de l’affectation des débits injustifiés.
En sa qualité de trésorière, Mme [V] [S] est tenue de présenter des comptes sincères et vérifiables. En opérant des opérations sans justificatif et sans lien avec le CSEE dont elle est la trésorière, Mme [V] [S] a manqué à son obligation de probité. Ces dépenses injustifiées constituent une faute à l’origine d’un préjudice financier subi par le CSEE.
Mme [V] [S], responsable de sa gestion en qualité de mandataire, sera donc condamnée au paiement de la somme de 73.000,69 € correspondant aux sommes débitées sur les comptes bancaires « bugdet de fonctionnement du CSE » et « activités sociales et culturelles » du CSEE ouverts dans les livres de la banque Société Générale.
Outre son préjudice financier, le CSEE a également subi un préjudice moral dans la mesure où les fautes de gestion Mme [V] [S] ont été à l’origine de difficultés financières et d’une désorganisation des budgets du CSEE.
Mme [V] [S] sera en conséquence condamnée à payer au CSEE Marché des Services de l’UES Auchan Retail Exploitation la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par le CSEE.
Sur les demandes accessoires :
Sur les dépens :
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Succombant, Mme [V] [S] sera condamnée aux dépens de l’instance.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Condamnée aux dépens, Mme [V] [S] sera également condamnée à payer 1.000 € au CSEE Marché des Services de l’UES Auchan Retail Exploitation au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur l’exécution provisoire :
En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Aucun élément ne justifie de faire échec à l’exécution provisoire de droit prévue par cet article.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant après débats public, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition du greffe :
Condamne Mme [V] [Z] [S] à payer au comité social et économique de l’établissement Marché des Services de l’unité économique et sociale Auchan Retail Exploitation la somme de 73.000,69 € au titre du préjudice financier.
Condamne Mme [V] [Z] [S] à payer au comité social et économique de l’établissement Marché des Services de l’unité économique et sociale Auchan Retail Exploitation la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne Mme [V] [Z] [S] aux dépens de l’instance.
Condamne Mme [V] [Z] [S] à payer au comité social et économique de l’établissement Marché des Services de l’unité économique et sociale Auchan Retail Exploitation la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelle que le présent jugement bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE